Office

Un office est dans la France du bas Moyen Âge et de l'époque moderne, une charge personnelle octroyée par un souverain ou un seigneur à un individu ; il s'agit d'une véritable délégation de pouvoir de la part du détenteur de la souveraineté. Charles Loyseau, juriste français du XVIe siècle, définit l'office comme « une dignité avec fonction publique ordinaire ». L'office constitue jusqu'au XVIIIe siècle la base de fonctionnement de l'administration publique, notamment dans les domaines de la justice et des finances. Le titulaire de l'office est appelé officier. Il doit, en échange de la dignité que lui confère l'office et les gages qui lui sont rattachés, accomplir un service administratif. L'officier est le fonctionnaire de l'époque.

Pour les articles homonymes, voir Office (homonymie).

Origines

À la fin de l'époque féodale, le roi, jusqu'ici concurrencé par les seigneurs, a réussi à restaurer son autorité et à reconquérir son territoire. Il s'est affirmé comme suzerain, et va peu à peu s'imposer comme souverain. Mais pour faire connaître et exécuter ses ordres, il va désormais avoir besoin de faire appel à des agents, à qui il va déléguer une partie de son autorité. Ce sont les débuts de l'administration, au XIIIe siècle. Le roi a alors le choix entre des agents révocables, donc dociles, et des agents permanents et inamovibles. L'inconvénient majeur dans la première situation est l'instabilité de la fonction, mais également l'incompétence, puisque l'agent se sachant en sursis, dans cette place, ne prendra pas le temps de se spécialiser. En revanche, l'irrévocabilité apporte la stabilité et la possibilité de se former correctement pour les agents, mais le corollaire est le risque que se développe un esprit de corps et même une volonté d'indépendance, voire d'opposition au pouvoir central.

Le maillage d'agents royaux, que l'on commence à appeler officiers, se renforce très rapidement. Comme ils sont plus nombreux, ils commencent à se spécialiser et même à se professionnaliser. En échange, ils réclament auprès du roi une plus grande stabilité. Louis XI va la leur octroyer par une ordonnance du . Par ce texte, le roi s’engage à ne pourvoir une charge, c'est-à-dire à ne nommer un officier, que si le titulaire est mort, a démissionné ou a été destitué pour forfaiture constatée judiciairement (faute grave commise dans l’exercice de ses fonctions).

Évolution

Cette stabilité sera par la suite renforcée par une patrimonialisation de l'office, acquise par les officiers au terme d'une longue évolution. Ils obtiendront ainsi la vénalité de leur charge, puis son hérédité. L'office était ainsi considéré, dans l'ancien droit, comme un « bien immeuble incorporel », notion qui ne fut pas reprise par le Code civil[1].

Cette vénalité de l'office pouvait profiter au roi puisqu'il pouvait ainsi renflouer le Trésor royal. Il n'est pas rare qu'ainsi des offices soient dédoublés pour mieux profiter aux finances. Le roi, n'ayant donc plus qu'un contrôle distant sur ses officiers, confia les tâches cruciales à des commissaires révocables à volonté. Il faut toutefois noter que certains offices très importants restèrent à la libre disposition du roi, comme ceux des secrétaires d’État.

Sous cette appellation d'office sont regroupées des fonctions très variées : un secrétaire d'État, agent royal de rang ministériel est autant un officier qu'un auneur de drap qui contrôle la régularité des transactions de draps sur les marchés.

Pour devenir officier, quelle que soit la période, il faut obtenir des lettres de provision d’office du roi. Ces lettres sont ensuite enregistrées par le corps dont dépend l’officier, qui peut également contrôler à cette occasion les compétences du candidat, ainsi que sa moralité et son âge. En cas de problème concernant l’un ou l’autre de ces points, le candidat peut être éconduit, mais il est rare qu’une institution écarte quelqu'un en raison de son incompétence ; pour la question de l’âge, des lettres de dispense peuvent être accordées par le roi.

L'un des principaux avantages, pour la plupart des officiers, était l'anoblissement conféré par l'exercice de l'office pendant un certain temps. Cela a permis une certaine mobilité sociale, puisque des familles de la haute bourgeoisie pouvaient ainsi accéder à la noblesse. Ce qui a fait qualifier certains offices de "savonnette à vilain", par exemple pour la charge de secrétaire du roi, vendu par la monarchie à plusieurs dizaines de milliers de livres, mais qui conférait à son détenteur la noblesse après vingt ans d'exercice. La paulette, impôt instituant la vénalité des offices, est instaurée le sous le règne d'Henri IV. C'est surtout pendant la régence d'Anne d'Autriche que les officiers des cours souveraines obtiennent l'anoblissement, en 1644 pour les maîtres des requêtes et les magistrats du parlement de Paris et du Grand Conseil, en 1645 pour ceux de la Chambre des comptes et de la Cour des aides. Toutefois, cette possibilité s'est fortement réduite à la fin de l'Ancien Régime, notamment en raison de l'hérédité des charges, qui empêchait l'arrivée de nouveaux venus non nobles dans les corps d'officiers.

Les officiers les plus célèbres restent les parlementaires, possesseurs d'un office de judicature vénal, qui n'était pas soumis à l'approbation royale. À l'origine de la Fronde au XVIIe siècle, la plupart des membres de ces cours souveraines continua à s'opposer plus ou moins directement à la politique royale tout au long du XVIIIe siècle.

Notes et références

  1. Selon l'historien Roland Mousnier, les offices sont des fonctions publiques devenues objets de commerce et revêtant certains traits de la propriété privée (dans Institutions de la France sous la monarchie absolue p. 37-66)

Voir aussi

Bibliographie

Ouvrages anciens

  • J–B. Denisart, Collection de décisions nouvelles et de notions relatives à la jurisprudence actuelle, 5e édition, Desaint, Paris, 1766, t. 2, « Offices, officiers »
  • Guyot, Répertoire de jurisprudence, tome 6, Paris, 1784
  • C. Loyseau, Cinq Livres du droit des offices, in Les œuvres de Maître Charles Loyseau, avocat en Parlement, Livre premier, chapitre 1, p. 7

Ouvrages d'historiens

  • F. Olivier-Martin, Histoire du droit français, des origines à la Révolution, CNRS éditions, 1998
  • A. Rigaudière, Introduction historique à l’étude du droit et des institutions, 3e édition, 2006
  • F. Saint-Bonnet, Y. Sassier, Histoire des institutions avant 1789, 3e édition, 2008

Articles connexes

  • Portail de l’histoire
  • Portail de la France
Cet article est issu de Wikipedia. Le texte est sous licence Creative Commons - Attribution - Partage dans les Mêmes. Des conditions supplémentaires peuvent s'appliquer aux fichiers multimédias.