Status-6 Poseidon

Le système océanique polyvalent Status-6 Poseidon (en russe : Статус-6 Посейдон), ou Kanyon pour la CIA, est un projet russe d'arme sous-marine à conduite autonome mue par moteur dont l'énergie est fournie par un réacteur nucléaire naval et qui serait capable de délivrer une ogive thermonucléaire de 2 à 100 mégatonnes (il est à noter que des doutes subsistent quant à la réalité de cette puissance de feu annoncée de 100 mégatonnes)[1].

Pour les articles homonymes, voir Kanyon.

En 2018, elle était encore au stade du développement. Elle est annoncée par certains médias comme capable d'engendrer une vague haute de plusieurs centaines de mètres par la création d'un tsunami à la position de son explosion.

Pouvant être équipée d'une charge nucléaire sur base de cobalt 60[2], son explosion rendrait un territoire côtier inhabitable dans un rayon de plusieurs dizaines de kilomètres et ce sur des décennies, voire jusqu'à un siècle[3],[4].

Le , le ministère russe de la défense a annoncé qu'à la suite d'une consultation populaire, cette arme était officiellement nommée Poseidon[5],[6].

D'une progression exclusivement sous-marine, elle est insensible aux contre-mesures actuelles destinées à la défense antimissile : missiles antibalistiques, armes à énergie dirigées (lasers de puissance) et canons électriques, mesures qui peuvent seulement s'opposer à des ICBM ou des SLBM. Le drone-torpille Status-6 Poseidon ne peut donc être contré que par des mesures de lutte anti-sous-marine[7].

Historique

La première mention officielle de cette arme remonte à  ; le rapport cite des sources du Pentagone américain[8]. Le , la station de télévision de la chaîne russe NTV montre « par erreur » un document que tient un général russe ; le document contient une plainte de Vladimir Poutine contre des projets américains de missiles défensifs. Cette information mène à un débat à savoir s'il s'agit d'un avertissement aux pays de l'Ouest ou de la désinformation[9].

Un Nuclear Posture Review du Pentagone publié en affirme que Status-6 est en développement[10] ,[11].

Lors de son discours annuel du premier , le président russe Vladimir Poutine annonce six nouveautés dans les systèmes d'armes stratégiques russes ; le drone-torpille Status-6 Poseidon en fait partie[12],[13].

Le , le ministère de la défense de Russie a publié la première vidéo présentant le système océanique polyvalent Poseidon[14].

Début , le vice-amiral Nils Andreas Stensønes (en), tout nouvellement nommé chef du renseignement norvégiens, affirme auprès de CNN que l'arme serait dès à présent en phase de tests, ce qui s'illustre par une montée en puissance conjointe des activités militaires sur les côtes arctiques russes[15],[16].

Caractéristiques

Les caractéristiques opérationnelles précises du drone sous-marin Status-6 Poseidon sont classifiées et donc officiellement inconnues à ce jour.

Celles présentées ci-dessous sont donc provisoires et sujettes à rectifications (à la hausse comme à la baisse, car il est important de tenir compte des effets de désinformations d'ordre militaire, maskirovka en russe).

  • Longueur : ~ 24 mètres.
  • Diamètre : ~ 2 mètres.

Vitesse : variable, entre une trentaine de nœuds (mode furtif), et jusqu'à 70 à 200 nœuds (cette dernière vitesse donnée étant sujette à caution : désinformation ?) sur une distance de 10 kilomètres et à faible profondeur grâce à l'emploi de techniques de supercavitation (une possibilité remise en question par l'expert américain en sous-marin H.I. Sutton)[17].

Rayon d'action : 10 000 kilomètres.

Profondeur de fonctionnement : jusqu'à 1 000 mètres.

Propulsion : nucléaire. Détails inconnus à ce jour.

Charge stratégique : entre Mt et 100 Mt (cette dernière donnée étant sujette à caution : désinformation ?) Cependant, le drone sous-marin Status-6 Poseidon peut emporter une charge conventionnelle comme une charge nucléaire.

Parmi les aspects techniques notables, il est important de souligner que la technologie de supercavitation n'est pas nouvelle dans l'arsenal russe puisque déjà utilisée avec les torpilles à grande vitesse Shkval et leurs remplaçantes à venir les Khishchnik[18].

Analyse stratégique opérationnelle

Ce système d'arme stratégique est bâti sur l'usage d'effets d'évitement et de surprise. Effectivement, sa vitesse variable peut permettre un déplacement très rapide par un système de propulsion par supercavitation (ce mode de déplacement rendant extrêmement difficile son interception et sa destruction en milieu aquatique) ou une approche furtive à plus faible vitesse et utilisation d'un système d'hélice difficilement détectable de dernière génération[19].

Cet engin étant exclusivement réservé au milieu marin, ce sont donc les installations côtières stratégiques qui sont ciblées (grands ports civils et/ou militaires, infrastructures nucléaires civiles ou militaires, villes côtières à caractères politique et économique stratégiques), ou des flottes stratégiques en mer (comme celle incluant un porte-avion par exemple).

Pour l'armement nucléaire de ce drone, il est indéniable que l'utilisation d'une charge même réduite (à partir de Mt) permettrait de générer un effet tsunami si déclenchée au large de côtes ou en pleine mer, ou encore un effet destructeur et radiatif neutralisant (par l'adjonction d'un matériel radioactif adapté, comme le cobalt 60 par exemple) si déclenchée au contact des infrastructures visées.

Cependant, et concernant l'aspect « tsunami » évoqué, il est important de souligner que de précédentes études scientifiques (à la fin des années 60 puis en 2005) tendent à démontrer qu'une vague géante provoquée intentionnellement par une explosion artificielle tendrait à se briser au large des côtes (l'effet Van Dorn)[20],[21].

Dans les années 70, ces conclusions avaient d'ailleurs amené les états majors de la Navy à postuler en faveur du caractère inopérant de ce type d'attaque.

En ce qui concerne le Poseidon, son emploi devrait donc tenir compte de la bathymétrie locale de la cible, et obligerait au développement d'une « bibliothèque » d'amplitudes de vagues attendues le long des côtes vulnérables.

Les effets seraient probablement bien moindres que ceux annoncés par certains organes de propagande, mais il ne serait pas impossible que la vague générée puisse atteindre de dix à vingt mètres selon la configuration de la zone côtière, ce qui serait suffisant pour l'atteinte d'un objectif stratégique côtier.

Néanmoins, il reste important ici de tenir compte des puissances nucléaires annoncées pour cette arme. Bien que la charge de 100 Mt paraisse démesurée et sujette à caution (actions de propagande), si celle-ci était atteinte ou seulement approchée, il serait possible d'envisager des conséquences en terme d'effet de tsunami qui pourraient dépasser les calculs effectués dans les recherches précitées.

Au-delà de l'effectivité de cette action « tsunami » annoncée, il ne faudrait bien sûr pas omettre de prendre en compte les effets thermonucléaires d'une explosion déclenchée sur un site côtier. Les résultats en seraient évidemment instantanément dévastateurs.

Enfin, concernant les soupçons de désinformation militaire concernant cette arme, il est nécessaire de tenir compte également des autres dépenses colossales effectuées en rapport avec ce présent projet, pour le sous-marin K-329 Belgorod par exemple (le premier sous-marin - d'un modèle issu de la classe Oscar II et largement remodelé - désigné pour déployer jusqu'à six torpilles Status-6 Poseidon et pour des missions spéciales) ou encore le sous-marin Khabarovsk du projet 09851 (classe Boreï selon l'expert américain H I Sutton)[22].

Ces dépenses militaires sont d'une telle ampleur pour un pays comme la Russie qu'il serait trompeur de les assimiler à une seule entreprise de désinformation.

Le risque stratégique majeur lié à cette arme est donc d'actualité, et ce particulièrement dans un contexte où les contre-mesures maritimes qui lui seraient adaptées sont aujourd'hui non opérationnelles.

Les tensions grandissantes entre la Russie et les pays de l'OTAN, relancées en 2002 du fait de la décision prise au sein de l'OTAN du déploiement par les États-Unis de leur solution bouclier anti-missile en Europe de l'Est[23], suivie de la reprise des vols continus des bombardiers stratégiques russes en 2007[24] selon un modus operandi de la guerre froide, puis en 2013 par la guerre en Syrie, la crise ukrainienne et par la guerre du Donbass[25] ont établi le retour à une Nouvelle guerre froide. Un cap est franchi en août 2019 avec l'abandon du traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire entre ces deux pays[26]. A travers ces projets militaires ainsi que l'affichage d'objectifs stratégiques sur les territoires maritimes arctiques[27],[28] ou du Pacifique Nord[29],[30],[31],[32],[33],[34], le président russe avertit et cherche à impressionner ses homologues, cela dans un contexte international tendu, avec un fond stratégique plus que jamais basé sur la dissuasion nucléaire et sa doctrine du MAD ou destruction mutuelle assurée.

Notes et références

Notes

(en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Status-6 Oceanic Multipurpose System » (voir la liste des auteurs).

Références

  1. (en) « Key stage of Poseidon underwater drone trials completed, says Putin », www.tass.com, (lire en ligne, consulté le ).
  2. (en) Vikas Shukla, « What Is The Purpose Of Russia's Deadly Status-6 Torpedo », sur www.valuewalk.com, (consulté le ).
  3. (en) Bill Gertz, « CIA: Leak of Nuclear-Armed Drone Sub Was Intentional », sur www.freebeacon.com, (consulté le ).
  4. (en) Kyle Mizokami, « Pentagon Confirms Existence of Russian Doomsday Torpedo », sur www.popularmechanics.com, (consulté le ).
  5. (en) Nicholas Fiorenza, « New Russian weapons named », sur Jane's Information Group, (consulté le ).
  6. (en) Kyle Mizokami, « Russia’s Nuclear Tsunami Apocalypse Torpedo is Named 'Poseidon' », sur www.popularmechanics.com, (consulté le ).
  7. (en) H I Sutton, « Russian 'Poseidon' Intercontinental Nuclear-Powered Nuclear-Armed Autonomous Torpedo », sur www.hisutton.com, (consulté le ).
  8. (en) Bill Gertz, « Russia Building Nuclear-Armed Drone Submarine », sur www.freebeacon.com, (consulté le ).
  9. (en) Roland Oliphant, « Secret Russian radioactive doomsday torpedo leaked on television », sur www.freebeacon.com, (consulté le ).
  10. (en) Carlos Ballesteros, « Russia has underwater nuclear drones, newly leaked Pentagon documents reveal », sur www.newsweek.com, (consulté le ).
  11. (en) Robert Farley, « Russia's Status-6: The Ultimate Nuclear Weapon or an Old Idea That Won't Die? », sur The National Interest (consulté le ).
  12. « Vladimir Poutine dote la Russie de nouvelles armes nucléaires soi-disant « invincibles » », sur Sciences et Avenir (consulté le ).
  13. TV5 Monde, « Vladimir Poutine vante ses nouvelles armes « invincibles » », sur https://www.youtube.com, (consulté le ).
  14. (en) « Russia releases first video footage of new Kanyon/Status-6 nuclear torpedo », sur Naval Today, (consulté le ).
  15. (en) Nick Paton Walsh, « Satellite images show huge Russian military buildup in the Arctic », sur www.edition.cnn.com, (consulté le )
  16. Jeremy Van der Haegen, « La Russie cache-t-elle une super-arme dans l’Arctique ? », sur www.fr.businessam.be, (consulté le )
  17. (en) David Hambling, « The Truth Behind Russia’s 'Apocalypse Torpedo' », sur www.popularmechanics.com, (consulté le ).
  18. (en) « Russia Developing Khishchnik High-Speed Missile », sur https://www.defenseworld.net/, (consulté le ).
  19. (en) Kyle Mizokami, « Pentagon Confirms Russia's Thermonuclear Submarine Bomb Is Real », sur www.popularmechanics.com, (consulté le ).
  20. (en) « UNCLASSIFIED Final report Handbook of explosion-generated water waves », (consulté le ).
  21. (en) D. G. Korycansky P. J. Lynett, « Offshore breaking of impact tsunami: The Van Dorn effect revisited », sur www.agupubs.onlinelibrary.wiley.com, (consulté le ).
  22. (en) H I Sutton, « Analysis - Russian Status-6 aka Kanyon nuclear deterrence and Pr 09851 submarine », sur www.geopolitica.ru, (consulté le ).
  23. Communiqué de presse OTAN, « Déclaration du Sommet de Prague », sur www.nato.int, (consulté le )
  24. « Reprise des vols permanents de bombardiers russes », sur www.lefigaro.fr, (consulté le )
  25. Jean-Christophe Romer, « La nouvelle relation de Moscou avec les États-Unis et les pays européens », sur www.franceculture.fr, (consulté le ).
  26. L'Obs avec AFP, « Le traité nucléaire entre la Russie et les États-Unis est mort », Le Nouvel Obs, (lire en ligne, consulté le )
  27. Marlène Laruelle, « La politique arctique de la Russie », sur www.ifri.org, (consulté le )
  28. Inconnu, « Le détroit de Béring, porte orientale de l'Arctique », sur www.cesm.marine.defense.gouv.fr, (consulté le )
  29. RFI, « Manœuvres militaires sino-russes en mer Jaune », sur www.rfi.fr, (consulté le )
  30. Muriel Pomponne, « Manoeuvres militaires russo-chinoises au large de Vladivostok », sur www.rfi.fr, (consulté le )
  31. Le Point & AFP, « Tensions en mer de Chine: Pékin et Moscou vont mener des exercices navals », sur www.lepoint.fr, (consulté le )
  32. Boris Alexandre Spasov, « Vers une nouvelle stratégie et géopolitique du Pacifique », sur www.tahiti-pacifique.com, (consulté le )
  33. Jean-Michel Dasque, « Manœuvres conjointes entre les armées russe et chinoise en Sibérie et dans la province d’extrême orient », sur www.institut-du-pacifique.org, (consulté le )
  34. (en) TASS russian news agency, « Belgorod nuclear submarine carrier with Poseidon nuke drones to serve in Pacific », sur www.tass.com/defense, (consulté le )

Voir aussi

Bibliographie

(en) H. Sutton , Covert Shores: The Story of Naval Special Forces Missions and Minisubs, Caroline du Sud, CreateSpace Independent Publishing Platform, , 276 p. (ISBN 978-1533114877).

Liens externes

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