Pierre Sterlé

Pierre Sterlé, né le à Charenton-le-Pont et mort le à Paris[1], est un joaillier français.

Considéré de son vivant comme un novateur inspiré, il atteint son apogée dans les années 1940 et 1950. Son travail de la pierre précieuse et du métal  souvent influencé par la nature  bénéficie d'une cote soutenue dans les ventes publiques.

Biographie

Issu d'un milieu privilégié, Pierre Sterlé naît en 1905 dans une famille de la haute finance. Après la mort de son père lors de la Première Guerre mondiale, il est confié à un oncle, joaillier rue de Castiglione à Paris. Cet évènement lui fait découvrir un univers qui le séduit, l'éloignant définitivement d'un avenir tout tracé dans le monde bancaire[2].

Pierre Sterlé commence par travailler pour d'autres joailliers. En 1934, il ouvre un salon en étage rue Sainte-Anne à Paris, qu'il appelle son « atelier »[3]. Dans cette entreprise, il est parrainé par des maisons prestigieuses telles que Boucheron, Chaumet, Ostertag, pour lesquelles il conçoit déjà des bijoux[4].

En 1939, il débute cependant une production de pièces exclusives pour des particuliers. L'écrivain Colette, fascinée par son travail, compte parmi ses premières clientes[5]. En 1943, il déménage et ouvre un nouveau showroom en étage au 43, avenue de l'Opéra, près de la place Vendôme. Se rapprochant du monde de la haute couture, Pierre Sterlé entame une collaboration avec Jacques Fath. Il se considère en effet de plus en plus « comme un couturier de la joaillerie qu'un fournisseur de bijoux mondains[6] ».

Ce caractère exclusif et l'originalité de son style (cf. infra) attirent les clientes fortunées, habituées des maisons Dior, Balenciaga ou Jean Dessès. Pierre Sterlé acquiert rapidement une clientèle et une renommée internationales. En 1950, il reçoit la visite du roi Farouk d'Égypte qui lui commande la couronne de son épouse, la reine Narriman[7]. Peu de temps après, la Bégum Aga Khan, la maharani de Baroda, plus importantes acheteuses de bijoux de l'époque, deviennent des habituées[6].

Cette renommée est consacrée par l'obtention du De Beers Diamond Award, récompense majeure de la joaillerie que la profession lui accorde trois années consécutives, en 1957, 1958 et 1959[7].

C'est en 1955 que Pierre Sterlé éprouve ses premières difficultés financières. Le lancement de ses deux parfums, Huit-huit et 2 Diam, les seuls qu'il ait créés, s'avère un désastre budgétaire : s'étant refusé, comme il en a l'habitude, à prendre en compte le coût de fabrication, il est amené à les vendre au-dessous de leur prix de revient. Pour équilibrer ses comptes, il doit se séparer de sa collection de peintures et de sa propriété au nord de Paris[7].

En 1966, il est le premier joaillier invité à la Biennale des antiquaires de Paris. Il y présente un Temple de l'Amour grandeur nature, supporté par des dauphins incrustés de perles. Une pyramide de verre y expose, sur des plateaux de corail blanc, une collection de bijoux inspirés par la nature  oiseaux, fleurs, créatures marines  qui fait sensation[6].

Ce succès l'amène à ouvrir sa première boutique, aventure à laquelle il s'était pourtant toujours refusé. Il faut croire que cette défiance était justifiée : en dépit de sa naissance dans une famille de financiers, Pierre Sterlé se révèle piètre gestionnaire et sa boutique devient un gouffre bancaire. En 1976, il doit liquider sa société dont Chaumet rachète le stock[8].

Durant les deux dernières années de sa vie, il devient consultant technique chez Chaumet.

Style

Aisément reconnaissable, le style de Pierre Sterlé se caractérise par ses thèmes d'inspiration, leur traitement artistique et sa maîtrise technique.

Les motifs récurrents de sa production appartiennent à la nature : oiseaux, ailes, plumes, animaux, fleurs diverses. Ces thèmes privilégient un traitement asymétrique et baroque[4], contrairement aux formes géométriques et arabesques opulentes, observées dans la joaillerie traditionnelle de l'époque[6]. L'effet de légèreté est accentué par le mélange  inhabituel de ce temps et précurseur  de pierres précieuses à des pierres fines, voire à des matériaux insolites comme le coquillage.

La technique utilisée sur le métal fait appel à des effets de dripping, de givrage ou de gravure, conduisant à obtenir de l'or en cordes souples, tressées, tordues, frangées comme dans une passementerie[9]. Sterlé réussit « à manipuler le métal comme aucun autre avant lui[10] ».

L'un de ses terrains de prédilection est la broche, certainement le bijou le plus souvent porté dans les années soixante. Sterlé en fait un petit tableau dont le cadre serait la robe ou le col du tailleur, confortant ainsi l'engouement dont il jouit auprès des couturiers et de leurs clientes[6]. Il crée également des minaudières[11] et des boîtes à bijoux.

Trente ans après sa disparition, la production de ce joaillier bénéficie d'une cote soutenue dans les ventes aux enchères. Les catalogues de Sotheby's[12], Christie's[10] ou encore Pierre Bergé & Associés[13] en témoignent.

Voir aussi

Notes et références

  1. Relevé généalogique sur Filae
  2. (en) Diana Scarisbrick, Historic rings : four thousand years of craftsmanship, Tokyo New York, Kodansha International, , 339 p. (ISBN 978-4-7700-2540-1, lire en ligne), p. 210
  3. Comme d'autres joailliers avant lui, tel René Boivin  ou Joël Arthur Rosenthal de nos jours  Sterlé s'est longtemps refusé à occuper une boutique en rez-de-chaussée. Se considérant comme un designer exclusif, il excluait l'idée que ses bijoux puissent être exposés dans la rue, à la vue du public.
  4. (en) Notice « Pierre Sterle », Antiquarian Jewelers sur antiquarianjewelers.com lire en ligne (page consultée le 19 mars 2011)
  5. Citation : « Dieu me garde, au seuil de ce livre bleu, d'oublier le saphir, dans son propre temple, chez Pierre Sterlé. » In Colette et Anne de Jouvenel, Lettres à sa fille, 1916-1953, Paris, Gallimard, (ISBN 978-2-07-072791-9)
  6. (en) Jeweled Flight, Creator Pierre Sterle, 1stDibs sur 1stdibs.com lire en ligne (page consultée le 21 mars 2011)
  7. (en) Notice « Sterle 1934-1976 », Symbolic & Chase sur symbolicchase.com lire en ligne (page consultée le 19 mars 2011)
  8. Après l'achat du stock, Chaumet appose sa signature sur toutes les pièces qui en proviennent. Des bijoux conçus par Pierre Sterlé  certains datant du début des années soixante  peuvent ainsi porter aujourd'hui le nom de Chaumet.
  9. (en) Notice, Lot 74, catalogue Phillips, New York, vente du 24 mai 2007 lire en ligne (page consultée le 19 mars 2011)
  10. (en) Notice, Lot 409 : A striking diamond bird brooch, by Sterle, catalogue Christie's, New York, vente du 11 octobre 2006 lire en ligne (page consultée le 19 mars 2011)
  11. Petit sac à main (ou pochette) du soir.
  12. (en) Notice, Lot 298, catalogue Sotheby's, Genève, vente du 15 mai 2008 lire en ligne (page consultée le 21 mars 2011)
  13. Notice, Lot 58, catalogue Pierre Bergé & Associés, Bruxelles, vente du 10 décembre 2007 lire en ligne (page consultée le 21 mars 2011)

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