Littérature syrienne

La littérature syrienne est la littérature originaire du pays appelé officiellement "République Arabe Syrienne" (depuis 1966) et pouvant être écrite dans n'importe quel langage en usage là-bas. Cette littérature est influencée par les littératures des autres pays arabophones, la littérature française et l'histoire politique du pays.

Historique

Avant 1948

Sous domination ottomane, la production littéraire est censurée. Dans la seconde partie du XIXe et le début du XXe siècle la plupart des écrivains émigrèrent surtout :

De 1920 à 1946, sous mandat français, l'influence culturelle française inspire de nombreux auteurs, qui se détournent des formes traditionnelles poétiques[1].

De 1948 à 1963

L'indépendance de la Syrie et le départ du dernier soldat étranger en [2], puis le partage de la Palestine et la création d'Israël provoquent un bouleversement de la littérature syrienne. Le roman syrien prend son essor[3]. Contrairement aux autres romanciers arabophones, la narration syrienne est réaliste, aborde les problèmes sociaux et les réformes nécessaires[3].

Une littérature féminine émerge également, dans un premier temps avec des femmes de lettres issue d'une élite imprégnée de la culture occidentale, qui bénéficient d'un accès à l'enseignement et à la culture, Ulfat Idilbi, Salma Al-Haffar Al-Kouzbari, puis Georgette Hannouche, Ghada al-Samman, Colette Khoury. Les premières ont animé des salons littéraires, participé à des associations et milité pour l'indépendance dans l'entre-deux-guerres, puis ont commencé à publier, entraînant des émules dans les générations suivantes[4].

Le romancier se voit comme «critique constructif de la société»[5] à l'exemple de Hanna Mineh, le plus notable[3] d'entre eux.

De 1963 à 2011

À la suite du coup d'État du Parti Baas en 1963, l'état d'urgence est décrété[6] et la censure est réactivée[7] obligeant ceux qui continuent à s'exprimer tout en résidant sur place à utiliser de moyens détournés pour formuler d'éventuelles critiques, comme l'utilisation de romans historiques ou le réalisme magique du folklore pour critiquer le présent.

En 2000, la disparition de Hafez el-Assad amorce une période temporaire de détente politique. L'arrivée au pouvoir de Bachar el-Assad démarre avec une plus grande liberté d'expression et à nouveau l'organisation de salons littéraires (arabe : منتدى), avant un retour à la censure[8]. Certains écrivains vont profiter de ce moment pour pouvoir s'exprimer sur des sujets jusqu'alors tabous[9] comme :

Cependant, une partie des intellectuels va se rallier au régime perçu comme une force modernisatrice à son installation[6] les autres seront persécutés ou partiront en exil, surtout après [9] comme Aïcha Arnaout[10], Samar Yazbek, ou publieront à l'étranger[6].

Depuis 2011 et la guerre

À la suite du conflit, plusieurs écrivains se sont exilés et poursuivent une activité artistique depuis l'étranger, comme Rosa Yassin Hassan[11], Nihad Sirees[12], Yassin al Haj-Saleh[13] ou Samar Yazbek en France[14], même si leurs livres sont interdits à la distribution en Syrie[8].

Des actions sont également menées pour garder trace des créations artistiques et littéraires pendant cette période, comme le site Creative Memory[15], ou l'association des écrivains syriens, créée début et basée à Londres[16]. Pour l'historien Farouk Mardam-Bey, « Le soulèvement a réintroduit la politique en Syrie, et les écrivains y contribuent. Aujourd’hui, et c’est nouveau, les Syriens parlent, jusqu’à la cacophonie ; de leurs problèmes, de leurs histoires, de ce qu’ils ont caché pendant très longtemps, qu’ils n’osaient pas dire. »[17].

Depuis 2013, les régions nord et nord-est du pays à majorité kurdes acquièrent une administration autonome de Damas, ce qui permet l'apparition de projets de publication en langue kurde, malgré une interdiction en usage depuis les années 1960[18].

Un art difficile et à faible audience

En 1977, Zakaria Tamer disait "dérisoire la force des mots dans un pays analphabète à 70%"[19].

En effet, malgré la multiplication des maisons d'édition - 379 éditeurs répertoriés par le ministère de l'économie en 2004, même si Farouk Mardam-Bey estime ce chiffre "trompeur"[6] - le lectorat syrien est très faible, outre le taux d'analphabétisme plusieurs raisons peuvent l'expliquer[19] :

  • la télévision comme loisir privilégié,
  • la rareté des bibliothèques,
  • le prix du livre,
  • le manque de professionnels dans le secteur du livre, obligeant les éditeurs à couvrir la totalité des étapes, ce qui réduit la marge de profit[20],
  • la censure et l'obligation d'une relecture (pouvant prendre 2 à 8 mois) de chaque manuscrit avant l'autorisation de l'impression[20].

Enfin le droit d'auteur n'est pas respecté, rendant difficile la professionnalisation des écrivains, voulant vivre de leurs écrits[19].

Thèmes spécifiques

La prison

La littérature carcérale syrienne a été étudiée par Yassin al-Haj Saleh, (lui-même emprisonné plusieurs années) dans ses Récits d’une Syrie oubliée. Sortir la mémoire des prisons, publié en France par Les Prairies ordinaires, en 2015[17].

En 2016, Rosa Yassin Hassan dans un article publié dans Libération fait de la littérature carcérale une "expérience nationaliste", une vision de l'histoire par les marginaux remettant en cause la réalité de la version officielle[21].

Auteurs

  • Écrivains syriens
    • Poètes syriens
    • Poétesses syriennes
  • Auteurs non répertoriés : Omar Kaddour (1966-)...

Œuvres

  • Romans syriens

Annexes

Bibliographie

  • Roman syrien de 1967 à nos jours, Élisabeth Vauthier, L'Harmattan, 2003, (ISBN 978274753782-7)
  • Le Roman arabe (1834-2004), Kadhim Jihad Hassan, Actes Sud, 2006, (ISBN 9782742754595)

Articles connexes

Notes et références

  1. la poésie est toujours une forme valorisée et pratiquée aujourd'hui avec des auteurs comme Aïcha Arnaout, Adonis, Golan Haji ou Ghayath al-Madhoun, voir (en)10 Things To Remember About Syrian Poetry
  2. Pierre Guingamp, Hafez El Assad et le parti Baath en Syrie, Éditions L'Harmattan, (ISBN 978-2-7384-4678-7), p. 48
  3. p. 129-149, Le Roman arabe (1834-2004) de Kadhim Jihad Hassan
  4. Nemat Atassi et Christian Lochon, « Syrie - Femmes de lettres », dans Béatrice Didier, Antoinette Fouque et Mireille Calle-Gruber (dir.), Le dictionnaire universel des créatrices, Éditions des femmes, , p. 4175
  5. citation de Halim Barakat (en), rapportée dans : Roman syrien de 1967 à nos jours, Élisabeth Vauthier
  6. POLYPHONIES SYRIENNES – Les écrivains : introduction, article écrit par Claire A. Poinsignon et publié le 15 février 2016.
  7. voir l'article droits de l'homme en Syrie
  8. (en)‘Let Me Call It Disorder': Syrian Novelist Nihad Sirees on Writing in Berlin, Imagining Syria
  9. Farouk Mardam-Bey, « Syrie : une littérature de résistance », L'Orient Litteraire, (lire en ligne, consulté le )
  10. Entretien avec la poète syrienne Aïcha Arnaout mené par Cécile Oumhani le 27 juillet 2011.
  11. (en)'The Poet Cannot Stand Aside: Writing in Exile
  12. (en)On Literature's Honest Surrender, interview menée par Marica Lynx Qualey, publiée le 17 mai 2013 sur Qantara
  13. « Yassin Al-Haj Saleh, voix libre de la Syrie », Le Monde.fr, (lire en ligne, consulté le )
  14. (en)"The Syrian revolution has not lost its innocence", interview menée par Khaled El-Kaoutit, publiée le premier juin 2012 sur Qantara
  15. Creative Memory
  16. status de l'association
  17. Farouk Mardam-Bey et Laure Stephan, « Le soulèvement a réintroduit la politique en Syrie, et les écrivains y contribuent », Le Monde, (lire en ligne)
  18. Victor De Sepausy, « Syrie : des œuvres étrangères traduites en kurde », Actualitté, (lire en ligne, consulté le )
  19. p. 187-188, Roman syrien de 1967 à nos jours, Élisabeth Vauthier
  20. « En Syrie, la censure de l'édition “rend notre vie misérable” (Samar Haddad) », Actualitté, (lire en ligne, consulté le )
  21. Rosa Yassin Hassan, « De plume et de plomb », Libération, (lire en ligne, consulté le )
  • Portail de la littérature
  • Portail de la Syrie
Cet article est issu de Wikipedia. Le texte est sous licence Creative Commons - Attribution - Partage dans les Mêmes. Des conditions supplémentaires peuvent s'appliquer aux fichiers multimédias.