Réserves de change

Les réserves de change sont des avoirs en devises étrangères et en or[1] détenues par une banque centrale. Elles prennent généralement la forme de bons et obligations du Trésor d'États étrangers, ce qui permet à ces réserves de rapporter un intérêt. Elles sont utilisées par les autorités monétaires pour réguler les taux de change.

Réserves de devises et d'or, diminuées de leur dette extérieure totale (publique et privée), d'après les données de 2010 du CIA Factbook.

Évolutions récentes

Leur montant global avait doublé entre 2000 et 2008, passant de 2 000 à 4 000 milliards de dollar américain. Pour les trois quarts, cette augmentation est due aux banques centrales asiatiques, dont les avoirs sont passés de 1 000 à 2 500 milliards de dollars sur la période. Ces réserves atteignaient 9 000 Md$ en 2011 (voir tableau). D'après le FMI, elles atteignent 10 000 Md$ en 2012[2].

Rang Pays Milliards de dollars US (fin du mois)
1 République populaire de Chine$ 3 198.180 (avril 2021)[3],[4]
2 Japon$ 1 378.500 (avril 2021)[5]
3 Barbade$ 1 290.609 (mars 2021)[6]
4 Suisse$ 1 015.644 (avril 2021)[7]
5 Russie$ 590.476 (avril 2021)[8]
6 Inde$ 589.470 (mai 2021)[9]
7 Taïwan$ 541.100 (avril 2021)[10]
8 Hong Kong$ 490.600 (avril 2021)[11]
9 Corée du Sud$ 452.310 (avril 2021)[12]
10 Arabie saoudite$ 448.946 (mars 2021)[3],[13]
11 Singapour$ 385.812 (avril 2021)[14],[6]
12 Brésil$ 350.996 (avril 2021)[15]
13 Allemagne$ 257.175 (avril 2021)[7]
14 Thaïlande$ 250.372 (avril 2021)[16]
15 France$ 223.260 (avril 2021)[17]
16 Italie$ 202.504 (avril 2021)[7]
17 Mexique$ 199.302 (mars 2021)[18]
18 Israël$ 193.996 (avril 2021)
19 Royaume-Uni$ 178.964 (avril 2021)[7]
20 République tchèque$ 166.790 (avril 2021)
21 Pologne$ 155.667 (avril 2021)
22 États-Unis$ 139.048 (mars 2020)[7]
23 Indonésie$ 138.799 (avril 2021)
24 Malaisie$ 109.027 (mars 2021)[19]
25 Philippines$ 107.250 (avril 2021)[20]
26 Turquie$ 105.483 (juin 2020)[21]
27 Émirats arabes unis$ 104.905 (février 2021)[6],[20]
28 Viêt Nam$ 97.709 (février 2021)
29 Canada$ 84.237 (avril 2021)[22]
30 Norvège$ 81.295 (avril 2021)
31 Espagne$ 80.045 (avril 2021)
32 Pérou$ 77.147 (avril 2021)
33 Danemark$ 72.032 (avril 2021)
34 Colombie$ 59.086 (avril 2021)
35 Suède$ 58.049 (avril 2021)
36 Qatar$ 56.317 (mars 2021)
37 Afrique du Sud$ 53.689 (avril 2021)
38 Roumanie$ 52.687 (avril 2021)
39 Pays-Bas$ 51.840 (avril 2021)[6]
40 Australie$ 47.995 (avril 2021)[6]
41 Bangladesh$ 43.441 (mars 2021)
42 Chili$ 42.282 (avril 2021)
43 Égypte$ 40.343 (avril 2021)
44 Algérie$ 38,5 (Septembre 2021)
45 Hongrie$ 36.951 (avril 2021)
46 Maroc$ 34.95 (Septembre 2021)
47 Nigeria$ 34.940 (avril 2021)
48 Argentine$ 34.646 (mars 2021)
49 Kazakhstan$ 34.190 (avril 2021)[20]
50 Bulgarie$ 33.266 (avril 2021)[6]
Rang Pays Milliards de dollars US (fin du mois)
2 Union européenne$ 1 446.674** (mars 2018)
3 Eurozone$ 821.948 (octobre 2019)*[7],[20]
30 Banque centrale européenne$ 77.006 (mars 2018)[6]
  • *Calculs sans l'Estonie et Malte.
  • **Grande-Bretagne comprise.

Monnaies de réserve

Le dollar US et l'euro représentent près de 90 % de toutes les réserves de change mondiales allouées. Les réserves non allouées ne sont pas prises en compte dans ce graphique, bien qu'elles comptent pour plus de 45 % du total des réserves des banques centrales à la fin de 2010, incluant la Chine.

Depuis la Seconde Guerre mondiale, la monnaie de réserve la plus importante est le dollar US.

Au 31 décembre 1995, le dollar US représentait 59,0 % des réserves de change en devises allouées dans le monde. Le mark allemand en représentait 15,8 %, le yen 6,8 %, le franc français 2,4 %, la livre sterling 2,1 % et le franc suisse 0,3 %. Les 13,6 % restants se répartissaient entre d'autres monnaies[23].

À la fin du premier trimestre 1999, l'euro représentait 18,1 % des réserves de change allouées dans le monde. Cette part allait se réduire jusqu'à 17,0 % à la fin du troisième trimestre 2000, puis croître jusqu'à 27,9 % à la fin du troisième trimestre 2009. La part du dollar US, qui s'était accrue jusqu'à 72,7 % des réserves de change allouées dans le monde à la mi-2008, s'est ensuite réduite. La part du yen se réduisait de 6,8 % fin 1995 à 2,7 % fin du troisième trimestre 2007 avant de se redresser partiellement (3,8 % fin mars 2011), tandis que la part de la livre sterling s'accroissait quelque peu, de 2,1 % à la fin 1995 à 4,1 % fin mars 2011[23].

Au 31 mars 2011, le dollar US représentait 60,7 % des réserves de change en devises allouées dans le monde contre 61,5 % trois mois plus tôt. L'euro constituait 26,6 % des réserves allouées contre 26,1 % trois mois plus tôt. Fin mars 2011 la part du dollar dans les réserves allouées en devises des États était au plus bas depuis fin 1996.

Toutefois ces chiffres sont à relativiser très fortement dans la mesure où la Chine refuse de divulguer la répartition de ses réserves de change[23],[24], et dans la mesure où la part des réserves non allouées s'est fortement accrue depuis 2001 pour représenter fin 2010 plus de 45 % des réserves totales dans le monde[25]. Les réserves non allouées, par définition, sont valorisées par une banque centrale en dollar US quelles que soient leurs devises réelles d'origine.

Les autres monnaies de réserve

Avant l'introduction de l'euro, les autres devises utilisées comme monnaies de réserve, étaient le mark allemand, le yen, le franc français, la livre sterling et le franc suisse. Depuis 1999, l'euro est devenu la seconde monnaie de réserve mondiale[23]. Schenk a montré dans une étude publiée en 2009 comment s'est effectué le passage de la Livre Sterling au dollar US comme devise de réserve de référence pendant le XXe siècle[26]. Ces travaux ont ensuite amené à s'interroger sur le rôle désormais dominant des réserves non allouées (Unallocated Reserves) dans la constitution des déclarations au FMI (COFER), qui peuvent inverser la prédominance réelle euro/dollar dans la somme des réserves des banques centrales du monde[27].

Répartition des réserves de change depuis 1970
1970 1972 1976 1980 1982 1983 1984 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011
USD 77,2 % 78,6 % 76,6 % 67,2 % 68,4 % 68,5 % 65,8 % 59,0 % 62,1 % 65,2 % 69,3 % 70,9 % 70,5 % 70,7 % 66,5 % 65,8 % 65,9 % 66,4 % 65,5 % 64,1 % 64,1 % 62,1 % 61,8 % 62,2 %
EUR 17,9 % 18,8 % 19,8 % 24,2 % 25,3 % 24,9 % 24,3 % 25,1 % 26,3 % 26,4 % 27,6 % 26,0 % 25,0 %
DM 1,9 % 4,6 % 8,8 % 14,8 % 12,4 % 11,2 % 12,1 % 15,8 % 14,7 % 14,5 % 13,8 %
GBP 10,4 % 7,1 % 1,9 % 2,9 % 2,4 % 2,6 % 2,8 % 2,1 % 2,7 % 2,6 % 2,7 % 2,9 % 2,8 % 2,7 % 2,9 % 2,6 % 3,3 % 3,6 % 4,4 % 4,7 % 4,0 % 4,3 % 3,9 % 3,8 %
Yen 0,1 % 2,1 % 4,3 % 4,6 % 4,7 % 5,4 % 6,8 % 6,7 % 5,8 % 6,2 % 6,4 % 6,3 % 5,2 % 4,5 % 4,1 % 3,9 % 3,7 % 3,1 % 2,9 % 3,1 % 2,9 % 3,7 % 3,5 %
FRF 1,1 % 0,9 % 1,6 % 1,7 % 1,3 % 1,1 % 1,0 % 2,4 % 1,8 % 1,4 % 1,6 %
CHF 0,7 % 1,0 % 2,2 % 3,2 % 2,7 % 2,3 % 2,0 % 0,3 % 0,2 % 0,4 % 0,3 % 0,2 % 0,3 % 0,3 % 0,4 % 0,2 % 0,2 % 0,1 % 0,2 % 0,2 % 0,1 % 0,1 % 0,1 % 0,1 %
Autres 8,7 % 7,7 % 6,8 % 5,9 % 8,2 % 9,6 % 10,9 % 13,6 % 11,7 % 10,2 % 6,1 % 1,6 % 1,4 % 1,2 % 1,4 % 1,9 % 1,8 % 1,9 % 1,8 % 1,8 % 2,2 % 3,1 % 4,4 % 5,3 %

Sources :
1970–1984 : BRI (Banque des réglements internationaux) : (en) The evolution of reserve currency diversification, December 1986
1995–2010 : FMI (Fonds monétaire international) : (en) Currency Composition of Official Foreign Exchange Reserves
1999–2005 : BCE (Banque centrale européenne) : (en) The Accumulation of Foreign Reserves, Occasional Paper Series, Nr. 43

Logique économique

La constitution de réserves correspond, suivant les pays et les moments, à des objectifs différents.

À la base, leur première raison d'être est d'entretenir la confiance des marchés envers la devise nationale et de montrer que le pays a les moyens de résister à un choc quelconque (hausse des prix des matières premières ou des biens manufacturés, crise du crédit, catastrophe naturelle, dérapage du commerce extérieur, etc.).

Néanmoins, l'évolution actuelle des réserves dans les pays asiatiques n'a, compte tenu de l'énormité des montants constitués, plus rien à voir avec cette logique. Elle correspond entre autres aux désirs des pays en développement de se défendre contre l'instabilité due aux caprices des flux financiers extérieurs[28].

Dans le cas du Japon qui a le premier clairement appliqué une politique volontariste en la matière, et qui a poussé la constitution de réserves à des niveaux jamais vus auparavant – mais maintenant dépassés par la Chine – il s'agit essentiellement de lutter contre la déflation qui sévit à l'état endémique depuis l'éclatement de la bulle immobilière et financière du début des années 1990. L'effet d'une augmentation des réserves est double. Elle :

  • augmente la base monétaire (un achat de dollars est une vente de yen, donc chaque fois que la Banque du Japon achète des dollars, elle augmente en contrepartie la base monétaire japonaise) ;
  • et elle maintient le yen bas face au dollar, ce qui dans le cas de l'économie japonaise, très tournée vers l'exportation, correspond à un soutien à l'activité.

D'une façon générale, les économies asiatiques sont, à l'instar de l'économie japonaise, axées sur les exportations. Le deuxième effet recherché par le Japon – le maintien d'une devise compétitive – est donc probablement un souci général en Asie.

Néanmoins, il semblerait, pour certains, que la constitution de ces réserves soit liée à la faiblesse du système financier asiatique, déjà une première fois mis à mal par la crise financière de 1997 et à une volonté de ne pas répéter l'erreur principale commise à cette époque : un endettement local incontrôlé en dollars, sans tenir compte du risque de change, ce qui a conduit à cette crise.

La détention de larges réserves de changes permet à un pays de se prémunir lors de sorties de capitaux ou lorsqu'une dette extérieure, libellée en devise étrangère, arrive à maturité. La règle de Greenspan-Guidotti permet à chaque pays de calculer le montant de réserve de changes nécessaire pour faire face à l'équivalent de la valeur des dettes extérieures libellées en monnaie étrangère arrivant à maturité dans l'année[29] .

Notes et références

  1. Les réserves officielles de change de l'État français tresor.economie.gouv.fr, consulté en avril 2013
  2. N.A.-K, « L'euro maintient à 25 % sa part dans les réserves de change mondiales », Les Echos, (lire en ligne)
  3. Réserves Algérie, Arabie, Chine Les Afriques.com décembre 2012
  4. (en) « Gold & Foreign Exchange Reserves », People's Bank of China (consulté le )
  5. (en) « International Reserves / Foreign Currency Liquidity », The Ministry of Finance of Japan (consulté le )
  6. « Réserves de change - Liste des pays », sur tradingeconomics.com.
  7. (en) « Data Template on International Reserves and Foreign Currency Liquidity - Reporting Countries », Imf.org, (consulté le )
  8. (en) « International Reserves of the Russian Federation »
  9. (en) « Weekly Statistical Supplement - Foreign Exchange Reserves », Reserve Bank of India (consulté le )
  10. (en) « Central Bank of the Republic of China (Taiwan) — Foreign Exchange Reserves as at the End of April 2011. » (consulté le )
  11. (en) « Hong Kong's Latest Foreign Currency Reserve Assets Figures Released », Hong Kong Monetary Authority, (consulté le )
  12. (en) « Official Foreign Reserves (March 2011) », Bank of Korea, (consulté le )
  13. Monthly Bulletin. Table 9. Saudi Arabian Monetary Agency
  14. (en) « Official Foreign Reserves », Monetary Authority of Singapore (consulté le )
  15. (en) « Daily international reserves », Banco Central do Brasil (consulté le )
  16. (en) « Reserve Money and International Reserve », Bank of Thailand (consulté le )
  17. Les réserves officielles de change 150 milliard d'Euros à la fin du mois de février 2013 (avec 1 € = 1,30 $) banque-france.fr, consulté en avril 2013
  18. (en) « Reporte sobre las Reservas Internacionales y la Liquidez en Moneda Extranjera », Banco de México (consulté le )
  19. (en) « International Reserves and Foreign Currency Liquidity », Bank Negara Malaysia, (consulté le )
  20. https://fr.tradingeconomics.com/country-list/foreign-exchange-reserves
  21. (tr) « Merkez Bankası'da ne kadar paramız var? », sur haber7.com, (consulté le ).
  22. La banque du Canada Dec 2013
  23. FMI source “Currency Composition of Official Foreign Exchange Reserves (COFER)”. Les données concernent les pays qui communiquent volontairement leurs données au FMI, ce qui peut poser des problèmes de comparaison, notamment pour les données antérieures à fin 1999.
  24. Agence France Presse « Réserves de changes: la part du dollar au plus bas depuis 1995 », 1er juillet 2011.
  25. « How to replace the world trade reference currency ? », sur blogspot.com (consulté le ).
  26. "The Retirement of Sterling as a Reserve Currency after 1945: Lessons for the US Dollar ?", Catherine R. Schenk, Canadian Network for Economic History conference, 10/2009
  27. "How to replace the world trade reference currency ?", Conscience Sociale, 06/2011
    • Joseph E.Stiglitz, Le rapport Stiglitz, Les liens qui libèrent, 2010, p. 71
  28. Alain Beitone et Estelle Hemdane, Relations monétaires internationales, Armand Colin, (ISBN 978-2-200-62408-8, lire en ligne)


Articles connexes

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