Trophée des Alpes

Le trophée des Alpes (ou trophée d'Auguste) est un monument romain commémoratif datant de 7-6 av. J.-C. et situé sur la commune de La Turbie (Alpes-Maritimes), surplombant la principauté de Monaco. Son nom latin était Tropæum Alpium.

Historique

Reconstitution du trophée des Alpes tel qu'il devait être avant sa destruction de 1705
Vestige du trophée des Alpes, 2006
Le Trophée visible au-dessus de Monaco et de la cote française (en haut, légèrement à droite)

Le trophée des Alpes fut élevé en l'honneur de l'empereur romain Auguste au point haut de la via Julia Augusta. Qui est très importante Il célèbre la victoire définitive sur quarante-quatre tribus qui entravaient auparavant les multiples passages alpins. Plus qu'une attaque pour accaparer des marchandises, ces peuples imposaient alors à ceux qui empruntaient leurs cols un contrôle des relations commerciales et des mouvements militaires inacceptables pour l'Empire romain.

Mentionnant d'autres peuples rhètes et alpins, le trophée relate en particulier indirectement la soumission de 23 à 13 av. J.-C. des derniers peuples celto-ligures indépendants qui peuplent les massifs alpins entre la province Narbonnaise et Gaule cisalpine.

Ici la soumission a permis la continuation de la via Aurelia par la construction de la via Julia Augusta. Les vaincus bénéficiant de la clémence impériale ont reçu en 10 av. J.-C. la cité des Alpes maritimes, dont la capitale construite en face de Nikaia était Cemenelum, aujourd'hui Cimiez un simple quartier de Nice.

Ce trophée n'avait aucune vocation militaire et ne pouvait jouer aucun rôle de refuge ou de fortification. Il marquait la frontière entre l'Italie et la province Narbonnaise ou Provence, plus tard repoussée au fleuve Var. Cependant, entre le XIIe siècle et le XVe siècle, le trophée devient forteresse et les maisons sont rattachées au mur d’enceinte.

En 1705, quand la guerre entre la France et la Savoie a repris, Louis XIV ordonna la destruction de toutes les forteresses de la région, et le fit ainsi partiellement exploser. Le trophée devient alors une véritable carrière, et ses pierres servent entre autres à la construction de l'église Saint-Michel du vieux village.

En 1865, les vestiges sont classés au titre des monuments historiques[1].

Dans les années 1930, il est restauré grâce au mécénat d'Edward Tuck, un philanthrope américain, qui passe ses hivers à Monte-Carlo. Les travaux sont dirigés par Jules Formigé. Il est inauguré le 26 avril 1934.

Le trophée des Alpes est maintenant le principal attrait touristique de la commune de La Turbie.

Le bimillénaire du trophée[2], [3] a été commémoré du 10 juillet au 28 août 1994 par le Centre des monuments nationaux avec une composition de trois jeunes artistes proposant des approches différentes du trophée et la réalisation d’un film vidéo de Vincent Gareng sur l’histoire du monument et un spectacle lumière de Louis Clair, concepteur lumière.

Description

La pierre calcaire nécessaire pour ériger le Trophée d'Auguste a été extraite de la « carrière romaine », située à environ 500 mètres de là, où l'on peut encore voir les traces des sections de colonnes découpées dans la pierre.

L'environnement immédiat du Trophée est riche en vestiges de l'Empire romain, dont des voies romaines. Il se trouve sur la via Julia Augusta (du nom de l'empereur Auguste). Continuation de la via Aurelia, cette voie romaine reliait Vintimille à Cemenelum (Cimiez). Diverses fontaines sur les territoires des communes de Beausoleil et de Roquebrune-Cap-Martin sont réputées romaines.

À l’origine (d’après les architectes Formigé père et fils) la base principale faisait 35 m de longueur, la 1re 1ère plate-forme 12 m de haut, la rotonde comptait 24 colonnes et la statue d’Auguste trônait à 49 m de hauteur. Le trophée restauré mesure actuellement 35 mètres de hauteur.

D'après la date de sa dédicace, sa construction fut achevée en 7 ou 6 av. J.-C.

Inscription latine

L'inscription latine monumentale.

Sur la façade ouest du trophée des Alpes, à l’arrivée de la via Julia Augusta, est gravée la dédicace du Sénat en l’honneur de l’Empereur suivie du nom des 44 peuples pacifiés (notamment celtes, ligures, vénètes, germains entre autres peuples) qui s'étendaient sur l'ensemble de la chaîne alpine, de l'Adriatique à la Méditerranée, énumérés dans l’ordre géographique, de l’Orient à l’Occident.

Pline l'Ancien en a donné une transcription[4] :

« imp · cæsari divi filio avg · pont · max · imp · xiiii · tr · pot · xvii · s · p · q · r · qvod eivs dvctv avspiciisqve gentes alpinæ omnes qvæ a mari svpero ad infervm pertinebant svb imperivm p · r · svnt redactæ · gentes alpinæ devictæ trvmpilini · camvnni · venostes · vennonetes · isarci · brevni · genavnes · focvnates · vindelicorvm gentes qvattvor · cosvanetes · rvcinates · licates · catenates · ambisontes · rvgvsci · svanetes · calvcones · brixenetes · leponti · vberi · nantvates · sedvni · varagri · salassi · acitavones · medvlli · cenni · catvriges · brigiani · sogionti · brodionti · nemaloni · edenates · esvbiani · veamini · gallitæ · trivllati · ecdini · vergvnni · egvitvri · nematvri · oratelli · nervsi · velavni · svetri »[5]

Traduction :

« À Imperator César Auguste, fils du divin (César), grand pontife, imperator à XIV reprises, investi de la puissance tribunitienne pour la XVIIe fois, le Sénat et le Peuple de Rome (ont érigé ce monument) parce que, sous ses ordres et sous ses auspices, tous les peuples alpins qui s'étendaient de la mer Supérieure jusqu'à la mer Inférieure[6] ont été rangés sous la puissance du Peuple romain. Peuples alpins vaincus : les Trumpilini, les Camunes, les Vénostes, les Vennonètes, les Isarciens, les Breunes, les Génaunes, les Focunates, les quatre nations vindéliciennes, les Consuanètes, les Rucinates, les Licates, les Caténates, les Ambisuntes, les Rugusces, les Suanètes, les Calucons, les Brixentes, les Lépontiens, les Ubères, les Nantuates, les Sédunes, les Véragres, les Salasses, les Acitavons, les Médulles, les Ucènes, les Caturiges, les Brigianes, les Sogiontiques, les Brodiontiques, les Nemaloni, les Édénates, les Ésubianis, les Véaminis, les Gallites, les Triulattis, les Ectinis, les Vergunni, les Éguituris, les Némenturis, les Oratellis, les Nérusis, les Vélaunis (Vellaves ?), les Suetri. »[7]

La localisation géographique des peuples cités n’est pas connue avec exactitude et parfois complètement inconnue. Elle fait l’objet de recherches, mais l'inscription sur le trophée, comme l'a rappelé Philippe Casimir[8], permet de dégager une reconstitution de la situation des Alpes dans l'Antiquité[9].

Galerie

Notes et références

  1. « Ruines du Trophée d'Auguste, actuellement Musée du Trophée d'Auguste », notice no PA00080897, base Mérimée, ministère français de la Culture.
  2. Danièle Mouchot, Le trophée de la Turbie : bimillénaire d'un monument, Dijon, Archéologia,
    no 309, pages 30-33
    .
  3. Histoire du Trophée d'Auguste : La Turbie avec sa tour d'Auguste… (Guillaume Apollinaire-Anecdotiques).
  4. Pline l'Ancien, Histoire naturelle, livre III, 136-137.
  5. Pline 3, 136-137, site de Bill Thayer.
  6. La mer Supérieure désignait la mer Tyrrhénienne et la mer Inférieure la mer Adriatique.
  7. Pline l'Ancien, 3, 24, 4, traduction d'Émile Littré, site de Philippe Remacle. Certains noms ont été modifiés pour suivre l'usage universitaire.
  8. Philippe Casimir, Le Trophée d'Auguste à La Turbie, Paris, Le Livre d'Histoire-Lorisse éditeur, , 168 p. (ISBN 978-2-7586-0412-9, ISSN 0993-7129)
    page 64
    .
  9. Selon le Docteur Michel Bourrier, écrivain, les Eguituri vivaient entre les Ectini de Puget et les Suetri de l’Estéron. Selon l’abbé Papon, Histoire générale de Provence, Paris 1777, ils devaient habiter sur les bords du Var depuis la petite rivière du Chans (Cians) jusqu’à la Tinée. Alliés aux 21 autres peuplades ligures de la confédération alpine à l’est du Var, ils furent avec elles battus par Rome en -233 et victorieux au gué de Gattières (Alpes-Maritimes) en 189 av. J.-C. (Dion Cassius). Les Eguituri, petits agressifs, âpres aux gains, « latroni et atroces », obligèrent Rome à incendier la forêt pour les réduire. Soumis en 13 av. J.-C. par Auguste, leur nom est gravé à la dernière ligne du trophée de la Turbie (Pline, Livre III, chap. 20).

Voir aussi

Bibliographie

  • Philippe Casimir, Guide historique du musée du trophée romain de La Turbie, Imprimerie Monégasque Monte-Carlo, Imprimerie monégasque, , 94 p.
    Édité sous le patronage de l'Institut des Fouilles des Alpes-Maritimes, du Var et des Préalpes.
  • Philippe Casimir, Le Trophée d'Auguste à La Turbie, Paris, Le Livre d'Histoire-Lorisse éditeur, , 168 p. (ISBN 978-2-7586-0412-9, ISSN 0993-7129)
    Monographies des villes et villages de France, Collection dirigée par M.G. Micberth
  • Jean-Camille Formigé, Le Trophée d'Auguste, note sur l'inscription qui était gravée sur le trophée, et sa reconstitution avec les fragments recueillis dans les fouilles exécutées à la Turbie, A. Picard, , 8 p..
  • Jules Formigé, Le Trophée des Alpes, La Turbie,
  • Jules Formigé, « La Turbie », p. 309-320, dans Congrès archéologique de France. 95e session. Aix-en-Provence et Nice. 1932, Société française d'archéologie, Paris, 1933.
  • Jules Formigé, « La dédicace du Trophée des Alpes (La Turbie) », p. 101-102, Gallia, 1955, no 13-1 [lire en ligne]
  • Sophie Binninger, Le trophée d'Auguste à la Turbie, Paris, Éditions du Patrimoine,
  • Nino Lamboglia, Le trophée d’Auguste à la Turbie, Institut international d’études ligures, , 80 p.
    5e édition, Itinéraires ligures 4. la première édition avait été publiée en 1938 sous les auspices de Jules Formigé, architecte en chef des monuments historiques, et de Giulio Quirino Giglioli, Directeur général de la « Mostra Augustea della Romanita », à l’occasion du Bimillénaire d’Auguste. La traduction française a été faite par André Cane et révisée par l’Auteur.
  • Collectif (Conservations régionales des monuments historiques, des antiquités préhistoriques, des antiquités historiques, avec la collaboration d'A. Roth-Congès, IRAA-CNRS), Coordination générale : René Dinkel conservateur régional des monuments historiques, E. Decugnière, H. Gauthier, Suivez le guide, Monuments historiques Provence-Alpes-Côte d'Azur, Marseille, Conseil régional Provence-Alpes-Côte d'Azur (Office Régional de la culture) et Ministère de la Culture (Direction régionale des affaires culturelles Provence-Alpes-Côte d'Azur), , 200 p.
    Turbie (La), Trophée d’Auguste, pp. 78-79 et Cartes thématiques : I. Sites et monuments antiques ; 2. Architecture médiévale ; 4. Renaissance / Classique / Baroque.
  • Monuments nationaux Magazine, Centre des monuments nationaux, , 104 p.
    Le trophée d'Auguste à La Turbie de retour dans son paysage antique, pp. 72 à 73. Par Antide Viand, administrateur du monastère de Saorge, de la Villa Kérylos, de Cap Moderne et du trophée d'Auguste à La Turbie.
  • Jean-Camille Formigé & Jules Formigé, Le Trophée des Alpes La Turbie (Alpes-Maritimes).
  • Le trophée d'Auguste à La Turbie, sur http://www.archeo-alpi-maritimi.com

Articles connexes

Liens externes

  • Portail de la Rome antique
  • Portail de l’archéologie
  • Portail de l'histoire de la Savoie
  • Portail des monuments historiques français
  • Portail des Alpes-Maritimes
Cet article est issu de Wikipedia. Le texte est sous licence Creative Commons - Attribution - Partage dans les Mêmes. Des conditions supplémentaires peuvent s'appliquer aux fichiers multimédias.