Neurolupus

Le neurolupus (ou Neuropsychiatric systemic lupus erythematosus ou NPSLE pour les anglophones) est le nom donné à un ensemble hétérogène de manifestations cliniques (psychologique et psychiatriques), qui sont les manifestations les moins bien comprises, mais parmi les plus fréquentes du Lupus érythémateux systémique (maladie auto-immune touchant principalement la peau et les articulations pour ce qui concerne les symptômes visibles).

Les manifestations les plus fréquentes (50 à 80 % des cas selon les auteurs[1]) de cette maladie sont des dysfonctionnements cognitifs légers, modérés à sévère (ces dysfonctionnement sont observés dans 11 à 54 % des cas (selon les auteurs, voire jusqu’à 80%[2]) et des céphalées observées dans 24 à 72 % des cas (mais l’association a été controversée), il s’agit pour ces céphalées de migraines avec ou sans aura, de céphalées de tension ou d’HTIC bénigne. Cette maladie est souvent résistante aux médicaments, mais de nouveaux traitements sont développés depuis les années 2000[3],[4].

Une classification établie en 1999 par l’American College of Rheumatology (ACR) a proposé un consensus de 12 définitions de manifestations neurologiques centrales et de sept définitions de manifestations neurologiques périphériques attribuables au lupus (« neurolupus »).


Éléments de définition

On parle de « neurolupus » pour décrire les cas où les manifestations d’atteinte du système nerveux central dépassent nettement celles dues à des atteintes du système nerveux périphérique, ce qui implique outre des atteintes focales (Myélite transverse[5], accident vasculaire cérébral) la présence d’une psychose, d'anxiété, de dépression ou d’autres signes d’atteinte cérébrale. Ces manifestations apparaissent en l'absence d'autres cause médicamenteuse ou métabolique (Insuffisance rénale chronique ou aiguë/terminale, acidocétose ou désordres hydroélectrolytiques).

Le lupus peut être « actif » ou « quiescent »[6],[7].

Il est souvent difficile de savoir si tout ou partie de ces manifestations sont liées au lupus ou induites par le traitement (quand elles apparaissent après le traitement notamment) ou s’il s’agit d’une coïncidence ; c’est alors le diagnostic différentiel peut donner des indications en faveur ou non de l’exclusion des autres causes possibles des syndromes observés. Il est complété par des éléments de diagnostic provenant de la clinique, la biologie et l’imagerie médicale[8], recherchés parallèlement[9].

Diagnostic

Selon le Pr Levesque, pour poser un bon diagnostic, le médecin doit exclure les manifestations les moins spécifiques (anxiété, dépression modérée, atteinte cognitives et neuropathies non objectivées, céphalées...) ; la Prévalence parmi les cas possibles chute alors à 46 % (contre 91 % initialement) (OR : 7) et la « Spécificité » passe à 93 % (contre 46 % initialement)[10]. À titre d’exemple, une étude ayant comparé 46 patients lupiques à 46 personnes-témoins a conclu à la présence de manifestations neuropsychiatriques chez 91 % des patients lupiques contre « seulement » 54 % des cas chez les témoins[11].

Classification établie en 1999 par l’American College of Rheumatology (ACR)
basé sur 12 définitions de manifestations neurologiques centrales et sept définitions de manifestations neurologiques périphériques pouvant être attribuées au « neurolupus ».

Système nerveux central :Système nerveux périphérique
1 Méningite aseptique[12]13. Syndrome de Guillain-Barré
2. Maladie cérébro-vasculaire14. Atteinte du système nerveux autonome
3.Syndrome démyélinisant15. Mononeuropathies
4.Céphalées16. Myasthénie
5.Chorée17. Atteinte des nerfs crâniens
6.Myélite18. Plexopathie
7.Convulsions19. Polynévrite
8.Confusion aiguë
9.Anxiété
10.Dysfonction cognitive,
qui peut évoluer avec la durée et la progression de la maladie[13], avec :
- troubles de l'attention et de la concentration[14];
- dégradation de la mémoire[14]
- Troubles de la production verbale[14]
- diminution de la compétence visuelle et spatiale[14]
- Troubles de la rapidité psychomotrice[14].
11.Troubles de l'humeur
12.Psychose

Le tableau ci-dessus (issu du consensus de 1999) présente l'intérêt d'une nomenclature commune harmonisant la terminologie des manifestations neuropsychiatriques. Il permet une meilleure comparabilité des études lancées depuis 1999, mais plusieurs études publiées depuis ont conclu à une prévalence du neurolupus variant entre 20 à 97 %, ce qui confirme si besoin était la grande difficulté diagnostique et/ou l’hétérogénéité de ces manifestations. Il est toujours difficile de classer certains événement secondaire (« réactionnel ») observés chez le patient lupique comme induits par la maladie ou complètement indépendant de celle-ci.

Le diagnostic s'inscrit dans celui du LED qui est lui-même toujours délicat car les symptômes ne sont pas spécifiques à la maladie, et ils sont très variables selon les patients.

Selon le Pr Levesque (en 2010) [15], si quatre critères parmi les onze retenus ci-dessous sont réunis, certains auteurs considèrent qu'il y a LED avec une sensibilité et spécificité de 96 %

  1. Rash malaire
  2. Lupus discoïde
  3. Photosensibilité
  4. Ulcérations orales ou nasopharyngées
  5. Arthrite non érosive touchant au moins 2 articulations périphériques
  6. Pleurésie ou péricardite
  7. Protéinurie > 0,5 g/jour ou cylindrurie
  8. Convulsions ou psychose
  9. ou
    - anémie hémolytique ou
    - leucopénie <4000/μl constatée à 2 reprises ou
    - lymphopénie <1500/μl constatée à 2 reprises ou
    - thrombopénie <100 000/μl en l'absence de drogues cytopéniantes ;
  10. 10 anticorps anti ADN natif ou anticorps anti Sm ou sérologie syphilitique dissociée constatée à 2 reprises en 6 mois, ou anticoagulant circulant de type lupique ou anticorps anti-cardiolipine
  11. Titre anormal de facteurs anti-nucléaires en l'absence de drogues inductrices.

Causes et facteurs favorisants

Le « Neurolupus » correspond à des lésions neuronales induites par l'activation indue de divers cytokines inflammatoires, auto-anticorps et complexes immuns, ces lésions étant liées à une vasculopathie, des réactions cytotoxiques et aux effets des auto-anticorps.

Les facteurs favorisants (exogènes et endogènes) sont a priori parmi ceux qui ont été identifiés pour le LED (Lupus érythémateux diffus)

Traitements

Les causes étant a priori multiples, la gestion de la maladie (NPSLE) est « multimodale », mais ne semble pas avoir déjà fait l'objet d'études très poussées.

Les patients sont d’abord traités par des médicaments anti-inflammatoires non-stéroïdiens, des anti-coagulants et des immunosuppresseurs tels que le cyclophosphamide, l'azathioprine, le mycophénolate mofétil et le méthotrexate.

Dans les années 2000, des cas résistant à aux traitements classiques ont pu être traités[3],[16],[17] (avec des rechutes parfois) par immunoglobuline en intraveineuse (IVIG), plasmaphérèse et rituximab ont été utilisés.

Un traitement symptomatique d'appoint vient compléter ces thérapies en ciblant les troubles de l'humeur et d'éventuels comportements psychotiques, troubles cognitifs, convulsions[18] ou migraines.

Dans les années 2000-2010 de nouveaux agents biologiques sont testés dont le Belimumab (anticorps monoclonal humain ciblant stimulateur des lymphocytes B). L'AMM (autorisation de mise sur le marché) du Belimumab stipule explicitement sa contre indication en cas d'atteinte neurologique liée au lupus[19].

Épidémiologie

Les études épidémiologiques sur le neurolupus ont été rendues difficiles par les biais d'échantillonnage, la non-spécificité des symptômes, le manque de standardisation internationale des critères de diagnostic et le manque de population de référence (groupes témoins).

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

Bibliographie

  • Cohen-Solal, J. F. G., & Diamond, B. (2011). Neuropsychiatric lupus and auto-antibodies against ionotropic glutamate receptor (NMDAR). La Revue de médecine interne/fondée... par la Société nationale française de médecine interne, 32(2), 130.
  • De Bandt, M., Palazzo, E., Belmatoug, N., M'BAPPE, P., Hayem, G., KAHN, M. F., & Meyer, O. (2000). Devenir des grossesses lupiques: une expérience monocentrique. In Annales de médecine interne (Vol. 151, No. 2, p. 87-92). Masson (résumé).
  • Lefèvre, G., Zéphir, H., Warembourg, F., Michelin, E., Pruvo, J. P., Hachulla, E.... & Launay, D. (2012). Neurolupus (1re partie). Description et démarche diagnostique et thérapeutique dans les manifestations neurologiques centrales et psychiatriques au cours du lupus érythémateux systémique. La Revue de médecine interne, 33(9), 491-502 (résumé).
  • Lefèvre, G., Zéphir, H., Michelin, E., Semah, F., Warembourg, F., Pruvo, J. P.... & Launay, D. (2012). Neurolupus (2e partie). Description des outils diagnostiques et thérapeutiques devant une manifestation psychiatrique ou neurologique centrale au cours du lupus érythémateux systémique. La Revue de médecine interne, 33(9), 503-513 (résumé).
  • Marra, D. (2004, December). Lupus et troubles psychiatriques: du diagnostic étiologique au traitement. In Annales Médico-psychologiques, revue psychiatrique (Vol. 162, No. 10, p. 806-812). Elsevier Masson (résumé)
  • Paiva, T., da Silva, J. C., Pimentel, T., Romeu, J. C., Rosa, A., Rosa, C. M.... & Queiroz, M. V. (1988). Neurophysiological tests in neurolupus. Acta Médica Portuguesa, 1(4-6), 261-4.

Notes et références

  1. Ainiala et al . Arthritis Rheum 2001 Brey et al. Neurology 2002 ; Sanna et al. J Rheumatol 2003 ; Hanly et al. J Rheumatol 2004 ; Sibitt et al . J Rheumatol 2002, cités par la thèse de Launay en 2008
  2. Ainalia et al. Arthris Rheum 2001. Denburg et al. Lupus 2003)
  3. Tokunaga, M., Saito, K., Kawabata, D., Imura, Y., Fujii, T., Nakayamada, S.... & Tanaka, Y. (2007). Efficacy of rituximab (anti-CD20) for refractory systemic lupus erythematosus involving the central nervous system. Annals of the rheumatic diseases, 66(4), 470-475 (http://ard.bmj.com/content/66/4/470.full.html résumé]).
  4. Tanaka, Y., Yamamoto, K., Takeuchi, T., Nishimoto, N., Miyasaka, N., Sumida, T.... & Koike, T. (2007). A multicenter phase I/II trial of rituximab for refractory systemic lupus erythematosus. Modern Rheumatology, 17(3), 191-197 (http://informahealthcare.com/doi/abs/10.3109/s10165-007-0565-z résumé])
  5. Villet, A., Nalet, E., Lebrun, C., Beaune, G., Santre, C., Dorez, D.... & Sirodot, M. (2003, May). La myélite transverse aiguë: importance de la biologie dans la stratégie diagnostique. In Annales de Biologie Clinique ; Vol. 61, No. 3, p. 323-327 (résumé).
  6. Gladman, D. D., Urowitz, M. B., & Keystone, E. C. (1979). Serologically active clinically quiescent systemic lupus erythematosus: a discordance between clinical and serologic features. The American journal of medicine, 66(2), 210-215 (http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/0002934379905291 résumé]).
  7. Jungers, P., Nahoul, K., Pelissier, C., Dougados, M., Tron, F., & Bach, J. F. (1982). Low plasma androgens in women with active or quiescent systemic lupus erythematosus. Arthritis & Rheumatism, 25(4), 454-457 (résumé).
  8. BOUDEN, A., CHERIF, O., BOUSSAMA, F., BEN DAHMEN, F., DAGHFOUS, M., & ROKBANI, L. (2000). Apport de l'imagerie par résonance magnétique au diagnostic du neuro-lupus: À propos de 10 cas. Tunisie médicale, 78(3), 181-190.
  9. (2010) Manifestations neuro-psychiatriques du Lupus Médecine interne CHU Rouen ; publié juin 2010
  10. Ainila et al. Arthritis Rheum 2001
  11. Ainila et al. Arthritis Rheum 2001
  12. Faurie, P., Pérard, L., Hot, A., Desmurs-Clavel, H., Fassier, T., Boibieux, A., & Ninet, J. (2010). Méningite aseptique récidivante due aux anti-inflammatoires non stéroïdiens chez une patiente lupique. La Revue de médecine interne, 31(10), e1-e3.
  13. Miguel et al. Medicine 1994 Goodwin et al. Ann Inter Med 1979 Giorgo et al. Nat Med 20001 Menon et al. Arthritis Rheum 1999 Hanly et al. Arthritis Rheum 1999
  14. Pr Levesque (2010) Manifestations neuro-psychiatriques du Lupus Médecine interne CHU Rouen ; publié juin 2010 voir p. 22/72 ; voir aussi Wekking et al. Psychother Psychosom 1991 ; Kozora et al. Arthritis Rheum 1996 ; Denburg et al. J Clin Exp Neuropsychol 1987 ; Fisk J et al. Br J Rheumatol 199
  15. Pr Levesque (2010) Manifestations neuro-psychiatriques du Lupus Médecine interne CHU Rouen ; publié juin 2010 voir p. 3/72
  16. Bartolucci et al. Lupus 2007
  17. Marra et al. Psychother Psychosom 2008.
  18. Gabbouj, A., Rezgui, A., Ghannouchi, N., Mzabi, A., Karmani, M., Ismail, F. B. F.... & Kechrid, C. L. (2014). Crise convulsives au cours du lupus érythémateux systémique. La Revue de Médecine Interne, 35, A145.
  19. RCP du Belimumab (Benlysta°)
  20. Muscal E, Brey RL. Neurologic manifestations of systemic lupus erythematosus in children and adults. Neurol. Clin. 2010;28(1):61–73.
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