Monte Testaccio

Le mont Testaccio (italien : Monte Testaccio ; latin Mons Testaceus ; français Mont des tessons), à Rome, est, au sens propre, un immense dépotoir romain constitué de tessons d’amphores accumulés durant l’Antiquité, situé entre le mur d’Aurélien et le Tibre, à l’extrémité sud des fortifications. Il donne son nom au quartier du Testaccio.

Les innombrables couches de tessons (en latin testae[1], d’où le nom du site) sont soigneusement rangées en couches horizontales. Il s’agit des restes des amphores à huile débarquées le long du Tibre dans les entrepôts avant leur vente dans les commerces de la capitale.

Histoire

Le Monte Testaccio, reconstitution artistique du quartier antique, gravure d'Alessandro Donati (1584-1640).
Couches de tessons d’amphores du Monte Testaccio.

Cette décharge du port fluvial voisin (emporium) fut utilisée de la fin de l’époque républicaine au milieu du IIIe siècle. Ces amphores contenant de l'huile pouvant difficilement être réutilisées pour d'autres provisions, elles étaient cassées sur place une fois leur contenu écoulé. On ajoutait de la chaux aux fragments qui s'amoncelaient pour faire fonction d'antiseptique[2].

Dans les siècles qui suivirent son abandon, le Monte Testaccio devint le siège de fêtes et parties de campagne, on y fêtait le carnaval avec une tauromachie et une fête plus populaire de chasse au cochon. Au XVe siècle, le pape Paul II transféra le carnaval sur la Via Lata et fit du Monte Testaccio le point d’aboutissement du chemin de croix du Vendredi saint, se transformant alors en un véritable Golgotha[3].

Michel de Montaigne, lors de son voyage à Rome où il arrive le 30 novembre 1580, déclare n'être surpris et étonné non par les monuments mais seulement par le Monte Testaccio : « Que cela de voir une si chétive décharge, comme de morceaux de tuiles et de pots cassés, être anciennement arrivée à un monceau de grandeur si excessive, qu'il égale en hauteur et en largeur plusieurs naturelles montagnes ». Il juge que c'est un « si nouveau et extraordinaire témoignage de la grandeur de Rome »[4].

Il devint le lieu privilégié des Ottobrate, fêtes romaines typiques où défilaient des charrettes chargées de cueilleurs de raisins se rendant vers les auberges et les caves à la fin des vendanges : ce n’étaient alors que chansons, danses, jeux et concours de poésie, le tout copieusement arrosé de vin des Castelli Romani, stocké dans les caves creusées au pied de la colline[3]. Les Romains des classes populaires venaient se distraire dans les Osterie (guinguettes). Les caves, creusées sous les couches de tessons, étaient renommées pour leur fraîcheur : on pouvait y trouver une température de 8 °C alors qu'il faisait 28 °C à l’extérieur[5].

Caves du Monte Testaccio en 2005.

En 1849, pendant le siège de Rome, les républicains italiens y établissent une batterie d'artillerie faisant face à celle installée par les assiégeants français à la basilique Saint-Paul-hors-les-Murs[3].

En 1870, lors de l'annexion de Rome au royaume d'Italie réunifié, les quartiers méridionaux sont peu urbanisés. Les constructions s'accélèrent à partir des années 1880 et le plan régulateur de 1883 prévoit la transformation du Testaccio en quartier industriel et ouvrier. En 1921, il devient l’un des rioni (quartiers) de la Rome moderne (rione XX Testaccio). Sa population passe de 7 800 habitants en 1901 à 19 400 en 1921 et 23 200 en 1951 mais il est alors proche de la saturation. Les habitants, souvent venus des Abruzzes et des Marches au début de l'industrialisation, s'enracinent vite : vers 1950, 90% des résidents sont natifs de la capitale, ce qui en fait « un des îlots les plus romains de Rome ». L'urbanisme, régulier et assez monotone, est fait de blocs d'immeubles de 3 ou 4 étages alignés sur un plan en damier ; seuls quelques restaurants traditionnels subsistent autour de l'abattoir de Rome qui est en même temps le plus grand établissement industriel du quartier. Les industries du milieu du XXe siècle sont pour la plupart liées à la construction urbaine : briqueterie, verrerie, marbrerie, une grande fabrique de pavés[6].

Description

Amphore de type Dressel 20

Le mont Testaccio s’élève sur une hauteur d’environ 30 mètres (chiffre qui devait dépasser à l'époque les 40 m[2]), (54 m au-dessus du niveau de la mer), sur une surface de 22 000 m2[2] qui forme une sorte de triangle irrégulier de 200 à 300 m de largeur. Une rampe, sans doute anciennement utilisée par les chariots, bifurque vers le nord-est[7].

La masse d'amphores entassées est évaluée à cinquante millions d'unités, pour les trois quarts d’huile de Bétique[8]. Elles représentent environ 6 milliards de litres d'huile[9].

Fouilles archéologiques

Les premières recherches archéologiques ont été menées de 1872 à 1878 par l’archéologue allemand Heinrich Dressel (1845-1920), qui établit une typologie des amphores romaines encore en vigueur. Le travail fut repris dans les années 1980 par les archéologues espagnols Emilio Rodríguez Almeida et José Remesal Almeida[10].

Les amphores révélées par les fouilles sont celles des couches superficielles : elles proviennent presque exclusivement de la Bétique, en Espagne[2]. Appelées « Dressel 20 »[10], ce sont des amphores à huile, leur panse est globulaire, leurs anses peuvent porter des timbres amphoriques signalant l'officine qui les a produites. Elles pouvaient également porter des tituli picti (inscriptions commerciales), marqués au calame, signalant le nom de l’exportateur et les marques des divers contrôles effectués au cours du voyage[11]. Ces amphores, au Monte Testaccio, ont été datées des années 140 jusqu’au IIIe siècle[7].

Fiction

  • Le Monte Testaccio est évoqué plusieurs fois par le poète et cinéaste italien Pier Paolo Pasolini, notamment dans la dernière séquence du film Accatone (1961)[12].

Notes et références

  1. Ce mot testa fut employé en argot bas latin pour désigner la « tête », qui trouve là son étymologie (italien testa, français tête). Définitions lexicographiques et étymologiques de « tête » dans le Trésor de la langue française informatisé, sur le site du Centre national de ressources textuelles et lexicales
  2. Jean-Paul Morel, Rome, ville et capitale : De César à la fin des Antonins, éditions du temps, , 412 p., « Rome capitale : les productions et le commerce de César à Commode », p. 154-155.
  3. (it) Giuliano Malizia, Testaccio, vol. 43, Newton Compton, coll. « Roma tascabile », .
  4. Jean Prévost, La vie de Montaigne, édition ZULMA, , 160 p. (ISBN 978-2-909031-19-4), page 125
  5. Antoine-Claude Pasquin Valery, Voyages historiques et littéraires en Italie, Volume 4, Paris, 1833, p. 175-177 .
  6. Seronde Anne-Marie. Les quartiers méridionaux de Rome. In: Bulletin de l'Association de géographes français, N°259-260, 33e année, Mai-juin 1956. pp. 121-131.
  7. Filippo Coarelli, traduit de l’italien par Roger Hanoune, Guide archéologique de Rome, édition originale italienne 1980, Hachette, 1998, (ISBN 2012354289), p. 242.
  8. John Scheid et François Jacques, Rome et l'intégration de l'Empire (44 av. J.-C.–260 apr. J.-C.), vol. 1, Paris, Presses Universitaires de France, coll. « Nouvelle Clio », 2010, 480 pages, (ISBN 978-2130582472), p. 388
  9. Jérôme Gautheret et Thomas Wieder, « L’Empire romain face à la grande dépression », sur Le Monde, (consulté le ).
  10. Pons Pujol Luis. L’importation de l’huile de Bétique en Tingitane et l’exportation des salaisons de Tingitane (Ier-IIIe siècle après J.-C.). In: Cahiers du Centre Gustave Glotz, 17, 2006. pp. 61-77.
  11. Robert Etienne et Françoise Mayer, L'huile Hispanique, Paris, Boccard,
  12. René Schérer, Giorgio Passerone, Passages pasoliniens, Presses universitaires du Septentrion, p. 203-204

Voir aussi

Bibliographie

  • Filippo Coarelli, Guide archéologique de Rome, Hachette, 1998 (ISBN 2012354289)
  • Remesal Rodríguez J. (2019) Monte Testaccio (Rome, Italy). In: Smith C. (eds) Encyclopedia of Global Archaeology. Springer, Cham.

Liens externes

  • Portail de l’archéologie
  • Portail de la Rome antique
  • Portail de Rome
Cet article est issu de Wikipedia. Le texte est sous licence Creative Commons - Attribution - Partage dans les Mêmes. Des conditions supplémentaires peuvent s'appliquer aux fichiers multimédias.