Moctezuma II

Moctezuma (1466 - ), dont le nom s’écrit également selon certaines variantes orthographiques, Moteuczoma, Motecuhzoma et dont le nom originel complet en nahuatl est Motecuhzoma Xocoyotzin[1], était le neuvième huey tlatoani (souverain) de Mexico-Tenochtitlan. C’est pendant son règne, de 1502 à 1520, qu’a commencé la conquête espagnole de l'empire aztèque.

Pour les articles homonymes, voir Moctezuma.

Moctezuma II
Motecuhzoma Xocoyotl

Moctezuma II (illustration du Codex Durán)
Titre
Huey tlatoani de Mexico-Tenochtitlan
Prédécesseur Ahuitzotl
Successeur Cuitláhuac
Biographie
Date de naissance vers 1466
Date de décès (à environ 54 ans)
Lieu de décès Mexico-Tenochtitlan
Père Axayacatl
Enfants Tecuichpo
Chimalpopoca
Taltecatzin
Religion Religion aztèque (polythéisme)
Résidence Templo Mayor
1520 : les Espagnols se rendent maître de Montezuma dans Mexico.

La représentation de Moctezuma dans l'histoire a surtout été influencée par son rôle de roi d'une nation vaincue, et de nombreuses sources le décrivent comme faible et indécis. Le parti pris de certaines sources historiques fait qu’il est difficile de comprendre sa réelle conduite lors de l'invasion espagnole[2].

Pendant son règne, l'empire aztèque est à son apogée. Grâce à la guerre, Moctezuma II s'est efforcé de le consolider en soumettant des territoires qui étaient demeurés indépendants bien qu'enclavés, notamment en pays mixtèque[3]. Il a bouleversé l'ancien système de hiérarchie sociale méritocratique et creusé le fossé entre les pipiltin (nobles) et les macehualtin (roturiers) en interdisant à ces derniers d'exercer une fonction supérieure dans l'administration.

Nom

Glyphe aztèque de Moctezuma (Codex Mendoza, folio 15v).

La prononciation de son nom en langue nahuatl est [motekʷˈsoːma]. C’est un mot composé qui associe un terme signifiant seigneur et puissant à tout jamais et un verbe signifiant froncer les sourcils de colère, et est interprété comme il est celui qui fronce les sourcils comme un seigneur[4] ou celui qui est en colère avec noblesse[5].

Le glyphe de son nom, dans le coin supérieur gauche de l'illustration tirée du codex Mendoza ci-contre, était composé d'un diadème (xiuhuitzolli) posé sur des cheveux raides avec un ornement d’oreille associé à une pièce nasale séparée et une « bulle » contenant la transcription de ses paroles[6].

L'utilisation d'un numéro de règne est apparue à l’époque moderne uniquement pour le distinguer du premier Moctezuma, dénommé Moctezuma Ier parce que, même si ce dernier était l'arrière-grand-père du second, il n'existe pas de succession dynastique chez les Aztèques[2]. Les chroniques aztèques l’appelaient Motecuhzoma Xocoyotzin ([ʃokoˈjotsin] signifie jeune honoré), tandis que le premier était appelé Motecuhzoma Ilhuicamina ou Huehuemotecuhzoma (Moctezuma l’ancien).

Sources

Les récits de la vie de Moctezuma sont pleins de contradictions, et on ne dispose d’aucune certitude sur sa personnalité et son règne.

Bernal Díaz del Castillo

Le récit de première main de Bernal Díaz del Castillo, Histoire véridique de la conquête de la Nouvelle-Espagne brosse le portrait d'un noble roi qui lutte pour maintenir l'ordre dans son royaume après qu’il eut été fait prisonnier par Cortés.

Hernán Cortés

Contrairement à Bernal Díaz qui a écrit ses mémoires de nombreuses années après les faits, Cortés a écrit ses Cartas de relación (Lettres du Mexique)[7] au jour le jour, afin de justifier ses actes auprès de la Couronne espagnole. Sa prose se caractérise par des descriptions et des explications simples, sous forme de lettres adressées personnellement au roi.

La véracité et les motivations des propos de Cortés ont été remises en cause par de nombreux spécialistes. Anthony Pagden[8] et Eulalia Guzman[9] ont souligné les messages bibliques que Cortés semble attribuer à Moctezuma interprétant la légende de Quetzalcóatl comme faisant de lui un messie et un vengeur qui reviendrait pour régner sur les Mexicas. Pagden a écrit : Il n'y avait pas de tradition antérieure à la conquête qui attribuait ce rôle à Quetzalcóatl et il semble donc possible que cette légende ait été recueillie par Sahagún et Motolinia auprès d'informateurs qui avaient partiellement perdu le contact avec les histoires tribales traditionnelles[8].

Bernardino de Sahagún

Le codex de Florence, rédigé par Bernardino de Sahagún et ses collaborateurs indigènes de Tenochtitlan et de Tlatelolco, sa ville vassale, présente généralement Tlatelolco et ses dirigeants sous un jour favorable par rapport à ceux de Tenochtitlan ; Moctezuma, en particulier, y est critiqué en tant que souverain velléitaire, superstitieux, et laxiste[10].

L'historien James Lockhart donne à penser que le peuple avait besoin d'un bouc émissaire pour expliquer la défaite des Aztèques et que Moctezuma a naturellement joué ce rôle[11].

Fernando Alvarado Tezozómoc

Fernando Alvarado Tezozómoc, auteur de la Crónica Mexicayotl, était un petit-fils de Moctezuma II et sa chronique concerne essentiellement la généalogie des souverains aztèques. Il décrit la descendance de Moctezuma et révèle que Moctezuma avait dix-neuf enfants - onze fils et huit filles[12].

Biographie

Gestion de l'Empire

Carte montrant l'expansion de l'empire aztèque à travers ses conquêtes. Les conquêtes de Moctezuma II sont indiquées par la couleur verte (sur la base des cartes de Ross Hassig dans guerres aztèques)
Le folio 15 du Codex Mendoza décrit le règne et les conquêtes de Moctezuma II (lui-même représenté à gauche du glyphe central).

Il est le fils de Axayacatl et le neveu de ses deux prédécesseurs, Tizoc et Ahuitzotl. Il semble qu'il soit devenu souverain contre sa volonté, sans doute contraint par la mort accidentelle d'Ahuitzol lors d'une inondation de Tenochtitlan. Cela ne l'empêche pas de gouverner de façon autoritaire en réorganisant totalement l'administration par la nomination d'administrateurs plus jeunes. L'empire atteint son apogée sous son règne. Il ordonne la reconstruction totale de la capitale qui avait subi encore une inondation. C'est cette ville devenue extraordinaire que les conquistadors découvriront plus tard, Mexico la cité lagunaire. Moctezuma réduit par ailleurs les prétentions de la noblesse. L'économie et le commerce sont florissants dans tout l'empire, lequel atteint son extension maximum et s'étend jusqu'au Guatemala et à la péninsule du Yucatan.

La célèbre pierre de Tizoc, un cuauhxicalli (pierre sacrificielle) décoré de sculptures représentant Tizoc, le prédécesseur de Moctezuma en tant que tlatoani, aurait également été réalisé au cours de son règne[13].

Réformes

Selon les sources indigènes, dès son accession au pouvoir, Moctezuma ordonna à son cihuacoatl Tlilpotonqui de remplacer les dignitaires et les fonctionnaires nommés par son prédécesseur, Ahuitzotl, pour se constituer une cour favorable à ses réformes, instruite et issue de l'élite plutôt que d'origine roturière[14].

Présages et superstition

Le passage d'une comète aurait été interprété par Moctezuma II comme un présage funeste, selon Diego Durán (Codex Duran, t.I, chap. LXIII)[15].

Bernardino de Sahagún (1499-1590) mentionne huit événements, survenus dix ans avant l'arrivée des Espagnols, qui auraient été interprétés comme des signes néfastes : l'apparition d'une flamme dans le ciel pendant près d'une année, l'incendie de la charpente du temple d'Huitzilopochtli, un autre temple mystérieusement frappé par la foudre, la chute d'une comète, l'eau du lac Texcoco qui se mit à bouillonner, l'apparition d'une femme qui pleurait en gémissant «Mes très chers enfants, voici déjà notre départ.», un oiseau pris par des pêcheurs sur le lac Texcoco et qui portait sur la tête un miroir, l'apparition d'hommes à deux têtes qui disparaissaient dès qu'on les avait montrés à Moctezuma[16]. Certains[Qui ?] pensent que les Aztèques étaient particulièrement sensibles à ces signes parce que l'année précise de l'arrivée des Espagnols coïncidait avec la cérémonie du feu nouveau célébrée à la fin d'un cycle de 52 ans du calendrier aztèque, année qui était associée aux changements, à la renaissance et à un risque de catastrophes, dans le cadre du mythe de la légende des soleils. Selon Matthew Restall, c'est un simple mythe du fatalisme des indigènes qui est à l'origine du lieu commun selon lequel les Aztèques étaient devenus passifs à cause de leur propre superstition[17]. Ces légendes font probablement partie du processus de rationalisation post-conquête des aztèques pour expliquer leur défaite, en cherchant à décrire un Moctezuma indécis, vain et superstitieux, qui aurait finalement été la cause de la chute de l'empire aztèque[11].

L’ethnohistorienne Susan Gillespie a fait valoir que la conception qu’avaient les Nahuas de l'histoire qu’ils interprétaient comme étant une suite de cycles successifs a également conduit à une rationalisation ultérieure des événements de la conquête. Dans cette interprétation, la personnalité de Moctezuma, le dernier roi de l'empire aztèque, a été réécrite pour correspondre à celle des premiers rois des dynasties précédentes - par exemple Quetzalcoatl, le dernier souverain mythique des Toltèques[18]. En tout cas, il est plus que probable que la description de Moctezuma dans les sources postérieures à la conquête a été largement influencée par son rôle de figure majeure de la fin de l'histoire aztèque.

Premiers contacts

En 1517, Moctezuma reçoit les premiers rapports annonçant le débarquement des Européens sur la côte est de son empire, c’était l'expédition de Juan de Grijalva qui avait débarqué à San Juan de Ulúa qui, bien que situé dans le territoire totonaque, était sous la domination de l'empire aztèque. Moctezuma donna l’ordre d’être tenu informé de toute nouvelle apparition d’étrangers sur la côte et de poster des gardes pour surveiller la région[19].

Lorsque Cortés débarqua en 1519, Moctezuma en a été immédiatement informé et a envoyé des émissaires pour rencontrer les nouveaux arrivants, l'un d'eux est connu comme étant un noble aztèque nommé Tentlil en langue nahuatl, mais cité dans les écrits de Cortés et de Bernal Díaz del Castillo sous le nom de "Tendile ".

Quand les Espagnols s’approchèrent de Tenochtitlan ils firent alliance avec les Tlaxcaltèques, qui étaient les ennemis de la Triple Alliance Aztèque, et les aidèrent à fomenter une révolte dans plusieurs villes sous domination aztèque. Moctezuma était au courant de ce complot et il envoya des cadeaux aux Espagnols, sans doute afin de montrer sa supériorité sur les Espagnols et les Tlaxcaltèques[10].

Réaction de Moctezuma

Palais de Moctezuma, représentation tirée du Codex Mendoza (1542)

Selon certaines sources anciennes, Moctezuma a été effrayé par les nouveaux arrivants espagnols et, certaines sources telles que le codex de Florence, rapportent que les Aztèques prenaient les Espagnols pour des dieux et interprétaient l’arrivée de Cortés comme le retour du dieu Quetzalcoatl, revenu sur terre. La véracité de ces affirmations est difficile à évaluer, mais récemment des ethnohistoriens spécialisés dans les premières relations entre Espagnols et Nahuas l’ont écartée comme étant un mythe de la période post-conquête[17].

D'après Bernardino de Sahagún, à l’arrivée des conquistadors Moctezuma est terrifié par la description que lui en font ses émissaires : « Ils chevauchent montés sur leurs cerfs[20]. [...] De tous côtés leurs corps sont protégés, on ne voit paraître que leur visage. Ils sont blancs comme s'ils étaient de chaux. [...] Longue est leur barbe, [...] »[21].

L’hypothèse selon laquelle Cortés aurait été considéré comme une divinité proviendrait essentiellement du codex de Florence, écrit quelque cinquante ans après la conquête. Au cours de la première rencontre entre Moctezuma et Cortés, telle qu’elle figure dans le codex, le souverain aztèque est décrit comme déclamant un discours écrit en nahuatl classique, un discours qui est transcrit in extenso dans le codex (écrit par des informateurs de Sahagún originaires de Tlatelolco, qui n'ont probablement pas été témoins oculaires de la rencontre) et comportait des déclarations de prosternation et d'admiration divine ou quasi divine, telles que : « Vous avez bien voulu venir sur terre, vous avez bien voulu approcher votre eau, votre haut lieu du Mexique, vous êtes descendu sur votre couche, votre trône, que j'ai brièvement gardé pour vous, moi dont le rôle est de le garder pour vous » et « Vous avez bien voulu venir, vous avez connu la douleur, vous avez connu la fatigue, de venir sur terre, reposez-vous, entrez dans votre palais, reposez vos membres, faites venir nos seigneurs sur terre ». Matthew Restall fait valoir que le fait que Moctezuma offre poliment son trône à Cortés (si tant est qu'il ait jamais prononcé ce discours) pourrait bien avoir signifié exactement le contraire de ce qu'on entendait : la politesse dans la culture aztèque était une façon d'affirmer une position dominante et de montrer sa supériorité[22]. Ce discours a été à l’origine de la légende selon laquelle Moctezuma s'adressait à Cortés comme au dieu Quetzalcoatl de retour sur terre. D’autres parties ont également propagé l'idée que les Amérindiens prenaient les conquistadors pour des dieux, en particulier les historiens franciscains tels que le frère Jerónimo de Mendieta[23]. Certains prêtres franciscains étaient des tenants des croyances millénaristes, et le fait que les indigènes puissent prendre les conquérants espagnols pour des dieux était une idée qui allait bien avec cette théologie[24]. Bernardino de Sahagún, qui avait compilé le codex de Florence, était également un prêtre franciscain.

Rencontre à Tenochtitlan

Lieu de rencontre de Moctezuma et Hernán Cortés.

Le , Moctezuma rencontra Cortés sur la chaussée menant à Tenochtitlan et les deux dirigeants échangèrent des cadeaux.

Dans sa première description de Moctezuma, Díaz del Castillo écrit :

« Le grand Montezuma était âgé d'environ quarante ans, de haute taille, bien proportionné, plutôt mince, et à la peau assez claire, contrastant avec le teint sombre habituel chez les Indiens. Il ne portait pas les cheveux longs, mais coupés court sur les oreilles, et il avait une courte barbe noire, fine et bien taillée. Son visage était assez long et joyeux, il avait de beaux yeux, et son apparence et ses manières pouvaient exprimer l’intelligence ou, le cas échéant, une gravité calme. Sa tenue était soignée et bien ordonnée, et il prenait un bain tous les après-midi. Il avait autour de lui de nombreuses femmes, ses maîtresses, les filles des chefs et deux femmes légitimes qui étaient des Caciques[25]. Les vêtements qu'il portait une seule journée il ne les portait pas à nouveau avant trois ou quatre jours. Il avait une garde de deux cents chefs logés dans des chambres situées à côté de la sienne, et seuls certains d'entre eux étaient autorisés à lui parler[26]. »

Dans sa deuxième lettre, Cortés décrit ainsi sa première rencontre avec Moctezuma :

« Mutezuma [sic] est venu nous saluer et avec lui quelque deux cents seigneurs, tous pieds nus et vêtus d'un costume différent, mais aussi très riche à leur manière et en tous cas plus que les autres. Ils sont venus en deux colonnes, alignées près des murs de la rue, qui est très large et si belle et si droite que vous pouvez la voir d'un bout à l'autre. Mutezuma est descendu au milieu de cette rue avec deux chefs, l'un à sa droite et l'autre à sa gauche. Et ils étaient tous habillés de la même manière à l’exception de Mutezuma qui portait des sandales alors que les autres allaient pieds nus, et ils se tenaient de chaque côté de lui[27]. »

Moctezuma fit don à Cortés d'un calendrier aztèque, un disque d'or de fabrication artisanale et un autre en argent. Cortés a fondu ces trésors en raison de leur valeur matérielle[28]. Des sacrifices humains ont également été célébrés, ce qui choqua considérablement les Espagnols.

Prisonnier des Espagnols

Moctezuma conduisit Cortés à son palais où les Espagnols vécurent comme ses invités pendant plusieurs mois. Moctezuma continua à gouverner son empire et entreprit même la conquête de nouveaux territoires au cours du séjour des Espagnols à Tenochtitlan.

À un certain moment au cours de cette période, Moctezuma est devenu de fait prisonnier dans son propre palais. La raison exacte expliquant pourquoi cela s'est produit n'est pas claire si on se réfère aux sources disponibles. Remarquant l'avidité des nouveaux venus, la noblesse aztèque serait devenue de plus en plus mécontente du séjour prolongé de l’armée espagnole à Tenochtitlan et admettait mal la passivité de son souverain. Moctezuma déclara alors à Cortés qu’il vaudrait mieux qu’il parte. Peu de temps après, Cortés est parti combattre Pánfilo de Narváez et, pendant son absence, le massacre du Templo Mayor de Tenochtitlán a transformé la situation tendue entre les Espagnols et les Aztèques en franche hostilité. Moctezuma a été pris en otage par les Espagnols désireux d’assurer leur sécurité[29].

Derniers jours

Moctezuma capturé et emprisonné par Cortés (gravure du hollandais Jean-Charles Donat van Beecq, fin XVIIe siècle).

Dans les batailles ultérieures avec les Espagnols, après le retour de Cortés, Moctezuma a été tué. Les détails de sa mort sont inconnus : différentes versions de son décès ont été données par différentes sources.

Dans son Historia, Bernal Díaz del Castillo déclare que le les Espagnols ont contraint Moctezuma à apparaître sur le balcon de son palais pour appeler ses compatriotes au calme. Le peuple a été consterné par la trahison de son empereur et des pierres et des flèches lui ont été lancées. Il est mort peu de temps après. Bernal Díaz donne cette version :

« À peine cela [le discours de l'empereur à ses sujets] était-il terminé qu’une pluie soudaine de pierres et de dards s’abattit. Nos hommes qui assuraient la protection de Montezuma ont momentanément relâché leur attention quand ils ont vu l'attaque cesser, pendant qu'il parlait à ses subordonnés. Montezuma a alors été frappé par trois pierres, une sur la tête, une sur le bras, et l'autre sur la jambe, et bien qu’ils l’aient prié de se faire panser et de prendre quelque nourriture en s’adressant très gentiment à lui, il refusa. Puis, de façon tout à fait inattendue, on nous a dit qu'il était mort[30]. »

Cortés a également signalé que Moctezuma était mort après avoir été blessé par une pierre lancée par ses compatriotes. D'autre part, les chroniques autochtones affirment que Moctezuma a été tué d’un coup d’épée par les Espagnols avant qu'ils quittent la ville[31].

Selon Bernal Díaz del Castillo :

« Cortes et nous tous, les capitaines et les soldats l’ont pleuré, et il n'y avait personne parmi ceux d’entre nous qui le connaissaient et avaient eu des rapports avec lui qui ne l’aient pas pleuré comme s'il avait été notre père, ce qui n'est pas surprenant, car il était si bon. On a dit qu'il avait régné dix-sept ans, et qu’il était le meilleur roi qu’avait jamais connu le Mexique, et qu'il avait personnellement triomphé dans trois guerres contre les pays qu'il avait conquis. J'ai parlé de la douleur que nous avons tous ressentie lorsque nous avons vu que Montezuma était mort, nous avons même reproché au frère de l’Ordre de la Bienheureuse Vierge Marie de la Miséricorde de ne pas l'avoir convaincu de se convertir au christianisme[32]. »

Toutefois, certains historiens contemporains, tels Matthew Restall[10] ou encore Pablo Moctezuma[33], ajoutent davantage foi aux chroniques des peuples autochtones qu’à celles des Espagnols. Selon leur version, les Espagnols auraient tué Moctezuma lorsque son incapacité à pacifier le peuple aztèque l’eut rendu inutile à leurs yeux.

Conséquences

Les Espagnols ont été contraints de fuir la ville au cours de l’épisode peu glorieux de la Noche Triste et ont dû se réfugier à Tlaxcala, où ils signèrent un traité avec leurs alliés pour partir à la conquête de Tenochtitlan, offrant aux Tlaxcaltèques de les libérer de toute obligation de verser tribut et de tout lien de subordination avec Tenochtitlan.

Moctezuma a ensuite été remplacé par son frère Cuitláhuac qui est décédé peu de temps après au cours d'une épidémie de variole. Il fut remplacé par son neveu encore adolescent, Cuauhtémoc. Pendant le siège de la ville, les fils de Moctezuma ont été assassinés par les Aztèques, peut-être parce qu'ils étaient partisans de la reddition. L'année suivante, l'empire aztèque avait été entièrement conquis par les Espagnols. En 1525, la pendaison de Cuauhtémoc par les Espagnols marque la fin de l'Empire aztèque.

Après la conquête, la fille de Moctezuma Techichpotzin, considérée comme l'héritière de la fortune du roi, s’engagea à respecter les coutumes espagnoles et on lui donna le nom d'Isabel. Elle fut mariée à différents conquistadors prétendant à l'héritage de l'empereur aztèque.

Influence posthume

Représentation de Moctezuma II dans l’Historia de la conquista de México d’Antonio Solis (1715).
Représentation de Moctezuma II dans Vrais portraits et vies des hommes illustres d'André Thevet (1584).

Descendants

Il existe au Mexique et en Espagne plusieurs lignées familiales issues des descendants du fils et des filles de Moctezuma II, notamment Tlacahuepan Ihualicahuaca, ou Pedro Moctezuma et Tecuichpo Ixcaxochitzin, ou Isabel Moctezuma.

Moctezuma a eu huit filles, dont Tecuichpo, également connue sous le nom de Doña Isabel de Moctezuma et onze fils, parmi lesquels Chimalpopoca (à ne pas confondre avec Chimalpopoca, un huey tlatoani précédent) et Tlaltecatzin[34].

Le fils de Moctezuma, connu sous le nom de Don Pedro, reçut Tula en encomienda[35].

Le petit-fils de Moctezuma II et fils de Pedro, Ihuitemotzin, baptisé Diego Luis de Moctezuma, a été amené en Espagne par le roi Philippe II et il épousa Francisca de la Cueva de Valenzuela[36]. En 1627, Pedro Tesifón de Moctezuma, arrière-petit-fils de Moctezuma, a reçu le titre de comte de Moctezuma et a fait alors partie intégrante de la noblesse espagnole. Son titre de noblesse a ensuite été modifié et il est devenu comte de Moctezuma de Tultengo. En 1766, la dignité de Grand d'Espagne a été accordée au titulaire du comté. En 1865 le titre, qui était détenu par Antonio María Moctezuma-Marcilla de Teruel y Navarro, 14e comte de Moctezuma Tultengo, a été élevé au duché, devenant ainsi celui de duché de Moctezuma. En 1992 par Juan Carlos I a autorisé une nouvelle dénomination du titre, qui est devenu le duché de Moctezuma de Tultengo.

Une autre des filles de Moctezuma, la princesse Xipaguacin Moctezuma, épousa Juan de Grau, baron de Toleriu, l'un des officiers supérieurs de Cortés, qui la ramena en Espagne avec un groupe de Mexicas et elle mourut dans le village de montagne de Toleriu, près d’Andorre, en 1537.

Les autres détenteurs de titres de noblesse espagnole qui descendent de l'empereur aztèque sont les ducs d’Ahumada, les comtes de Miravalle, duc d'Abrantès et les ducs d'Atrisco[37]. Les ducs d'Albe descendent aussi de ces lignées. Beaucoup de familles espagnoles sans titres de noblesse descendent aussi de nombreuses branches familiales issues des enfants de Moctezuma II.

Parmi les descendants de ces familles on inclut également le général Jerónimo Girón-Moctezuma, 3e marquis de las Amarilas, un descendant à la 9e génération de Moctezuma II, qui était le commandant des forces espagnoles à la bataille de Fort Charlotte, et son petit-fils Francisco Javier Girón y Ezpeleta, 2e Duc d’Ahumada et cinquième marquis de Las Amarillas (es), qui fut le fondateur de la garde civile espagnole[38].

Mythologie

De nombreux peuples autochtones d'Amérique rendent un culte à des divinités portant le nom du souverain aztèque et souvent le mythe transmet la croyance qu'un jour Moctezuma deïfié reviendra venger son peuple. Au Mexique, au cours des temps modernes, les peuples Pames, Otomis, Tepehua, Totonaques et Nahuas ont continué à rendre un culte à des divinités terrestres du nom de Moctezuma[39]. Son nom apparaît également dans le rituel Zinacantán des mayas tzotzil où des danseurs costumés en dieu de la pluie sont appelés Moctezumas[40].

La figure mythologique de Tohono O'odham[41] chez les peuples du Nord du Mexique et certains Pueblos du Nouveau-Mexique et de l'Arizona désignée sous nom de Montezuma, peut éventuellement avoir des origines remontant au roi aztèque.

Hubert Howe Bancroft, écrivant au XIXe siècle (Native Races, tome # 3), a émis l'hypothèse que le nom de l'empereur aztèque Moctezuma avait été utilisé pour faire référence à des héros de ces cultures qui sont une combinaison de différents personnages historiques réunis sous le nom d'un représentant particulièrement saillant de l'identité amérindienne.

Symbole

Le nom de Moctezuma a été invoqué au cours de plusieurs rébellions indigènes comme symbole de la résistance contre l'espagnol.

Un exemple en est la rébellion de la secte du culte de la Vierge au Chiapas en 1721, où les adeptes de la Vierge Marie se révoltèrent contre l'Espagne après une apparition de la vierge qui annonçait que Moctezuma allait ressusciter pour les aider contre l’occupant espagnol. Au cours de la rébellion Quisteil des Mayas yucatèques leur chef Jacinto Canek se serait désigné lui-même sous le nom de petit Montezuma[42].

Références dans la culture moderne

Homme costumé en Moctezuma, lors du Valencia Orange Show, en Californie, en 1931.

Jeux vidéos

  • Dans le jeu Age of Empires II: The Conquerors, la civilisation des Aztèques est jouable, et Moctezuma est l'objet d'un scénario, dont la fin est modifiée par rapport à l'histoire, puisque les Aztèques repoussent les Espagnols au cours du siège de Tenochtitlan.
  • Dans le jeu en ligne Civilizations, Montezuma est le roi de l'empire aztèque et peut être contrôlé par le joueur. Il en est de même dans les jeux vidéo Civilization III, Civilization IV, Civilization V et Civilization VI.
  • Dans le jeu Where in Time is Carmen Sandiego? produit en 1997, Moctezuma est présent au douzième niveau. Il est le roi des Aztèques et le joueur doit l'aider à compléter sa coiffure.
  • Dans le jeu Assassin's Creed: Project Legacy, l'assassin Giovanni Borgia – inspiré du fils de Lucrèce Borgia – est présent lors de la Noche Triste et assiste à la mort de Moctezuma.

Annexes

Articles connexes

Sources primaires

Études

  • Georges Baudot et Tzvetan Todorov, Récits aztèques de la conquête, Éditions du Seuil, , 408 p. (ISBN 2-02-006628-9, OCLC 299385777).
  • (en) Nigel Davies, The Aztec Empire, University of Oklahoma Press,
  • Michel Graulich, Montezuma : L'apogée et la chute de l'empire aztèque, Paris, Fayard, , 520 p. (ISBN 2-213-59303-5).
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  • (en) James Lockhart, We People Here : Nahuatl Accounts of the Conquest of Mexico, University of California Press, (ISBN 0-520-07875-6).
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Liens externes

Notes et références

  1. [ʃoːkoˈjoːtsin]
  2. (en) Edwin Williamson, The Penguin history of Latin America, New York, Penguin Books, , 631 p., poche (ISBN 978-0-14-012559-7, OCLC 29998568, LCCN 2005412242), p. 18
  3. Davies 1987, p. 90.
  4. (en) J. Richard Andrews (Revised Edition), Introduction to Classical Nahuatl, Norman, University of Oklahoma Press, (1re éd. 1975), p. 599
  5. Daniel G. Brinton, Ancient Nahuatl Poetry, (lire en ligne)
  6. British Museum Exhibition Guide for Moctezuma: Aztec Ruler (2009)
  7. Cortés, Hernán. (trad. Anthony Pagden), Letters – available as Letters from Mexico, Yale University Press,, (ISBN 0-300-09094-3, lire en ligne)
  8. Cortés, Hernán (trad. Anthony Pagden), Letters – available as Letters from Mexico, Yale University Press, , 467 p. (ISBN 0-300-09094-3, lire en ligne)
  9. Guzman, Eulalia., Relaciones de Hernan Cortes a Carlos V sobre la invasion de Anáhuac., vol. I., Mexico,, 1958., 279 p.
  10. Restall, Matthew, Seven Myths of the Spanish Conquest, Oxford University Press, (ISBN 0-19-516077-0)
  11. Lockhart 1993, pp. 17–19
  12. Tezozomoc, Fernando Alvarado, 1992 (1949), Crónica Mexicayotl, Translated by Adrián León, UNAM, México
  13. Manuel Aguilar-Moreno, Handbook to Life in the Aztec World, p. 182.
  14. Selon les témoignages concordants de la Chronique X, Fernando Alvarado Tezozómoc et Fernando de Alva Cortés Ixtlilxochitl (Graulich 1994, chapitre IV, Les purges initiales, p. 97-100).
  15. Miguel León-Portilla, « El ocaso de los dioses. Moctezuma II », Arqueología Mexicana, no 98, juillet-août 2009.
  16. Baudot et Todorov 1983, p. 49.
  17. (en) Restall, Matthew, Seven Myths of the Spanish Conquest, New York, Oxford University Press, , 218 p. (ISBN 0-19-516077-0), chap. 6
  18. Gillespie, 1989, Chapter 5.
  19. Bernal Díaz del Castillo. (trad. J.M. Cohen,), The Conquest of New Spain., New York, Penguin,, 1963. (1re éd. 1568), 220 p. (lire en ligne)
  20. Des chevaux en réalité, ces derniers étant totalement inconnus en Méso-Amérique.
  21. (es) Bernardino de Sahagún, El México antiguo : selección y reordenación de la Historia general de las cosas de Nueva España de fray Bernardino de Sahagún y de los informantes indígenas, Fundacion Biblioteca Ayacuch, (ISBN 84-660-0073-9), p. 336 le texte en espagnol.
  22. Restall, Matthew, Seven Myths of the Spanish Conquest, Oxford University Press, , 97 p. (ISBN 0-19-516077-0)
  23. Martínez 1980
  24. Phelan 1956
  25. Cacique est un mot hispanisé originaire des Caraïbes, qui signifie seigneur héréditaire ou chef militaire. Après avoir rencontré une première fois le terme et la fonction dans les Caraïbes, les chroniqueurs de l'époque de la conquête, tels que Díaz, l’ont souvent utilisé pour désigner les dirigeants autochtones en général
  26. Bernal Díaz del Castillo. (trad. J.M. Cohen,), The Conquest of New Spain., New York, Penguin,, 1963. (1re éd. 1568), 224-225 p. (lire en ligne)
  27. Cortés, Hernán (trad. Anthony Pagden), Letters – available as Letters from Mexico, Yale University Press, , 84 p. (ISBN 0-300-09094-3, lire en ligne)
  28. Bernal Díaz del Castillo. (trad. J.M. Cohen,), The Conquest of New Spain., New York, Penguin,, 1963. (1re éd. 1568), 216-219 p. (lire en ligne)
  29. See the account of Moctezuma's captivity, as given in Díaz del Castillo (1963, p. 245–299).
  30. Díaz del Castillo (1963, p. 294)
  31. Présentation officielle de l'exposition Moctezuma: Aztec Ruler de 2009 au British Museum (section Conquest).
  32. Bernal Díaz del Castillo. (trad. J.M. Cohen,), The Conquest of New Spain., New York, Penguin,, 1963. (1re éd. 1568), 294 p. (lire en ligne)
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