Robert Debré

Robert Debré, né à Sedan le et mort au Kremlin-Bicêtre le , est un médecin français, considéré comme l'un des fondateurs de la pédiatrie moderne. Il est par ailleurs le père de l'homme politique Michel Debré, du peintre Olivier Debré et de sa fille médecin Claude Monod-Broca, le grand-père des hommes politiques Jean-Louis Debré et de Bernard Debré.

Pour les autres membres de la famille, voir Famille Debré.

Biographie

Plaque apposée au no 5 de la rue de l'Université où Robert Debré vécut de 1926 à 1978.

Robert Anselme Debré[1] est issu d’une famille de rabbins alsaciens émigrés après la guerre franco-allemande de 1870. Son père Simon Debré (1854-1939) est écrivain, linguiste et talmudiste renommé, rabbin à Sedan de 1880 à 1888, puis grand rabbin à Neuilly-sur-Seine, et auteur d'un livre sur « l'humour judéo-alsacien[2] ».

Ayant débuté à la Sorbonne des études de philosophie, il les abandonne après la licence pour se consacrer à la médecine. Il est âgé de 26 ans le 4 août 1908, lorsqu'il épouse à Paris Jeanne Debat-Ponsan[N 1], fille du peintre Édouard Debat-Ponsan et l'une des premières femmes à avoir été reçue au concours de l'internat de médecine[3],[4].

Les grandes étapes de son parcours professionnel

En , à 24 ans, il est reçu à l'internat des hôpitaux de Paris[5]. Le , il épouse Jeanne Debat-Ponsan, une des premières femmes internes en médecine des hôpitaux de Paris, sœur de Jacques Debat-Ponsan et belle-sœur de André Morizet[6].En 1914, l'année de ses 32 ans, il est mobilisé comme médecin-lieutenant dans un régiment d'artillerie[7].

Sept ans plus tard, la guerre finie, il devient médecin des hôpitaux. La même année, il est nommé chef de service à l'hôpital Bretonneau à Paris. Sa première épouse, Jeanne Debat-Ponsan, meurt le (elle est la mère de Michel Debré, Claude Debré et Olivier Debré). Dans les années 1930, il tient le même poste à l'hôpital des Enfants malades, toujours à Paris, ayant clairement choisi d'être un « médecin d'enfants[8] ».

En , à la suite de l'occupation allemande et de la mise en application des lois antisémites, il se voit interdire de continuer à pratiquer. Sans qu'il y ait de protestations très apparentes, la solidarité des milieux universitaires et médicaux joue à plein en sa faveur pour qu'il obtienne une dérogation. Le doyen de la faculté de médecine et le secrétaire général à la Santé le tiennent discrètement informé des démarches menées en sa faveur. L'argumentation de cette dérogation met en avant son expertise, notamment sur la méningite cérébro-spinale, la rougeole, la diphtérie et la tuberculose. Un des avis, bien que favorable, note cependant que le professeur Debré est considéré comme ayant exercé une influence favorable au Front populaire au sein des milieux médicaux. Le 5 janvier 1941, le maréchal Pétain signe la dérogation, mais elle met plusieurs mois à être publiée au Journal officiel et n'est applicable que mi-juillet 1941[8]. À la rentrée universitaire de 1941 à près de 59 ans, il est élu, à l'unanimité de ses pairs, à la chaire de clinique de médecine infantile à l’hôpital des Enfants malades. Son statut reste précaire. Proclamant à la fois sa fidélité au judaïsme et à l'État français, il croit jusqu'au printemps 1941 à un double jeu du Maréchal, mais ses illusions se dissipent. Fin 1942, accompagné de Clovis Vincent et de Louis Pasteur Vallery-Radot, il rencontre secrètement le colonel Remy, agent secret de la France libre en territoire occupé, sur la création d'un service clandestin de médecine et de chirurgie pour la Résistance intérieure française[9].

Il est aussi en relation avec d'autres milieux de la Résistance et fournit aux Éditions de Minuit le moyen de démarrer[10]. Il passe par Montauban, rencontre l’évêque Théas, grâce auquel sa mère sera abritée près de Montauban[11],[12]. Son fils Michel y fabriquait déjà des fausses cartes à la mairie et organisait des abris sûrs dans les maisons religieuses, avec l’appui de Bourdeau, coadjuteur de l’évêque.

Il refuse à partir de 1943 de porter l'étoile jaune, sans disposer de dispense. Il commence également à participer aux actions médicales au sein de la Résistance intérieure, par l'entremise du mouvement « Front national », sans adhérer pour autant au parti communiste qui pilote ce mouvement[8]. Le groupe du Front national auquel il appartient, outre un appui médical à la Résistance, formule en 1944 des propositions de réformes hospitalo-universitaires qui seront reprises bien des années plus tard, par Gabriel Richet et Jean Dausset dans les ordonnances des 11 et 30 décembre 1958[8], par le gouvernement français[N 2]. Robert Debré s'emploie à cacher des enfants échappés des rafles, dans sa maison de Touraine. Il abrite également un atelier de fabrication de faux papiers à l’hôpital des Enfants malades. Il échappe à une arrestation, avec Frédéric Joliot-Curie et Louis Pasteur Vallery-Radot, et est contraint à la clandestinité. En août 1944, il participe à la Libération de Paris, en liaison avec le colonel Rol-Tanguy, et soigne les blessés[13].

De 1946 à 1964, Robert Debré est le président de l'Institut national d'hygiène[N 3], se mobilisant pour le renouveau et l'essor d'une politique d'hygiène et de santé publique en France, même si, au sein du milieu hospitalier, il est devenu l'archétype du grand mandarin[14].

Veuf depuis 1929, le 11 juillet 1956, dans sa soixante-quatorzième année, il épouse en secondes noces Élisabeth de La Panouse[N 4] avec qui il entretenait une relation étroite au moins depuis les années de l'Occupation[N 5]. Sa seconde épouse est morte en 1972 à 73 ans. Sa biographie a été publiée en mars 2021 chez l'Harmattan : Titre : De châteaux en prison, la vie d'Elisabeth de La Panouse-Debré. Sous-titre : Amour et résistance. Auteure : Lorraine Colin

Ses apports et sa postérité

En 1949 il crée le Centre international de l'enfance. Son nom est aussi associé à la création des centres hospitaliers universitaires (CHU) avec la réforme hospitalo-universitaire de 1958, réforme qu'il avait proposée dans les derniers mois de la Seconde Guerre mondiale[N 6],[8]. Cette réforme consacre une double appartenance du corps médical dans ces établissements, hospitalière et universitaire, avec trois responsabilités : les soins, l’enseignement et la recherche.

Membre de l'Académie nationale de médecine dès 1933, il est élu membre de l'Académie des sciences en 1961.

Son ouvrage de pédiatrie, Traité de pathologie infantile, écrit en collaboration avec Paul Rohmer et paru en 1946 a fait autorité pour toute une génération de médecins. Il est souvent considéré comme le père de la pédiatrie française moderne, voire européenne[15],[14]. Il était à la fois le collègue et l'ami des professeurs Jean Quénu, Paul Rohmer (1876-1977) et Albert Besson (1896-1965). Il a été président de l'Union française pour le sauvetage de l'enfance en 1955.

Il fit sa dernière allocution publique le 1er novembre 1976, alors âgé de près de 94 ans, à la cérémonie du centenaire de Paul Rohmer au grand amphithéâtre de la faculté de médecine de Strasbourg.

Hommages

Un hôpital dans le 19e arrondissement de Paris, l’hôpital Robert-Debré, conçu par l'architecte Pierre Riboulet, porte son nom, ainsi que le CHU de Reims, le pôle enfant du CHU d'Angers, l'hôpital d'Amboise (Indre-et-Loire), et le grand amphithéâtre de la faculté de médecine et pharmacie de Poitiers. En 1982, un Timbre commémoratif de 1,60+0,40 Francs à l’effigie de Robert Debré édité par le service philatélique de la Poste[16].

Famille

Robert Debré est le père de :

Il est notamment le grand-père de :

Il est notamment l’arrière grand-père de :

Il est notamment l'oncle de :

Il est notamment le grand-oncle de :

Publications

  • Des Français pour la France : le problème de la population, avec Alfred Sauvy, Gallimard, 1946.
  • Traité de pathologie infantile, avec Paul Rohmer, 2 vol., 1946.
  • Pédiatrie, avec Marcel Lelong, Stéphane Thieffry et Jean Rivron, 2 vol., Flammarion, 1960.
  • Henri Le Savoureux. La Vallée aux Loups et la Société Chateaubriand, dans La revue de Paris, p. 158-170. .
  • L'Honneur de vivre, autobiographie, Hermann et Stock, 1974.
  • Ce que je crois, Grasset, 1976.
  • Venir au monde. La vie cachée de la fécondation à la naissance. Fayard, 1976.

Notes et références

Notes

  1. Née en 1879 et morte en 1929 à l’âge de 50 ans.
  2. Gouvernement auquel appartient son fils, Michel Debré.
  3. Le futur INSERM.
  4. Fille de Sabine de Wendel.
  5. Élisabeth de La Panouse (1898-1972) avait participé à la Résistance sous le pseudonyme de Dexia[10].
  6. Cf. supra.
  7. Et, comme conséquence induite, le premier Français à l'avoir reçue.
  8. Récompense équivalente au prix Nobel, lequel n'est pas attribué en mathématiques.
  9. Pierre Cartier, « « Il a tué l'analyse fonctionnelle » (Dieudonné,1950) », (consulté le ).

Références

  1. Registre Matricule 4296 Classe 1901 Département de la Seine (engagé volontaire).
  2. Notice consacrée à Simon Debré sur le site du judaïsme d’Alsace et de Lorraine.
  3. Jean Cortot, « Notice sur la vie et travaux de M. Olivier Debré (1920-1999) », notice lue à l'occasion de son installation comme membre de la section Peinture de l'Académie des Beaux-Arts, le 11 décembre 2002.
  4. Ruffié 2005.
  5. Bernard 1989, p. 38.
  6. Jean-Louis Debré, une histoire de famille, Robert Laffont, (ISBN 978-2221240328).
  7. « Comptes rendus des séances de l'Académie des sciences », .
  8. Prost 1997, p. 161-166.
  9. Colonel Remy, Le livre du courage et de la peur : juin 1942-novembre 1943, Aux Trois Couleurs, , p. 197.
  10. Debré 2009.
  11. Mémoires du Dr Debré sur le site Les Amitiés de la Résistance, p.13.
  12. Pascal Caïla, « Un évêque dans la tourmente : Mgr Pierre-Marie Théas », Annales du Midi, , p. 349 (lire en ligne).
  13. Dewaele et Haguette 2013, p. 84.
  14. Martineaud 2006.
  15. Voir le site du CHU Robert-Debré Paris et l'interview du docteur Lyonnel Rossant sur RCF.
  16. « Robert Debré 1882-1978 » (consulté le ).

Voir aussi

Bibliographie

Liens externes

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