Tsangyang Gyatso

Tsangyang Gyatso (tibétain : ཚངས་དབྱངས་རྒྱ་མཚོ, Wylie : Tshang dbyang Rgya mtsho) (, Monba[1] de Tawang, aujourd'hui en Inde, décédé le ) est le 6e dalaï-lama. Il est le seul dalaï-lama à avoir refusé une vie de moine ordonné. Il reste connu dans l'histoire tibétaine pour ses chants et sa poésie.

Tsangyang Gyatso
6e dalaï-lama


Nom de naissance Sangngag Tenzin puis Ngawang Norbu
Nom de réincarnation Tsangyang Gyatso
Naissance

Urgelling près de Tawang, dans l'actuel Arunachal Pradesh (Inde)

Intronisation

Lhasa

Décès

Kunganor (Amdo)

Successions

Biographie

Monastère d'Urgelling, lieu de naissance de Tsangyang Gyatso près de Tawang dans l'actuel État indien de l'Arunachal Pradesh

Tsangyang Gyatso est né en 1682 à Urgelling près de Mon Tawang, dans l'actuel Arunachal Pradesh en Inde, au sud du Tibet. Son père, un descendant du tertön Pema Lingpa s'appelait Tashi Tenzin et sa mère, Tsewang Lhamo[2],[3].

Sangyé Gyatso, le régent du Tibet ne divulgua pas la mort de Lobsang Gyatso, 5e dalaï-lama, pour pouvoir terminer la construction du palais du Potala, selon les souhaits du précédent dalaï-lama. Quand des visiteurs demandaient une audience, comme des princes mongols, Depa Deyrab, un vieux moine du monastère de Namgyal ressemblant au dalaï-lama, figurait à sa place[2]. Quand Sangyé Gyatso entendit parler d'un garçon de Mon Tawang aux qualités remarquables, il envoya en 1685 2 moines à la recherche de la réincarnation[4]. Le lieu de naissance étant situé près de la frontière du Bhoutan dont les relations avec le Tibet étaient instables, les 2 lamas demandèrent à la famille de placer l'enfant en lieu sûr à Sha Woog. Sur leur route, les voyageurs furent invités à s'arrêter au dzong de Tsona. Informé de leur position, Sangyé Gyatso consulta l'oracle de Néchung qui répondit que l'heure d'officialiser la mort du 5e dalaï-lama et sa renaissance n'était pas venue. Le séjour de l'enfant et sa famille au dzong de Tsona se transforma en une installation dans le centre cultuel lié à l'édifice qui dura 12 ans. Plusieurs tuteurs furent envoyés par Sangyé Gyatso qui veillait à son éducation[5].

L'enfant fut ensuite amené à Nankartsé, près de Lhassa. Sangyé Gyatso envoya alors le ministre Shabdrung Ngawang Shonu, à la cour mandchoue informer l'empereur Kangxi dans le même temps de la mort du 5e et de la découverte du 6e dalaï-lama. Sangyé Gyatso l'annonça également aux habitants du Tibet[2]. Sangyé Gyatso invita à Nankartsé Lobsang Yeshe, 5e panchen-lama afin qu'il confère les vœux de moine novice au jeune dalaï-lama. Il lui donna alors le nom bouddhique de Tsangyang Gyatso[2].

À l'âge de 14 ans, en 1697, il fut intronisé en tant que 6e dalaï-lama en présence des représentants du gouvernement tibétain, des trois monastères majeurs  Séra, Ganden et Drépung  des princes mongols, des représentants de l'empereur Kangxi et des habitants de Lhassa[2].

L'Empereur Kangxi avait un doute sur son authenticité. Il ne décida cependant pas mettre à l'épreuve l'entière institution du dalaï-lama, mais l'utilise à son avantage, en les incorporant à son propre service. Il pouvait à l'égard des lamas être capable de critiques, de punitions sévères et d'honneurs publiques. Lorsqu'il était en colère il traitait les lamas de menteurs, de faire tourner la tête des gens et de vivre à leurs dépens, mais dans d'autres occasions il leur offrait des présent et les honoraient de distinctions[6].

En 1701 survint un conflit entre Sangyé Gyatso et Lhazang Khan. Selon l'historien René Grousset, ce dernier reprend le Tibet et tue le régent du Tibet peu favorable à la Chine vers 1705. Il détrône alors le dalaï-lama choisi par Sangyé Gyatso et en accord avec l'empereur Kangxi, choisissent un nouveau dalaï-lama muni de l'investiture chinoise en 1710[7], c'est-à-dire Yeshe Gyatso. Selon d'autres sources, Lhazang Khan tue le régent, un événement qui affligea le dalaï-lama âgé de 19 ans, il décida alors de renoncer à ses études monastiques et à ses vœux, une requête qu'il présenta au panchen-lama à Shigatse[2],[3].

Bien qu'habitant toujours le Potala, il sortait à Lhassa et dans les villages alentour, passant la journée avec ses amis dans le parc situé derrière le Potala et la nuit dans des tavernes à Lhassa ou au village de Shöl, en contrebas du Potala, buvant de la bière et chantant des chansons. Il est notamment connu pour ses poésies et ses écrits[2]. Au village de Shöl, se trouvait l'auberge censée avoir été fréquentée par Tsangyang Gyatso dont Thomas Laird dit qu'il refusait de prendre ses vœux et « passait ses nuits à boire dans les bordels »[8].

À la suite de sa déposition prononcée par Lhabsang Khan le , le dalaï-lama se rendit aux soldats mongols. Une foule de moines et de laïcs l’accompagna alors qu’il était escorté par les soldats depuis le Potala, l’enlevant à proximité de Drepung pour le conduire en triomphe dans son monastère au Norbulingka. Comprenant l’inutilité d’un combat inégal, le dalaï-lama sortit pour se rendre, ce qui n’empêcha pas des représailles[9].

En 1706, sous la pression de Lhazang Khan, il dut se rendre en Chine, et, selon une version de son histoire, il serait mort en voyage la même année[2] le 15 novembre à Kunganor[3]. Il aurait été exécuté ou serait mort de maladie en captivité. Selon une autre version, il aurait vécu et enseigné, se faisant appelé le lama de Dakpo, et dicta sa biographie à un disciple mongol, la biographie secrète du sixième dalaï-lama. S'il est admis que le lama de Dakpo est une personnalité historique, il est considéré comme un imposteur[10].

La légende dit qu'il se rend au Temple Qixian, un temple bouddhiste tibétain comportant une grotte de Guanyin, situé au Mont Wutai, dans la province du Shanxi[11][réf. à confirmer].

L'ancienne résidence du 6e dalaï-lama existe toujours dans le comté de Tsona, dans la préfecture de Lhoka. Construite pour lui par le régent Sangyé Gyatso, elle comportait à l'origine un rez-de-chaussée et un étage. Laissée sans entretien, elle est réduite au seul rez-de-chaussée mais bénéficie depuis février 2014 de la protection du gouvernement du comté en tant que site historique et culturel[12]. Cette résidence fut proposée à la visite par les autorités tibétaines lors d'un festival qu'elles avaient organisé en septembre 2013[13].

Citations

« Aux rives du lac enchanté l'oie seule aimerait s'attarder. Mais quand l'eau se glace en cristal, elle s'envole sans regret ! »[14]

« Oiseau blanc (grue blanche) prête-moi tes ailes, Je n'irai pas loin. Ayant fait le tour de Litang Je reviendrai bientôt »[15].

Dans la culture

Bibliographie

Œuvres

  • Les Poèmes du sixième Dalai Lama, édition Tribu, 1985, préface de Serge Pey, traduction Yves Codet
  • Vie et chants d'amour, traduit du tibétain par K. Dhondup, Claire Lumière, Eguilles, 1987, (ISBN 2-905998-05-9)
  • La raison de l'oiseau. Poèmes de Tshanyang Gyatsho, sixième Dalaï-Lama, trad. Bénédicte Vilgrain, Fata Morgana, 1986, 89 p.

Études

  • Roland Barraux, Histoire des dalaï-lamas. Quatorze reflets sur le Lac des Visions, Albin Michel, 2002, 369 p.
  • Alain Fromaget, Océan de Pure Mélodie. Vie et chants du sixième Dalaï-Lama, Dervy, 1998, 274 p.
  • Martin Brauen, Les Dalaï-Lamas. Les 14 réincarnations du bodhisattva Avalokiteshvara (2005), trad. de l'all., Favre, 2005, 303 p.
  • (en) Ngawang Lhundrup Dargye (Ngag dbang lhun grub dar rgyas), The Hidden Life of the Sixth Dalai Lama (1757), trad. Simon Wickham-Smith, Lexington Books, 2011.
  • (en) Simon Wickham-Smith, The Hidden Life of the Sixth Dalai Lama, Lexington Books, 2011.

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

Notes et références

  1. (en) Nathan Hill, « compte rendu de Sam van Schaik, Tibet: A History, London and New York, Yale University Press, 2011 », Bulletin of the School of Oriental and African Studies, Londres, School of Oriental and African Studies (Université de Londres), vol. 75, no 1, , p. 190-192 (DOI 10.1017/S0041977X11001108, lire en ligne) : « "Finally, the remark that 'Yonten Gyatso [...] remains the only non-Tibetan to have held the role of Dalai Lama' (p. 177) presents a Monpa (sixth Dalai lama), and a Monguor (fourteenth Dalai Lama) as Tibetan although neither spoke Tibetan natively." »
  2. (en) Tsangyang Gyatso, site du 14e dalaï-lama.
  3. (en) Simon Wickham-Smith, « The Sixth Dalai Lama, Tsangyang Gyatso », Treasury of Lives, (lire en ligne)
  4. Glenn H. Mullin, Les Quatorze Dalaï-lamas, préface du 14e dalaï-lama, traduction Philippe Beaudoin, éditions du Rocher, 2004, (ISBN 2268050300), p. 290
  5. Glenn H. Mullin, op. cit. p. 293-294
  6. (en) Peter Schwieger, « The Emperor Takes Control », dans The Dalai Lama and the Emperor of China, Columbia Univerrsity Press, (ISBN 9780231538602, DOI 10.7312/schw16852-004, présentation en ligne, lire en ligne)
  7. René Grousset, « L’Empire des steppes — Attila, Gengis-khan, Tamerlan », Classiques de l'Université du Québec à Chicoutimi, p. 656 : « Depuis la mort du dalaï-lama Nag-dbang bLo-bzang, entre 1680 et 1682, l’Église lamaïque était administrée par le de-srid laïque Sangs-rgyas rgya-mcho qui gouvernait à sa guise, d’abord au nom du feu pontife, prétendu toujours vivant, puis (1697) au nom d’un jeune garçon promu par lui dalaï-lama. Or Sangs-rgyas était acquis, contre la Chine, au parti djoungar. L’empereur K’ang-hi, suscita contre lui le khan khochot du Koukou-nor, Latsang-khan, qui, en 1705-1706, entra à Lhassa, mit Sangs-rgyas à mort et déposa le jeune dalaï-lama choisi par ce dernier 2 . Après des intrigues assez compliquées, Latsang-khan et K’ang-hi firent nommer un nouveau dalaï-lama, muni de l’investiture chinoise (1708-1710). »
  8. (en) Thomas Laird, « The Story of Tibet. Conversation with the Dalai Lama, Grove Press, 2007, p. 182, (ISBN 0-8021-4327-X et 9780802143273) : « The teenager (...) went drinking in the brothels ».
  9. Roland Barraux, Histoire des dalaï-lamas, Quatorze reflets sur le Lac des Visions, édition Albin Michel, 1993. Réédité en 2002 chez Albin Michel. (ISBN 2-226-13317-8), p. 163 : « Le 27 juin 1706, Lhabsang Khan prononça la déposition du sixième Dalaï-Lama et lui fit remettre l'ordre impérial par les envoyés de K'ang Hsi. Le jeune Dalaï-Lama se résigna à suivre les soldats mongols devenus ses geôliers. Lorsqu'il quitta le Potala, une foule énorme de moines et de laïcs s'était rassemblée; silencieusement d'abord, elle accompagna sa marche. Arrivée près du Drepung et grossie de tous les paysans des environs, elle devint agressive à l'égard de l'escorte mongole. Celle-ci essaya de disperser les manifestants. Poussé par la colère autant que le désespoir, le peuple, avec des pierres et des bâtons rompit le barrage des gardes, s'empara du Dalaï-Lama et le conduisit triomphalement jusqu'à son Palais d'été à l'intérieur du monastère. Dans la nuit, les moines se concertèrent, consultèrent les oracles; le lendemain, ils firent savoir que Tsangyang Gyatso était bien la réincarnation du cinquième Dalaï-Lama […] Le Dalaï-Lama comprit le caractère inégal et inutile du combat. Suivi de quelques fidèles, il sortit du monastère et s'avança vers les Mongols. Malgré sa reddition, plusieurs moines furent tués et le monastère pillé en représailles de la protection qu'il avait accordée au fugitif. »
  10. Matthew Kapstein, Les Tibétains Traduit de l'anglais par Thierry Lamouroux, Paris, Les Belles Lettres, 2015, p. 234
  11. (zh) « 本寺概况 »
  12. (en) Tsangyang Gyatso's former residence to be protected, site chinatibetnews.com, 21 février 2014 : « The former residence of Tsangyang Gyatso, the 6th Dalai Lama, has been approved to be the Tibet's historical and cultural site under government protection. [...] Tsangyang's former residence is located in Tsona county, Lhoka prefecture. The residence was built by Sangye Gyatso, another historical figure in Tibet, after he found the 6th Dalai Lama. / The old home of Tsangyang was a two-story house originally. It was owned by local government of the county before liberation, but became privately owned and started rotting for lack of upkeep after liberation. Having been severely corroded by rain, only the ground story survived with tumbledown timbers. »
  13. (en) Claude Arpi, A Dalai Lama popular in China, 20 septembre 2013.
  14. Poésie, Numéros 100 à 103, Maison de la poésie (Paris, France) Éditeur P. Seghers, 2004, p. 281
  15. Alexandra David-Néel, Textes tibétains inédits, Éditions Pygmalion, 1977, p. 96, (poésie attribuée à Tsangyang Gyatso).
  16. Chants traditionnels et chants sacrés du Tibet : Loten Namling (12 déc.), Buddhaline

Source

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