Polysyndète

La polysyndète (substantif féminin), du grec poly plusieurs »), syn ensemble ») et dète lié ») est une figure de style reposant sur un mode de liaison consistant à mettre une conjonction de coordination au début de chacun des membres de la (ou des) phrase(s) formant une énumération, le plus souvent alors qu'elle n'y est pas nécessaire. Il s'agit d'une figure de style qui permet de ralentir le rythme de la prosodie, de lui donner un air solennel ou encore de la rendre envoûtante, en poésie. Elle a également pour effet de mettre en relief chaque mot, substantifs et verbes, et est censée provoquer l'intérêt ou l'indignation du lecteur, de l'auditeur. Elle est l'inverse de l'asyndète (absence de liens de coordination).

Exemples

Un soir, j'ai assis la Beauté sur mes genoux. − Et je l'ai trouvée amère. − Et je l'ai injuriée

 Rimbaud, Une saison en enfer

Mais tout dort, et l'armée, et les vents, et Neptune

 Jean Racine, Iphigénie, I, 1

Et son bras et sa jambe, et sa cuisse et ses reins,
Polis comme de l'huile, onduleux comme un cygne,
Passaient devant mes yeux clairvoyants et sereins;
Et son ventre et ses seins, ces grappes de ma vigne...

 Charles Baudelaire, Les Bijoux

Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant
D'une femme inconnue, et que j'aime, et qui m'aime,
Et qui n'est, chaque fois, ni tout à fait la même
Ni tout à fait une autre, et m'aime et me comprend.

 Paul Verlaine, Poèmes saturniens

Madame, qui l'eût dit que dans vos bras habite
Amour si tristement et subie, et subite ?

 Paul-Jean Toulet, Les Contrerimes

Ma chère, joins tes doigts et pleure et rêve et prie

 Émile Nelligan, Poésies complètes

Il faut les croire sur baiser
Et sur parole et sur regard
Et ne baiser que leurs baisers

 Paul Éluard, La Vie immédiate

Et la mer et l'amour ont l'amer pour partage,
Et la mer est amère, et l'amour est amer

 Pierre de Marbeuf, Poètes français de l'âge baroque, Anthologie (1571-1677)

Perdu parmi deux millions de fous héroïques et déchaînés et armés jusqu'aux cheveux ?

 Céline, Voyage au bout de la nuit

Et les rimes et la mesure
Sont des chaînes pour la raison.

 Antoine Houdar de La Motte, Anthologie de la poésie française du XVIIIe siècle au XXe siècle (nrf)

« Je dis perdre, à la vérité, ne nous réservant rien qui nous fût propre, ni qui fût ou sien, ou mien. », Montaigne, Essais, De l'amitié

Définition

Définition linguistique

La polysyndète accumule les mots de liaison de même nature, tout le long du développement. On peut la schématiser ainsi : et A et B comme dans : « (...) extrêmement oisif, extrêmement libre, et par nature et par art » (Montaigne, Essais, livre II, chap.17)

La polysyndète se fonde donc sur des conjonctions de coordination, très souvent la conjonction et mais pas seulement : ni, mais, ou, enfin. On parle alors de structure polysyndétique.

On retrouve la polysyndète dans de nombreuses énumérations dont elle permet la dynamique (voir l'exemple caractéristique de Baudelaire ci-dessus), surtout dans l'Ancien Testament : Genèse et Psaumes en particulier ; dans l'Apocalypse de saint Jean également.

Définition stylistique

En rhétorique, la polysyndète (polysyndéton en grec) permet d'accumuler les arguments de manière frappante, tout en maintenant sa prise de parole.

Notes et références

    Voir aussi

    Articles connexes

    Lien externe

    Bibliographie

    Bibliographie des figures de style

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    • Antoine Fouquelin, La Rhétorique françoise, Paris, A. Wechel, (ASIN B001C9C7IQ).
    • César Chesneau Dumarsais, Des tropes ou Des différents sens dans lesquels on peut prendre un même mot dans une même langue, Impr. de Delalain, (réimpr. Nouvelle édition augmentée de la Construction oratoire, par l’abbé Batteux.), 362 p. (ASIN B001CAQJ52, lire en ligne)
    • Pierre Fontanier, Les Figures du discours, Paris, Flammarion, (ISBN 2-0808-1015-4, lire en ligne).
    • Patrick Bacry, Les Figures de style et autres procédés stylistiques, Paris, Belin, coll. « Collection Sujets », , 335 p. (ISBN 2-7011-1393-8).
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    • Catherine Fromilhague, Les Figures de style, Paris, Armand Colin, coll. « 128 Lettres », 2010 (1re  éd. nathan, 1995), 128 p. (ISBN 978-2-2003-5236-3).
    • Georges Molinié et Michèle Aquien, Dictionnaire de rhétorique et de poétique, Paris, LGF - Livre de Poche, coll. « Encyclopédies d’aujourd’hui », , 350 p. (ISBN 2-2531-3017-6).
    • Michel Pougeoise, Dictionnaire de rhétorique, Paris, Armand Colin, , 228 p., 16 cm × 24 cm (ISBN 978-2-2002-5239-7).
    • Olivier Reboul, Introduction à la rhétorique, Paris, Presses universitaires de France, coll. « Premier cycle », , 256 p., 15 cm × 22 cm (ISBN 2-1304-3917-9).
    • Hendrik Van Gorp, Dirk Delabastita, Georges Legros, Rainier Grutman et al., Dictionnaire des termes littéraires, Paris, Honoré Champion, , 533 p. (ISBN 978-2-7453-1325-6).
    • Groupe µ, Rhétorique générale, Paris, Larousse, coll. « Langue et langage », .
    • Nicole Ricalens-Pourchot, Dictionnaire des figures de style, Paris, Armand Colin, , 218 p. (ISBN 2-200-26457-7).
    • Michel Jarrety (dir.), Lexique des termes littéraires, Paris, Le Livre de poche, , 475 p. (ISBN 978-2-253-06745-0).
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