Revendications territoriales en Arctique

En l'état actuel du droit international, aucun pays ne possède le pôle Nord ou la région de l'océan Arctique qui l'environne. Les cinq États entourant la zone, la Russie, les États-Unis (par l'Alaska), le Canada, la Norvège et le Danemark (par le Groenland) voient leur souveraineté limitée par la limite des 200 milles marins (zone économique exclusive)[1].

Carte topographique de l'Arctique

Par la ratification de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer, chaque pays dispose d'une période de dix ans pour revendiquer l'extension de son plateau continental. De ce fait, la Norvège (qui l'a ratifié en 1996[2]), la Russie (en 1997[2]), le Canada (en 2003[2]) et le Danemark (en 2004[2]) ont mis en œuvre divers projets de revendication sur certains secteurs de l'Arctique qui pourraient relever de leur territoire. Les États-Unis ont signé mais pas encore ratifié le traité, bien que George W. Bush ait incité le Sénat américain à le ratifier le [3]. Le , la Commission des Affaires étrangères du Sénat américain a renvoyé le texte au Sénat pour ratification[4].

Pôle Nord et océan Arctique

Des secteurs nationaux : 1925-2005

En 1925, se fondant sur le principe des secteurs, le Canada est devenu le premier État à étendre ses frontières en direction du Nord et du Pôle, du moins sur papier, entre les 60°O et 141°O de longitude. Cette revendication n'est cependant pas universellement admise (il y a en effet 415 milles nautiques, soit 770 km, d'océan entre le pôle et les côtes les plus septentrionales du Canada). La Russie (entre le 35°E et le 170°O) et la Norvège (du 5°E au 35°E) ont également revendiqué de tels secteurs, tout comme les États-Unis (entre le 170°W et le 141°W). La souveraineté du Danemark sur l'ensemble du Groenland a été reconnue par les États-Unis en 1916 et par la Cour permanente internationale de justice en 1933. Le Danemark pouvait donc également revendiquer un secteur (entre le 60°O et le 10°O)[5].

Par ailleurs, le Canada revendique les eaux situées entre les îles de l'archipel arctique canadien en tant qu'eaux « intérieures ». Les États-Unis ne reconnaissent pas ces revendications.

Le , le Præsidium du Soviet suprême de l'URSS déclara territoire soviétique la zone située entre deux lignes (35°E et 170°W) tirées depuis Mourmansk et depuis la péninsule Tchouktche jusqu'au Pôle Nord[6].

Pour le reste, jusqu'en 1999 le pôle Nord et la majeure partie de l'océan Arctique ont été globalement considérés comme zone internationale. Mais depuis que les glaces polaires tendent à fondre, à une vitesse d'ailleurs supérieure à ce qui était envisagé, plusieurs pays ont renouvelé leurs revendications ou en ont lancé de nouvelles sur les eaux et fonds marins du pôle[réf. souhaitée].

Une nouvelle course vers le Nord : depuis 2006

La province autonome danoise du Groenland a la côte la plus proche du Pôle nord, et le Danemark soutient que la dorsale de Lomonossov est en fait une extension du Groenland. Le projet danois fut soutenu par une expédition (LORITA-1) en avril-[7] et s'est poursuivi avec une recherche en tectonique lors de l'expédition LOMROG, au cours de l'Année polaire internationale 2007-2008[8].

Le , la Norvège a également déposé une demande officielle à la commission des Nations unies sur les limites du plateau continental en accord avec la Convention des Nations unies sur le droit de la mer (article 76, paragraphe 8). Celle-ci vise à étendre la zone des 200 milles norvégienne dans trois secteurs de l'Atlantique du Nord-Est et dans l'Arctique. La demande déposée précise qu'une demande additionnelle sera déposée ultérieurement[9].

La Russie revendique une part plus importante s'étendant jusqu'au pôle Nord. Moscou défend l'idée que les fonds arctiques et sibériens sont reliés en un unique plateau continental[1].

Le , la Russie a déposé sa demande officielle à la Commission des Nations unies. Ce document propose d'établir une nouvelle limite du plateau continental russe, au-delà de la ZEE mais à l'intérieur du secteur arctique russe[10]. Le territoire ainsi revendiqué couvre une large partie de l'Arctique et inclut le pôle[11]. L'un des arguments avancé est que la dorsale de Lomonossov et la dorsale de Mendeleïev sont des extensions du continent eurasiatique. En 2002 la Commission des Nations unies, sans rejeter ou accepter la demande, recommanda de nouvelles recherches[10].

Le , une expédition russe appelée Arktika 2007, composée de six explorateurs dirigés par Arthur Tchilingarov, utilisant des submersibles Mir, descendit pour la première fois de l'histoire au fond de l'océan Arctique sous le pôle Nord. Un drapeau russe fut planté et des sédiments et de l'eau furent récoltés afin de fournir de nouvelles preuves des richesses minérales de l'Arctique[12].

En septembre 2013, Vladimir Poutine a également prononcé un discours à bord d'un brise-glace nucléaire, appelant à poursuivre les efforts pour sécuriser les intérêts « stratégiques, économiques, scientifiques et défensifs » de la Russie dans l'Arctique[13].

Cette expédition a également conduit à diverses tensions, notamment avec les autorités canadiennes.

En , un brise-glace américain, le USCG Cutter Healy (WAGB-20) (en), s'est rendu dans l'Arctique afin de cartographier le fonds marin au large de l'Alaska. Larry Mayer, directeur du Center for Coastal and Ocean Mapping de l'université du New Hampshire, déclara que cette expédition était prévue depuis des mois et qu'elle n'avait rien à voir avec l'expédition russe. Le but de l'expédition américaine est de définir les limites du plateau continental de l'Alaska[14].

Futur

Il a été établi par le GIEC en 2007, que des richesses maritimes vont être accessibles du fait du changement climatique. La zone polaire pourrait connaître un changement similaire à celui du Moyen-Orient du fait de l'ouverture du canal de Suez au XIXe siècle. On assistera à une course entre pays pour le pétrole, le poisson, les diamants qui ira en s'accélérant du fait du réchauffement climatique[15]. Les richesses potentielles en cause ne résultent pas tant dans la pêche elle-même que dans les réserves d'énergies fossiles qui se trouveraient au fond de la mer. Leur existence est établie dans la mer de Beaufort. Le , l'Agence spatiale européenne a rapporté que la fonte des glaces avait ouvert le passage du Nord-Ouest « pour la première fois depuis le début des études en 1978 », et que l'ampleur de la fonte en 2007 rendait le passage « pleinement navigable »[16],[17].

Île Hans

Carte du passage Kennedy et l'île contestée.

L'île Hans est située dans le détroit de Nares entre l'île d'Ellesmere (la plus au nord du Nunavut) au Canada et le Groenland.

En 1973, le Canada et le Danemark ont négocié et ratifié un traité de délimitation en vigueur depuis 1974. Le traité liste 127 points (latitude et longitude) du détroit de Davis à l'extrémité du passage Robeson, qui fixent la limite entre les deux États. Mais le traité ne pose pas de ligne entre les points 122 (80° 49' 2 - 66° 29' 0) et 123 (80° 49' 8 - 66° 26' 3), sur une distance de 875 mètres. L'île de Hans est située au centre de cette zone.

Le drapeau danois a été planté sur l'île en 1984, 1988, 1995 et 2003. Le Canada a protesté à chaque fois.

La question n'est pour l'heure pas tranchée[18].

Mer de Beaufort

Territoire contesté dans la mer de Beaufort

Il existe un débat sur la frontière entre le territoire canadien du Yukon, et l'État américain de l'Alaska dans la mer de Beaufort[19].

La position canadienne est que la frontière maritime doit prolonger la frontière terrestre. Les Américains soutiennent que la frontière doit se situer sur une ligne équidistante des côtes des États. Les zones disputées pourraient contenir des réserves importantes d'hydrocarbure. Les États-Unis ont déjà réalisé des recherches prospectives. Le Canada a protesté sur le terrain diplomatique[20].

L'absence de ratification par les États-Unis de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer empêche tout règlement du conflit.

Passage du Nord-Ouest

Le passage du Nord-Ouest

Le statut du passage du Nord-Ouest est discuté : le Canada le considère comme partie intégrante de ses eaux intérieures, et donc que sa souveraineté y est entière[21]. Les États-Unis et de nombreuses autres nations[22] considèrent qu'il s'agit d'un passage international[23] ce qui signifie que les navires étrangers disposent d'un droit de passage[24]. Sous un tel régime, le Canada aurait le droit de règlementer la pêche, la protection de l'environnement par exemple mais ne pourrait fermer le passage[25],[26].

Notes et références

  1. news.yahoo.com
  2. http://www.un.org/Depts/los/reference_files/status2007.pdf
  3. (en) « President's Statement on Advancing U.S. Interests in the World's Oceans », sur georgewbush-whitehouse.archives.gov, Maison Blanche (consulté le ).
  4. (en) Kevin Drawbaugh, « U.S. Senate panel backs Law of the Sea treaty », sur reuters.com, Reuter, (consulté le ).
  5. (en) T. E. M. McKitterick, « The Validity of Territorial and Other Claims in Polar Regions », Journal of Comparative Legislation and International Law, Cambridge University Press, vol. XXI, no 1, , p. 89-97 (JSTOR 754556).
  6. (en) George Ginsburgs, The Soviet Union and International Cooperation in Legal Matters, Martinus Nijhoff Publishers, coll. « Law in Eastern Europe » (no 38), (ISBN 0-7923-3094-3, OCLC 17509268).
  7. LORITA-1 (Lomonosov Ridge Test of Appurtenance)
  8. LOMROG - Lomonosov Ridge off Greenland « Copie archivée » (version du 30 septembre 2011 sur l'Internet Archive)
  9. Outer limits of the continental shelf beyond 200 nautical miles from the baselines: Submissions to the Commission: Submission by Norway CLCS. United Nations
  10. Outer limits of the continental shelf beyond 200 nautical miles from the baselines: Submissions to the Commission: Submission by the Russian Federation CLCS. United Nations
  11. Area of the continental shelf of the Russian Federation in the Arctic Ocean beyond 200-nautical-mile zone - borders of the 200 mile zone are marked in red, territory claimed by Russia is shaded
  12. The Battle for the Next Energy Frontier: The Russian Polar Expedition and the Future of Arctic Hydrocarbons, Shamil Midkhatovich Yenikeyeff et Timothy Fenton Krysiek, Oxford Institute for Energy Studies, août 2007
  13. Hugues Eudeline, Jean Guellec, Jérôme Pasinetti, Gérard Valin & Lars Wedin, « Ambitions des puissances maritimes émergentes. Opportunités et risques pour les intérêts français. », RAPPORT FINAL AESMA, no EPS 2013/39, , p. 82 (www.defense.gouv.fr, consulté le )
  14. news.yahoo.com
  15. The Big Melt, The New York Times, octobre 2005
  16. « Satellites witness lowest Arctic ice coverage in history » (consulté le )
  17. « Warming 'opens Northwest Passage' » (consulté le )
  18. (en) Canadian Press, « Satellite imagery moves Hans Island boundary: report », (consulté le )
  19. Transnational Issues CIA World Fact Book
  20. Sea Changes
  21. UNCLOS part IV, ARCHIPELAGIC STATES
  22. Northwest Passage gets political name change - Ottawa Citizen « Copie archivée » (version du 21 janvier 2016 sur l'Internet Archive)
  23. Climate Change and Canadian Sovereignty in the Northwest Passage
  24. The Northwest Passage Thawed
  25. UNCLOS part III, STRAITS USED FOR INTERNATIONAL NAVIGATION
  26. The Northwest Passage and Climate Change from the Library of Parliament - Canadian Arctic Sovereignty

Voir aussi

Bibliographie

Articles connexes

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