Louis Frédéric Fouquier-Long

Louis Frédéric Gilbert François Fouquier-Long est un manufacturier fabricant d'indiennes (étoffes de coton imprimées de motifs) et homme politique français né le à Beauvais (Oise) et décédé le à Elbeuf (Seine-Maritime).


Biographie

Issu d'une très ancienne famille de Picardie, il est le fils majeur de Charles François Robert Fouquier, ancien manufacturier, et de Charlotte Sophie Sutaine. Il épouse le à Rouen, Aimée Charles Long, fille de Louis Étienne Long, manufacturier associé d'indiennes à Déville-lès-Rouen. Selon un Dictionnaire parlementaire[1] citant une biographie royaliste de l'époque « sa famille fut scandalisée de le voir faire un mariage d'argent. » Il a trois enfants dont une fille qui lors de son mariage à Elbeuf le , apporte une dot de cent soixante mille francs à Victor Grandin, manufacturier. Cela représente ce qu’aurait gagné une fileuse de l’époque travaillant durant 530 ans[2]. Les listes des électeurs censitaires d'Elbeuf le font apparaître au premier rang en 1831 (pour 1 974 F) ; au deuxième rang en 1833 et en 1835 (pour 2 629 et 2 359 F) ; au cinquième rang en 1842 (pour 1 804 F). C'est l'année de son décès. Le quartier du "Tapis-Vert", le château dit du Parc Saint-Cyr et une partie de la forêt d'Elbeuf étaient la propriété de la famille Fouquier-Long. Il meurt âgé de soixante-deux ans après quelques jours d'une maladie causée par une chute. Mathieu Bourdon, maire d'Elbeuf, est un des déclarants qui signent l'acte de décès[3].

Sa veuve Charles-Aimée née Long, Achille et Frédéric Fouquier ses fils, habitant Paris tous les trois, achètent à la ville une concession perpétuelle au cimetière Saint-Jean, le . Leur tombeau est encore visible. Une rue décidée en 1836, relie la rue du Neubourg à celle du Bout du Gard ; après sa mort, elle prendra le nom de rue Fouquier-Long.

Un grand manufacturier

En 1806, la manufacture de Déville-lès-Rouen qu'il sera appelé à diriger emploie 250 ouvriers ; la production annuelle est de 10 000 pièces (1/5 en siamoises du pays, 1/5 en calicots du pays, 3/5 en toile des Indes). Louis Long meurt en 1801, laissant quelque 200 000 F de biens. En 1809, la maison devient "Manufacture Veuve Louis Long, Boudehan et Fouquier", puis de 1812 à 1813 "Manufacture Veuve Louis Long et Fouquier". C'est le gendre qui prend la tête de l'entreprise désormais connue sous le nom de Fouquier-Long. D’une valeur estimée de 600 à 700 000 F en 1809, l'établissement est réputé pour la qualité de ses imprimés. Le Premier Consul s'y attarde lors de son voyage normand en 1802 et l'impératrice Marie-Louise y fera une visite en 1813. L'épouse de Fouquier-Long fait partie de la délégation des femmes de notables qui accueillent la duchesse de Berry (belle-fille de Charles X) lors de son voyage en Normandie en [4]. En 1829, Marie-Thérèse Charlotte de France, duchesse d’Angoulême (fille de Louis XVI), l'honore à son tour de sa visite ; elle admire les machines d'imprimerie d'indiennes de Fouquier-Long et d'Henri Barbet à Déville et donne une somme de 300 F pour les ouvriers de chaque établissement[5].

Opinions et carrière politiques

Louis Frédéric Fouquier-Long est royaliste, fidèle au choix par ses parents de son premier prénom. Il est maire de Déville-lès-Rouen de à , conseiller général, conseiller d'arrondissement, juge au Tribunal de commerce et membre de la Chambre de commerce de Rouen. Il avait été élu au Conseil général du commerce après avoir quitté ses fonctions parlementaires, mais « il ne put siéger parce qu'il porta ombrage à un ministre du gouvernement nouveau qui, chose étrange, força la Chambre de commerce de Rouen à révoquer sa nomination.[6] » Il est élu député sous la Restauration aux élections de la « Chambre retrouvée[7] » du par 468 voix sur 802 votants et 909 inscrits. (Rappelons que pour être élu, il fallait verser une contribution directe de mille francs et pour être électeur, payer au moins trois cents francs. Ces seuils fiscaux écartaient 99 % des Français de la participation aux élections). Il siège dans la majorité ministérielle. Le mandat politique de Fouquier-Long se déroule sous Charles X et le ministère de Villèle « le moins ultra des ultras »[8]. Sous cette législature d'ultra-monarchistes soutenue par les congréganistes, le clergé redevient une puissance politique dont la personnalité du cardinal de Croÿ, archevêque de Rouen, est un des exemples. L'Eglise de France se lie pour plusieurs décennies avec la monarchie. La bourgeoisie voltairienne[9] s'y oppose ; ce fait explique sans doute son échec aux élections de 1827. S'il ne fut jamais ministre, Fouquier-Long occupa de hautes fonctions au sein de la Chambre des députés. En 1824, il est élu rapporteur de plusieurs commissions[10] : - le , du Projet de loi sur la navigation ; - le du Projet de loi sur les douanes (il en sera le rapporteur, pendant trois années parlementaires) ; - le de la commission « sur les pétitions ». Celle-ci est chargée en d’examiner une proposition visant à nommer Louis XVIII (mort le ) Louis Le Sage-Bien-Aimé. Fouquier-Long propose de le nommer Louis-le-Désiré : « ce surnom apprendra à la prospérité que notre souverain légitime, absent de son royaume, fut longtemps présent à la pensée de ses sujets. Et en effet, Messieurs, tandis que Louis offrait au monde l'exemple de toutes les vertus, pouvait-il cesser de régner sur nos cœurs ? ». Ainsi s'exprimait le manufacturier de Déville au début de son mandat parlementaire, porte-parole de l'ancienne société, incarnation d’une revanche longtemps attendue. Les années suivantes, il est membre ou rapporteur d’autres commissions dont celle chargée de rédiger L'Adresse au roi en réponse au discours du trône. sur le budget, sur les douanes ; de celle qui est chargée de l'examen préparatoire du Code forestier. Mais surtout, il est chargé de soumettre au vote des députés le projet de budget (innovation capitale de la Restauration) dans des conditions difficiles. Villèle le charge du rapport de la loi sur "le milliard des émigrés", visant à indemniser les aristocrates dépossédés de leurs biens sous la Révolution, texte passionnément débattu, qui sera promulgué le . Il interviendra à maintes reprises sur le sujet en examinant les propositions visant par exemple à associer les soldats et les domestiques des émigrés à l’indemnisation, ce qu'il refuse. "Clin d'œil de l'histoire", il deviendra par la suite propriétaire d’une partie des biens du prince de Lambesc, duc d'Elbeuf, qui avait émigré. Devant l'hostilité grandissante de l'opinion s'exprimant dans la presse, qui l'attaque, Villèle tente de "reprendre la main" et provoque de nouvelles élections en , qui lui seront défavorables, entraînant entre autres l'éviction de Fouquier-Long. Celui-ci fut administrateur (« bien-pensant » selon Jean Vidalenc) des Hospices de Rouen. Sous la Restauration, « les sœurs ont peu à peu retrouvé une bonne partie de leurs prérogatives et on observe un retour en force de la religion au sein de l'institution hospitalière ». Significativement, en 1817 lHospice d'Humanité redevient lHôtel-Dieu (Yannick Marec).

Signature de Fouquier-Long sur acte de mariage

Sa signature sur son acte de mariage laisse pourtant apparaître le signe d'appartenance à une Loge de la Franc-maçonnerie.

D'après ses interventions parlementaires, il semble proche de la pensée de Joseph de Maistre, mais s'exprime rarement sur les théories politiques. Le Journal de Rouen cite parmi ses opposants libéraux, Benjamin Constant, Maximilien-Sébastien Foy, Stanislas de Girardin, Casimir Périer. Il sera battu aux élections du (Rouen extra-muros : 471 votants ; Georges Paul Petou (d'Elbeuf), qui réunit 368 voix, est élu ; Fouquier-Long n'obtient que 95 voix). En 1830, puis en 1834, il est de nouveau candidat aux élections dans l'arrondissement du Havre, mais il ne réunit à Bolbec que 77 voix sur 385 votants[11].

Notes et références

  1. Robert (Adolphe), Bourloton (Edgar), Cougny (Gaston), Dictionnaire des parlementaires français, Paris, Bourloton, 1883-1891.
  2. Sur la base de 1 F de salaire par jour, salaire noté d'après l'enquête du docteur Villermé (Louis-René), Tableau de l'état physique et moral des ouvriers employés dans les manufactures de coton, de laine et de soie, Paris, 1840 ; Réédition EDI, 1989, p. 193.
  3. L'autre signataire est Jean Louis Désiré Delaruelle, facteur à Caudebec-lès-Elbeuf.
  4. Pihan de la Forest (A.), Premier voyage de S.A.R. Mme la duchesse de Berry en Normandie, Paris, 1824.
  5. Le Drapeau Blanc, 8 août 1829.
  6. Gazette de France, 12 octobre 1842 (reproduisant un article de la Gazette de Normandie).
  7. Par une série de manœuvres, ne sont élus que 15 opposants dans une Chambre de 430 députés, dont 264 sont des fonctionnaires nommés par le roi parmi plusieurs candidats désignés par les électeurs.
  8. Furet (François), La Révolution de Turgot à Jules Ferry, 1770-1880, Paris, Hachette, 1988.
  9. Elle exprime « l'incrédulité, l'anticléricalisme et le scepticisme railleur de Voltaire » selon le dictionnaire Le Robert.
  10. Le Moniteur Universel et le Journal des débats politiques et parlementaires.
  11. Le Globe, 28 juillet 1830 ; Le Constitutionnel, 16 septembre 1834.

Sources

  • Baudouin (Marie-Thérèse), Chauvel (Denise), « Le cimetière Saint-Jean, son implantation, son évolution », Bulletin de la Société de l'Histoire d'Elbeuf, n° 69, , p. 19-29.
  • Chaline (Jean-Pierre), Les Dynasties normandes, Paris, Perrin, 2009, 535 p.
  • Marec (Yannick), dir., Les Hôpitaux de Rouen du Moyen-Âge à nos jours. Dix siècles de protection sociale, Rouen, PTC, 2005.
  • Largesse (Pierre), « Victor Grandin (1797-1849). Un manufacturier-député d'Elbeuf de 1839 à 1849 ; Biographie, actes et paroles », Bulletin de la Société d'Emulation de la Seine-Maritime, 1987, p. 1-14.
  • Clouzor (Henry), Histoire de la Manufacture de Jouy et de la toile imprimée au XVIIIe siècle, Paris, Les Éditions G. Van Oest, 1928, p. 94.
  • « Louis Frédéric Fouquier-Long », dans Adolphe Robert et Gaston Cougny, Dictionnaire des parlementaires français, Edgar Bourloton, 1889-1891 [détail de l’édition].
  • Annuaire des cinq départements, Annuaire Normand, 1845, p. 617 à 619.
  • L'Industriel Elbeuvien, (Biographie et nécrologie).
  • Journal de Rouen, .
  • Gazette de France, .

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