Lucienne Welschinger
Lucienne Welschinger, née le à Belfort et morte le à Brumath, est une résistante alsacienne (chef du réseau Équipe Pur Sang), condamnée à mort en janvier 1943, graciée puis déportée dans différents camps ou prisons nazis avant d'être rapatriée en mai 1945[1].
Biographie
Lucienne Welschinger est originaire de Belfort où sa famille s'est réfugiée en 1870 et où son père tient l'hôtel américain. En , à 14 ans, elle intègre les Guides de France (GDF). Elle est promue cheftaine de la compagnie numéro 9 en puis en 1939 cheftaine de tout le district de Strasbourg[2].
Son frère, André, tient le restaurant « A l'Ancienne Gare » à Strasbourg. En septembre 1939, elle réussit à rester à Strasbourg malgré l'évacuation programmée. Le 19 juin 1940, les Allemands entrent dans Strasbourg. Elle doit se replier avec sa mère à Abergement-la-Ronce mais revient en Alsace avec son frère en passant par le poste de la nouvelle frontière[3] de Château-Salins[4].
Bouleversée par la germanisation et la nazification de l'Alsace, et alors que les organisations scoutes sont dissoutes elle crée, avec d'anciennes cheftaines, un groupe clandestin, sous le nom d'équipe Pur Sang.
Avec, Emmy Weisheimer, Alice et Marie Louise Daul, Lucie Welker, Marcelle Engelen, Lucienne s'intéresse aux prisonniers de guerre (PG) convoyés vers l'Allemagne. Elles cherchent d'abord à les soulager, à leur fournir vêtements chauds, du ravitaillement et à transmettre leur courrier.
C'est en octobre 1940 que débute réellement l'activité clandestine, avec Emmy Weisheimer, elle guide deux PG polonais évadés jusqu'à Hersbach (Bas Rhin), où M Charlier leur fait passer la frontière. Après ce premier succès, les Pur sang se relaient tous les soirs entre 18 et 19 heures à l'église Saint-Jean à Strasbourg qui devient un lieu de ralliement pour les PG évadés[5].
Accompagnées des évadés, elles se rendent en train dans la Vallée de Munster avant de franchir la frontière. Devant l'afflux de prisonniers d'autres chemins d'évasions sont utilisés. L'hiver 1941- 1942 très rude oblige Lucienne à mettre en place un point de passage évitant les montagnes à Landange.
Elle contacte Paul Widmann un ancien officier de l'armée française qui intègre l'Équipe Pur Sang à son réseau « France99 » [2].
Les contrôles devenant de plus en plus sévères, Lucienne obtient, par l'intermédiaire de Paul Widmann et Charles Latzarus, des papiers en règle[6].
En février 1942, Lucienne Welschinger, accompagnée de Lucie Welker, se rend à Vichy pour transmettre au gouvernement un rapport d'activités clandestines rédigé par Paul Widmann et solliciter l'aide de l'état français. Elles sont reçus par le général Campet le chef de cabinet du maréchal Pétain[2].
Au retour, le 28 février 1942, Lucie Welker est arrêtée à la gare d'Avricourt[7]. Très rapidement, tous les membres des Pur Sang tombent, sauf Marcelle Engelen évadée peu avant vers la zone non occupée. Lucienne Welschinger est arrêtée par la Gestapo le 12 mars 1942, alors qu'elle se trouve au restaurant " A l'Ancienne Gare " à Strasbourg.
Internée à Strasbourg, elle est transférée le 13 avril 1942 à Kehl puis le 5 août 1942 au camp de sûreté de Schirmeck[8]. Jugée avec dix autres membres de la filière d'évasion par le Volksgerichtshof, le tribunal du peuple[9], le 26 janvier 1943 à Strasbourg, elle est condamnée à la peine de mort[2]. La peine est suspendue grâce à de multiples interventions notamment à celle du nonce apostolique[10] et du maréchal Pétain qui a déclaré aux allemands « Les Français condamnés n'ont fait qu'aider d'autres français à regagner leur pays » [11].
Le , elle est déportée à Stuttgart, puis dans différentes prisons allemandes : en novembre 1943, à Francfort-sur-le-Main, le 13 décembre 1943 à Aichach, puis à Munich où elle est libérée par l'armée américaine en mai 1945 et rapatriée en France le 27. Elle a contracté la tuberculose pendant sa déportation et doit se soigner[12].
Après la guerre, Lucienne Welschinger s'installe comme libraire à Strasbourg, tout en continuant à s'engager dans le scoutisme en tant que commissaire régionale des Guides de France[4].
Distinctions
- Elle est nommée Capitaine de réserve[12].
Chevalier de la Légion d'honneur ( )[12].
Croix de guerre 1939-1945, palme de bronze[12].
Médaille de la Résistance française ()[12].
Officier de la Légion d'honneur ()[14].
Reconnaissance
Une rue Lucienne Welschinger dans le quartier du Polygone à Strasbourg[13].
Notes et références
- Broissia, Pierre Aymar de, 1965-, Jagora, Nicolas. et Neuville, Aurore de., Résistance, 1940-1944 : témoignages, dossiers, chronologie : édition Alsace, Paris, Little big man, , 232 p. (ISBN 2-915347-20-4 et 978-2-915347-20-3, OCLC 57250485, lire en ligne)
- Auguste Gerhards, Tribunal de guerre du IIIe Reich : des centaines de Français fusillés ou déportés : Résistants et héros inconnus 1939-1945, Cherche Midi, , 693 p. (ISBN 978-2-7491-2067-6, lire en ligne).
- Après l'intégration de l'Alsace et de la Moselle par les nazis, la frontière est déplacée pour retrouver celle de 1870.
- Eric Le Normand, Association pour des études sur la Résistance intérieure des Alsaciens (AERIA) (ill. Christophe Clavel), La Résistance des Alsaciens, Paris, Fondation de la Résistance, Département AERI, cop. 2016 (ISBN 978-2-915742-32-9 et 2-915742-32-4, OCLC 959964698, lire en ligne)
- Le Marec, Bernard., L'Alsace dans la guerre, 1939-1945 : la tentative de réannexion, Mulhouse, Alsatia, , 201 p. (ISBN 2-7032-0211-3 et 978-2-7032-0211-0, OCLC 49177753, lire en ligne)
- Éric Le Normand, Alsace, territoire de résistance : les filières d'évasion et les passeurs en 1939-1945, Pontarlier, Éditions du Belvédère, 189 p. (ISBN 978-2-88419-420-4, 2884194207 et 2373620278, OCLC 985728323, lire en ligne).
- Mireille Biret, « Les résistances en Alsace », sur crdp-strasbourg.fr, (consulté le )
- Manuel Maris et Fondation pour la mémoire de la déportation, « Les arrivées au SL Schirmeck, de août à décembre 1942, de personnes arrêtées en zone annexée (II.9.) », sur bddm.org/liv, (consulté le )
- Pour les nazis le résistant alsacien n'est pas un adversaire à éliminer mais un traître
- Philippe Giron, « L’héroïsme au quotidien : les Pur-Sang d’Alsace », sur latoilescoute.net (consulté le )
- Arbois, Julien., Histoires insolites de la Résistance française, Saint-Victor-d'Épine, City, , 230 p. (ISBN 978-2-8246-0625-5 et 2-8246-0625-8, OCLC 914160625, lire en ligne), p. 127
- Marie-Thérèse Cheroutre, « GILLIG Alice », sur maitron.univ-paris1.fr, maitron-en-ligne, (consulté le )
- « rue Lucienne Welschinger », sur strasbourg.eu (consulté le )
- Journal Officiel et JORF n°1 du 1 janvier 1999 page 10, « Décret du 31 décembre 1998 portant promotion et nomination », sur legifrance.gouv.fr, (consulté le )
Voir aussi
Bibliographie
: document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.
- Eric Le Normand, Association pour des études sur la Résistance intérieure des Alsaciens (AERIA) (ill. Christophe Clavel), « Lucienne Welschinger », dans La résistance des Alsaciens, Fondation de France, département AERI, (ISBN 978-2-915742-32-9).
DVD pédagogique
- Jean-Laurent Vonau, "Le Gauleiter Wagner Le bourreau de l'Alsace" Ed La Nuée bleue, 2011, p.99
- Henri Amouroux, "La vie des Français sous l'occupation" p.98-99
- Article de "La Croix"
- Saisons d'Alsace, "Les Femmes remarquables" .
- Philippe Wendling, « Des passeuses toujours prêtes », Les saisons d'Alsace no 81, , p. 25.
- Eric Le Normand, ALSACE , Territoire de Résistance
Les filières d'évasion et les passeurs en 1939-1945, Vandelle Editions, , 192 p. (ISBN 978-2-88419-420-4).
- Charles Béné, L'Alsace dans les griffes nazies tome 4 : Les communistes alsaciens, la jeunesse alsacienne dans la résistance française., Fetzer, (ISBN 9782402227605).
- Marie-Joseph Bopp, Histoire de l'Alsace sous l'occupation allemande : 1940-1945, Nancy, Editions Place Stanislas, , 467 p. (ISBN 978-2-35578-077-6), p. 348
- Bernard et Gérard Le Marec, L'Alsace dans la guerre 1939-1945 : La tentative de réannexion, Mulhouse, Alsatia éditions, , 203 p. (ISBN 2-7032-0211-3), p. 141 ; 144
- Broissia, Pierre Aymar de, 1965-, Jagora, Nicolas. et Neuville, Aurore de. (préf. Hamlaoui Mekachera), Résistance, 1940-1944 : témoignages, dossiers, chronologie : édition Alsace, Little big man, , 241 p. (ISBN 2-915347-20-4 et 978-2-915347-20-3, OCLC 57250485, lire en ligne), p. 29-30.
- Eric Le Normand, « La résistance alsacienne », Les saisons d'Alsace no 61, , p. 23.
- Etienne Gendrin, La boîte à Bulles, Têtes de mule : Six jeunes alsaciennes en résistance, Vincent Henry, , 168 p. (ISBN 978-2-84953-376-5).
- « Les Pur-Sang : Elles étaient guide de France », dans Marie-José Masconi (préf. Frédérique Neau-Dufour), Et les femmes se sont levées, Strasbourg, La Nuée bleue, , 282 p. (ISBN 978-2-7165-0897-1), p. 17-36
Articles connexes
Liens externes
- Jean-Jacques Gauthé, sur le site La toile scoute.
- Base Numérique du Patrimoine d'Alsace : Les résistances en Alsace, les passeurs et les déserteurs, par Mireille Biret publié le .
- « Alice Gillig, anticonformiste et ancienne résistante, La Croix, .
- Notice Gillig Alice par Marie-Thérèse Cheroutre, Le Maitron, version mise en ligne le .
- Eric le Normand, « L’équipe Pur-Sang », Musée de la Résistance en ligne, consulté le .
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