Fausse couche
La fausse couche est l'interruption précoce de la gestation, que ce soit spontané ou provoqué par une cause soit pathologique, soit traumatique. On la distingue de l'accouchement prématuré relativement à l'absence de viabilité du fœtus (morts-nés compris) voire embryon.
Elle se solde par l'expulsion par voie basse de cette progéniture non-viable hors de la matrice utérine.
Étiologie
Il existe de nombreux facteurs susceptibles de provoquer une fausse couche. Lorsqu'il n'y a pas de facteur identifié ou clairement suspecté, on parle de fausse couche spontanée.
Causes traumatiques
La fausse couche peut être provoquée par traumatisme physique direct chez la mère, particulièrement si la région abdominale est touchée. De manière générale, l'atteinte physique grave chez la mère est susceptible de provoquer l’expulsion du contenu utérin, y compris lorsque la mère est à l'agonie (en train de décéder). Cette atteinte physique peut prendre la forme d'un épuisement sévère voire d'une malnutrition.
De même, une atteinte grave de la progéniture à naître peut éventuellement déclencher le travail.
Chez l'humain, la posture bipède tend à augmenter le risque de fausse couche, à cause du poids direct de la progéniture sur le col de l'utérus. Cela pourrait partiellement expliquer comment certaines détresses psychologiques sévères aboutissent quelques rares fois à une fausse couche.
Causes pathologiques
Chez la mère
Une des causes les plus récurrentes de fausse couche reste l'implication d'infections (toxoplasmose congénitale sévère, syphilis, listériose, etc). Il peut s'agir d'une atteinte directe de l'appareil vagino-utérin et/ou de la progéniture, ou d'une atteinte moins directe (ex : coqueluche, grippe...) rendant le corps de la mère inapte à poursuivre la grossesse de façon viable pour cette dernière.
Les empoisonnements peuvent aussi entraîner une fausse couche.
D'autres causes pathologiques plus profondes peuvent impliquer des malformations (ex : utérus rétroversé), des intolérances immunitaires (voir tolérance immunitaire durant la grossesse), et bien d'autres troubles (ex : diabète).
Chez l'embryon-fœtus
Lorsqu'il n'existe aucun problème pathologique chez la mère et que la fausse couche ne fait pas suite à un traumatisme quelconque, ce sont parfois des facteurs côté embryon-fœtus qui provoquent la fausse couche.
La première cause de fausses couches[1] est une anomalie chromosomique de l'embryon, due à un problème survenu lors de la conception, quand le spermatozoïde féconde l'ovule. L'organisme de la mère finit par expulser l'embryon qui ne se développe pas normalement.
Il se peut également que le corps rejette ce que l'on appelle un œuf clair (œuf qui, après fécondation, ne contient pas d'embryon).
Une seconde cause peut être une malformation chez l'embryon-fœtus, par exemple cardiaque ou nerveuse. La cause peut être d'origine génétique, tératogénique, ou infectieuse.
La mort du fœtus (ex : étranglement avec le cordon ombilical) tend aussi à déclencher spontanément le travail utérin et ainsi l'évacuation de la progéniture morte.
Chez l'humain
Les fausses couches spontanées peuvent être primaires (sans enfant vivant déjà né) ou secondaires (avec enfant vivant déjà né). Elles sont précoces si la mort embryonnaire intervient avant la douzième semaine d'aménorrhée (cas de loin le plus fréquent), au-delà on parle de fausses couches spontanées tardives[2], puis de mort fœtale intra-utérine.
Le diagnostic de fausse couche doit porter sur : preuve biologique, échographique ou anatomopathologique.
Environ une grossesse sur quatre se solde par une fausse couche et une femme sur trois environ fera une fausse couche dans sa vie. Le risque augmente avec l'âge et peut atteindre 50 %[3] ; il est également plus élevé quand la grossesse n'est pas connue[4]. La première cause de fausse couche est une anomalie chromosomique.
La fausse couche est accompagnée de saignements qui peuvent être importants, et doit faire l'objet d'un examen médical, afin de vérifier la bonne expulsion du placenta, l'absence d'hémorragie, la nécessité d'un traitement en cas de rhésus négatif. Après une fausse couche, du repos est nécessaire, ainsi qu'une bonne hydratation et un apport suffisant en minéraux (fer notamment) et vitamines. Un accompagnement médical ou psychologique peut être nécessaire.
Une fausse couche aurait tendance à favoriser le bon déroulement de la grossesse suivante, si celle-ci a lieu dans les 6 mois suivants la fausse-couche et en l'absence de risque infectieux[3], mais à augmenter le risque d'une autre fausse couche, au-delà[4]. Il existe également des cas de fausses couches spontanées à répétition.
On parle de maladie abortive (ou fausses couches spontanées à répétitions) après trois accidents spontanés successifs chez la même femme même en l'absence de changement de procréateur.
Causes chromosomiques
Les causes les plus courantes d'avortements spontanés ont pour origines des anomalies du caryotype chez l'embryon. Ces anomalies ont pour source une mauvaise répartition des chromosomes homologues lors de la méiose. Ainsi en anaphase I ou en anaphase II de la méiose, il arrive que la disjonction de deux chromosomes homologues ou de deux chromatides sœurs ne se produise pas, engendrant des gamètes possédant un stock anormal de chromosomes. Après la fécondation d'un de ces gamètes avec un gamète normale, il y a formation d'un zygote trisomique dans le cas où le gamète possède un chromosome surnuméraire ou monosomique dans le cas où il manque un chromosome dans le gamète. La plupart des zygotes présentant ce genre d'anomalies (zygote aneuploïde) ne sont pas viables, déclenchant ainsi un avortement spontané.
Cependant, certains types d'aneuploïdies perturbent moins l'équilibre génétique que d'autres, et le développement du zygote peut continuer, comme dans le cas de la trisomie 21 (syndrome de Down) ou des aneuploïdies des chromosomes sexuels (syndrome de Turner, syndrome de Klinefelter).
Épidémiologie
Une grossesse sur quatre se solde par une fausse couche (une grossesse sur cinq avant la 24e semaine[3]) et une femme sur trois environ fera une fausse couche dans sa vie.
Après 30 ans, ce risque est d'autant plus fort que la future mère est âgée, notamment après 35 ans[4]. Ainsi, à 20 ans, le risque est de 9 %, alors qu'il atteint 30[3] à 40 % chez les femmes de plus de 40 ans, et de 50 %[3] chez celles de 45 ans ou plus.
Le risque, de 10 à 20 % lorsque la femme est consciente d'être enceinte, est également plus élevé si la grossesse n'est pas connue (30 à 50 %). On estime que la moitié des fécondations se terminerait prématurément et naturellement, souvent avant que la femme ait conscience d'être enceinte[4].
Symptômes et traitement
Dans la plupart des fausses couches spontanées du premier trimestre de la grossesse, le corps de la femme expulse de lui-même l'embryon et/ou le sac gestationnel (notamment en cas d'œuf clair).
La femme enceinte peut s'apercevoir qu'elle est en train de faire une fausse couche de deux façons : diminution des signes sympathiques de grossesse — nausées, tension dans les seins, envie d'uriner fréquente, faim… —, ou être alertée par des saignements. Les saignements en début de grossesse peuvent avoir de multiples causes et ne signifient pas nécessairement une fausse couche, mais, surtout s'ils sont rouge vif et non marron, et à peu près équivalents à des règles ou davantage, il faut aller consulter un médecin pour vérifier ce qui se passe.
Les femmes ayant un rhésus négatif (groupe sanguin -) doivent consulter dès qu'elles ont le moindre saignement car il y a des risques que leur corps provoque une fausse couche dès qu'il est en contact avec du sang de l'embryon, si celui-ci est de rhésus positif. Les équipes médicales peuvent faire une injection qui permet de se couvrir très facilement de ce risque (rhophylac).
Pour diagnostiquer la fausse couche, les médecins peuvent utiliser deux moyens, qu'il convient généralement d'utiliser ensemble :
- prise de sang pour voir l'évolution des hormones de grossesse (béta HCG) : c'est très mauvais signe si elles baissent ou stagnent ;
- échographie (en général en passant par le vagin, si c'est le tout début de la grossesse), pour voir ce qu'il y a dans l'utérus. L'échographie permet de déceler un embryon mort (cœur ne battant pas), ou un œuf clair (embryon pas développé), ou de constater que l'utérus est en train de se vider ou déjà vide suite aux saignements de fausse couche.
Si la grossesse n'évolue plus (embryon mort, œuf clair), et que le corps de la femme n'évacue pas spontanément ce qu'elle a dans l'utérus au bout d'une semaine à deux semaines, un traitement est nécessaire pour vider l'utérus, afin d'éviter des infections, et de permettre que tout se remette en ordre pour une potentielle prochaine grossesse. Deux méthodes sont généralement proposées : l'aspiration, sous anesthésie générale, ou l'utilisation d'un médicament pour provoquer l'expulsion.
La substance qui fait effet, dans le médicament, est le misoprostol. Le nom du médicament le plus courant en France est le Cytotec. En général, cette méthode, considérée comme plus douce pour l'organisme, est proposée en premier. Les dernières recommandations médicales consistent à prendre quatre comprimés de Cytotec 200 par voie vaginale, en une fois. Les femmes sont souvent surprises, si leur médecin ne les a pas prévenues, de voir, en lisant la notice du comprimé, que le médicament est normalement utilisé pour autre chose, et que cette utilisation exploite un effet secondaire. Cela explique en partie que le comprimé ne soit pas optimisé pour la prise par voie intra-vaginale, et de nettes différences dans sa façon d'agir d'une fois sur l'autre. Des statistiques médicales de 2013[Lesquelles ?] disent qu'il fonctionne dans 80 % des cas jusqu'au 49e jour de grossesse[réf. nécessaire], et aussi très souvent au-delà. Par contre, pour certaines femmes, l'effet intervient au bout de 30 minutes, tandis que d'autres racontent avoir dû attendre dix heures. La moyenne se situe autour de 3-4 heures. Il semble que ce temps d'action dépende surtout des fluides qui habitent le vagin de la femme à ce moment-là, et qui permettent aux comprimés de se dissoudre plus ou moins rapidement. Pour une meilleure dissolution, il est préférable de couper chaque comprimé en deux avant de l'insérer, et de le mettre bien au fond du vagin, le lieu le plus profond atteint par un tampon par exemple. L'effet est plus ou moins progressif ou brutal selon les personnes.
Il faut s'attendre à perdre beaucoup de sang, avec des caillots, pouvant être très gros (jusqu'à 5 cm de diamètre), pendant environ une journée, puis à avoir des saignements équivalents aux règles pendant une à deux semaines. Cependant, selon le stade de la grossesse et l'état de ce qu'il y a à expulser, la quantité de saignements est très variable. À partir du moment où les saignements deviennent hémorragiques, c'est-à-dire où il faut changer plus d'une fois toutes les demi-heures de protection (serviettes larges), il faut aller à l'hôpital pour s'assurer qu'il n'y a pas une hémorragie réelle, c'est-à-dire qu'on n'est pas en train de se vider de son propre sang. En général, cela est vérifiable par simple prise de sang, avec NFS (numération de formule sanguine), pour vérifier que le taux d'hémoglobine est bon, et avec un examen gynécologique. De tels saignements peuvent aussi survenir naturellement lors d'une fausse couche dont l'expulsion n'a pas été provoquée par médicament, et il convient alors aussi de consulter pour éviter tout risque grave pour la femme. Cliniquement, il n'y a à ce stade pas de différence de diagnostic et de traitement de tels saignements provoqués par médicament ou survenant spontanément. Une échographie sera de toutes façons nécessaire pour contrôler que tout a été bien expulsé, après l'arrêt des saignements, qu'ils soient spontanés ou dus au Cytotec.
Dans le cas où tout n'est pas expulsé naturellement ou par Cytotec, ou si la femme ou le médecin préfère cette méthode au Cytotec (pour ne pas avoir à vivre ça chez elle, ou parce que le médecin estime qu'il y a peu de chances que ça suffise…), une aspiration est nécessaire. Elle se fait à jeun, sous anesthésie générale, et est généralement programmée, mais peut intervenir en urgence en cas d'hémorragie. Parfois, au cours de la même opération chirurgicale, l'aspiration ne suffit pas, et le médecin est amené à compléter par un curetage, pour bien nettoyer l'utérus. Ce dernier geste, un peu moins doux, est loin d'être systématique. Cependant, dans la plupart des cas, il n'entraîne pas de séquelles non plus.
Au bout de trois fausses couches, une femme peut, si elle le désire, réaliser un bilan afin de savoir s'il y a des causes biologiques expliquant les fausses couches, ou si elle est juste victime d'un mauvais hasard. Si un problème est détecté, venant du corps de la femme, ou de l'homme, ou d'une incompatibilité entre eux, des solutions médicales existent la plupart du temps. Selon les problèmes, cela peut aller d'une prise de comprimés hormonaux à un moment du cycle à une fécondation in vitro. Libre alors à la patiente et au couple de décider jusqu'où ils sont prêts à aller dans la médicalisation pour réaliser leur projet d'avoir un bébé.
Une fausse couche peut causer de l'anxiété et du stress chez les femmes. Cela peut également affecter le partenaire.[5]
Fausse couche chez les animaux
Une fausse couche peut survenir chez tout être gestant, bien qu'on parle alors plus communément pour les animaux d'« avortement spontané », fausse-couche et avortement spontanés étant synonymes. Il existe une variété de facteurs de risque connus chez les animaux. Par exemple, chez les moutons, une fausse couche peut être causée par le stress provoqué par un mouvement incontrôlé du troupeau, ou le fait d'être chassé par un prédateur, loup ou même chien[6]. Chez les vaches, l'avortement spontané peut être causé par une maladie contagieuse, comme la brucellose ou la Campylobacter mais peut souvent être prévenu par la vaccination[7]. D'autres maladies sont également connues pour rendre les animaux plus sensibles aux fausses couches. L'avortement spontané se produit chez les femelles campagnol des prairies quand leur partenaire est enlevé et quand elles sont en présence d'un nouveau mâle[8]. Il s'agit d'un exemple de l'effet Bruce, qui est cependant plus visible dans les populations de laboratoire[9]. Ainsi, les souris femelles ayant passé plus de temps avec des mâles non familiers à leur groupe montrent des avortements spontanés plus nombreux[10].
Notes et références
- La rédaction Infobébés, « Les causes d'une fausse couche », sur Infobébés, (consulté le 4 décembre 2012).
- La rédaction Infobébés, « Fausse couche tardive », sur Infobébés, (consulté le 4 décembre 2012).
- avec AFP, « Une fausse couche pourrait favoriser une grossesse, révèle une étude britannique », Le Monde, (lire en ligne).
- (en) National Institute of Childe Health and Human Developpement, « How many people are affected by or at risk for pregnancy loss or miscarriage ? », sur www.nichd.nih.gov, (consulté le 16 décembre 2015).
- Amanda Hunter, Lorena Tussis et Angus MacBeth, « The presence of anxiety, depression and stress in women and their partners during pregnancies following perinatal loss: A meta-analysis », Journal of Affective Disorders, vol. 223, , p. 153–164 (ISSN 1573-2517, PMID 28755623, DOI 10.1016/j.jad.2017.07.004, lire en ligne)
- James Spencer, « Abortion and Husbandry », , p. 124
- « Production de bovins de boucherie et de boeuf: gestion et élevage des bovins de boucherie », Encyclopédie de Nouvelle-Zélande,
- Fraser-Smith AC, « Fin de grossesse induite par les mâles dans le campagnol des prairies, Microtus ochrogaster », Science, vol. 187, no 4182, , p. 1211-3 (PMID 1114340, DOI 10.1126 / science.1114340)
- Scott Mahady et Jerry Wolff, « Essai sur le terrain de l'effet Bruce dans le campagnol des prairies monogames ( Microtus ochrogaster ) », Ecologie Comportementale et Sociobiologie, vol. 52, no 1, , p. 31-7 (DOI 10.1007/s00265-002-0484-0, JSTOR 4602102)
- SD Becker et JL Hurst, « Le comportement des femmes joue un rôle essentiel dans le contrôle du bloc de grossesse murine », Actes de la Royal Society B, vol. 276, no 1662, , p. 1723-9 (PMID 19324836, PMCID 2660991, DOI 10.1098 / rspb.2008.1780, JSTOR 30245000)
Voir aussi
Articles connexes
- Enfant sans vie en droit français
Bibliographie
- Notices d'autorité : Gemeinsame Normdatei • Bibliothèque nationale de la Diète
- (en) Howard J. A. Carp (dir.), Recurrent pregnancy loss causes, controversies and treatment, Informa, Londres, 2007, 290 p. (ISBN 978-0-415-42130-0)
- (fr) Stéphane Clerget, Quel âge aurait-il aujourd'hui ? : le tabou des grossesses interrompues, Fayard, Paris, 2007, 313 p. (ISBN 978-2-213-63075-5)
- (fr) Micheline Garel et Hélène Legrand, L'attente et la perte du bébé à naître, A. Michel, Paris, 2005 (nouv. édition revue et augmentée), 250 p. (ISBN 2-226-15735-2)
- (fr) Véronique Lejeune et Bruno Carbonne, Fausses couches et morts fœtales : prise en charge immédiate et à long terme, Elsevier Masson, Issy-les-Moulineaux, 2007, 222 p. (ISBN 978-2-294-01776-6)
- Manon Cyr et Isabelle Clément, Fausse couche Vrai deuil. Éditions Caractère, 2013, 232 pages (ISBN 978-2-89642-818-2)
- Portail de la médecine
- Portail des femmes et du féminisme