Trompette de Gabriel

La trompette de Gabriel ou solide hyperbolique aigu est une figure inventée par Evangelista Torricelli possédant une aire infinie mais un volume fini. Le nom fait allusion à la tradition d'identifier l'archange Gabriel à l'ange qui souffle dans la trompette pour annoncer le Jour du jugement.

Trompette de Gabriel tronquée à x=10

Construction

La trompette de Gabriel est engendrée par une portion d'hyperbole d'équation

tracée sur l'intervalle [ et tournant autour de l'axe (Ox).

Extrémité gauche de la Trompette de Gabriel

Son volume est donné par la formule :

et l'aire de la portion de trompette entre x = 1 et x = a (a > 1) est donnée par la formule suivante, qui diverge quand a tend vers  :

Un solide de longueur infinie mais de volume fini

Calcul du volume (étape 1)
Calcul du volume (étape 2)
Calcul du volume (étape 3)

La trompette de Gabriel fut étudiée par Torricelli qui l'appelle le « solide hyperbolique aigu »[1]. Vers 1641, à une époque où le calcul intégral n'existe pas, il démontre que son volume est identique à celui d'un cylindre en utilisant la méthode des indivisibles développée par Cavalieri. Pour cela, il complète la trompette par un « bouchon », découpe son volume en cylindres concentriques. Il déploie alors les cylindres en rectangles comme on déroule des billes de bois. Chaque rectangle a pour dimension x × 2πy, comme xy est constant, tous les rectangles ont la même aire. Il déforme alors chaque rectangle en disque d'aire 2π. Il obtient ainsi un cylindre de hauteur 1 et de surface de base égale à 2π, donc de volume égal à 2π. Il lui suffit alors d'enlever le volume du «bouchon» pour trouver le volume de la sa trompette : π. Il double sa démonstration par un raisonnement par exhaustion. Roberval, par la suite, fournit une démonstration que Torricelli reconnait être plus ingénieuse[2].

Qu'un solide de longueur infinie puisse posséder un volume fini semble contre-intuitif aux mathématiciens de l'époque et suscite de nombreuses correspondances sur le sujet du fini et de l'infini[3]. Cavalieri s'en étonne, et Roberval met d'abord en doute le résultat de Torricelli[3]. Ce résultat suscite l'admiration de Gassendi. Il remet en cause la définition du solide chez Barrow et Mersenne. Il inspire à Pascal cette réflexion : « Incompréhensible. Tout ce qui est incompréhensible ne laisse pas d'être. Le Nombre infini. Un espace infini égal au fini. »[2] Le père Pardies, dans la préface de ses Elemens de Geométrie en 1671, en fait une preuve de l'existence de Dieu[3]. Ce résultat déstabilise Descartes dans ses convictions sur l'infini et suscite un débat entre Hobbes et Wallis[3].

Ce solide présente aussi un second paradoxe apparent puisque sa surface est infinie. Il suffit donc d'un volume fini pour en remplir son intérieur alors qu'il faudrait une quantité infinie de peinture pour en couvrir seulement la surface. Ce paradoxe montre les limites de l'association surface=quantité de peinture nécessaire pour la peindre. En effet, la quantité de peinture suppose que la surface soit peinte sur une épaisseur e. Lorsque l'on peint l'intérieur de la trompette, il arrive un moment où le rayon intérieur devient inférieur à e. Alors on s'arrête de peindre tandis que la surface continue à se déployer indéfiniment.

À la même époque, Huygens et Sluse, étudiant la cissoïde, prouvent l'existence d'un récipient de volume fini et pouvant contenir un volume infini[4],[5]. En revanche, il est prouvé qu'un volume infini ne peut pas avoir une surface finie.

Notes et références

  1. Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts, et des métiers,
  2. Jean Itard, « La lettre de Torricelli à Roberval d'octobre 1643 », dans Revue d'histoire des sciences, Année 1975, Volume 28, Numéro 28-2, pp. 113-124
  3. Paolo Mancuso, Philosophy of Mathematics and Mathematical Practice in the Seventeenth Century, pp 136-149
  4. Frank Swetz, John Fauvel, Victor J. Katz, Otto Bekken, Bengt Johansson, Learn from the Masters !, MAA 1994, p 88.
  5. Il s'agit d'un « vase » obtenu par rotation de la surface comprise entre la cissoïde et son asymptote autour de l'axe parallèle à l'asymptote passant par le sommet de la cissoïde (voir Cissoïde de Dioclès#Histoire)

Voir aussi

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