Jules et Jim (film)
Jules et Jim est un film français réalisé par François Truffaut, sorti en 1962. Il s'agit d'une adaptation du roman du même nom de Henri-Pierre Roché, publié en 1953.
Cet article concerne le film. Pour l'article sur le roman, voir Jules et Jim (roman).
Réalisation | François Truffaut |
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Scénario |
François Truffaut Jean Gruault d'après le roman de Henri-Pierre Roché |
Acteurs principaux | |
Pays d’origine | France |
Durée | 102 minutes |
Sortie | 1962 |
Pour plus de détails, voir Fiche technique et Distribution
Synopsis
Présentation générale
Paris, avant la Première Guerre mondiale. Jim, un Français, et Jules, un Autrichien, sont des amis inséparables. Ils tombent amoureux de la même femme, Catherine, mais c'est Jules que Catherine épouse. Après la guerre, Jim rejoint le couple en Autriche. Catherine avoue qu'elle n'est pas heureuse avec Jules, lequel accepte que sa femme prenne Jim pour amant. Mais Catherine est éternellement insatisfaite et change sans cesse d'avis sur son choix amoureux.
Synopsis détaillé
Jules et Jim sont deux personnages très proches au début du film, leur relation fait même naître certaines rumeurs dans Paris. Toutefois, lorsqu'ils partent en vacances avec Catherine, les deux personnages deviennent distants et leur amitié cède place au trio, les deux hommes tombant amoureux de Catherine. Il existe une part de fatalité dans la première moitié du film, lorsque Jules avertit Jim que Catherine sera sa femme et qu'en conséquence il ne doit pas la séduire. Le spectateur prend immédiatement conscience de l'aspect tragique du film. S'ensuit une période trouble durant la Première Guerre mondiale où Catherine prend des amants et s'éloigne des deux amis hantés par la peur de se tuer l'un l'autre au combat. Après l'Armistice, la complicité entre Jim et Catherine devient croissante, ils en viennent à désirer un enfant. Toutefois, le couple qu'ils forment ne dérange pas Jules, celui-ci promettant d'aimer Catherine quoi qu'il advienne. La fougue et la passion liant les deux amants s'estompe et laisse place à un climat tendu et orageux où Catherine menace de tuer Jim. Le pire ne peut être évité : elle se donne la mort avec celui-ci en empruntant un pont détruit au volant de sa nouvelle automobile et en négligeant de freiner à l'extrémité de la chaussée. L'auto chute à pic plutôt qu'elle ne donne l'impression de prendre son envol, ce qui rend cet instant encore plus pesant. Jules assiste impuissant à la catastrophe.
Fiche technique
- Réalisation : François Truffaut, assisté de Robert Bober et Florence Malraux (non crédités)
- Scénario : François Truffaut, Jean Gruault, d'après le roman d'Henri-Pierre Roché
- Musique : Georges Delerue ; la chanson Le Tourbillon est de Cyrus Bassiak (pseudonyme de Serge Rezvani).
- Photographie : Raoul Coutard
- Photographe de plateau : Raymond Cauchetier
- Décors : Fred Capel
- Son et script : Florence Malraux
- Montage : Claudine Bouché
- Production : Marcel Berbert
- Pays d'origine : France
- Format : noir et blanc - 35 mm (procédé Franscope)
- Genre : drame
- Durée : 102 minutes
- Date de sortie :
- France :
Distribution
- Jeanne Moreau : Catherine
- Oskar Werner : Jules, l'Autrichien
- Henri Serre : Jim, le Français
- Marie Dubois : Thérèse
- Cyrus Bassiak (Serge Rezvani) : Albert, le guitariste
- Sabine Haudepin : Sabine
- Annie Nelsen : Lucie
- Vanna Urbino : Gilberte
- Bernard Largemains : Merlin
- Dominique Lacarrière : une des femmes
- Jean-Louis Richard : un client du café
- Elen Bober : Mathilde
- Christiane Wagner
- Michel Subor : voix du narrateur
Distinctions
- 1962 :
- Grand Prix de l'académie du cinéma
- Prix de la mise en scène au festival de Mar del Plata
- 1963 :
- Ruban d'argent décerné par le syndicat national italien des journalistes de film
- Meilleur film européen aux Bodil Awards
Tournage et lieux
Le tournage se déroule du au .
- La passerelle Valmy, qui se trouve au bout de la rue de Valmy et enjambe les voies ferrées, à Charenton-le-Pont, a servi de décor lors de la célèbre scène de course entre les trois protagonistes. Elle a été reconstruite depuis et n'arbore plus le grillage fermé visible dans le film.
- La séquence des tranchées a été tournée dans les ruines des remparts et du château médiéval de Beaumont-sur-Oise
- Le cimetière militaire que Jim visite avant de rendre visite à Jules et Catherine est le cimetière du Vieil-Armand (Hartmannswillerkopf), situé dans le Haut-Rhin[réf. nécessaire].
- Le chalet, au bord du Rhin en Autriche dans le récit, où Jim rejoint Jules et Catherine, est en fait le refuge Sihlbach du Molkenrain[1].
- La séquence de la petite promenade à un barrage et à son lac dans la brume a été tournée au lac de la Lauch. Le parapet du barrage a été refait depuis le tournage du film[2].
- Le moulin dans lequel vivent Catherine et Jules de retour en France est le moulin d'Andé situé dans l'Eure.
- La scène finale de la voiture a été tournée sur le vieux pont de Limay à Mantes-la-Jolie (Yvelines)[3].
Musique du film
- La musique du film a été composée par Georges Delerue. Excepté la chanson Le tourbillon de la vie, qui est une chanson écrite et composée par Serge Rezvani (paroles et musique).
- Serge Rezvani joue le personnage d'Albert, qui dans le film écrit la chanson Le Tourbillon pour Catherine. Serge Rezvani avait en fait écrit cette chanson quelques années plus tôt, en référence justement au couple que formaient Jeanne Moreau et son compagnon de l'époque Jean-Louis Richard (qui, dans le film, joue le client du café), et qui était aussi le meilleur ami de Serge dans la vie[4].
Analyse
Adaptation
Jules et Jim constitue un parti pris esthétique de François Truffaut. Plutôt que de remplacer les scènes difficilement adaptables du roman par des scènes équivalentes, procédé qu'il avait dénoncé dans un article célèbre « Une certaine tendance du cinéma français »[5], François Truffaut a préféré faire lire en voix off des passages du roman de Henri-Pierre Roché par Michel Subor. Ce procédé permet de rendre à l'écran la saveur littéraire du roman.
Plusieurs éléments ont été modifiés entre le roman et le film :
- Le personnage de Kathe devient Catherine et elle passe de la nationalité allemande dans le roman à la nationalité française dans le film.
- Dans le roman, Kathe a deux enfants alors qu'elle n'a qu'une fille dans le film.
Références à Pablo Picasso
François Truffaut a placé dans le film treize reproductions de tableaux de Pablo Picasso[6]. D'après Martin Lefèbvre, ces tableaux sont à la fois des marqueurs temporels dans un film dont l'action se déroule sur plus de 20 ans sans que les personnages ne portent de marque de vieillissement et des indices reflétant l'état d'esprit ou les transformations des personnages au premier plan.
Par exemple, au début du film, François Truffaut place dans l'appartement de Jules L'Étreinte dans la mansarde reflétant ainsi son désir de trouver la compagnie d'une femme, et dans l'appartement de Jim Famille d'acrobates avec singe reflétant son caractère plus volage, proche du saltimbanque. De même, dans la scène où Jim attend Catherine dans un café, on aperçoit en arrière-plan le tableau de Picasso Au Lapin agile : Arlequin au verre qui représente un Arlequin semblable à Pablo Picasso et Germaine Gallo qui avait la réputation d'être une femme fatale dont Carlos Casagemas fut éperdument amoureux[7].
Remake de Sérénade à trois d'Ernst Lubitsch
François Truffaut vouait un véritable culte au film Sérénade à trois :
« Prenez Sérénade à trois de Lubitsch, par exemple. Avant, s'il passait quelque part, j'y allais ; sachant que je devrais attendre peut-être deux ans avant de pouvoir le revoir. Depuis il m'arrive de le visionner trois fois dans la même semaine. »
— Claude Berri, citant les propos de François Truffaut
Le canevas de base de Sérénade à trois est le même que celui de Jules et Jim : deux amis tombent amoureux de la même femme. Mais là où Lubitsch a signé une comédie, Truffaut réalise un drame. Lubitsch en dit moins que Truffaut (pas d'enfant, pas de scène de lit, pas d'autres amants ou maîtresses...) ; son film se termine aussi dans une voiture mais par un happy end : les trois amoureux sont réunis et continuent à vivre ensemble.
Autour du film
- Pour son roman, Henri-Pierre Roché puise dans une veine largement autobiographique : Jim (ici, Henri Serre), c'est lui, ou presque ; et Jules (Oskar Werner) et Kathe (dans le livre) / Catherine (Jeanne Moreau) sont directement inspirés par l'écrivain allemand (autrichien dans le livre) Franz Hessel et Helen Grund (Berlinoise, fille d'un banquier prussien protestant), parents de Stéphane Hessel, normalien, résistant et diplomate né à Berlin en 1917 (comme il l'a confirmé lui-même dans certains de ses écrits publiés[8] et des interviews[9]).
Ce n'est en fait qu'après le décès d'Helen Hessel (née Grund), morte en 1982 à l'âge de 96 ans, que fut révélée publiquement l'identité des personnes ayant inspiré ce célèbre trio, en particulier dans les carnets de Henri-Pierre Roché intitulés Carnets, Les années Jules et Jim, Première partie, 1920-1921, carnets publiés en 1990 avec une préface de François Truffaut, ou encore par la publication en 1996 de certaines des lettres d'Helen Hessel à Henri-Pierre Roché dans les Lettres d'Helen, lettres à Henri-Pierre Roché, 1920-1921. - « Jules et Jim est un hymne à la vie et à la mort, une démonstration par la joie et la tristesse de l'impossibilité de toute combinaison amoureuse en dehors du couple », écrivait Truffaut un an avant le tournage.
Références au cinéma
- En 1980, Paul Mazursky a réalisé Willie et Phil où il rend un hommage appuyé à Jules et Jim pour évoquer la révolution sexuelle des années soixante et soixante dix. Le scénario révèle en fin de compte combien cette seconde révolution sexuelle moderne, qui a touché un nombre de gens beaucoup plus important que la jeunesse cosmopolite du Montparnasse des années vingt, a été inversement bien moins subversive et plus fade que celle qu'a décrite François Truffaut[réf. souhaitée].
- Le film est évoqué dans le film The Bubble d'Eytan Fox : Noam dit à Lulu, sur leur route vers Naplouse : « Tu es Jeanne Moreau, je suis Jules, nous allons retrouver Jim et mourir d'amour »
- Le film est évoqué dans Les Demoiselles de Rochefort de Jacques Demy. Solange ouvre la porte et découvre les forains, elle leur dit en s'amusant « voilà Jules et Jim ».
- Avant même sa sortie en 1962, le film est évoqué dès 1961 dans le film Une femme est une femme de Jean-Luc Godard. Alfred, personnage incarné par Jean-Paul Belmondo, croise Jeanne Moreau dans un café et lui demande si « ça marche avec Jules et Jim » ; l'actrice répond « moderato », allusion cette fois-ci à un film de Peter Brook sorti en 1960 et inspiré d'un roman de Marguerite Duras, Moderato cantabile, où Jeanne Moreau tient le premier rôle aux côtés de Jean-Paul Belmondo.
- Le film est évoqué dans la série, Queer as Folk (version US), saison 2.
- Le film est évoqué à plusieurs reprises dans le film, Le Fabuleux Destin d'Amélie Poulain.
- Dans Ocean's 8 (2018), une scène du film dans laquelle Jeanne Moreau porte une fausse moustache est projetée dans une boîte de nuit.
Références en musique
- Neil Hannon de Divine Comedy cite Jules et Jim dans son morceau When the lights go out all over Europe sur son album Promenade
- Le groupe anglais Groove Armada a utilisé des passages du film pour l'introduction de son titre Shameless avec Bryan Ferry : « Je m'empare de toi mon amour [...] je te presse absolument nue contre moi. »
- La chanteuse Christine Roque évoque le film dans sa chanson Premiers frissons d'amour : « Avant hier on a vu un Truffaut noir et blanc. C'était Jules et Jim. »
Notes et références
- Lieu du tournage de Jules et Jim en Alsace.
- Office de tourisme de Guebwiller, d'après une ancienne carte postale d'un collectionneur.
- Mise en scène de François Truffaut (au fond, la tour Saint-Maclou, à Mantes).
- Il était une fois… Jules et Jim de Thierry Tripod, dans la série documentaire de Serge July et Marie Genin sur Arte.
- François Truffaut, Le Plaisir des yeux, Champs Flammarion.
- L'Étreinte dans la mansarde, Famille d'acrobates avec singe, Jeune fille à la mandoline, Étude pour les bateleurs - jeune fille avec chien, Au Lapin agile, Femme nue assise, Compotiers, verres, bouteilles, fruits, L'Italienne, Les Deux Saltimbanques au café, Pierrot, L'Arlequin assis, Les Amoureux, Mère et enfant.
- Martin Lefèbvre, « Truffaldinho/Picasso », dans Truffaut et ses doubles, Vrin, , p. 37-38.
- Danse avec le siècle, autobiographie de Stéphane Hessel parue au Seuil en 1997
- France-Inter, émission de Vincent Josse, 5 février 2010, La bibliothèque de Stéphane Hessel
Voir aussi
Bibliographie
- Gilbert Salachas, « Jules et Jim », Téléciné, no 102, Paris, Fédération des Loisirs et Culture Cinématographique (FLECC), février-, (ISSN 0049-3287)
- Madeleine Garrigou-Lagrange, « Jules et Jim », Téléciné no 105, Paris, Fédération des Loisirs et Culture Cinématographique (FLECC), juin-, Fiche no 404, (ISSN 0049-3287)
- Patrick Glâtre, Val-d'Oise, terre de tournage, Cergy-Pontoise, Comité du Tourisme et des Loisirs du Val-d'Oise, , 118 p., p. 22
Documentaire
- Il était une fois… Jules et Jim de Thierry Tripod, dans la série de Serge July et Marie Genin, Arte, 2009 Présentation du film sur les coulisses du tournage de Jules et Jim sur Eurochannel.
Radio
Liens externes
- Ressources relatives à l'audiovisuel :
- Jules et Jim sur CineMovies
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