Timothy Thomas Fortune

Timothy Thomas Fortune, connu également sous le nom de T. Thomas Fortune, né le à Marianna dans l'état de la Floride et mort le à Philadelphie dans l'État de Pennsylvanie, est un journaliste et un éditeur américain qui s'est fait connaître dans la fin du XIXe siècle et le début du XXe siècle comme porte-parole et défenseur des droits civiques pour les Afro-Américains. Il a créé deux journaux, Freeman, et le New York Age (en), et en 1890, il fonde la National Afro-American League (en), organisation précurseur de la National Association for the Advancement of Colored People. Il est le premier à utiliser l'expression Afro-Américain à la place de colored people, black et negro afin d'inclure notamment toutes les nuances de couleurs de peau de beige clair presque blanc à noir.

Biographie

Jeunesse et formation

Timothy Thomas Fortune[1] est le fils d’Emanuel Fortune, un esclave émancipé après la guerre de Sécession et un leader politique des Afro-Américains, et de Sarah Jane Moore Fortune, d'ascendance Séminole[2],[3].

Timothy Thomas Fortune suit des cours dans une école établie par l'agence Freedmen's Bureau / Bureau des réfugiés, des affranchis et des terres abandonnées, installée dans l'église de Marianna. À cette même période, il commence à écrire des articles dans le journal de la communauté[2].

En 1868, son père est un des deux élus afro-américains qui siège l'assemblée constituante de la Floride, et devient membre de la Chambre des représentants de Floride, en 1869, pris pour cible par le Ku Klux Klan, il doit fuir sa famille pour se mettre à l'abri, Timothy a 13 ans et doit assumer le rôle d'homme de la maison[4]. Ostracisée, la famille Fortune ne pouvant plus vendre la production de sa ferme, emménage à Jacksonville, Timothy reprend ses études dans une High school, la Stanton College Preparatory School (en), dépendant elle aussi du Bureau des réfugiés, des affranchis et des terres abandonnées [2],[5].

En 1871, alors qu'il a quinze ans, sa mère décède[6].

En 1876, après ses études secondaires, il suit des cours à l’université Howard, où il rencontre John Mercer Langston, doyen de la faculté de droit, qui jouera un rôle déterminant dans le développement de ses idées. Il y suit des cours de droit, il étudie tout ce qui tourne autour de l'égalité des droits civiques avec deux points qui lui tiennent à coeur l'égalité des droits devant l'accès à tous les échelons de l'éducation et la légalité des mariages interraciaux[2].

Mais par manque de financement il quitte l'Université Howard au bout de deux années d'études et choisit alors de devenir journaliste et quitte la Floride en 1879 pour s'installer à New York[7],[8].

Sa jeunesse est marquée par les espérances nées après la guerre de Sécession et pendant la période de la Reconstruction, et leurs mises en échec par trop souvent[9].

Carrière

En 1881, avec deux autres journalistes afro-américains, George Parker et Walter Sampson, il fonde et lance l'hebdomadaire afro-américain New York Globe, qui sort son premier numéro en 1882, qui prend le titre du New York Freeman en 1884, pour prendre le titre définitif du New York Age (en) en 1887[7]. Timothy Thomas Fortune en est le rédacteur en chef, il va en faire le journal « black » le plus remarquable[4]. Le sous-titre du journal est : The Afro-American Journal of News and Opinion / le journal afro-américain de l'information et de l'opinion[6].

Il déplore que malgré la fin de l'esclavage, les États du Sud ont instauré des lois ségrégationnistes, les lois Jim Crow, que les lynchages se développent sans que les autorités fédérales interviennent[10].

Comme tant d'autres il est scandalisé par l'invalidation du Civil Rights Act de 1875 par la Cour suprême des États-Unis en 1883, loi qui devait mettre fin à toute forme de discriminations sur l'ensemble du territoire des États-Unis[11],[12].

En 1884, la Cleveland Gazette (en) publie un poème de Timothy Thomas Fortune en hommage à Nat Turner, simplement titré Nat Turner[13].

En 1884, il publie un essai Black and White: Land, Labor and Politics in the South/ Noir et Blanc, terre, travail et politique dans le Sud, qui analyse le traitement du problème racial, le déni des intérêts et besoins des Afro-Américains dans le Sud par le gouvernement des États-Unis. Dans cet essai il expose ses théories basées sur le droit naturel, tout être humain possède des droits inhérents à sa nature humaine, droits qui incluent des droits civils et politiques comme ceux figurant dans la Déclaration d'indépendance, mais aussi des droits à satisfaire ses besoins primaires (manger, boire, se protéger des intempéries, etc.).

Déçu par les Républicains, il soutient le candidat du Parti démocrate, Grover Cleveland, pour l'élection présidentielle des États-Unis de 1884.

En 1886, il publie un article The Negro in Politics dans lequel il fustige le Parti Républicain, lui reprochant d'avoir abandonné les Noirs du Sud.

Son écrit attire l'attention de Booker T. Washington, le co-fondateur et président du Tuskegee Institute, à Tuskegee, dans l'Alabama, avec qui entretient un amitié littéraire[6].

En 1895, il se rapproche de Booker T. Washington avec qui il partage un intérêt pour la formation professionnelle, cette relation l’amène à être plus modéré, plus diplomatique quant à ses critiques politiques[4].

La relation entre les deux hommes devient une relation d'amitié et de loyauté.

En 1901, Booker T. Washington devient conseiller aux questions raciales du président Theodore Roosevelt. Grâce à ce nouveau poste, Washington peut faire entrer Timothy comme agent spécial au département du Trésor, chargé d'étudier les conditions raciales et commerciales dans les Philippines en 1902.

En 1906, Timothy Thomas Fortune entre dans une période de détérioration de sa santé physique et mentale marquée par l’alcoolisme et la dépression nerveuse, son épouse le quitte, on lui retire ses responsabilités professionnelles.

En 1910, Timothy sort de sa crise et retrouve ses moyens, reprend la direction du New York Age, qu'il gardera jusqu'en 1914.

De 1923 jusqu'à sa mort en 1928, il sera le responsable de la ligne éditoriale du Negro World de Marcus Garvey[4].

Parallèlement à ses écrits politiques, il publie régulièrement des articles ayant pour thème les droits des femmes : droit de vote, accès à l'éducation et aux métiers[2].

L'organisateur de mouvement

Ne croyant plus au soutien des partis et organisations « blanches », il prône la création d'organisations politiques et sociales afro-américaines.

En 1887, avec Alexander Walters (en), jeune évêque de l'Église épiscopale méthodiste africaine de Washington, il crée l'Afro-American League (AAL) , qui en 1890, prend le nom de National Afro-American League (en)(NAAL), association de défense et de protection des afro-américains vis-à-vis des violences racistes et ségrégationnistes[14],[15].

En 1893, la National Afro-American League se dissout à la suite des défections de Frederick Douglass, John Mercer Langston, Blanche K. Bruce, et de P. B. S. Pinchback qui sont en désaccord avec les critiques envers le Parti républicain[4].

Vie privée

En 1876, il épouse Carrie C. Smiley, le couple se sépare en 1906, ils ont deux enfants : Jessie et Stewart Fortune[16].

En 1901, il s'installe dans le New Jersey et il achète une maison, Maple Hall, construite par l'architecte John R. Bergen entre 1860 et 1885, Maple Hall / Fortune, T. Thomas, House est inscrite au National Register of Historic Places / Registre national des lieux historiques depuis le , et inscrite et au New Jersey Register of Historic Places (en) depuis le [17],[18],[19]. En 1915, elle est vendue à une famille d'immigrants italiens qui transforme la maison en boulangerie, quand cette famille quitte la maison en 2006 elle est dans un état de délabrement, il faut la restaurer, ce qui sera le fait du T. Thomas Fortune Project Committee, qui à partir de 2013, non seulement restaure la maison mais construit autour des résidences pour étudiants, le T. Thomas Fortune Cultural Center[20],[21],[6].

Timothy Thomas Fortune repose à l'Eden Cimetery de Collingdale, dans le comté de Delaware en Pennsylvanie[22].

Œuvres (sélection)

  • (en) Black and White : Land, Labor, and Politics in the South, Washington Square Press, 1884, rééd. 6 février 2007, 256 p. (ISBN 0-7432-9104-2, lire en ligne)
  • (en) After War Times : An African American Childhood in Reconstruction-Era Florida, University Alabama Press, 1890, rééd. 30 septembre 2014, 144 p. (ISBN 0-8173-1836-4, lire en ligne)
  • (en) T. Thomas Fortune, the Afro-American Agitator : A Collection of Writings, 1880-1928, Gainesville, University Press of Florida, , 320 p. (ISBN 978-0-8130-3232-0 et 0-8130-3232-6)

Bibliographie

  • (en-US) Ruth Reddick, « T. Thomas Fortune », Negro History Bulletin, vol. 5, No. 2, , p. 42-43 (lire en ligne)
  • (en-US) Emma Lou Thornbrough, « The National Afro-American League, 1887-1908 », The Journal of Southern History, Vol. 27, No. 4, , p. 494-512 (lire en ligne)
  • (en-US) Seth M. Scheiner, « Early Career of T. Thomas Fortune, 1879-1890 », Negro History Bulletin, Vol. 27, No. 7, , p. 170-172 (lire en ligne)
  • (en-US) C. Calloway Thomas, « T. Thomas Fortune On the 'Land of Chivalry and Deviltry », Negro History Bulletin, vol. 42, No. 2, , p. 40-41 (lire en ligne)
  • (en) Susan D. Carle, Debunking the Myth of Civil Rights Liberalism : Visions of Racial Justice in the Thought of T.Thomas Fortune, 1880-1890, Fordham Law Review 77, no. 4, , 56 p. (lire en ligne)

Notes et références

  1. (en) « T. Thomas Fortune | American journalist », sur Encyclopedia Britannica (consulté le )
  2. (en) Susan D. Carle, Debunking the Myth of Civil Rights Liberalism : Visions of Racial Justice in the Thought of T.Thomas Fortune, 1880-1890, Fordham Law Review 77, no. 4, , 56 p. (lire en ligne)
  3. (en-US) « T. Thomas Fortune | Encyclopedia.com », sur www.encyclopedia.com, (consulté le )
  4. (en-US) « Fortune, Timothy Thomas (1856-1928), militant newspaper editor | American National Biography », sur www.anb.org (DOI 10.1093/anb/9780198606697.001.0001/anb-9780198606697-e-1600575, consulté le )
  5. (en-US) Sandra McLaughlin-Galleon, « African American Education in Jacksonville, FL: A Comparison of The Cookman Institute and Old Stanton School » (consulté le )
  6. (en-US) « T. Thomas Fortune | T.Thomas Fortune Foundation » (consulté le )
  7. (en-US) Seth M. Scheiner, « Early Career of T. Thomas Fortune, 1879-1890 », Negro History Bulletin, Vol. 27, No. 7, (lire en ligne)
  8. (en-US) « T. Thomas Fortune », sur Black Past, (consulté le )
  9. (en-US) Adam Serwer, Jasmine Walls, « A Great, Forgotten Black Radical », sur The Atlantic, (consulté le )
  10. (en-US) « 1881 to 1900 | African American Timeline: 1850-1925 | Articles and Essays | African American Perspectives: Materials Selected from the Rare Book Collection | Digital Collections | Library of Congress », sur Bibliothèque du Congrès, Washington. 20540 USA (consulté le )
  11. (en) « Civil Rights Act of 1875 | United States [1875] », sur Encyclopedia Britannica (consulté le )
  12. (en-US) « Legislative Interests », sur History Art & Archive, United States House of Representatives, (consulté le )
  13. (en-US) « NCpedia | NCpedia », sur www.ncpedia.org (consulté le )
  14. (en-US) Nancy Cho, « National Afro-American League », sur Black Past, (consulté le )
  15. (en-US) « National Afro-American League formed », sur African American Registry (consulté le )
  16. (en-US) « Fortune, T. Thomas | Encyclopedia.com », sur www.encyclopedia.com, (consulté le )
  17. (en-US) « National Register of Historical Places - NEW JERSEY (NJ), Monmouth County », sur nationalregisterofhistoricplaces.com (consulté le )
  18. (en-US) « T. Thomas Fortune House », sur The Journal Publications (consulté le )
  19. (en-US) « Timothy Thomas Fortune », sur sites.rootsweb.com (consulté le )
  20. (en-US) Lorraine Stone, « Timothy Thomas Fortune, the Man, the House, the Legacy », (consulté le )
  21. (en-US) « Plan Advances To Save T. Thomas Fortune House », sur The Two River Times, (consulté le )
  22. (en-US) « T.Thomas Fortune », sur Find a Grave (consulté le )

Articles connexes

Liens externes

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