Cytokine

Les cytokines (du grec cyto, cellule, et kinos, mouvement) sont des substances solubles de signalisation cellulaire synthétisées par les cellules du système immunitaire ou par d'autres cellules ou tissus, agissant à distance sur d'autres cellules pour en réguler l'activité et la fonction. Bien que le terme cytokine soit peu connu du grand public contrairement aux hormones et aux neuromédiateurs, ces molécules sont tout aussi essentielles à la communication de nos cellules.

Structure d'une cytokine, l'interféron de type I.

Leur action, par l’intermédiaire de récepteurs spécifiques, peut être paracrine (cellules proches), endocrine (cellules ou tissus distants), juxtacrine (cellules en contact) ou autocrine (sur la cellule productrice ou une cellule proche du même type). Il s'agit de protéines ou de glycoprotéines sécrétées ou membranaires.

Il apparaît aujourd’hui que les cytokines représentent un langage universel dans le dialogue mené entre les différentes cellules de l'organisme.

Les cytokines ont une masse moléculaire moyenne de 8 à 50 kDa.

Histoire

Certains considèrent que la première cytokine a été identifiée en 1957. Il s'agit de l’interféron, défini à l'époque par son activité anti-virale (une cellule infectée émet un message pour sa voisine pour que celle-ci se protège contre l'infection virale). Mais on peut aussi estimer qu'il s'agit de l'endogène pyrogène, identifié en 1948, comme un facteur émis au cours de l'infection pour induire la fièvre.

Le terme « cytokine » fut introduit en 1974 par Stanley Cohen.

En quelques décennies, les cytokines ont connu une explosion d'intérêt dans les domaines de la recherche et de la médecine qui a abouti à une avalanche d'études et de données nouvelles. Il a été mis en avant l’implication des cytokines dans les processus liés à l'embryogenèse, la reproduction (biologie), la gestation, l'hématopoïèse, la réponse immunitaire, l'inflammation. Mais les cytokines contribuent aussi à des situations pathologiques comme : auto-immunité, sepsis, cancer, maladies inflammatoires chroniques (entérocolites, maladie de Crohn, polyarthrite rhumatoïde, psoriasis, etc.), hépatites virales, l'infection par le VIH, etc.

Les cytokines peuvent être aussi des agents thérapeutiques (par exemple G-CSF pour faciliter la reconstitution hématologique, etc.) ou des cibles (par exemple TNF dans maladie de Crohn, polyarthrite rhumatoïde, etc.).

La grande famille des cytokines

  • Interférons ;
  • Interleukines (IL-) : il s'agit de cytokines regroupées sous cette terminologie sans parenté biochimique ni de fonction, mais classées par commodité au gré des découvertes. Le terme a été créé en 1979 à une époque où l'on ne connaissait que deux interleukines (IL-1 et IL-2). On compte aujourd’hui 35 cytokines sous l'intitulé IL-. Cela dit, il en existe davantage, puisqu'on compte par exemple 11 membres de la famille de l'IL-1.
  • Chimiokines : définit l'ensemble des cytokines de faible poids ayant toute en commun un pouvoir chimiotactique. On en connaît plus de 40 ; leur nomenclature est basée sur des points précis de leur structure (CCL1 à CCL28, CXCL1 à CXCL16, XCL1 & 2, CX3CL1) ;
  • La famille du facteur de nécrose tumorale (TNF) : des membres issus d'un gène ancestral commun, pouvant aussi être à la surface des cellules ;
  • Les colony stimulating factors (CSF) : des cytokines jouant un rôle dans l'hématopoïèse, mais aussi pouvant activer les leucocytes matures ;
  • Les facteurs de croissance de transformation (TGF) : des facteurs de croissance impliqués dans la cicatrisation et le contrôle négatif de l'inflammation ;
  • Les lymphokines ou monokines (termes obsolètes).

Récepteurs

Les récepteurs membranaires semblent pouvoir se classer sous un certain nombre de familles en fonction des domaines qui les constituent :

  • récepteurs des hématopoïétines ;
  • récepteurs des IFNs [réf. souhaitée] ;
  • récepteurs apparentés à la superfamille des immunoglobulines ;
  • récepteurs des chimiokines (à 7 domaines transmembranaires) ;
  • récepteurs de la famille du TNF.

Les récepteurs peuvent être libérés de la surface des cellules et modifier la fonction des cytokines en tant que récepteurs solubles.

Cytokines et hormones

Les cytokines se distinguent des hormones par quatre principes fondamentaux :

Les sources

Les cytokines sont sécrétées par plusieurs types cellulaires (par exemple par les lymphocytes B). Les hormones quant à elles sont sécrétées par un seul type de cellule spécialisée et localisée.

Les cibles

Les cellules principalement ciblées par les cytokines sont nombreuses et incluent les cellules hématopoïétiques, alors que dans le cas des hormones, celles-ci sont plus spécifiques de leurs cellules cibles. On dit que les cytokines ont un effet pléiotrope (de pleio, plusieurs, et tropos, changement) car elles influent sur des cellules très différentes et induisent des changements divers.

Les activités

Les cytokines ont un large spectre d’activité. Il existe même une forte redondance. Quant aux hormones, elles ont essentiellement une activité unique ou plus restreinte.

Les modes d’action

Les hormones ont un mode d’action endocrine (agissent à distance après avoir été véhiculées par le sang), alors que pour les cytokines il est multiple : paracrine, autocrine, juxtacrine et endocrine.

Cytokines et grippe

Article connexe : choc cytokinique.

Le virus H5N1 de la grippe aviaire, hautement pathogène, et le H1N1, responsable de la grippe espagnole de 1918-1919, déclenchent chez l'homme (non vacciné ni immunisé) comme chez l'animal (non vacciné ni immunisé) une réaction anormalement vive du système immunitaire. La sécrétion de cytokines est si brutale et importante qu'au lieu de réguler l'inflammation, elle provoque des défaillances organiques parfois mortelles.

Cela arrive également lors de certaines « grippes malignes » où une production très abondante de cytokines provoque par exemple un œdème aigu du poumon, lequel perd alors de son élasticité et donc de sa fonctionnalité. L'expression « tempête de cytokines (en) » décrit ce phénomène.

Début 2003, l’équipe de Robert Webster a montré que le H5N1 déjouait une des fonctions du système immunitaire, qui est la « réponse cytokine ».

S. H. Seo et al. ont montré en 2004 que la résistance du virus A(H5N1)HP à l’activité antivirale des cytokines était liée à la présence du gène NS1 et, plus précisément, à l’acide glutamique en position 92 de la séquence d’acides aminés. Des porcs expérimentalement infectés avec un virus recombinant reconstitué par génétique inverse, porteur du gène de la protéine non structurale (NS1) du virus A(H5N1) isolé à Hong Kong, ont développé une grippe cliniquement plus sévère que lors d'une infection par le virus « sauvage ».

De plus, les études in vitro sur culture de cellules pulmonaires porcines infectées montrent que l’adjonction, au milieu de culture, d’interféron alpha, gamma et de facteur nécrose tumorale alpha n’altère pas la réplication du virus A(H5N1) [réf. souhaitée].

En 2007, l'autopsie d’un fœtus (atteint par le H5N1) d’une Chinoise de 24 ans, morte du H5N1 HP neuf jours après les premiers symptômes, a révélé la présence de virus H5N1 dans le placenta et le foie du fœtus, mais surtout dans ses poumons, où il a cependant provoqué moins de dégâts que dans ceux de la mère. L'étude suggère que ces faibles dommages pourraient s'expliquer par l’immaturité du système immunitaire du fœtus, qui n'a pas produit de tempête de cytokines et chimiokines face au virus[1].

Il semble exister néanmoins des oiseaux (par exemple des canards) porteurs asymptomatiques chez lesquels le virus ne déclenche pas ce choc cytokinique. Il serait intéressant de comprendre comment ils s'en protègent.

Chez l'homme, ce phénomène semble toucher plus particulièrement les jeunes et les adultes dans la pleine force de l'âge, ce qui expliquerait que les enfants et les personnes âgées aient été moins touchés par la grippe espagnole et le sont aussi moins par le H5N1 depuis son apparition en 1997 et son extension en 2003.

On ne connaît que deux virus, caractérisés tous deux par une particularité génétique, capables de produire de tels dégâts et si rapidement : le H1N1 de 1918 et les variants H5N1 HP récemment apparus.

Les personnes âgées développent souvent des formes pneumoniques avec surinfections. La femme enceinte peut en mourir ou avorter.

Une étude rétrospective a montré que les fœtus et embryons qui ont survécu à la pandémie de 1918 chez des mères ayant contracté le virus semblent en avoir gardé des séquelles durables mais la responsabilité des cytokines n'a pas été étudiée pour l'embryon ou le fœtus.

(Source : Menno de Jong, Nature Medicine, octobre 2006.)

Cytokines et système immunitaire

Les cytokines sont produites en réponse à des antigènes présents à la surface d'organismes étrangers ou des molécules considérées comme étrangères par le système immunitaire. Une fois qu'elles ont répondu à l'antigène, elles stimulent les cellules chargées du développement des défenses immunitaires.

Elles stimulent la croissance et la différenciation des lymphocytes.

Exemples de cytokines qui médient et régulent l'immunité innée : TNF ou l'interleukine 1.

Étymologie

Leur nom vient du grec cyto (cavité ou cellule) et kine (mouvement) [2].

Notes et références

  1. R. Deng, M. Lu, C. Korteweg et Z. Gao, « Distinctly different expression of cytokines and chemokines in the lungs of two H5N1 avian influenza patients », The Journal of Pathology, vol. 216, no 3, , p. 328–336 (ISSN 1096-9896, PMID 18788084, DOI 10.1002/path.2417, lire en ligne)
  2. (en) Thomas J. Gryczan, « Etymologia: Cytokines », Emerg Infect Dis., vol. 24, no 7, (DOI 10.3201/eid2407.ET2407, lire en ligne)

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

  • Les cytokines, sous la direction de J.-M. Cavaillon, éditions Masson, 1996.
  • « Molecular mediators: cytokines », J.-M. Cavaillon, dans Encyclopedia of Molecular Cell Biology and Molecular Medicine, deuxième édition, vol. 8, Wiley-VCH Verlag, Weinheim, 2005, pages 431 à 460.


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