Traité de Tordesillas

Le traité de Tordesillas (/tɔʁdɛsijas/) est un traité international établi le à Tordesillas (Castille) dans la province espagnole de Valladolid sous l'égide du pape Alexandre VI. Il vise à partager le Nouveau Monde, considéré comme terra nullius, entre les deux puissances coloniales émergentes, l'Espagne et le Portugal. Il définit comme ligne de partage un méridien localisé à 370 lieues[1] (1 770 km) à l'ouest des îles du Cap-Vert — méridien qui se situerait aujourd'hui à 46° 37' ouest.

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Traité de Tordesillas
Couverture de la version portugaise.
Dépôt Archives générales des Indes
Institut des archives nationales
Signé
Tordesillas, Castille
Effet (Couronne de Castille)
(Portugal)
Parties
Parties Couronne de Castille Royaume de Portugal
Signataires Ferdinand II d'Aragon
Isabelle Ire de Castille
Jean d'Aragon
Jean II de Portugal

Conséquence considérable, le traité de Tordesillas place le Brésil, découvert peu de temps après par le Portugais Pedro Alvares Cabral, sous souveraineté portugaise ; il attribue le reste des Amériques à la Castille.

Découpe méridienne entre le Portugal et l'Espagne

La ligne de partage selon la bulle Inter cætera (en pointillés), selon le traité de Tordesillas (en violet), et son prolongement selon le traité de Saragosse (en vert).
La ligne de partage sur le planisphère de Cantino (1502).
Mare clausum ibérique.

Rédigé à Tordesillas en Castille, le traité dans sa version espagnole est ratifié à Arévalo par le roi Ferdinand II d'Aragon et la reine Isabelle Ire de Castille le et dans sa version portugaise à Setúbal par le roi Jean II de Portugal le .

D'après ce traité, le royaume de Castille, ainsi que les îles Canaries, sont acquis à la couronne castillane, tandis que Madère, Porto Santo, les Açores et les îles du Cap-Vert, ainsi que le droit de conquête du royaume du Maroc (royaume de Fez ou Fès) et le droit de navigation au sud du parallèle des Canaries, sont acquis au royaume du Portugal.

Les originaux du traité de Tordesillas sont conservés dans les archives de Torre do Tombo (Lisbonne) et les Archives générales des Indes (Séville).

Ce traité vise à résoudre les conflits nés de la découverte européenne du Nouveau Monde par Christophe Colomb. En 1481, la bulle pontificale Æterni regis garantit au Portugal toutes les terres au sud des îles Canaries. En , le pape Alexandre VI décrète par la bulle Inter cætera que les nouvelles terres découvertes situées à l'ouest d'un méridien à 100 lieues des îles du Cap-Vert reviennent à Castille, celles à l'est revenant au Portugal ; la bulle exclut toute terre connue déjà sous le contrôle d'un État chrétien. Cette répartition mécontente le roi Jean II de Portugal, qui entame des négociations avec les Rois catholiques, arguant que ce méridien scinde le globe et restreint les prétentions portugaises en Asie, ce afin de le déplacer vers l'ouest. Il obtient ainsi la propriété sur les terres découvertes jusqu'à 370 lieues à l'ouest du Cap-Vert. Ce traité contrevient à la bulle d'Alexandre VI, d'origine espagnole, mais le pape Jules II l'approuve le , dans la nouvelle bulle « Ea quæ pro bono pacis ».

Les nouvelles terres sont encore peu connues et les mesures approximatives ; l'Amérique est donc théoriquement dans sa totalité aux Castillans. Cependant, lorsque Pedro Alvares Cabral découvre le Brésil, en 1500, sa partie orientale est attribuée au Portugal. L'Espagne n'ayant pas les moyens de garantir ce découpage, elle ne peut empêcher l'expansion portugaise au Brésil.

Contestations des autres puissances maritimes d'Europe

Les autres puissances maritimes européennes (France, Angleterre, Pays-Bas…) se voient refuser tout droit sur ces nouvelles terres. Elles ne peuvent dans un premier temps que recourir à la piraterie et à la contrebande pour profiter des richesses du Nouveau Monde avant que, avec l'apparition du protestantisme, elles ne rejettent l'autorité pontificale.

Pour sa part, François Ier en sera plus tard irrité et il déclarera : « … le soleil luit pour moi comme pour les autres. Je voudrais bien voir la clause du testament d'Adam qui m'exclut du partage du monde ». Les marins bretons et normands pressent le roi à faire évoluer la situation. François Ier obtiendra du pape Clément VII une interprétation assouplie de la bulle : le traité de Tordesillas ne concerne que « les terres connues et non les terres ultérieurement découvertes par les autres Couronnes ». Pour François Ier, seulement « les lieux habités et défendus » peuvent être réclamés légitimement par une puissance et les autres sont libres d'attaches. C'est ainsi qu'il va rapidement appuyer et financer l'expédition de Jacques Cartier[2].

Traité de Saragosse

Avec le tour du monde de Magellan, un nouveau différend naît au moment de localiser la partie orientale de ce méridien qui fait le tour du globe. L'une des terres en débat entre les deux signataires est l'archipel des Moluques, importante zone d'approvisionnement en épices. Après de nouvelles tractations, le traité de Saragosse, signé le , établit la suite du méridien à 297,5 lieues à l'ouest de cet archipel, au profit du Portugal, l'Espagne se voyant attribuer une compensation financière.

Colonisation hispano-portugaise des Amériques

Les Espagnols sont les premiers à s’installer au Nouveau Monde. Après la découverte des Antilles par Christophe Colomb, la Castille et le Portugal se partagent l’Amérique grâce au traité de Tordesillas, en 1494.

Dans ce traité, il est convenu que le Portugal se limiterait à coloniser les terres jusqu’à 2 000 km à l’ouest des îles du Cap-Vert, laissant à l’Espagne le vaste ensemble des terres américaines. Personne ne sait à l'époque que l'Amérique du Sud forme saillie à l'est de cette ligne, permettant plus tard au Portugal de revendiquer le Brésil.

Aucun autre État ne reconnaît le traité de Tordesillas, mais la suprématie navale incontestable de l'Espagne et du Portugal leur permit de le faire respecter pendant un siècle. Les Espagnols se contentent d'abord d'occuper les Antilles, où ils pensent trouver de l'or ; mais, devant l'échec de leur recherche, ayant appris par les indigènes qu'il y aurait de grandes sources de métal précieux sur le continent américain, ils entreprennent sa conquête quelque quinze ans après la mort de Christophe Colomb.

Alors que l'Empire portugais ne fonde que des stations maritimes, l'Empire espagnol se caractérise par la mise au pouvoir sur les terres conquises de dirigeants de leur pays. Un nouveau peuple métissé se forme, les créoles, qui installe durablement l'influence espagnole en Amérique. À l'opposé, les Portugais se contentent de fréquenter les ports « exotiques » pour envoyer des marchandises à Lisbonne. Ils y passent juste le temps nécessaire pour s'enrichir puis retournent dans leur pays. La capitale portugaise devient un grand entrepôt d'épices où toute l'Europe vient se fournir.

La puissance portugaise dure environ 75 ans. Dès la fin du XVIe siècle, les Hollandais enlèvent à Lisbonne la plus précieuse de ses colonies, les îles de la Sonde. Les rois d'Espagne, eux, organisent leurs nouvelles conquêtes de manière à les soumettre à la métropole. Les différentes colonies sont gouvernées par de hauts fonctionnaires envoyés d’Espagne, vice-rois, capitaines ou généraux. Comme les Portugais, les Espagnols se réservent le monopole des ventes de produits exotiques en Europe.

Traité caduc

Le traité de Tordesillas est devenu caduc lorsque les autres puissances coloniales en Amérique (la France, les Pays-Bas et le Royaume-Uni) se sont dotées d'une flotte navale assez puissante pour braver l'interdit hispano-portugais. Outre la capture de certaines colonies espagnoles, ces puissances continueront la colonisation en occupant des terres plus au nord, notamment les territoires actuels des États-Unis et du Canada, peu ou pas colonisés ni par les Espagnols, ni par les Portugais.

Notes et références

Voir aussi

Bibliographie

  • (es) Bernd Schröter et Karin Schüller (dir.), Tordesillas y sus consecuencias : la política de las grandes potencias europeas respecto a América Latina, 1494-1898 (congrès scientifique international du Département d'Histoire ibérique et latino-américaine de l'Université de Cologne, ), Vervuert, Francfort-sur-le-Main ; Iberoamericana, Madrid, 1995, 260 p.
  • (es) Jesús Varela Marcos, El Tratado de Tordesillas en la política atlántica castellana, Universidad de Valladolid, 1997, 128 p. (ISBN 84-7762-686-3).
  • (fr) Michel Balard et Alain Ducellier (dir.), Le partage du monde : échanges et colonisation dans la Méditerranée médiévale (actes du 3e Congrès sur la colonisation médiévale organisé par le Groupement de recherche no 927 du CNRS), Publications de la Sorbonne, Paris, 1998, 493 p. (ISBN 2-85944-345-2).
  • (fr) Régis Debray, Christophe Colomb, le visiteur de l'aube. Suivi des Traités de Tordesillas (traduits de l'espagnol par Bernard Lesfargues et présentés par Bartolomé Bennassar), La Différence, Paris, 1991, 124 p. (ISBN 2-7291-0727-4).
  • (pt) Luís Adão da Fonseca et Maria Cristina Cunha (dir.), O Tratado de Tordesilhas e a diplomacia luso-castelhana no século XV, Éd. Inapa, Lisbonne, 1991, 91 p. (ISBN 972-9019-36-3).
  • Marie Desclaux, « 7 juin 1494. Partage du monde à Tordesillas », Les Chroniques d'herodote.net, sur https://www.herodote.net, herodote.net, une encyclopédie dédiée à l'Histoire universelle, (consulté le ).

Articles connexes

Liens externes

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