Westerbork (camp de regroupement et de transit)

Le camp de regroupement et de transit de Westebork était un camp de détention nazi situé au nord-est des Pays-Bas. Utilisé pendant la Seconde Guerre mondiale comme étape vers les camps d'extermination de Pologne occupée, il détenait environ 10 000 personnes après . Quelque 107 000 victimes dont Etty Hillesum et Anne Frank sont passées par ce camp ou y sont décédées.

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Camp de regroupement de Westerbork

Vestiges de la voie ferrée à Westerbork.
Présentation
Nom local Kamp Westerbork
Type Camp de transit
Gestion
Date de création 1939
Dirigé par Albert Konrad Gemmeker (1942-1945)
Victimes
Nombre de détenus 107 000 personnes ayant transité
Géographie
Pays Pays-Bas
Localité Westerbork
Coordonnées 52° 55′ 00″ nord, 6° 36′ 25″ est
Géolocalisation sur la carte : Pays-Bas

« Boue, détresse, maladie, promiscuité, angoisse, bruit, toute une société comprimée sur une superficie d'un demi-kilomètre carré : Westerbork. » (préface à l'édition néerlandaise de 1982 des lettres de Westerbork, J. G. Gaarlandt)[a 1].

Les débuts

Mirador à Westerbork.

Le camp de Westerbork se situe à 15 kilomètres du village homonyme (55 km au sud de Groningue). Le camp, de 500 mètres de large sur 600 de long (soit près d'un demi kilomètre carré), fut construit en 1939 par les autorités néerlandaises pour y loger les réfugiés juifs allemands légaux et clandestins avec l'objectif à terme d'une émigration vers la Palestine. Il fut d'abord sous la tutelle du ministère de l'intérieur, puis sous celle de la justice à compter du [a 2]. Les premiers réfugiés arrivèrent à l'automne 1939. En , leur nombre atteignit 800 et 1 100 en . Pendant cette période les autorités d'occupation firent le recensement de toute la population juive néerlandaise qui dès lors fut assignée à résidence dans des conditions très difficiles.

L'administration SS

À partir de 1941, les Allemands firent de Westerbork un camp de transit dans le cadre de la politique de déportation et d'extermination des Juifs et des roms. Des baraques en bois furent édifiées, des barbelés entouraient le camp mais serpentaient aussi entre les baraques[a 3]. Aux quatre coins se dressaient des miradors. À partir du , la police de sécurité SS le SD administra le camp[a 2] dirigé tour à tour par Erich Deppner (de) (juillet et ), Joseph Hugo Dischner ( au ) et Albert Konrad Gemmeker ( 42 jusqu'à la libération du camp[a 2]). De à , le commandement fut double (allemand et néerlandais), Jacques Schol étant commandant néerlandais[a 2].

L'organisation interne

Cabanon où séjourna Anne Frank en aout et septembre 1944.

Un Judenrat fut créé pour faciliter l'organisation des convois dont les horaires, taille et destination étaient fixés par les SS avec au centre du processus un fichier central pour constituer les listes de déportation ou « listes de convoi ». Celles-ci étaient constituées dans les 48 heures précédant le départ de chaque convoi et susceptibles de modifications jusqu'au dernier moment. L'établissement de la liste était délégué aux chefs des différents services[a 4] : une police juive (Judischer ordnungsdienst) qui compta jusqu'à 180 personnes[a 5] assurait le maintien de l'ordre et constituait les wagons de transport vers Auschwitz ou d'autres camps.

Cohabitaient dans le camp une école, un hôpital de plus de 1 000 lits, un orphelinat, une synagogue, une morgue, une fabrique de semelles[a 6], un orchestre, un restaurant et diverses activités culturelles pour rassurer les détenus et endormir leur soupçons sur le sort tragique qui les attendait.

Les baraques pénitentiaires pouvaient accueillir plusieurs centaines de personnes[a 2], dans des conditions insalubres (hangars de planches disjointes, châlits de fer s'entassant sur trois niveaux, quelques poêles disséminés dans l'immense salle[a 7]). Environ 2 500 personnes étaient par ailleurs logées dans 215 maisonnettes de deux ou trois petites pièces. En , Etty Hillesum recensait environ 10 000 personnes réparties entre ces logements (« De toutes les pénuries dont souffre Westerbork, la pénurie de place est certainement la pire. »)[a 8] :

« Tout, ici, n'est que paradoxe. Dans les grandes baraques, où beaucoup s'étendent sans draps ni couvertures, sans matelas, à même les sommiers de métal, on meurt de froid. Dans les petites maisons, reliées au chauffage central, une chaleur étouffante vous empêche de dormir la nuit. Je loge dans une de ces petites baraques d'habitation avec cinq de mes collègues. Lits superposés deux par deux. Ces lits sont très branlants [...] Et, la nuit, des souris rongent nos lits et grignotent nos provisions - pas vraiment le grand calme. »

 Etty Hillesum, Une vie bouleversée suivie de Lettres de Westerbork, p.251 - 252

Les internés

Plus de 100 000 personnes ont transité par le camp. La plupart ont succombé ou ont été déportées puis tuées à Sobibor (avant l'été 1943) ou Auschwitz. D'autres y ont séjourné et ont pu être libérées.

  • 181 Juifs allemands, réfugiés aux Pays-Bas après un refus d'entrée à Cuba en (voyage sur le Saint-Louis), furent mis en résidence dans ce camp[a 2].
  • 300 catholiques d'origine juive furent arrêtés le [a 9].
  • Plus de 12 000 personnes personnes furent amenées au camp suite aux rafles des 2 et [a 10].
  • Les 6 et , deux convois amenèrent 1 288 femmes et 1 266 enfants, expédiés dès le lendemain à Sobibor et immédiatement exterminés[a 10].
  • Philip Mechanicus, journaliste, arrive au camp en , où il reste jusqu'en [a 11].
  • En , les résidents du camp de Bernerweld (environ 650 intellectuels et membres de la bourgeoisie) furent transférés à Westerbork où ils demeurèrent environ 1 an[a 4].
  • Environ 400 Juifs néerlandais d'origine portugaise furent transférés au camp en 1943[a 12].

La déportation

102 000 pierres pour la mémoire.

Environ 100 000 Juifs néerlandais furent déportés vers les camps de la mort du jusqu'en à partir de la gare de Hooghalen jusqu'en novembre 1942 puis la voie ferrée ayant été prolongée depuis le camp lui-même. En tout, 93 convois transportèrent 55 000 Juifs vers Birkenau, 34 000 Juifs vers Sobibor, 4 000 vers Bergen-Belsen et environ 5 000 vers Theresienstadt. Le quota de déportation pour les Pays-Bas fixé à 400 000 Juifs par Heinrich Himmler fut atteint dès la fin de 1942. Pourtant les convois ne cessèrent de partir vers l'est.

Edith Stein fut internée quelques jours entre le 2 aout et le . Etty Hillesum fut internée du au et Anne Frank et sa famille furent internées au camp du 8 aout au . Toutes les trois furent déportées vers Auschwitz. Le dernier convoi date du .

Libération et mémoire

Le camp est libéré le par le 4e régiment d'infanterie de l'artillerie royale canadienne qui y découvrent près de 900 survivants. Au nom de la mémoire ont été créés un monument consacré aux victimes et un mémorial. Sur l'appelplatz sont disposées 102 000 pierres pierres qui représentent le nombre total des victimes.

Il a reçu le Label du patrimoine européen.

Des images de la vie du camp ont été tournées en 1944 par l'un des prisonniers, Rudolf Breslauer, à la demande du commandant du camp ; elles montrent le travail des prisonniers, mais aussi leurs loisirs et le départ d'un train de déportation. Harun Farocki a réalisé un film par montage de ces images en 2007[1].

Le journaliste néerlandais Philip Mechanicus qui y fut déporté de 1942 à 1943 avant d'être transféré à Bergen-Belsen puis à Auschwitz où il fut assassiné, a tenu des notes dans un journal, In Dépôt. Dagboek uit Westerbork.

Bibliographie

  • Philip Mechanicus, Year of fear, Hawthorn Books, New York 1968, d'après Raul Hilberg, le témoignage de référence.
  • Etty Hillesum, Une vie bouleversée suivi de Lettres de Westerbork, Seuil, , 361 p. (ISBN 978-2-02-024628-6) — traduit du néerlandais. Traduction 1985 pour « Une vie bouleversée », 1988 pour les lettres.

Documentaire

  • En sursis (Aufschub) (de) documentaire de 40 minutes muet, noir et blanc, 2007, réalisé par Harun Farocki, il présente et commente les rushes du film de propagande inachevé, tourné dans le camp de transit de Westerbork par Rudolf Breslauer, prisonnier du camp, en 1944.

Article connexe

Références

Ouvrages et journaux

  1. p. IX (annexe)
  2. p. 349
  3. p. 258
  4. p. 354
  5. p. 360
  6. p. 257
  7. p. 268
  8. p. 267
  9. p. 260 et 350
  10. p. 350
  11. p. 352
  12. p. 359

Autres sources

  1. (en) « Respite » (site officiel de Harun Farocki).

Liens externes

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