Épitrochasme

L’épitrochasme (substantif masculin), du grec epi ("sur, en plus") et trokhaikos ("propre à la course"), désigne une figure de style fondée sur une accumulation de mots courts et expressifs, fréquemment utilisée dans l'invective. Elle est proche des autres figures de l'accumulation comme l'asyndète ou l'énumération.

Exemples

《Tout au long d' la vie qui pique on prend des beignes》

- Alain Souchon, les filles électriques

« son esprit, strict, droit, bref, sec et lourd »

 Alfred de Vigny, Stello

Dans l'exemple suivant, on voit comment, dans le rap, l'épitrochasme se combine astucieusement avec la paronomase dans un souci d'expressivité :

« Je me glisse, m'immisce entre les cuisses lisses de la miss
Ses yeux se plissent, et ell' dit "Stopp' ton vice" »

 MC Solaar, Obsolète sur l'album Prose combat

  • La guerre le vin le tabac les femmes
    Le plaisir les hommes la guerre l'argent
    Les femmes le plaisir les hommes les perles
    Les affaires l'or le vin

     Pierre Jean Jouve, le soleil discordant

  • Vomit sa vieille nuit, crie: à bas! crie: à mort!
    Pleure, tonne, tempête, éclate, hurle, mord.

     Victor Hugo, Les contemplations

Définition

Définition linguistique

Grammaticalement, l'épitrochasme est une accumulation de mots courts et expressifs. Pour Morié, elle est une figure du rythme proche de l'asyndète ou de l'énumération mais à vocation poétique qui permet de respecter les contraintes de versification (respect des pieds permettant de constituer des vers égaux par exemple) :

« (...) et son esprit strict, droit, bref, sec et lourd, ne subissait aucune altération dans la soirée »

 Alfred de Vigny, Stello

Définition stylistique

Les effets de l'épitrochasme sont avant tout rythmiques. L'auteur peut vouloir suggérer un rythme sautillant ou saccadé :

« Je trouvai un petit vieux frétillant, sec, tout en nerfs, alerte et gai comme une abeille »

 Alphonse Daudet, Le Petit chose

ou un rythme lent au contraire :

« Dans un chemin montant, sablonneux, malaisé... L'attelage suait, soufflait, était rendu »

 La Fontaine, Fables

L'épitrochasme peut également enrichir des descriptions, en apportant une information détaillée, par petites touches à la manière impressionniste, comme l'asyndète ou l'énumération.

Genres concernés

On retrouve des épitrochasmes dans la poésie surtout car il s'agit historiquement d'une figure rythmique. La prose y a recours pour poétiser le discours, en concurrence avec l'asyndète.

Les haïkus[1] se fondent sur des épitrochasmes, qui permettent ainsi de rendre compte d'impressions fugitives. En peinture, l'accumulation de touches de couleur comme dans l'impressionnisme et le pointillisme peut être considérée comme des épitrochasmes.

La musique, comme la poésie utilise ses ressources de suggestion rythmique, notamment le scat ou le rap qui l'emploient afin de condenser une description.

Historique de la notion

Étymologiquement, l'épitrochasme a la même étymologie que trochée, qui, dans la métrique ancienne, désigne un pied formé de deux syllabes, une longue et une brève. Le sens de la figure conserve en effet celui de jeu sur le rythme. Le Dictionnaire historique de la langue française en effet relève que l'épitrochasme désignait auparavant un type de vers : « se dit d'un rythme, d'un vers dont le pied fondamental est la trochée ». Néanmoins, le vers monosyllabique que l'on relie souvent à la trochée ne constitue pas pour autant un épitrochasme ; seule une série de trochées (ou de syllabes longues) accentuées sont un épitrochasme.

Figures proches

Notes et références

Bibliographie

Bibliographie

Bibliographie des figures de style

  • Quintilien (trad. Jean Cousin), De l'Institution oratoire, t. I, Paris, Les Belles Lettres, coll. « Budé Série Latine », , 392 p. (ISBN 2-2510-1202-8).
  • Antoine Fouquelin, La Rhétorique françoise, Paris, A. Wechel, (ASIN B001C9C7IQ).
  • César Chesneau Dumarsais, Des tropes ou Des différents sens dans lesquels on peut prendre un même mot dans une même langue, Impr. de Delalain, (réimpr. Nouvelle édition augmentée de la Construction oratoire, par l’abbé Batteux.), 362 p. (ASIN B001CAQJ52, lire en ligne)
  • Pierre Fontanier, Les Figures du discours, Paris, Flammarion, (ISBN 2-0808-1015-4, lire en ligne).
  • Patrick Bacry, Les Figures de style et autres procédés stylistiques, Paris, Belin, coll. « Collection Sujets », , 335 p. (ISBN 2-7011-1393-8).
  • Bernard Dupriez, Gradus, les procédés littéraires, Paris, 10/18, coll. « Domaine français », , 540 p. (ISBN 2-2640-3709-1).
  • Catherine Fromilhague, Les Figures de style, Paris, Armand Colin, coll. « 128 Lettres », 2010 (1re  éd. nathan, 1995), 128 p. (ISBN 978-2-2003-5236-3).
  • Georges Molinié et Michèle Aquien, Dictionnaire de rhétorique et de poétique, Paris, LGF - Livre de Poche, coll. « Encyclopédies d’aujourd’hui », , 350 p. (ISBN 2-2531-3017-6).
  • Michel Pougeoise, Dictionnaire de rhétorique, Paris, Armand Colin, , 228 p., 16 cm × 24 cm (ISBN 978-2-2002-5239-7).
  • Olivier Reboul, Introduction à la rhétorique, Paris, Presses universitaires de France, coll. « Premier cycle », , 256 p., 15 cm × 22 cm (ISBN 2-1304-3917-9).
  • Hendrik Van Gorp, Dirk Delabastita, Georges Legros, Rainier Grutman et al., Dictionnaire des termes littéraires, Paris, Honoré Champion, , 533 p. (ISBN 978-2-7453-1325-6).
  • Groupe µ, Rhétorique générale, Paris, Larousse, coll. « Langue et langage », .
  • Nicole Ricalens-Pourchot, Dictionnaire des figures de style, Paris, Armand Colin, , 218 p. (ISBN 2-200-26457-7).
  • Michel Jarrety (dir.), Lexique des termes littéraires, Paris, Le Livre de poche, , 475 p. (ISBN 978-2-253-06745-0).
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