Vaccin (mécanismes d'action)

Différentes technologies sont mises en œuvre dans le processus de création, de fabrication, de conservation d'un vaccin puis dans le processus de vaccination, en fonction notamment de l'agent infectieux à combattre. Le mécanisme d'action d'un vaccin réfère aux interactions biochimiques par lesquelles un vaccin agit pour conférer une immunité à l'organisme inoculé[1]. Le développement à grande échelle des virus à ARN, comme le SARS-CoV-2, responsable de la Covid-19 en 2020, a décidé de nombreux responsables de santé publique à faire passer certaines technologies de vaccination du stade expérimental au stade opérationnel.

L'OMS ainsi que la presque totalité des agences de santé publique européennes apprécient positivement la balance bénéfice/risque de ces technologies nouvelles.

Généralités

À l’image du virus de la famille des coronavirus le virus pathogène considéré dans cet article est un virus à ARN enveloppé dans une coque où sont enchâssés plusieurs exemplaires d’une protéine dite de surface. Celle ci permet l’ancrage du virus et la libération de son matériel génétique dans la cellule nouvellement infectée[2]. Comme pour tout vaccin, le principe est la production d’anticorps dirigés contre cette protéine.

Le matériel génétique détient le secret de fabrication des protéines, ces dernières étant les acteurs de tous les processus biologiques qui ont lieu dans les cellules. Dans le cas de l’espèce humaine le matériel génétique est de l’ADN. À partir de l’ADN la fabrication des protéines est indirecte (une transcription suivie d'une traduction) et passe par une molécule intermédiaire appelées ARN. Le matériel génétique de certains virus est à ADN et d’autres à ARN (comme c’est le cas des coronavirus). L’idée des vaccins est alors de préparer le système immunitaire pour qu’il dispose d’un bagage d’anticorps spécifiquement dirigé contre le virus, avant même que l'organisme ne soit contaminé.

Comparaison des mécanismes d'action

Vaccin dans sa forme traditionnelle

Dans sa forme la plus traditionnelle le principe d'un vaccin est d'inoculer le virus contre lequel on compte préparer le système immunitaire. Pour éviter que le vaccin ne donne la maladie, il sera préalablement soit inactivé par des moyens chimiques ou physiques, soit atténué. Le vaccin contre la coqueluche et le CoronaVac contre la Covid-19 sont de ce type. Le BCG contre la tuberculose et le ROR contre la rougeole, les oreillons et la rubéole sont des vaccins de ce type[3].

Mode d'action des vaccins à virus inactivé
Inoculation du virus
Réaction
Phagocitage
Dégradation
Immunisation
Virus enveloppé à ARN (en rouge) injecté dans le milieu extracellulaire du tissu cellulaire humain (en bleu)

Vaccin à protéine recombinante

Quand le vaccin entier n’est pas inoculé mais simplement une de ses protéines, par exemple la protéine de surface, on parle de vaccin à protéine recombinante. La protéine est préparée à partir de la fraction de matériel génétique qui la code (le gène) que l’on rend capable de se multiplier à grande échelle. La multiplication est assurée en laboratoire sur des cellules réceptrices (bactéries, levures, cellules animales, etc.)[4]. Le vaccin contre l'hépatite-B et le vaccin Novavax contre la Covid-19 sont de ce type[4].

Préparation des vaccins à protéine recombinante
Infection des cellules
Pénétration
Traduction des protéines
Dissémination
Filtrage et recueil
Culture de protéines via des cellules animales (en violet)

Comme pour les vaccins inactivé et atténué ce type de vaccin classique ne mobilise pas la machinerie cellulaire du corps humain pour opérer, puisqu'il mobilise celles de cellules en laboratoire[4].

Mode d'action des vaccins à protéine recombinante
Inoculation des protéines
Réaction
Phagocitage
Dégradation
Immunisation
Injection de protéines dans les tissus du corps humain

Vaccins à ARN

Contrairement aux vaccins classiques le vaccin à ARN est de type dit génique. Cette technologie consiste à inoculer dans les tissus non pas le virus (ni une de ses protéines) mais son matériel génétique, en l'occurrence de l'ARN, ou du moins une partie de ce matériel. L'idée est de faire produire les protéines immunogènes directement par les cellules de la personne que l'on cherche à protéger[4].

L'ARN viral utilise un transporteur, nommé vecteur, pour pénétrer à l'intérieur de la cellule. C'est une petite capsule de graisse, nommée nanoparticule en vertu de ses dimensions de quelques milliardièmes de mètre. Celle-ci libère son matériel génétique après avoir fusionné avec la membrane plasmique interposée entre l'intérieur de la cellule et le milieu extracellulaire ; à l'issue de quoi la cellule prend à son compte la fraction d'ARN viral et traduit la protéine correspondant à cette fraction[4].

Mode d'action des vaccins à ARN
Inoculation de la nanoparticule
Pénétration dans la cellule
Traduction de la protéine
Dissémination et réaction
Phagocitage
Dégradation et métabolisation
Immunisation

La première autorisation grand public pour un vaccin de ce type a été donnée en 2020[5], avec les vaccins contre la Covid-19 communément appelés Pfizer–BioNTech et Moderna. En 2020 d'autres vaccins de ce type (contre la grippe et la rage) sont à l'état d'essais cliniques[6], .

Vaccins à vecteur recombinant

Ce type de vaccin est aussi un vaccin génique mais le matériel génétique y est de l'ADN et non pas de l'ARN. Le vecteur n'y est pas une nanoparticule mais un virus détourné et exploité pour ses capacités naturelles à injecter son matériel génétique dans les cellules, et à cet égard il est dit recombinant. On nomme adénovirus les virus à ADN des premiers vaccins géniques de ce type mis sur le marché, retenus pour leur faible nocivité (de simples états grippaux).
Mais il est impossible d'insérer de l'ARN (celui du coronavirus dont on peut se protéger, par exemple le SARS-Cov2), dans de l'ADN (celui du vecteur).
Il est donc nécessaire au préalable de transcrire le langage génétique contenu dans l'ARN dans le langage génétique contenu dans l'ADN, et cette transcription est possible grâce à une enzyme virale nommée la transcriptase inverse[7]. Réalisée en laboratoire cette rétrotranscription permet de récupérer la version ADN du virus, dont on va extraire la partie que l'on veut insérer dans l'ADN du vecteur pour obtenir l'ADN à injecter, dit également recombinant.

Préparation des vaccins à vecteur recombinant
Récupération de l'ARN viral
Rétro-transcription d'une partie en ADN
Inoculation de l'ADN dans le vecteur
Recombinaison
Utilisation d'un adénovirus nu comme vecteur (en vert)

Lors de la vaccination nos cellules ne vont alors pas se contenter de traduire le matériel génétique reçu, mais elle vont le transcrire en ARN puis le traduire en protéine.

Mode d'action des vaccins à vecteur recombinant
Inoculation du vecteur
Pénétration dans la cellule
Transcription en ARN
Traduction de protéines
Dissémination et réaction
Phagocytage et métabolisation
Dégradation
Immunisation
Injection du vecteur dans les tissus du corps humain

Risques identifiés vis-à-vis des vaccins à vecteur recombinant

Les technologies de dernière génération apportent un bénéfice en termes d'efficacité et d'adaptabilité. L'appréciation positive de leur balance bénéfice/risque est soutenue par l'OMS et par les agences de santé publique européennes.

Selon les études citées en référence dans cette section, l'entrée d'ADN dans le noyau cellulaire, qui contient aussi l'ADN de nos chromosomes, présente des risques. Dans ces études les virus génétiquement modifiés, introduits dans le noyau cellulaire par des vecteurs recombinants, sont utilisés à des fins de thérapie génique. Ces essais montrent que l'endroit où peut se faire une éventuelle insertion n'est pas maitrisable, pouvant conduire à une leucémie[8] quand le gène s'insère dans un oncogène[9]. Ce risque, appelé la mutagénèse insertionnelle, a été mis en évidence dans plusieurs autres études[10], bien que ce risque soit largement absent dans la plupart des cas observés[11].

Risque de mutagenèse insertionnelle
Pénétration du vecteur
Insertion dans le génôme humain
Division cellulaire

Les essais d'immunothérapie et de vaccination, passant par la délivrance de matériel génétique utilisant des adénovirus comme vecteurs recombinants, ont conduit à des réponses immunitaires indésirées[12],[13],[14],[15] ou altérant l'efficacité du vaccin[16].

Risque d'immunotoxicité
Métabolisation insuffisante
Secrétion et accumulation de toxines
Libération et inflammation

Notes et références

  1. (en) Spratto, G.R.; Woods, A.L, Delmar Nurse's Drug Handbook, (ISBN 978-1-4390-5616-5)
  2. Dans le cas des coronavirus, ou plus précisément du coronavirus SARS-CoV-2, cette protéine est la fameuse protéine SPIKE dont il a été beaucoup question dans les médias en 2020
  3. « Vaccins vivants atténués », sur VaccinationInfosService, (consulté le )
  4. Nicolas Viudez, « Coronavirus : Tout comprendre sur les différents vaccins en développement », sur https://www.industriepharma.fr/, (consulté en ).
  5. Medicines and Healthcare products Regulatory Agency (en) « Vaccine BNT162b2 – Conditions of authorisation under Regulation 174, 2 December 2020 », sur https://www.gov.uk/, Gouvernement du Royaume-Uni, (consulté le )
  6. « Une étude pour évaluer l'innocuité, la réactogénicité et la réponse immunitaire du vaccin à ARNm candidat contre la rage de CureVac chez des adultes en bonne santé », sur https://ichgcp.net/fr (consulté en )
  7. Cette transcription est opérée naturellement dans leur cycle de développement par la classe des virus dite rétrovirus, comme l'est le virus du sida par exemple.
  8. Hacein-Bey-Abina S., Von Kalle C., Schmidt M., McCormack M.P., Wulffraat N., Leboulch P., Lim A., Osborne C.S., Pawliuk R., Morillon E., Sorensen R., Forster A., Fraser P., Cohen J.I., de Saint Basile G., Alexander I., Wintergerst U., Frebourg T., Aurias A., Stoppa-Lyonnet D., Romana S., Radford-Weiss I., Gross F., Valensi F., Delabesse E., Macintyre E., Sigaux F., Soulier J., Leiva L.E., Wissler M., Prinz C., Rabbitts T.H., Le Deist F., Fischer A., Cavazzana-Calvo M. (2003). LMO2-associated clonal T cell proliferation in two patients after gene therapy for SCID-X1. Science. 302, 415-419. https://doi.org/10.1126/science.1088547
  9. un oncogène, dit parfois gène du cancer, entraine une prolifération cellulaire quand on perturbe et modifie sa structure et son expression
  10. « Recombinant Adeno-Associated Viral Integration and Genotoxicity: Insights from Animal Models », sur Human Gene TherapyVol. 28, No. 4, (consulté le )
  11. « Recombinant Adeno-Associated Viral Integration and Genotoxicity: Insights from Animal Models », sur Human Gene TherapyVol. 28, No. 4, (consulté le )
  12. Ramírez J.C., Gherardi M.M., Esteban M. (2000). Biology of attenuated modified vaccinia virus Ankara recombinant vector in mice: virus fate and activation of B- and T-cell immune responses in comparison with the Western Reserve strain and advantages as a vaccine. J. Virol. 74, 923-933. https://doi.org/10.1128/jvi.74.2.923-933.2000
  13. Liu Q., Muruve D.A. (2003). Molecular basis of the inflammatory response to adenovirus vectors. Gene Ther. 10, 935-940. https://doi.org/10.1038/sj.gt.3302036
  14. Liu Q., Zaiss A.K., Colarusso P., Patel K., Haljan G., Wickham T.J., Muruve D.A. (2003). The role of capsid-endothelial interactions in the innate immune response to adenovirus vectors. Hum. Gene Ther. 14, 627-643. https://doi.org/10.1089/104303403321618146
  15. Sauter S.L., Rahman A., Muralidhar G. (2005). Non-replicating viral vector-based AIDS vaccines: interplay between viral vectors and the immune system. Curr HIV Res. 3, 157-181. https://doi.org/10.2174/1570162053506900
  16. Pinschewer D.D. (2017). Virally vectored vaccine delivery: medical needs, mechanisms, advantages and challenges. Swiss Med. Wkly. 147, w14465. https://doi.org/10.4414/smw.2017.14465
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