Mory Kanté
Mory Kanté, né le à Albadaria (Guinée française) et mort le à Conakry (Guinée)[1], est un chanteur et musicien guinéen. Il est principalement connu pour son tube Yéké yéké en 1988.
Pour les articles homonymes, voir Kanté.
Biographie
Enfance
C'est en plein pays mandingue, dans un petit village du sud de la Guinée, Albadaria, près de Kissidougou, que naît Mory Kanté le . Son père, El Hadj Djeli Fodé Kanté, est déjà un très vieil homme et Mory compte parmi les plus jeunes de ses 38 enfants. La famille Kanté est une célèbre famille de griots, des poètes, chanteurs, historiens et journalistes à la fois, véritables mémoires vivantes dont le rôle est depuis la nuit des temps de conter en musique les épopées sans fins des familles et des peuples. Les parents de Mory sont tous les deux griots, fonction héréditaire, et son grand-père maternel était un puissant chef de griots à la tête d'une soixantaine d'entre eux. Le destin de l'enfant est donc tout naturellement de devenir un « jali », terme mandingue pour « griot ».[réf. nécessaire]
Apprenti-griot
Kora
Carte de séjour
Ce désir devient réalité en 1984. Seul, sans son épouse et ses enfants qui restent à Abidjan, Mory Kanté arrive en France en plein hiver avec la ferme intention d'aller plus loin encore dans ses expériences musicales et de se faire connaître en Europe. En France, Mory Kanté n'est pas une star et le démarrage n'est pas facile. Cependant, la musique africaine explose en Occident au cours des années 1980. C'est la naissance de la world music, mélange des rythmes traditionnels du monde entier et des sons modernes, rock, funk, jazz ou électroniques. Mory, qui n'a pas attendu les années 1980 pour se lancer dans ces mélanges, s'impose vite sur le marché musical.
Dès 1984, sort un premier album Mory Kanté à Paris[2], produit par le producteur africain Aboudou Lassissi. L'accueil critique et public est bon et Mory Kanté se fait connaître en quelques mois. Il multiplie les concerts dans toute l'Europe, notamment en Italie où il est une énorme vedette. Artiste émigré et sans carte de séjour, il devient une figure essentielle de la scène « world ». En , il passe à la Mutualité. En décembre, au New Morning. En , il est invité au festival du Printemps de Bourges. Puis du au , Jacques Higelin, qu'il avait rencontré des années auparavant en Afrique, le convie sur scène à Bercy, devant 16 000 personnes chaque soir avec le Sénégalais Youssou N'Dour.
En 1985, le Camerounais Manu Dibango prend l'initiative d'inviter les artistes africains à enregistrer une chanson au profit des Éthiopiens, victimes de la famine qui sévit alors. Mory Kanté fait naturellement partie du projet.
C'est en Italie, qu'il fait la connaissance du producteur américain David Sancious, qui s'est illustré en travaillant avec Bruce Springsteen. Le mariage de leurs deux talents donne naissance à un troisième album, Ten Cola Nuts, qui sort en avril 1986 sur le label français Barclay[3]. Ces noix de cola représentent des offrandes rituelles et des vœux de bonheur. La kora est toujours au centre de l'album, mais les synthétiseurs et les cuivres viennent enrichir l'ensemble. Le travail est très soigné et salué par la presse comme une sublime réussite. Les scores de ventes sont moyens mais cette fois, Mory Kanté a réellement trouvé un équilibre musical et culturel.
Gorée
Juste après la mort de son père à plus de cent ans, le jeune griot guinéen entame une très longue tournée avec un premier concert au Zénith de Paris le . En juin, il fait un passage en Côte d'Ivoire et au Sénégal où il participe à un rassemblement anti-apartheid organisé le , sur l'Île de Gorée, l'île aux esclaves, au large de Dakar. Durant l'été, il tourne entre la France et l'Italie avant d'entamer une tournée internationale qui le mène en Afrique du nord, puis aux États-Unis, au Japon et en Australie. Partout, il rencontre un public enthousiaste de découvrir cette culture africaine, et en particulier mandingue. Sur scène, Mory est entouré de seize musiciens et sept danseurs. Le groupe de Mory Kanté est à l'image de sa musique, profondément métissé : France, États-Unis, Afrique du Sud, Mali, Sénégal, Nicaragua, Angleterre et Suède, autant de nationalités qui partagent leurs cultures et leurs expériences.[réf. nécessaire]
Griot électrique
Celui qu'on surnomme désormais « le griot électrique » atteint l'année suivante, en 1987, les sommets du succès avec son nouvel album Akwaba Beach[4]. Enregistré avec la collaboration du producteur anglais Nick Patrick, sous l'œil bienveillant et complice du président de Barclay, Philippe Constantin, ce disque marque le triomphe du funk mandingue grâce à un titre particulier, Yéké yéké qui explose les hits-parades du monde entier, à commencer par les Pays-Bas. Composé au début des années 1980, le titre se trouvait déjà sur l'album Mory Kanté à Paris mais insatisfait de cette première version, il décide de le réenregistrer. Ce nouvel enregistrement connaît alors un succès fulgurant, sur lequel des publics du monde entier vont danser. En quelques années, le 45 tours atteint des sommets de vente chiffrés en millions d'exemplaires et fait l'objet d'innombrables remixes, adaptations et reprises en hébreu, arabe, chinois, hindi, portugais, anglais ou espagnol. Avec Yéké yéké, Mory Kanté devient l'artiste africain le plus vendu et peut-être le plus connu à travers le monde. En , ce titre atteint la première place du classement pan-européen établi par le fameux hebdomadaire professionnel américain Billboard.
Juste après avoir reçu un disque d'or en en France, Mory Kanté est récompensé en novembre à Paris par la Victoire de la musique du meilleur album francophone.
En janvier 1990, il retrouve les studios à Bruxelles, puis à Los Angeles, pour mettre au point son album Touma (Le Moment)[5]. Pour l'occasion, et fort de sa notoriété, il s'entoure de grands noms dont le guitariste chicano-américain Carlos Santana (très connu en Afrique), ou le Sud-Africain, Ray Phiri. La démarche est la même que pour Akwaba Beach et présente un mélange subtil et sophistiqué de pop et de tradition mandingue. L'album sort en . Souffrant et bénéficiant à la fois du succès géant de l'album précédent, les ventes ne dépassent guère le disque d'or en France et atteignent le million à l'étranger.
Harlem
Le , il représente la France avec Khaled lors d'un concert géant à New York, dans Central Park, devant des milliers de New-Yorkais. En novembre, toujours à New York, il participe au Gala de la francophonie dans le célèbre Apollo de Harlem, qui a vu débuter son idole, James Brown.
Au début des années 1990, Mory Kanté songe sérieusement à revenir plus souvent sur sa terre natale. Comme le noble Malien Salif Keïta, le griot guinéen souhaite utiliser son nom et ses moyens financiers pour aider ses compatriotes, en particulier les plus jeunes. C'est ainsi qu'il projette de monter à Conakry un complexe culturel du nom de « Nongo Village », comprenant entre autres un studio, un centre de formation aux métiers du spectacle, un hôtel et un musée des griots. Dans une Guinée en crise, le projet aura du mal à voir le jour. D'autre part, il réalise un autre de ses nombreux projets, avec la création d'un orchestre philharmonique d'une trentaine de koras, et autant de harpes, violons et flûtes. Avec une formation réduite, il investit trois jours durant le kiosque du Jardin du Luxembourg pour le Festival Paris quartier d'été, jouant devant plus de 6 000 personnes. Puis, avec l'Ensemble traditionnel de Guinée, composé de 130 musiciens, il se produit en 1991 pour l'inauguration de la Grande Arche de la Défense à Paris.
C'est chez lui, en Guinée, que la star de l'afro-dance enregistre son nouvel album Nongo Village[6], du nom de son studio. Parmi les onze titres mixés à New York et Paris, c'est La Tension qui semble destiné à conquérir les foules et à envahir les pistes de danse dans la même lignée que Yéké Yéké. Dans ce disque, Mory Kanté réintègre le balafon qui détrône les guitares. Le premier extrait sort en , suivi de l'album à l'automne. L'accueil est moyen et certains lui reprochent de se perdre un peu dans une recette qui manque de renouvellement.
En 1994, Mory Kanté reçoit le « Griot d'Or ». Le , il chante à Deauville, station balnéaire de Normandie, puis entame une tournée européenne puis canadienne.
Après toutes ces années de succès, Mory Kanté choisit de retrouver une musique plus familiale, plus traditionnelle. Peut-être un peu las de son image de « griot électrique », le Guinéen se tourne vers ses sources et vers une pratique plus authentique de son art et de son métier.
La part des choses
En 1996, Mory Kanté sort un album auto-produit afin de conserver une certaine indépendance de création. En effet, l'album Tatebola[7] se met à l'heure de la techno. Mais les bases rythmiques de la techno ne sont peut-être pas si éloignées des percussions ancestrales et les inspirations musicales de ce disque se veulent proches des origines mandingues. L'album est bien accueilli par la critique et le public heureux de retrouver le griot sur scène à La Cigale en mars 1997.
En juillet 1997, Mory Kanté est présent au Womad Festival à Reading en Grande-Bretagne, en août à l'Île Maurice, puis en septembre en Autriche. La notoriété des années passées s'essouffle un peu, mais Yéké Yéké demeure une éternelle carte de visite pour l'artiste guinéen dont le travail conserve toujours une qualité de haut niveau.
Il faut attendre 2001 pour retrouver Mory Kanté. C'est en juin de cette année qu'il sort Tamala (Le Voyageur) après un long silence[8]. Âgé de 51 ans, le musicien n'a pourtant cessé de tourner à travers le monde, mais sans guère d'escale française. Cette fois, on le retrouve avec un album dans l'afro funk mandingue qui a fait son succès il y a quinze ans. La part d'instruments traditionnels est importante et donne une saveur plus douce et moins électronique à l'ensemble. C'est l'Anglais Paul Borg qui produit le disque sur lequel on trouve toujours de nombreuses influences, hip hop, gitane, ou soul via un duo avec la diva du rhythm and blues britannique, Shola Ama.
Mort et hommages
Mory Kanté meurt le 22 mai 2020 à l'âge de 70 ans, hospitalisé à Conakry. Sa mort est annoncée à l'AFP par son fils Balla Kanté. Après sa disparition, plusieurs personnalités politiques et culturelles du monde lui rendent hommage. Le président guinéen, Alpha Condé, déclare que « La culture africaine est en deuil »[11]. Le président sénégalais, Macky Sall estime quant à lui « l’Afrique vient de perdre un de ses dignes fils »[12]. tandis que Umaro Sissoco Embaló indique que « L’Afrique a perdu une icône.»[13],[14].
Ambassadeur de bonne volonté de la FAO
En 2001, Mory Kanté a été nommé Ambassadeur de bonne volonté de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO)[15], organisation spécialisée du système des Nations unies, créée en 1945 à Québec (Canada) dont l'objectif est « construire un monde libéré de la faim ».
Discographie
Albums
Publication
- Mory Kante, Cocorico ! Balade d'un griot[17].
Notes et références
- Annie Yanbekian, « Le chanteur guinéen Mory Kanté, connu pour son tube "Yéké Yéké", est mort à l'âge de 70 ans », France Info, 22 mai 2020.
- « Mory Kante* - À Paris », sur Discogs (consulté le )
- « Mory Kanté - 10 Cola Nuts », sur Discogs (consulté le )
- « Mory Kante* - Akwaba Beach », sur Discogs (consulté le )
- « Mory Kanté - Touma », sur Discogs (consulté le )
- « Mory Kante* - Nongo Village », sur Discogs (consulté le )
- « Mory Kante* - Tatebola », sur Discogs (consulté le )
- « Mory Kanté - Tamala - Le Voyageur », sur Discogs (consulté le )
- « Mory Kanté - Sabou », sur Discogs (consulté le )
- « Mory Kanté - La Guinéenne », sur Discogs (consulté le )
- Amadou Kendessa Diallo, « Décès de l’artiste Mory Kanté, Alpha Condé réagit : « Un parcours exceptionnel » », sur guineenews.org,
- Youssouf Keita, « L’hommage de Macky Sall à Mory Kanté : "l’Afrique vient de perdre un de ses dignes fils" », sur mediaguinee.org,
- Noumoukè S., « Décès de Mory Kanté : Embalo présente ses condoléances à Alpha Condé et aux Guinéens », sur mediaguinee.org,
- dramous, « Décès de Mory Kanté: Macky Sall et Umaru Embalo Cissoko saluent la mémoire d’un digne fils du continent africain », sur Actu jeune, (consulté le )
- Rencontrez les Ambassadeurs de bonne volonté de la FAO, sur le site internet de ma FAO consulté le 12 janvier 2010
- Valérie Guédot, « La cérémonie des Grands Prix de la Sacem le 27 novembre 2017 à la salle Pleyel », sur www.franceinter.fr, (consulté le )
- « Mory Kanté sort son premier livre « COCORICO ! Ballade d’un Griot » », sur Afro Guinée Magazine (consulté le )
Voir aussi
Liens externes
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