Maladie de Dupuytren

La maladie de Dupuytren ou contracture de Dupuytren est une fibrose rétractile de l'aponévrose palmaire (une membrane située entre les tendons fléchisseurs et la peau). Elle entraîne une rétraction et une flexion progressive et irréductible des doigts. L'étiologie est inconnue, l'atteinte est souvent bilatérale, les tendons fléchisseurs des doigts sont indemnes, ce ne sont pas eux qui se rétractent. Elle a été décrite en 1831 par le baron Dupuytren, chirurgien à l'Hôtel-Dieu de Paris. Le traitement classique était chirurgical, le traitement de choix actuel devient l'aponévrotomie percutanée.

Maladie de Dupuytren
Contracture de Dupuytren touchant le quatrième doigt (annulaire).
Spécialité Rhumatologie
CIM-10 M72.0
CIM-9 728.6
OMIM 126900
DiseasesDB 4011
MedlinePlus 001233
eMedicine 329414 et 1238712
MeSH D004387

Mise en garde médicale

Épidémiologie

La prévalence est comprise entre 0,6 et 31,6 % et augmente avec l'âge[1].

Anatomie

La fibrose entraîne la transformation de l'aponévrose palmaire et digitale et aboutit à la formation de brides fibreuses :

  • les brides palmaires entraînent une flexion des articulations métacarpophalangiennes ;
  • les brides digitales (l'atteinte digitale pure est rare) entraînent une flexion des articulations interphalangiennes proximales et parfois distales.

Ces brides s'associent à des nodules sous-cutanés et à des ombilications cutanées.

Les doigts les plus fréquemment touchés sont par ordre de fréquence décroissante : D4, D5, D3, D1, D2[2].

Lésions histologiques

Les coupes histologiques au niveau de l'aponévrose palmaire montrent l'existence d'un tissu collagène de type III le collagène du tendon étant normalement de type I

Sans entrer dans les études au microscope électronique, il faut retenir qu'il existe deux lésions distinctes :

  • l'épaississement nodulaire de haute densité cellulaire ; de très nombreux fibroblastes et fibrocytes sont enclos dans un riche réseau de fibres collagènes avec une hypervascularisation locale ;
  • l'épaississement aponévrotique lamellaire de faible densité cellulaire ; de rares fibrocytes (appelés dans le tendon ténocytes) existent entre les fibres collagènes.

Causes et facteurs de risque

La cause de la maladie de Dupuytren reste toujours inconnue de nos jours. De nombreux facteurs ont été incriminés, tels que l’épilepsie, le diabète[3], le travail manuel[4], l’alcool[5], le tabagisme[6], etc. En fait, il s'agit essentiellement de corrélation, sans preuve formelle de causalité. Il est toutefois recommandé de rechercher systématiquement un diabète éventuel devant une maladie de Dupuytren.

La seule chose établie avec certitude est l’existence d’un facteur génétique. Exceptionnelle chez les Asiatiques et les Africains, la maladie de Dupuytren survient seulement chez les sujets blancs, européens du nord (Islande, Scandinavie, Russie, Angleterre) et chez leurs descendants, en particulier dans les pays d'émigration britannique (Canada, États-Unis, Australie). Les invasions des Vikings restent le facteur prédominant de la répartition de la maladie dans le monde, et les patients atteints ont d’ailleurs très souvent les yeux bleus ! De plus, au moins 10 % d’entre eux ont des membres de leur famille atteints par l'affection. Mais cette notion est très souvent inconnue du patient. Plusieurs mutations favorisantes ont été identifiées[7], la plupart codant pour des protéines de type Wnt[8].

Elle est plus rare chez la femme et l'atteinte y est plus tardive de près de 10 ans[9].

Diagnostic

Il est fait à l'interrogatoire médical et à l'examen clinique et doit être évoqué devant le terrain (homme de plus de 40 ans), un début insidieux et une aggravation progressive, concernant les deux mains.

L'examen montre l'apparition dans la paume de la main d'un ou plusieurs nodules siégeant à la base du 4e ou 5e doigt. Ces nodules sont fermes, adhérent à la peau et aux plans profonds. Avec le temps, ils s'allongent et forment des « cordes longitudinales ». Peu à peu apparaît une flexion irréductible des doigts intéressant les deux premières phalanges. Dans les formes graves, la main peut se fermer complètement.

L'atteinte est, en règle, non douloureuse, sans autres symptômes associés.

Évolution

La fibrose s'aggrave progressivement, par contre de manière discontinue avec des poussées successives, l'aponévrose s'épaissit, se rétracte, forme des nodules et adhère aux tendons. L'extension des doigts devient progressivement de plus en plus limitée. L'atteinte prédomine sur les 4e et 5e doigts. Finalement l'extension est impossible, les doigts deviennent totalement fléchis et restent dans cette position, entraînant une impotence fonctionnelle.

Il y a quatre stades évolutifs :

  • stade 0 : absence de lésion ;
  • stade N : nodules sans rétractation ;
  • Stade I : flexion de 0 à 45° ;
  • stade II : flexion de 45° à 90° ;
  • Stade III : flexion de 90° à 135° ;
  • Stade IV : flexion supérieure à 135°, hyperextension de la 3e phalange sur la 2e, elle-même complètement repliée sur la 1re.

La récidive de la maladie est fréquente (50 % des cas).

Traitement

Traitement chirurgical

L'indication de l'intervention est porté sur l'évolution et la présence d'une flexion permanente d'une articulation métacarpo-phalangienne de plus de 30° ou d'une articulation inter phalangienne[10].

Le traitement chirurgical classique de la maladie de Dupuytren est l'aponévrectomie, c'est-à-dire l'exérèse chirurgicale de l'aponévrose palmaire moyenne. Dans cette maladie, les tendons ne sont pas touchés. Dans les cas où le flessum (flexion permanente des doigts) est important, l'extension obtenue en per-opératoire entraîne une perte de substance cutanée qui peut nécessiter la réalisation d'un lambeau de couverture ou d'une greffe de peau. Il est également possible de laisser l'incision opératoire ouverte et d'attendre la cicatrisation par la mise en place de pansements gras. Cette intervention nécessite donc un suivi régulier pour changer les pansements pendant la cicatrisation avec des exercices pour que les doigts retrouvent leur mobilité totale. Le temps de guérison par cette méthode est d'environ un mois où le patient ne pourra pas utiliser pleinement ses mains.

L'aponévrotomie percutanée, ou fasciotomie, peut être utilisée en cas de bride palmaire unique. Le geste se fait en ambulatoire, après anesthésie locale ou loco-régionale, l'opérateur libère le tendon à l'aide du biseau d'une aiguille glissée sous la peau. Et par des flexions et extension du doigt fait rompre totalement la bride fragilisée par l'acte. Cet acte doit être effectué par un praticien très spécialisé. Il n'est pas obligatoire de le faire au bloc opératoire (bien que cela soit fortement conseillé) mais cela demande une bonne connaissance de la technique. À court terme, les résultats sont comparables à ceux de l'aponévrectomie[11]. Cette méthode présente cependant un risque important de récidive (85 % à cinq ans[12]) car les brides ne sont que sectionnées sans être enlevées. Il y a aussi un risque de sectionner un nerf ou un tendon en sectionnant la bride à l'aveugle avec le biseau de l'aiguille.

En cas de récidives multiples, et devant l'échec du traitement (aponévrectomie), on peut être amené à proposer l'amputation du doigt concerné ou la réalisation d'une arthrodèse raccourcissant de l'articulation inter-phalangienne proximale.

Risques des traitements chirurgicaux

En ce qui concerne les risques du traitement chirurgical, il faut distinguer :

  • le risque de récidive de la maladie de Dupuytren et/ou le risque de son extension à d’autres doigts. Ce risque est permanent et imprévisible, lié à la nature inconnue de la maladie ;
  • l'absence d’amélioration du déficit d’extension, qui est d’autant plus fréquente que la maladie est évoluée ou qu’il s’agit d’une forme digitale pure ;
  • les complications proprement dites de l’intervention sont :
    • surtout l'imprévisible et désespérante algodystrophie, possible dans 10 à 30 % des cas,
    • la contusion ou la blessure d’une branche nerveuse sensitive d’un doigt, toujours possible, avec selon les cas des fourmillements, un engourdissement ou une insensibilité plus ou moins complète de la moitié correspondante du doigt. Ces signes peuvent être transitoires ou définitifs,
    • souffrance ou nécrose plus ou moins complète de la peau malade décollée lors de l’intervention, qui n’est plus assez vascularisée, ou nécrose d’une greffe de peau. Le traitement est alors celui d’une perte de substance cutanée (le plus souvent par cicatrisation spontanée sous pansements gras, ou parfois par réintervention pour greffe et/ou lambeau),
    • raideur articulaire définitive d’un doigt,
    • nécrose totale du doigt par insuffisance artérielle, pouvant conduire à son amputation,
    • complications chirurgicales non spécifiques, à vrai dire rares dans cette intervention : hématome, infection, lâchage de sutures, paralysie sous garrot pneumatique, etc.

Pour le cas de l’aponévrotomie, cette méthode simple mais aveugle comporte un risque important de sectionner les nerfs sensitifs du doigt. D’autre part, elle laisse en place les tissus malades, qui ne sont que sectionnés.

Traitement non chirurgical

Les traitements non chirurgicaux sont réservés aux échecs et aux contre-indications à la chirurgie. Certaines équipes utilisent la radiothérapie avec un certain succès[13]. L'injection locale de collagénase réduit les contractures et améliore la mobilisation des doigts[14].

Le traitement avec collagénase de Clostridium histolyticum est un traitement injectable qui est appliqué avec succès dans plusieurs pays comme les États-Unis, le Canada, etc. Les risques de traitement sont minimes[15],[16] et les résultats très positifs[15],[16].

En février 2010, l'Agence américaine des produits alimentaires et médicamenteux (US Food and Drug Administration ( FDA)) a approuvé la collagénase injectable extraite de Clostridium histolyticum pour le traitement de la maladie de Dupuytren[17]. Le traitement est commercialisé sous la marque Xiaflex.

En février 2011, le Comité des médicaments à usage humain de l'Agence européenne des médicaments a approuvé la préparation pour l'utilisation en Europe. Il est commercialisé sous la marque de Xiapex[16].

En avril 2012, Santé Canada a approuvé la collagénase injectable extraite de Clostridium histolyticum pour le traitement de la maladie de Dupuytren[15]. Le traitement est commercialisé sous la marque Xiaflex.

Notes et références

  1. (en) Lanting R, Broekstra DC, Werker PM, van den Heuvel ER, « A systematic review and meta-analysis on the prevalence of dupuytren disease in the general population of Western countries » Plast Reconstr Surg. 2014;133:593-603.
  2. « Maladie de Dupuytren de la main » (version du 14 septembre 2008 sur l'Internet Archive)
  3. (en) Renard E, Jacques D, Chammas M et al. « Increased prevalence of soft tissue hand lesions in type 1 and type 2 diabetes mellitus: various entities and associated significance » Diabetes Metab. 1994;20:513-21
  4. (en) Descatha A, Jauffret P, Chastang JF et al. « Should we consider Dupuytren’s contracture as work-related? A review and meta-analysis of an old debate » BMC Musculoskelet Disord. 2011;12:96
  5. (en)Attali P, Ink O, Pelletier G et al. « Dupuytren’s contracture, alcohol consumption, and chronic liver disease » Arch Intern Med. 1987;147:1065-7
  6. (en) Burge P, Hoy G, Regan P, Milne R, « Smoking, alcohol and the risk of Dupuytren’s contracture » J Bone Joint Surg Br. 1997;79:206-10
  7. (en) Ojwang JO, Adrianto I, Gray-McGuire C et al. « Genome-wide association scan of Dupuytren’s disease » J Hand Surg Am. 2010;35:2039-45
  8. (en) Dolmans GH, Werker PM, Hennies HC et al. « Wnt signaling and Dupuytren's disease » N Engl J Med. 2011;365:307-317
  9. (en) Ross DC, « Epidemiology of Dupuytren's disease » Hand Clin. 1999;15:53-62
  10. (en) Smith AC, « Diagnosis and indications for surgical treatment » Hand Clin. 1991;7:635-42; discussion 43
  11. (en) Van Rijssen AL, Gerbrandy FS, Ter Linden H, Klip H, Werker PM, « A comparison of the direct outcomes of percutaneous needle fasciotomy and limited fasciectomy for Dupuytren’s disease: a 6-week follow-up study » J Hand Surg Am. 2006;31:717-25
  12. (en) Van Rijssen AL, ter Linden H, Werker PM, « Five-year results of a randomized clinical trial on treatment in Dupuytren’s disease: percutaneous needle fasciotomy versus limited fasciectomy » Plast Reconstr Surg. 2012;129:469-77
  13. (en) Betz N, Ott OJ, Adamietz B, Sauer R, Fietkau R, Keilholz L, « Radiotherapy in early-stage Dupuytren’s contracture. Long-term results after 13 years » Strahlenther Onkol. 2010;186:82-90
  14. (en) Hurst LC, Badalamente MA, Hentz VR et al. « Injectable collagenase clostridium histolyticum for Dupuytren’s contracture » N Engl J Med. 2009;361:968-79
  15. « Sommaire des motifs de décision (SMD) : Xiaflex - 2012 - Santé Canada », sur www.hc-sc.gc.ca (consulté le 1er août 2015)
  16. (en) « Xiapex collagenase Clostridium histolyticum », sur www.ema.europa.eu (consulté le 1er août 2015)
  17. (en) « FDA Approves Xiaflex for Debilitating Hand Condition », sur www.fda.gov (consulté le 1er août 2015)

Voir aussi

Articles connexes

Lien externe

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