István Széchenyi

Le comte István Széchenyi de Sárvár-Felsővidék (prononciation [ˈseːt͡ʃeːɲi][1]), né à Vienne le et mort à Döbling le , est un homme politique, économiste et écrivain. Véritable polymathe, il fut appelé de son vivant par Lajos Kossuth « le plus grand Hongrois ». Appréciation que le poète Mihály Babits confirma cent ans plus tard dans une étude qu'il lui consacra[2]. Il se fit remarquer par son esprit innovateur dans de nombreux domaines tels que l'économie, la politique extérieure, les transports, les sports. Il mit la Hongrie sur les rails du progrès et plusieurs établissements portent son nom.

István Széchenyi
István Széchenyi aux Portes de Fer. Portrait par József Schoefft
Naissance
Vienne
 Archiduché d'Autriche
Décès
Döbling,
 Empire d'Autriche
Nationalité Hongrie
Famille

Les Széchenyi sont une ancienne et influente famille hongroise, traditionnellement fidèles à la dynastie des Habsbourg, élevée au rang de la noblesse au début du XVIIIe siècle. Ils sont liés aux familles Liechtenstein, Esterházy et Lobkowitz.

Biographie

La demeure familiale à Nagycenk (dans le comitat de Győr-Moson-Sopron)

Il était le plus jeune des six enfants du comte Ferenc Széchényi, fondateur de la Bibliothèque nationale Széchényi et du Musée national hongrois et de la comtesse Julianna Festetics de Tolna. Il passa son enfance à Nagycenk et à Vienne. Il fut instruit par des professeurs privés à la demeure familiale de Nagycenk sous la direction de son père, mais il passa ses examens dans les établissements publics.

Ses études furent interrompues à l'âge de 17 ans. Les menaces napoléoniennes pesaient sur l'empire d'Autriche depuis 1796. Le sujet brûlant des sessions annuelles du parlement fut le recrutement des soldats. Un contingent de 25 000 nouveaux recrues fut voté en 1808 ainsi que la levée du Régiment d'Insurrection (Régiment noble). Le comte Ferenc Széchényi envoya ses trois fils à la guerre.

Carrière militaire

István Széchenyi fut promu lieutenant au régiment des Hussards de Wurtemberg le .

Bataille de Raab

Pendant la bataille de Raab (1809) il fit preuve de courage: « Le général Meskó envoya dans la nuit du 14 au le lieutenant-colonel Graf Széchenyi (de son état-major) à l'archiduc Joseph, porteur des nouvelles». Széchenyi prit une barque sur le Danube pour ne pas tomber entre les mains des Français et atteignit le camp de l'archiduc. La jonction avec les troupes du général Johann Gabriel Marquis du Chasteler de Courcelles se fit le . François Ier exprima sa satisfaction.

Le régiment de l'Insurrection fut dissous le , mais Széchenyi resta au 7e régiment de Hussards Lichtenstein, puis il joignit le Ier régiment de uhlans (lanciers) du général Maximilian Merveldt le .

Bataille de Leipzig

Le soir du le conseil militaire des forces alliées décida de mener le une attaque coordinée et de grande envergure contre l'armée encerclée de Napoléon. La parfaite coordination entre les différentes troupes parfois très éloignées fut indispensable. L'ordre d'attaque fut donné par Karl Philipp de Schwarzenberg feld-maréchal des armées autrichiennes qui stationnèrent dans la ville de Rötha au sud de Leipzig. Au château de Rötha furent présents le tsar Alexandre Ier et l'empereur autrichien François Ier. Le jeune Széchenyi se proposa de transmettre l'ordre d'attaque au général et feld-maréchal Gebhard Leberecht von Blücher qui stationnait au nord de la ville puis aux autres commandants des armées alliées. Le soir du il quitta la ville à cheval. Au fil d'une chevauchée périlleuse il contourna Leipzig par l'ouest et atteignit le camp du général Blücher à l'aube du . Széchenyi changea de cheval et repartit sur l'ordre de Blücher à Breitenfeld pour aviser Jean-Baptiste Jules Bernadotte généralissime de l'armée du nord. Le matin du il fut de retour au camp de Schwarzenberg. Széchenyi fut promu capitaine de première classe de la cavalerie et décoré de l'ordre de Saint-Vladimir (4e classe) par le tsar Alexandre Ier de Russie. Pour cette mission de messagerie il reçut en 1814 la décoration militaire prussienne Pour le Mérite (Blauer Max - Max bleu), ainsi que la croix blanche de l'Ordre des Saints-Maurice-et-Lazare.

Széchenyi combattit à la bataille de Dresde (1813), à la bataille de Kulm et de Nollendorf (1813), à la bataille de Liebertwolkowitz (1813), à la bataille de Kösen (1813) et à la bataille d'Arcis-sur-Aube (1814). Il fut blessé plusieurs fois sur les champs de bataille.

Bataille de Tolentino

Lors de la bataille de Tolentino, le , les troupes commandées par Széchenyi dispersèrent la garde personnelle de Joachim Murat. Il fut décoré de la petite croix de l'Ordre de Saint-Ferdinand et du mérite.

Le il quitta l'armée définitivement et fut décoré de la Croix militaire de l'Autriche.

Voyages

En parallèle du service militaire Széchenyi s'instruisit sans cesse et visita de nombreux pays. En septembre 1815 il partit en France puis il débarqua en Angleterre. En mai 1817 il voyagea en Italie et en Sicile et s'appliqua à l'étude de la poésie italienne. Entre novembre 1818 et février 1819, il visite la Grèce où il étudie la littérature et l'art de la Grèce antique[3]. L'archéologie et l'étude des monuments antiques retient son attention[3]. Par ailleurs, il s'émeut du sort de la population locale et souhaite vivement sa libération de l'occupation ottomane[3]. Ensuite, il traversa le Bosphore et entra en Asie Mineure. Plus tard il parcourut les villes historiques de la Hongrie et de la Transylvanie et se fit des amis fidèles. En mai 1825 il fut nommé chambellan de la délégation qui représenta l'empereur François Ier aux cérémonies du sacre de Charles X dans la cathédrale de Reims.

Ère des réformes

Széchenyi propose la fondation de l'Académie hongroise des Sciences (lithographie)

Face à la résistance des comitats hongrois, Metternich dut convoquer la Diète après treize ans d’interruption. Cette convocation inaugura une ère de réformes jusqu’en 1848.

La session parlementaire débuta en pleine ferveur patriotique le à Pozsony (aujourd'hui Bratislava). Széchenyi devint la figure emblématique de l'ère des réformes. Il proposa la fondation de l'Académie hongroise des Sciences et offrit 60 000 forints (le revenu annuel de ses propriétés)[4]. À la suite de son discours enthousiaste Ábrahám Vay donna 8 000, le comte György Andrássy 10 000, le comte György Károlyi 40 000 forints. De nombreux députés contribuèrent à ce projet d'intérêt national.

Lors de ses voyages en Angleterre Széchenyi fut impressionné par les courses à chevaux. En 1827 il introduisit en Hongrie les courses hippiques et le de cette même année il fonda le Casino national, lieu de rencontre et de débats.

En 1830 il publia le Hitel (Crédit) où il exposa ses idées sur la problématique de solvabilité. Il attaqua les lois féodales, le décret royal de 1351 en particulier qui statuait sur l'inaliénabilité des terres patrimoniales. L'interdiction d'hypothéquer empêchait tout crédit hypothécaire et constituait un obstacle infranchissable au développement rural. Après la publication de Hitel il fut vivement critiqué par ses adversaires et par ceux qui restèrent inconditionnellement fidèles aux Habsbourg.

Dans le Stadium (1831) il proposa un ensemble de réformes concernant:

  • la solvabilité
  • l'annulation du décret sur l'inaliénabilité des terres patrimoniales et l'abolition du droit à la confiscation générale par la Couronne
  • le jus proprietas
  • l'égalité devant la loi
  • la participation proportionnelle aux charges publiques
  • l'abolition des monopoles, des corporations et de la fixation des prix par l'État
  • l'aménagement des cours d'eau sauvages et la construction des routes
  • l'utilisation obligatoire de la langue hongroise dans la législation et dans les tribunaux à partir de 1835

L'aménagement des Portes de Fer

Le il fut chargé par le Ier palatin de Hongrie Joseph de Habsbourg-Lorraine (1776-1847) de mener les travaux de l'aménagement des Portes de Fer (Danube) à Orşova. Des masses de roches furent dynamitées sous la direction de l'éminent ingénieur Pál Vásárhelyi pour pouvoir élargir le lit du Danube. En 1834 Széchenyi et son équipe réussit à franchir les Portes de fer à bord du vapeur Argo.

Széchenyi n'épargna aucun effort pour promouvoir les activités de la Compagnie de navigation à vapeur du DanubeVienne (Donaudampfschiffahrtsgesellschaft (DDSG). Széchenyi fut le promoteur de la navigation à vapeur sur le lac Balaton. Il inaugura en 1846 le vapeur Kisfaludy qui desservit Balatonfüred et Keszthely.

L'aménagement de la rivière Tisza

En traversant le grand Alföld, la plus grande plaine de l'Europe, la Tisza décrit des méandres. Les inondations qui se produisaient à cet endroit causaient des dégâts humains et matériels considérables. Après plusieurs vaines tentatives, c'est Széchenyi qui s'attela au projet d'aménagement conçu par l'ingénieur Pál Vásárhelyi, dont les travaux débutèrent le . La longueur de la rivière fut diminuée, un nouveau lit fluvial fut creusé sur une longueur de 136 km. Un bras mort de presque 600 km fut aménagé et la déclivité de la rivière fut augmentée. Széchenyi introduit en Hongrie la sériciculture, fonda une société pour promouvoir le développement économique. Il fit construire le premier moulin à vapeur et fut l'initiateur de la construction du pont à chaînes qui relie les deux rives du Danube entre Pest et Buda.

Révolution hongroise de 1848

Le cabinet ministériel de Batthyány

La Hongrie se déclara indépendante de l'Autriche. À la demande de Lajos Batthyány il accepta de diriger le portefeuille des transports et des travaux publics entre le et le .
L'échec de la guerre d'indépendance le plongea dans une dépression. Il fut hanté par l'idée du dépérissement de la nation. Il fut interné à l'asile de Döbling. Grâce à la sollicitude de son épouse il retrouva sa puissance mentale. Il y écrivit Önismeret (Introspection: se connaître soi-même) notes pédagogiques au sujet de l'éducation de l'enfant.
Plus important encore son travail Ein Blick (1859) (Un coup d'œil) qui fut une réponse au pamphlet anonyme Rückblick (Un coup d'œil rétrospectif) (1857), qui tenta de justifier les mesures répressives du système de contrôle policier imposées par Alexander von Bach à la suite de la guerre d'indépendance. Le pamphlet de Széchenyi fut publié à Vienne et à Londres. La police soupçonna un complot politique et effectua une perquisition chez Széchenyi. Il mit fin à ses jours le .

Œuvres

  • Hitel (Crédit), 1830.
  • Stádium
  • Világ (Lumière)
  • Hunnia
  • Kelet népe (Peuple d'orient)
  • Traité pratique d'élevage
  • Traité d'élevage de chevaux de sport
  • Traité sur la sériciculture
  • Consignes paternelles (adressées à ses fils)
  • Notes diverses (appelées par Árpád Károlyi « La grande satire hongroise »)
  • Napló (Journal intime)
  • Önismeret, (Introspection: se connaître soi-même) (notes pédagogiques au sujet de l'éducation de l'enfant)
  • Ein Blick auf dem anonymen Rückblick (Un coup d'œil sur l'Un coup d'œil rétrospectif)

Famille

Crescence Seilern-Aspang

En 1836 Széchenyi épousa la comtesse Crescence (Louise) Seilern-Aspang (veuve Zichy) qui fut longtemps sa muse. Le couple eut deux fils et une fille:

  • Béla (1837-1908)
  • Ödön (1839-1922)
  • Júlia (1844-1844)

Béla Széchenyi voyagea en Asie centrale, il fut un explorateur géographique.
Ödön Széchenyi fonda le service d'incendie hongrois. En 1880 il fut nommé par le sultan Abdülhamid II pacha de l'Empire ottoman.

Décorations

Galerie

Références

  1. (hu) MTA, A magyar helyesírás szabályai [« Règles de l'orthographe hongroise »], Budapest, Akadémiai kiadó, , 11e éd., n° 87
  2. François Fejtő, Requiem pour un empire défunt, Perrin, collection tempus 2014 p. 146
  3. Ödön Füves, « La guerre de l' indépendance Hellénique de 1821 et la Hongrie », Μακεδονικά, vol. 16, no 1, , p. 323 (DOI 10.12681/makedonika.643, lire en ligne)
  4. Jean Bérenger, L'Empire austro-hongrois 1815-1918, Paris 2011, p.41.

Annexes

Liens externes

Bibliographie

  • Csorba László: Széchenyi István, Officina Nova, 1991. Magyar Könyvklub, Budapest, 2001. (hu)
  • Ács Tibor: Katonaként is magyar, Zrínyi Kiadó, Budapest, 2009. (ISBN 978-963-327-485-9) (hu)
  • Jan N. Lorenzen: Die grossen Schlachten: Mythen, Menschen, Schicksale, Campus Verlag, 2006. (ISBN 978-3-593-38122-0) (de)
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