Mille-Colonnes

Les Mille-Colonnes est un établissement très renommé, fondé en 1833 dans la rue de la Gaîté, située alors peu au-delà des barrières de Paris. Il devient parisien lors de l'agrandissement de Paris effectif début janvier 1860. Son adresse exacte est 20 rue de la Gaîté[1].

Les prestations du lieu sont multiples et diverses : restaurant, café, bal avec une grande salle utilisée aussi pour des réunions et banquets politiques ou autres. Durant l'année 1907, création d'un cinéma, qui fonctionne jusqu'à fin novembre 1930[2]. L'établissement des Mille-Colonnes disparaît par la suite. Les réunions qui s'y tenaient pouvaient rassembler jusqu'à 2000 participants[3].

Un complexe de salles de cinéma construit sur l'emplacement des Mille-Colonnes reprend brièvement son nom durant la première année de son activité en 1976-1977. Devenu le Cinévog-Montparnasse, il réduit ses activités à partir de 1988. Fermé en avril 1991, puis démoli, il voit s'élever à sa place un hôtel-restaurant[4].

Rue de la Gaîté, aucune trace des Mille-Colonnes n'apparaît plus aujourd'hui.

Le nom des Mille-Colonnes

Le nom des Mille-Colonnes pris par l'établissement de la rue de la Gaité n'est pas original. Il a été également pris par divers autres restaurants ou cafés de France et Belgique[5], certains toujours en activité. Dans l'un d'entre eux, le café des Mille-Colonnes, situé au Palais-Royal à Paris, fondé en 1807[6], travaillait une « Belle Limonadière », célèbre pour sa beauté. En 1837, Balzac en parle dans son roman César Birotteau[7]. Un autre café parisien des Mille-Colonnes existait en 1862-1863 boulevard du Temple[8]. Les Mille Colonnes était également le nom du Casino de Saint-Nazaire[9].

Les Mille-Colonnes de 1833 à fin 1859

Les Mille-Colonnes vers 1900.
Une réunion politique en 1902 aux Mille-Colonnes avec Louise Michel[10].
Une publicité pour le Cinéma des Mille-Colonnes.

Émile de Labédollière écrit fin 1859[11] :

Dans la même rue (de la Gaîté) se dessine une porte monumentale, qu'une toiture chinoise, étincelantes de briques multicolores, surmonte en manière de fronton. Sur le pignon, une Vénus danse en s'accompagnant au tambour de basque. Sous le cintre de la porte, derrière la grille d'entrée, verdoient les massifs d'un jardin. Aux deux côtés, dans des niches ouvragées, de petits amours tiennent des torches. Au-dessus d'eux sont placés en cariatides des amours joufflus, au sourire narquois ; l'un pince de la lyre ; l'autre joue de la flûte ; un troisième chante dans un mirliton. D'un côté du portique est un restaurant, de l'autre un café ; tous deux sont réunis par un pont jeté derrière le portique, et fermé par des vitraux de couleurs.
C'est l'établissement des Mille-Colonnes, dirigé par Constant père et fils. Le père était un simple ouvrier forgeron, qui, après avoir gagné quelque argent dans ce rude métier, chercha une occupation plus agréable et plus lucrative. Il prit pour architecte Duquesney, qui éleva rue de la Gaité, en 1833, un édifice dans le style italien, d'une architecture svelte et légère. Le vestibule, avec son double escalier, est un des plus beaux que nous connaissions. Cette construction consolida la réputation de Duquesney, auquel fut confié, comme nous l'avons dit, l'exécution de la gare de Strasbourg.
De 1857 à 1859, de grandes améliorations ont été apportées à l'établissement des Mille-Colonnes, sous la direction d'Edmond Plaine. La salle qui sert aux bals d'hiver et aux banquets a été peinte à fresque par MM. Arban et Gagnères. Les murailles et le plafond sont garnis de treillages sur lesquels serpentent des feuilles et des fleurs, et dans la voussure qui fait face à l'orchestre, une nymphe aux formes gracieuses, qui joue du triangle, semble sortie des mains de Prud'hon.
Avant que cette salle fut si richement décorée, dans les premiers temps des Mille-Colonnes, des amateurs de danse qui voulaient faire une concurrence au Bal Chicard, organisèrent chez Constant le Bal des gigoteuses. Le second était une exagération du premier ; dans l'un, lesc toilettes étaient fraîches et légères ; dans l'autre, les corsages montaient et les jupes descendaient le moins possible ; des pas qui paraissaient risqués aux Vendanges de Bourgogne étaient presque modestes aux Mille-Colonnes. Les rédacteurs des programmes de chaque fête le bourraient de tant de gaudrioles, que la police hésitait toujours à donner l'autorisation indispensable. Un jour elle la refusa, et dès lors les excentricités chorégraphiques furent bannies du bal Constant. C'est un de ces bals où se confondent plusieurs classes et plusieurs catégories : le bourgeois y coudoie l'ouvrier ; et à côté de femmes de mœurs faciles, de respectables mères de famille sont assises, tandis que leurs enfants jouent autour de l'espace réservés aux danses, et forment entre eux des quadrilles en miniatures. Dans les belles soirées d'été, plus encore qu'en hiver, le bal Constant offre un spectacle de joie et d'animation. Un puissant orchestre, conduit par Florentin, emplit les oreilles et suscite, pour ainsi dire, des fourmillements dans les muscles fémoraux des moins ingambes. Les musiciens sont rangés sur une estrade, dont le soubassement surgit du milieu d'une corbeille de fleurs ; derrière eux, le plan incliné du kiosque où ils sont placés est soutenu par deux rangs de colonnes inégales ; un lustre illumine les musiciens, et ses clartés, mêlées à celle des girandoles de gaz, se projettent sur la foule pétulante et rieuse.
La maison des Mille-Colonnes, une fois incorporée à Paris, a voulu se mettre à la hauteur du Paris nouveau. Dans les derniers jours de 1859, des terrains et dépendances étaient achetés à droite et à gauche pour être ajoutés au bal et au jardin. Les Mille-Colonnes opéraient aussi leur annexion ; elles s'agrandissaient d'un vaste estaminet annexé au restaurant primitif par le pont jeté sur le jardin. Le jardin lui-même était augmenté du double, embelli de plantations et massifs, étincelant de jets de lumière.
Edmond Plaine a su compléter le projet de Duquesney ; il a compris qu'en touchant à l'œuvre de son prédécesseur, il devait, sans en détruire l'harmonie, en continuer le bon goût et l'heureuse perspective. Aussi quelques centaines de mille francs ont été dépensés pour satisfaire le public qui devient chaque jour plus exigeant ; mais qu'importe une audace de plus à des hommes intelligents qui sont de leur siècle et qui ne reculent devant aucun risque quand il s'agit de conquérir la vogue de gré ou de force, et de marcher avec le progrès, notre souverain à tous ?

Les Mille-Colonnes en 1899

Un Guide des plaisirs de Paris écrit, en 1899[12] :

Le Bal des Mille-Colonnes, vu la modicité des prix, attire le voyou de l'avenue du Maine et du boulevard de Grenelle ; mais cette fois, c'est le voyou bien mis, qui a quitté la casquette pour le chapeau rond, et la blouse pour la veste, et se mêle ainsi plus aisément à la foule des garçons blanchisseurs, des garçons bouchers et coiffeurs, qui composent la clientèle ordinaire de ce bal.

Le cinéma des Mille-Colonnes

Durant l'année 1907 vient s'ajouter au restaurant-dancing des Mille-Colonnes un cinéma de 500 places baptisé Les Mille-Colonnes. Il est installé dans un bâtiment pourvu d'une rotonde. Le cinéma disparaît fin [2].

En 1976, un complexe de quatre salles construit à l'emplacement du restaurant reprend le nom des Mille-Colonnes. Il change d'appellation en 1977 et devient le Cinévog-Montparnasse. Une salle supplémentaire est ajoutée en 1983[4].

À partir de 1988, ce complexe de salles spécialisées dans les films pornographiques réduit progressivement son activité . Pour finir par disparaître en avril 1991. Il est par la suite démoli et un hôtel-restaurant prend sa place[4]. C'est le bâtiment qu'on peut voir actuellement dans la rue de la Gaité.

Date de la disparition du bal des Mille-Colonnes

En 1910, le Marquis de Rochegude, indique qu'au N°20 de la rue de la Gaîté se trouve le « Cinéma des Mille Colonnes, Ancien Bal des Mille Colonnes... À côté se trouve Bobino (Music Hall)[13] »... Ce qui laisse supposer qu'à cette date le bal a disparu. Le Cinéma des Mille Colonnes se partageant la même adresse avec le Music Hall Bobino.

Notes et références

  1. Le 20 rue de la Gaité est également, depuis 1873, l'adresse de la salle de music-hall Bobino.
  2. Voir dans La Semaine à Paris, numéro du 14 au 21 novembre 1930, le dernier programme paru du Cinéma des Mille-Colonnes.
  3. Voir l'article A la salle des Mille-Colonnes, La Justice, 21 janvier 1889, p.2, 2e colonne. Voir l'article reproduit sur la base Commons.
  4. Ciné-Façades, En activité, fermées ou disparues... hommage aux salles de cinémas !
  5. Voir par exemple le café des Mille Colonnes qui existait place aux Herbes à Draguignan vers 1910, la pension des Mille Colonnes à Ostende, à la même époque, le Café-Restaurant Mille Colonnes à Bruges, ou l'actuelle taverne Aux Mille Colonnes à Charleroi.
  6. Les cafés du Palais-Royal sur le site Internet Paris-Bistro.com
  7. Extrait de : Honoré de Balzac Histoire de la grandeur et de la décadence de César Birotteau, marchand parfumeur, chevalier de la Légion d'honneur, et adjoint au maire du deuxième arrondissement de Paris;, Charpentier, Libraire-Éditeur, Paris 1839, p.36 :
    « Le bas prix de tous les objets dits Nouveautés qui se trouvaient au Petit-Matelot, lui donna une vogue inouïe, dans l'endroit de Paris le moins favorable à la vogue et au commerce. Cette première demoiselle était alors citée pour sa beauté, comme depuis le furent la Belle Limonadière du café des Mille Colonnes et plusieurs autres pauvres créatures qui ont fait lever plus de jeunes et de vieux nez aux carreaux des modistes, des limonadiers et des magasins, qu'il n'y a de pavés dans les rues de Paris. »
  8. Voir une gravure datant de 1862-1863 où est représenté entre autres le café des Mille-Colonnes, boulevard du Temple.
  9. Le Casino des Mille Colonnes à Saint-Nazaire, transformé en hôpital militaire durant la période de la Grande Guerre de 1914-1918, fait faillite en 1932. Puis est vendu et transformé en école. Voir quelques cartes postales illustrant son histoire..
  10. L'Aurore, 13 mai 1902, p.2, 2e colonne.
  11. Émile de Labédollière Le Nouveau Paris Gustave Barba Libraire-Éditeur, Paris 1860, pp. 221-222.
  12. Guide des plaisirs à Paris..., Édition photographique, Paris 1899, p.105.
  13. Marquis de Rochegude Promenade dans toutes les Rues de Paris par arrondissements, Origine des rues, Maisons historiques ou curieuses, Anciens et nouveaux hôtels, Enseignes : XIVe Arrondissement, Librairie Hachette et Cie, Paris 1910, p.30.

Sources

  • Émile de Labédollière Le Nouveau Paris Gustave Barba Libraire-Éditeur, Paris 1860, pp. 221-222.
  • Marquis de Rochegude Promenade dans toutes les Rues de Paris par arrondissements, Origine des rues, Maisons historiques ou curieuses, Anciens et nouveaux hôtels, Enseignes : XIVe Arrondissement, Librairie Hachette et Cie, Paris 1910, p.30.
  • Site Internet Ciné-Façades, En activité, fermées ou disparues... hommage aux salles de cinémas !
  • Portail du café
  • Portail de Paris
  • Portail de la danse
Cet article est issu de Wikipedia. Le texte est sous licence Creative Commons - Attribution - Partage dans les Mêmes. Des conditions supplémentaires peuvent s'appliquer aux fichiers multimédias.