Muselmann

Un Muselmann (pl. Muselmänner, du mot yiddish signifiant « musulman ») est, dans la Lagersprache des camps de concentration nazis, un déporté tellement affaibli que sa mort est imminente.

Cet article possède un paronyme, voir Musselman.

Auschwitz, janvier-février 1945.

Présentation

Apathique, prostré, le Muselmann ne réagit plus et se résigne à sa propre fin[1].

À l'instar d'autres survivants de la Shoah, Primo Levi cite l'expression dans son ouvrage autobiographique Si c'est un homme, consacré à sa déportation à Auschwitz : il y indique que les « anciens » du camp désignaient les agonisants par ce terme sans qu'il puisse s'expliquer pourquoi[2].

L'hypothèse a été avancée que le Muselmann, épuisé, devient incapable de bouger, de se lever, ce qui peut évoquer la position d'un musulman prosterné au sol durant la prière[3]. Pour le philosophe Giorgio Agamben, le lien avec l'islam relève plutôt d'un sens littéral : le fatalisme que l'on attribue aux musulmans, la soumission inconditionnelle à la volonté de Dieu, trouveraient leur équivalent métaphorique dans la résignation totale du Muselmann[4].

Ce mot semble s'être diffusé à partir d'Auschwitz-Birkenau vers les autres camps.

Le neurologue Viktor Frankl, lui-même survivant d'Auschwitz, a été témoin d'une scène où un déporté a décidé un soir de fumer toutes ses cigarettes jusqu'à la dernière, alors que les cigarettes servaient de monnaie d'échange dans le camp, car il était certain de ne pas pouvoir survivre à l'appel du lendemain matin sur l'Appellplatz[5]. Ses camarades se sont alors moqués de lui en le traitant de Muselmann[5]. Frankl compare ce comportement déshumanisé à celui des Kapos[5].

Autres appellations

Les « morts-vivants » (ceux dont la volonté a été brisée) sont désignés selon les lieux par d'autres appellations[6] :

Bibliographie

  • Giorgio Agamben, Auschwitz, l'archive et le témoin (p. 813–937 de Home sacer : L'intégrale, 2015), dont le chapitre Le "musulman" (analyse p. 838–871 et témoignages p. 929–933)
  • Viktor Frankl, Man's search for meaning, Washington Square Press (1946), 1985
  • Viktor Frankl, Was nicht in meinen Büchern steht. Lebenserinnerungen, Weinheim, Beltz, 2002, (ISBN 3-407-22757-4)
  • Adolf Gawalewicz, Refleksje z poczekalni do gazu: ze wspomnień muzułmana Réflexions dans la salle d'attente de la chambre à gaz : D'après les mémoires d'un Muselmann »), 1968.
  • (en) Wolfgang Sofsky (trad. William Templer), The Order of terror : the concentration camp [« Die Ordnung des Terrors »], Princeton, N.J, Princeton University Press, coll. « Paperbacks », , 356 p. (ISBN 978-0-691-00685-7, OCLC 836788767), p. 25, 199-205.
  • Wolfgang Sofsky (trad. Olivier Mannoni), L'Organisation de la terreur : les camps de concentration, Paris, Calmann-Lévy, , 420 p. (ISBN 978-2-7021-2429-1, OCLC 742676256)
  • Z. Ryn et Stanislaw Klodzinski, Aux confins de la vie et de la mort : une étude sur le phénomène du Muselman dans le camp de concentration, 1987

Notes et références

  1. « Muselmann », Jewish Virtual Library (consulté le 4 décembre 2016).
  2. (en) Primo Levi (trad. Stuart Woolf), If this is a man ; and, the truce [« Se questo è un uomo »], Londres, Abacus, , 453 p. (ISBN 978-0-349-10013-5, OCLC 961923031), p. 94.
  3. « Muselmann » (PDF) Yad Vashem, Shoah Resource Center, The International School for Holocaust Studies (consulté le 4 décembre 2016).
  4. Giorgio Agamben, Quel che resta di Auschwitz. L'archivio e il testimone. Homo sacer. III Il musulmano »), Torino, Bollati Boringhieri, 1998.
  5. Viktor Frankl, Man's search for meaning, Washington Square Press (1946), 1985.
  6. Wolfgang Sofsky, L'Organisation de la terreur, p. 400.

Articles connexes

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