René de Lucinge

René de Lucinge, né en 1553 à Bonneville et mort en 1615 aux Allymes, est un seigneur, diplomate et homme de lettres de la Renaissance[1], issu de la branche des Faucigny-Lucinge.

Biographie

Son père Charles de Lucinge, seigneur des Allymes[1] dans le Bugey, épouse en secondes noces Anne de Liobard, dont il a cinq garçons : René, Jean-François, Georges, Emmanuel et Claude de Lucinge. Jean-François deviendra seigneur de Gy, Georges et Emmanuel seront tous deux chevaliers de Malte[2], et Claude religieux d'Ambronay.

Pour sa part, René de Lucinge suit une formation juridique à Turin puis à l'Université de Toulouse où il obtient un doctorat en droit en 1576[3]. Alors qu'il est à Turin, en 1572, il accompagne le jeune Charles de Mayenne dans une expédition maritime contre les Turcs avec 300 gentilshommes. Mais dans les atermoiements diplomatiques qui suivent le succès de la bataille de Lépante l'année précédente, ils ne trouvent guère à s'illustrer.

De retour en Savoie, il se marie à Françoise de Montrosat, héritière d'Antoine de Montrosat (dans la Dombes), avec qui il a six enfants.

Comme son père avant lui, René de Lucinge se met au service du duché de Savoie. En 1574, il fait partie de la délégation savoyarde qui accueille Henri III fuyant la Pologne, à Venise, pour le conduire à Turin. A la mort d'Emmanuel-Philibert, en 1580, il a la confiance de son successeur Charles-Emmanuel Ier. il est nommé le auditeur général de camp, puis réalise des missions diplomatiques en France de 1581 à 1589 : le duc de Savoie le nomme ambassadeur à la cour d'Henri III. Il rend compte de ses activités diplomatiques par des lettres très régulières sur la situation à la cour pendant les guerres de religion (Lettres sur les débuts de la Ligue, 1585).

En dialogue avec le piémontais Giovanni Botero qui publie La Raison d'Etat (La Ragion di Stato) en 1589, René de Lucinge publie à Paris en 1588 Naissance, Durée et Chute des Estats, traité où il développe le concept de raison d'État fondé sur la morale, s'opposant ainsi à Machiavel. Il forme le projet d'une Europe unie contre l'empire ottoman, ennemi qui permettrait d'unir les intérêts divergents des Etats. Il reconnait que seul l'intérêt dicte la conduite des Princes : « Les actions des Princes s'esmeuvent et s'esbranlent par deux principalles causes: asçavoir, l'honneur et le proffit; et que la consideration de l'honneur s'esgard, le plus souvent, soubs le pretexte du bien de leurs affaires. Nous nous attacherons donc seulement au proffit, que nous pouvons nominer interest. » Cet ouvrage, considéré comme son chef d'œuvre, traduit aussitôt en plusieurs langues, est toujours réédité (édition critique de Michael John Heath, Droz, 1984).

En 1586, il passe un contrat avec l'enlumineur parisien Guillaume Richardière pour décorer un missel romain pour 140 écus d'or. Le travail est achevé en cinq mois[4].

Nommé successivement grand référendaire de Savoie, maître des requêtes, conseiller d'Etat puis premier maître d'hôtel de Charles-Emmanuel Ier, il accompagne le duc de Savoie à Paris dans ses négociations auprès du roi de France pour garder le marquisat de Saluces. Ces démarches échouent et débouchent sur la guerre franco-savoyarde (1600-1601). Henri IV vient à Lyon pour conduire les combats, qui tournent vite à l'avantage de la France. Il met le déplacement à profit pour épouser Marie de Medicis dans la cathédrale de Lyon le .

Pour mettre un terme à la guerre, des négociations s'engagent sous la conduite du cardinal Pietro Aldobrandini, neveu du pape. Deux négociateurs sont nommés côté savoyard, René de Lucinge et le chevalier milanais Francesco d'Arconat, et deux autres côté français, le Président Jeannin et Nicolas Brulart de Sillery. La négociation aboutit au traité de Lyon, signé le , qui met fin au conflit par un échange de territoire : la France abandonne définitivement le marquisat de Saluces à la Savoie, tandis qu'elle gagne le Bugey, la Dombes, le Pays de Gex et le Valromey[1], dans l'actuel département de l'Ain.

René de Lucinge, qui a négocié selon les directives du duc de Savoie, est convaincu d'avoir obtenu une paix durable (son maître a ainsi "carré son pré"[5]), il évoque une « Paix utile à tout le monde, convenable aux princes que la guerre intéressoit et nécessaire aux peuples de leur domination ; à moy seul nuysible, car elle a renversé mes moyens, tué mes espérances et accablé ma fortune tout d'un coup »[6]. Car le duc de Savoie juge très sévèrement cette négociation qui lui fait perdre des territoires : il désavoue ses mandataires et les menace de décapitation, selon la Chronique septennaire de Pierre-Victor Palma Cayet. Tombé en disgrâce et craignant pour sa vie, René de Lucinge se retire alors dans son château des Allymes, désormais en territoire français, et prête serment à Henri IV, après vingt-trois années au service de la Savoie.

Dans sa retraite forcée au château des Allymes, il rédige deux ouvrages : Les occurrences et le motif de la dernière paix de Lyon, en l'an 1601 (réédité en 2000 chez Droz), plaidoyer où il justifie la négociation conduite pour la Savoie, puis La manière de lire l'histoire (Paris, J. de Sanlecque, 1614 ; réédité en 1993 chez Droz), dédié aux historiens italiens et surtout à Giovanni Botero, qui présente sa méthode historique et son amour de l'histoire.

Écrits et publications

  • Lettres sur les débuts de la Ligue (1585)
  • Naissance, Durée et Chute des Estats (1588)
  • Dialogue du François et du Savoysien (1593)
  • Les occurrences et le motif de la dernière paix de Lyon (1601)
  • La manière de lire l'histoire (1614)
  • Le Miroir des Princes et des Grands de la France

L'association "Les amis du château des Allymes et de René de Lucinge" a entrepris la publication des œuvres de René de Lucinge, sous la coordination scientifique de l'historien Alain Dufour (1928-2017).

Voir aussi

Bibliographie

  • Association Les amis du château des Allymes et de René de Lucinge, Le rattachement des pays de l'Ain à la France. II, Le Traité de Lyon en son temps (1601), 2000, 128 p.
  • Gaëlle Arpin-Gonnet, Un diplomate aux origines de la raison d'Etat : René de Lucinge, thèse d'histoire, 2002.
  • Olivier Zegna Rata, René de Lucinge, entre l'écriture et l'histoire, Droz, 1993.

Articles connexes

Liens externes

Notes et références

  1. « Les de Lucinge, seigneurs des Allymes », Bugey-Côtière, .
  2. René de Lucinge, Les occurrences de la paix de Lyon, Droz, , 119 p., p. 41
  3. « BNF »
  4. « Archives et manuscrits BNF »
  5. Georges Dethan, « Recension de "René de Lucinge. Les occurrences de la paix de Lyon (1601). Texte établi et annoté par Alain Dufour. Paris, Association des amis du château des Allymes », Bibliothèque de l'école des chartes, , p. 246-248. (lire en ligne)
  6. René de Lucinge, Les occurrences de la paix de Lyon, Droz, , 119 p., p. 39
  • Portail de l'époque moderne
  • Portail des relations internationales
  • Portail du Bugey
  • Portail de l'histoire de la Savoie
Cet article est issu de Wikipedia. Le texte est sous licence Creative Commons - Attribution - Partage dans les Mêmes. Des conditions supplémentaires peuvent s'appliquer aux fichiers multimédias.