Pinché à crête blanche
Saguinus oedipus • Tamarin à crête blanche
CR A2cd :
En danger critique d'extinction
Statut CITES
Le Pinché à crête blanche[1] ou Tamarin à crête blanche[1] (Saguinus oedipus) est une espèce de primates de la famille des Callithricidés. On ne le trouve plus qu'en certaines régions de la Colombie (Amérique du Sud).
Autres noms
En français on l'appelle tamarin pinché, en anglais Cottontop tamarin, en allemand Lisztaffe en référence aux cheveux blancs du célèbre compositeur Franz Liszt. Il est également tití piel roja (« tamarin à poils roux »), mico tití cabeza blanca, tití leoncito, tití cabeza de algodón (« tamarin à tête de coton ») en Colombie. Son nom scientifique oedipus signifie « aux pieds enflés » et se réfère aux pieds et mains dotés de longues griffes.
Morphologie
Sa longueur moyenne de tête-corps est de 23 cm (de 20,6 à 24,3 cm) et la queue de 37 cm (de 33 à 40 cm). Il pèse 411 g pour les mâles et 430 g pour les femelles dans la nature, de 565 à 700 g en captivité. Son cerveau pèse 9 g. Le rapport longueur bras/jambes est de 0,74. Son caryotype est 2n = 46 chromosomes.
La robe est soyeuse. Le dos est brun, parfois givré d’argenté et de jaunâtre, la croupe et l'arrière des cuisses roux. Le reste du corps (membres et dessous) blanc jaunâtre à blanc crème. La queue est marron rouge sombre sur le premier tiers (couleur qui s’étend autour de la base de la queue et aux cuisses) et noirâtre sur les deux derniers tiers. La face est noire avec quelques poils blancs sur le front et autour du museau. La formidable crinière léonine, sorte d’énorme boule de coton qui lui donne un look d'Albert Einstein ébouriffé, multiplie par trois ou quatre le volume réel de la tête. Les jeunes ont de courts poils blancs sur la crête. Le roux est parfois la couleur dominante.
Écologie et comportement
Locomotion
C'est un quadrupède alerte, vif et très actif. Excellent sauteur, il est capable de bonds de plus de 3 m dont il corrige la direction à l’aide de sa queue qui fait aussi office de stabilisateur de vol. Dans les branches, où elle devient encombrante car non préhensile, la queue est enroulée en spirale entre les jambes. Parfois, le singe s’arc-boute sur elle.
Régime alimentaire
Il est un animal frugivore-insectivore-exsudativore, il consomme des végétaux (fruits, noix, nectar) pour 40 %, des invertébrés (insectes, araignées et escargots) pour 40 %, des vertébrés (oiseaux, jeunes lézards et petites grenouilles) et des œufs d'oiseau. Les oiseaux sont mordus à la tête, débarrassés de leur bec puis dévorés. Il suce la sève des arbres (14 %) mais ne creuse pas de plaies dans les arbres pour la faire couler. Dans la RN de Montes de María (station de Colosó), il utilise plus de 60 espèces d'arbre appartenant à au moins vingt-huit familles différentes. Ici, il consomme notamment les fruits du palo de agua (Tichanthera sp.), du Manguier (Mangifera indica), du muneco (Cordia bicolor), des figuiers, des cécropias et du raisin de montagne (Pourouma sp.), la gomme du Caracoli (Anacardium excelsum), du Mombin jaune (Spondias mombin), du coca de mico (Erythroxylon sp.), de l’aguacatillo (Nectandra sp.), du chicho (Enterolobium sp.), du campano (Pithecellobium saman) et du cedro (Cedrela odorata), les fleurs du Génipap (Genipa americana), du ceiba (Pseudobombax septenatum) et des brosimums (Brosimum sp.). À la Hacienda el Ceibal, il consomme le nectar de la guanabana matimba (Annona purpurea), du bejuco unita (Macfadyena unguis-cati) et du peinicillo (Combretum fruticosum).
Cet animal boit la rosée du matin sur les feuilles sans prendre le risque de descendre s’abreuver à terre. Avec certains autres callitrichidés (Callithrix flaviceps, Leontopithecus rosalia), les singes néotropicaux monogames (tits et douroucoulis), les gibbons et les chimpanzés, c'est l'un des rares primates à pratiquer le partage de la nourriture. Lorsque les parents sont réticents à céder leur part, le partage s'apparente davantage à un chapardage consenti qu'à un don !
Dispersion
Les deux sexes transfèrent dans des groupes voisins à tous âges, les adultes plus fréquemment que les jeunes et les enfants. Les mâles immigrants entrent plus facilement dans un groupe à la suite de la mort du mâle résident. Un(e) immigrant(e) peut assumer immédiatement une fonction reproductive dans le meilleur des cas ou accepter un rôle de subordonné(e) dans son nouveau groupe jusqu’à ce que se présente une opportunité (départ ou disparition des individus alpha). Il peut aussi entrer en compétition avec le ou la dominante et parvenir à le renverser au bout d’une guerre d’usure. Les transferts entraînent ainsi des rivalités qui débouchent parfois sur la séparation du groupe en deux sous-unités.
Communication
Les Tamarins bicolores communiquent par différents moyens :
- Communication orale : 38 sons ou combinaisons de sons identifiées. Découpés en six classes : primo, des appels à fréquence simple soit de courte durée (8 types de pépiements, entre 20,8 et 100ms) soit de longue durée (2 types dans des contextes soit de mobbing soit de jeu au corps à corps) ; secundo, 9 vocalisations pulsées (un gazouillis, trois types de babil et cinq types de trilles) ; tertio, de sifflements simples (5 types, différant par leur modulation) ; quarto, des sifflements multiples (6 types, ascendants ou descendants) ; quinto, des combinaisons de vocalisations basiques (5 types, dont une association de pépiement et de sifflement) ; sexto, des appels bruyants (3 types dont cri perçant et éternuement). Courts gazouillis d’oiseau modulés. Longs sifflements. Son répertoire inclut l’appel long émis à une fréquence (1 à 1 kHz) plus basse que chez les autres callitrichidés sauf le pinché à nuque rousse (S. geoffroyi), un cri de contact ‘te’ aigu, des trilles d’alerte, des ‘tsik’ lors du challenge d’un prédateur, un sifflement aigu pour les rapaces, un couinement de soumission, une vocalisation de jeu propre aux enfants. Lors du partage de la nourriture, adultes et enfants vocalisent, produisant des séquences rapides. Gazouillis et sifflements peuvent être répétés plusieurs fois au cours d’une séquence, les premiers précédant toujours les seconds, chaque note étant émise en decrescendo (diminution constante de la fréquence). L’animal parvient à associer des éléments vocaux propres à divers cris. Ainsi, après une alerte et pour signifier que « tout va bien », il combine un cri d’alarme et une note sifflée émise normalement dans une situation calme. En outre, les individus des deux sexes peuvent combiner des appels territoriaux mâles et femelles. Autre trait singulier de l’espèce, certains de ses cris sont strictement associés à un contexte alimentaire.
- Communication visuelle : Érige les poils de sa crinière en guise de menace d’intensité moyenne. Pour montrer sa dominance ou exprimer une agression, il se lève sur ses deux pattes arrière. Trahit également ses émotions par moult expressions faciales « humaines ».
- Communication olfactive : Les femelles procèdent au marquage par le biais de sécrétions glandulaires et de dépôts d’urine.
Domaine
De 7,8 à 10 ha (très petit pour un tamarin). Territorial. Défend son domaine par des marquages olfactifs, en poussant des cris, en pourchassant les intrus, en agitant la langue, en présentant leur crête et en exposant leur zone génitale. Ce territoire est peuplé de 30 à 180 individus par km².
Taille du groupe
Environ 7 individus, mais l'effectif peut varier entre 1 et 19.
Structure sociale et système de reproduction
Groupe multimâle-multifemelle. Principalement polyandrie. Polygynie rare. Monogamie (fonctionnelle). Une seule femelle se reproduit (rarement deux), qui peut s’être accouplée avec divers mâles. Ses filles ne se reproduisent pas et ne produisent même pas d’ovulation (placées hors du groupe natal et exposées à des mâles étrangers, elles perdent instantanément cette inhibition reproductrice). Assez souvent, un seul couple se reproduit. Une fille fécondée peut être expulsée du groupe par sa mère avant la mise bas.
Activité
C'est un animal diurne arboricole qui parcourt en moyenne chaque jour 1,7 km. Il s’active une heure après l’aube, ne se repose pas à midi et se couche bien avant le crépuscule dans une large fourche d’un grand arbre. Il recherche dans la strate moyenne la majorité de ses aliments.
Reproduction
Durant l’accouplement, le mâle agrippe les flancs de sa partenaire. Intervalle moyen entre chaque naissance, dans la nature : 8 mois. La femelle met bas pour la première fois autour de 33 mois. Les naissances ont le plus souvent lieu entre janvier et juin. Après environ 5 mois de gestation, deux faux jumeaux viennent au monde, qui pèsent chacun 15 à 20 % du poids maternel. La portée unique représente 34 % des cas et les triplés 2 %. Pic de naissances en avril-mai (en captivité), avec presque deux fois plus de mâles que de femelles.
Développement
Les bébés ouvrent les yeux au troisième jour et peuvent marcher à 3 semaines. La mère ne prend ses jumeaux que pour l’allaitement et en laisse la charge au père lorsqu’elle part en quête de nourriture à partir du dixième jour en moyenne. Ils prennent leur premier aliment solide à 5-6 semaines (en captivité), donné le plus souvent par un mâle adulte. Frères et sœurs portent aussi les jeunes sur leur dos et les nourrissent. Même les membres récemment immigrés sont activement engagés dans le soin aux enfants et sont souvent observés dans une position de sentinelle. Les enfants restent sur le dos parental jusqu’à 6-7 semaines, acquièrent leur indépendance à 2,5 mois mais partagent encore la nourriture avec leurs parents. Entre 7 et 9 mois, ils arrêtent de dormir sur le dos de leurs parents. Maturité sexuelle : autour de 1,5 an (F) et 2 ans (M). La contribution de la mère au soin des enfants reste indépendant de la taille du groupe. Toutefois, on a observé que l’augmentation de la taille du groupe va de pair avec l’accroissement du taux de survie des enfants : 40 % seulement des enfants survivent s’ils ont trois soigneurs alors que presque tous survivent dans un groupe d’au moins 5 individus. En captivité, on a observé qu’une jeune mère n’ayant jamais été assistante ne parvient jamais à faire survivre son premier enfant.
Le Pinché à crête blanche peut vivre jusqu'à 13,5 ans.
Répartition et habitat
Distribution géographique
Originaire des forêts-refuges de la vallée du Río Nechí et de la Serranía de San Lucas. Nord-nord-ouest de la Colombie. Du Río Atrato à l’ouest jusqu’au bas Río Magdalena à l’est, au nord jusqu’à la côte caraïbe au niveau de Barranquilla, au sud jusqu’à la Serranía de San Jerónimo, la Serranía de Ayapel et le bas Río Cauca au niveau de l’extrémité septentrionale de la Cordillère occidentale. Départements concernés : nord-est du Chocó, Valle del Cauca, nord-ouest de l’Antioquia, Sucre, ouest du Bolívar, Córdoba et Atlántico.
Habitat
Forêt tropicale humide de plaine (Choco-Darién). Forêt humide de montagne (Andes et Sierra Nevada de Santa Marta à l’extrême nord). Savane épineuse sèche dans les prairies du nord. Forêt secondaire. Lisière de forêt. Jusqu’à 1 500 m d’altitude, en Colombie.
Menaces et conservation
Menaces
Malgré sa capacité à coloniser de nombreux types de forêt, la destruction de plus des trois quarts de son habitat originel menace l’espèce de disparition. Chaque année, 5 000 km2 de forêts colombiennes disparaissent. La partie sud de Paramillo est menacée d’inondation par la création de barrages hydroélectriques sur les Rios Sinú et San Jorge. D’autres menaces pèsent sur lui, comme le développement du marché local d’animaux de compagnie et la recherche. Des dizaines de milliers de spécimens ont été exportés aux États-Unis pour la recherche biomédicale (colite, cancer du colon, virus d’Epstein-Barr), pas tous d’élevage... Le cancer du colon spontané chez les populations captives représente un inconvénient pour son élevage.
Effectifs
- 2000 à 3000, dans la nature (effectif en baisse)[2].
Statut
- Son statut UICN en 2021 le place en « danger critique d’extinction »[3].
Protection
N de Los Katios, PN de Paramillo (4 600 km2), RN de Montes de María, R. nationale de Horizontes, Hacienda El Ceibal et S. de Los Colorados. Introduit dans le PN de Tayrona, dans plusieurs zones forestières autour de Cali et dans la forêt de Yotoco (Chocó). Le gouvernement colombien semble s’être ému de la situation catastrophique de ce primate. Le programme d’éducation « Proyecto Tití » utilise le Pinché à crête blanche comme porte-drapeau de la conservation des espèces en Colombie. Sur l’île de Maui, à Hawaii, une douzaine de spécimens donnés par un laboratoire biomédical vivent et se reproduisent dans le Sanctuaire de primates du Pacifique.
Voir aussi
Références taxonomiques
- (en) Référence Catalogue of Life : Saguinus oedipus (Linnaeus, 1758) (consulté le )
- (en) Référence CITES : espèce Saguinus oedipus (Linnaeus, 1758) (+ répartition sur Species+) (consulté le )
- (fr+en) Référence ITIS : Saguinus oedipus (Linnaeus, 1758)
- (en) Référence Animal Diversity Web : Saguinus oedipus
- (en) Référence UICN : espèce Saguinus oedipus (Linnaeus, 1758) (consulté le )
- (en) Référence NCBI : Saguinus oedipus (taxons inclus)
- (fr) Référence CITES : taxon Saguinus oedipus (sur le site du ministère français de l'Écologie) (consulté le )
- (en) Référence Fonds documentaire ARKive : Saguinus oedipus
Notes et références
- (en) Murray Wrobel, Elsevier's Dictionary of Mammals : in Latin, English, German, French and Italian, Amsterdam, Elsevier, , 857 p. (ISBN 978-0-444-51877-4, lire en ligne), entrée N°6192.
- Pablo R. Stevenson et Andrés Link, « IUCN Red List of Threatened Species: Saguinus oedipus », sur IUCN Red List of Threatened Species, (consulté le )
- Pablo R. Stevenson et Andrés Link, « IUCN Red List of Threatened Species: Saguinus oedipus », sur IUCN Red List of Threatened Species, (consulté le )
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