Olivier Reboul (philosophe)

Olivier Reboul ,( à Strasbourg - au Chambon-sur-Lignon), est un philosophe[1]. Spécialiste du philosophe Alain, ses autres principaux domaines de compétence étaient la rhétorique et la philosophie de l'éducation.

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Biographie

Il commença sa carrière professorale au sein de l’Université de Tunis. Devenu professeur à l’Université de Montréal, ses cours contribuèrent, avec ceux de Bernard Carnois, à faire découvrir la philosophie pratique de Kant, jusqu’alors ignorée par les philosophes québécois[2]. Il devint par la suite professeur des universités à l'Université des Sciences Humaines de Strasbourg, poste qu’il occupa jusqu’à son décès. Il a été directeur du DEA Sciences de l’Éducation, commun aux Universités de Strasbourg I et Strasbourg II à partir des années 1980 (date exacte à préciser !) jusqu'à son décès[réf. nécessaire].

Une approche philosophique de la pédagogie et de ses excès

Olivier Reboul a voulu soumettre à la critique certains mots-slogans de l’Éducation nouvelle, comme l'École traditionnelle, la Vie, ou l'intérêt. Il a montré que l'on ne pouvait pas se contenter d'opposer l'École moderne à l'École de la soumission. Selon lui, l'éducation est une entreprise inséparable de contradictions, qu'on ne peut pas supprimer, parce qu'elles font partie des données du problème. On éduque les enfants pour les émanciper, les conduire à vivre par eux-mêmes, mais cela suppose qu'ils ne sont pas encore libres, qu'il faut exercer sur eux un travail, les protéger des autres et d'eux-mêmes. L'adulte se doit de discerner à la place de l'enfant son intérêt véritable. Reboul ne rejette d'ailleurs pas la pédagogie, il entend la cantonner à la question des moyens. La philosophie, de son côté, se demande ce qui vaut la peine d'être enseigné, où, et pourquoi. Il répond que l'école se doit de transmettre des savoirs que l'on n'apprend pas ailleurs, des savoirs à long terme, qui ont une valeur générale, et même universelle. L'École ne se contente pas d'adapter les enfants à la société, elle n'en fait pas des outils, elle développe leurs capacités de penser, de sentir, d'agir, leur Humanité.

L’acte d’apprendre et apprendre à être

D'après Olivier Reboul[3], dans l’acte d’apprendre, les 3 premières significations d’apprendre sont organisées de manière hiérarchique :

  1. J’apprends que... est l'acte le moins important d'un point de vue intellectuel. Il s'agit de l'acte d’information qui a pour résultat l'obtention de renseignement. Indicateur d’activité dans l’information : s’informer nécessite de faire une recherche de l’information. Encore faut-il disposer de pré requis pour comprendre l’information reçue. Indicateur de passivité : s’informer et moins actif qu’apprendre. L’information vient de l’extérieur alors que l’apprentissage se fait par soi-même.
  2. J’apprends à... vient ensuite, il s'agit de l'acte d’apprentissage qui a pour résultat l’acquisition d’un savoir-faire.
  3. J’étudie est l'acte le plus important d'un point de vue intellectuel. Selon Olivier Reboul, l’acte d’étude (construction intransitive, grammaticalement : sans objet direct) a pour résultat la compréhension. Le verbe étudier conjugué se suffit à lui-même d'où son caractère intransitif c'est-à-dire non rattaché à un objet d'étude particulier.

À ces actes d'apprendre, Olivier Reboul ajoute une quatrième forme d'apprentissage, selon lui le plus important, qui consiste à « apprendre à être ». Il s'agit alors d'apprendre en devenant (ex : parents). On pose le principe qu'on ne se forme pas au métier de parent, on le devient naturellement, être parent de ses propres enfants n'est d'ailleurs pas en soi un métier.

Distinction entre apprendre et enseigner

D'après Olivier Reboul : « Apprendre n'est pas enseigner »[réf. nécessaire]. La possibilité d'un apprentissage autodidacte implique en effet qu'apprendre n'est pas le corrélatif d'enseigner : s’instruire (Apprendre) « le Learning » est différent d'instruire (Enseigner) « le Teaching ». Néanmoins, l'objectif de l'enseignement est l'apprentissage, comme l'indique Marguerite Altet en rappelant l'étymologie du verbe enseigner : « Ainsi, si l'apprentissage n'est pas toujours le résultat obtenu par l'enseignement, il en constitue l'objectif, le but visé : étymologiquement insignare = indiquer, montrer ; tout pédagogue cherche à faire réussir l'apprentissage de son élève. »[4]. De nombreux spécialistes[Qui ?] considèrent donc qu'il faut un enseignement organisé et adapté pour apprendre correctement.

Conditions d'enseignement

Olivier Reboul estime qu'il existe 6 conditions nécessaires pour enseigner :

1) L’intention de faire apprendre : elle doit être consciente et la finalité de l’enseignement c’est de faire apprendre. Ce n’est pas seulement une transmission de savoirs, on transmet plus que des savoirs. (valeurs humanistes)

2) Un cadre institutionnel : loi Jules Ferry 1882 qui rend obligatoire l’école publique, gratuite et laïque. Il faut une institution scolaire et au moins un enseignant pour qu’il y ait enseignement.

3) L’enseignement est un bien culturel : Il faut asseoir une culture de la démocratie comme système de gouvernance de la France. C’est pourquoi il faut faire des élèves de futurs citoyens éclairés. Ce bien culturel nous permet d’orienter nos choix politiques dans la société.

4) L’enseignement est une activité à long terme : découpage du savoir en programmes. On a deux notions : la durée et le programme. Les programmes sont des progressions cohérentes, l’acquisition d’un contenu permet d’acquérir d’autres contenus. Il faut du temps pour apprendre.

5) Avoir des enseignants compétents : les enseignants doivent avoir une double compétence, une sur le contenu enseigné et une sur la façon d’enseigner (pédagogie) pour rendre les acquis transférables.

6) L’enseignement vise la formation de l’esprit critique : différence entre enseignement et endoctrinement. Il s’agit de former les élèves à un esprit critique autrement dit faire apprendre ne signifie pas faire croire.

La question des valeurs

Olivier Reboul juge centrale la question des valeurs de l'Éducation. Refuser l'ignorance, par exemple, c'est faire du savoir une valeur. Éduquer, c'est forcément se rattacher à un projet, à un type d'homme qu'on estime, à tort ou à raison, meilleur qu'un autre. Ce rappel n'est pas forcément du goût des éducateurs, qui n'apprécient pas qu'on leur rappelle ainsi leurs responsabilités et leur pouvoir. L'analyse de Reboul a donc un côté délibérément polémique et est source de controverses.

Bibliographie

Ouvrages d'Olivier Reboul

  • L'homme et ses passions d'après Alain. I : La passion - Paris : PUF, 1968 - coll. Publications de l'université de Tunis. Faculté des lettres et sciences humaines, 6e série : Philosophie, Volume n°III.
  • L'homme et ses passions d'après Alain. II : La sagesse - Paris : PUF, 1968 - coll. Publications de l'université de Tunis. Faculté des lettres et Sciences humaines, 6e série : Philosophie, Volume n°III.
  • Kant et le problème du mal - Montréal : Presses de l'université de Montréal, 1971.
  • L'élan humain ou l'éducation selon Alain - Paris : éd. J. Vrin ; Montréal : Presses de l'université de Montréal, 1974 - coll. L'Enfant n°XVI.
  • Nietzsche critique de Kant - Paris : PUF, 1974 - coll. Le philosophe n°113.
  • Le slogan - Bruxelles : éd. Complexe ; Paris : PUF, 1975. - coll. L'Humanité complexe
  • L'Endoctrinement - Paris : PUF, 1977 - coll. L'éducateur n°59.
  • Langage et idéologie - Paris : PUF, 1980.
  • Qu'est-ce qu'apprendre ? Pour une philosophie de l'enseignement - Paris : PUF, 1980 - coll. L'éducateur. Rééd. 2010
  • Le Langage de l'éducation. Analyse du discours pédagogique - Paris : PUF, 1984 - coll. L'éducateur.
  • Réflexions sur la ressemblance, in Les Etudes philosophiques, 1985, n°4, pp.503-516
  • avec Jean-François Garcia (Dir.) : Rhétorique(s) - Strasbourg : PUS, 1989 - coll. Cahiers du séminaire de philosophie n°9.
  • avec Jean-François Garcia (Dir.) : Rhétorique et pédagogie - Strasbourg : PUS, 1991 - coll. Cahiers du séminaire de philosophie n°10.
  • avec Jean-François Garcia (Dir.) : Rhétorique de... - Strasbourg : PUS, 1992 - coll. Cahiers du séminaire de philosophie n°12.
  • Introduction à la rhétorique : théorie et pratique - 4e éd. - Paris : PUF, 2009 - coll. Premier cycle.
  • La rhétorique - 4e éd. - Paris : PUF, 1998 - coll. Que sais-je ? n°2133.
  • Les valeurs de l'éducation(première édition 1992) - 2e éd. - Paris : PUF, 1999 - coll. Premier cycle.
  • La philosophie de l'éducation (première édition 1971) - 9e éd. - Paris : PUF, 2001 - coll. Que sais-je ? n°2441.

Ouvrages portant sur Olivier Reboul

  • Renée Bouveresse (sous la dir. de) : Education et philosophie : écrits en l'honneur d'Olivier Reboul - Paris : PUF, 1993.

Références

[réf. incomplète]

  1. Gérard Deledalle, « Deux disparitions - Le philosophe Olivier Reboul », Le Monde, no 8 janvier, (lire en ligne)
  2. Jean Grondin : Les débuts de la philosophie allemande au Canada français : contexte et raisons
  3. Olivier Reboul (2010), Qu'est-ce qu'apprendre, PUF collection "Education et Formation"
  4. Marguerite ALTET (2006),Les pédagogies de l'apprentissage, Paris, PUF, p. 5
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