Jane Dieulafoy

Jane Dieulafoy (née le à Toulouse et morte le [1] au château de Langlade, à Pompertuzat, près de Toulouse), est une archéologue, autrice de romans, de nouvelles, de théâtre, journaliste et photographe amatrice.

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Jane Dieulafoy, gravure du Supplément illustré des Annales, d’après la photographie, 1895-1896.
La citadelle de Véramine, gravure d'après une photographie de Jane Dieulafoy de 1881.

Elle était l'épouse de l'archéologue Marcel Dieulafoy.

Biographie

Naissance et jeunesse

Née dans une famille de commerçants aisés de Toulouse, Jane Magre est formée au couvent de l’Assomption d'Auteuil (Paris), où elle reçoit un enseignement classique et montre des dispositions pour le dessin et la peinture. En 1869, elle quitte le couvent et fait la connaissance de Marcel Dieulafoy (né en 1844). Ils se marient le [2].

Carrière militaire

Jane Dieulafoy montre son caractère indomptable et peu soucieux des conventions ; elle n'hésite pas à revêtir l'uniforme de franc-tireur pour accompagner son mari qui participe à la guerre de 1870 en qualité de capitaine du génie[3].

Non seulement les vêtements pour homme sont plus commodes que ceux des femmes, mais ils lui permettront de passer inaperçue dans les pays islamiques, dont l'art et la culture passionnent Jane et son mari.

Carrière archéologique

Entre et , Marcel part pour la Perse, sans lettre de mission et à ses frais personnels, à la recherche des origines de l'architecture occidentale. Jane et Marcel Dieulafoy s'embarquent alors à Marseille jusqu'à Constantinople. Puis, ils traversent la mer Noire sur un bateau russe jusqu'au port géorgien de Poti. Ils font ensuite à cheval tout le chemin. Ils parcourent à partir de Tbilissi pendant quatorze mois les routes de la Perse, répertorient, photographient tous les monuments, les mosquées, les ponts, etc.

Parlant persan, Jane tient un journal qui rend compte des découvertes archéologiques du couple, mais contient également des observations sur le milieu et la société persane. Ces observations sont publiées en feuilleton au départ dans la revue Le Tour du monde, de à . Une monographie en sera publiée sous le titre La Perse, la Chaldée, la Susiane en chez Hachette.

Dans son livre Une amazone en Orient[4], Jane Dieulafoy rapporte les rencontres officielles que le couple fait avec les différents représentants de l'autorité et, grâce à son habitude de s’habiller en homme, Jane Dieulafoy parvient également à intégrer les caravansérails pour décrire ce qu’elle y voit. Elle mêle description, anecdotes et rappels historiques.

En , le couple repart pour la Perse, afin de fouiller la cité de Suse. C’est alors qu’ils découvrent la frise des Lions du palais de Darius, la rampe de l’escalier du palais d’Artaxerxès III et la frise des Archers. Leurs découvertes seront rapportées en France pour être exposées au Louvre, où le , on inaugure les deux « salles Dieulafoy »[5]. En , elle publie son journal À Suse, journal des fouilles, 1884-1886 rendant compte de leurs découvertes.

Les Dieulafoy, en dépit de leurs succès et de leur renommée, n’ont pas réussi à obtenir de nouvelles missions. On a choisi pour les remplacer Jacques de Morgan, un archéologue tempétueux, qui reproche aux Dieulafoy de faire du spectacle plus que des fouilles scientifiques. Pourtant, ce sera lui qui endommagera le site, en utilisant des pierres extraites des vestiges de Suse, pour ériger un château, censé accueillir le résultat des fouilles et les équipes d'archéologues[6].

Ils renoncent à la Perse, le cœur lourd. Ils se tournent alors vers des pays plus proches : entre et , ils explorent l’Espagne. Puis, en , Marcel Dieulafoy est mobilisé en tant que colonel du génie et envoyé à Rabat au Maroc, où Jane l’accompagne.

Jane dirige alors les travaux de déblaiement de la mosquée Hassan, et projette d’aller explorer la ville romaine de Volubilis. Sa santé déclinant des suites d’une maladie contractée au service de l’ambulance à Rabat, elle est contrainte de rentrer en France où elle s’éteint le au domaine familial de Langlade[7].

Carrière littéraire

En 1890, elle publie chez Lemerre son premier roman : Parysatis, couronné du prix Jules-Favre par l’Académie française en 1891. Camille Saint-Saëns compose un opéra sur le livret qu’elle tire du roman, et qui sera créé au Théâtre des Arènes de Béziers, le .

Elle publie également plusieurs romans et nouvelles. Après l’échec de son dernier, Déchéance (1897), elle décidera de revenir exclusivement à la littérature de voyage et aux études historiques.

Elle contribuera aussi à la création du prix de la revue La Vie heureuse en 1904, dont elle est la première présidente à deux reprises en 1905 et 1911, et qui deviendra le prix Femina.

Vie politique

À l’approche de la guerre, elle milite pour l'intégration des femmes dans l'armée.

Vie privée

Plaque au n°12 rue Chardin (16e arrondissement de Paris), ancien siège de la Société de secours aux blessés militaires ; ancienne résidence de Marcel et Jane Dieulafoy, dont ils ont fait don à l'association.

Elle mène une vie mondaine à Paris, où elle a demandé et obtenu une permission de travestissement pour pouvoir s'habiller en homme [8].

Cette habitude lui permettra de suivre son mari pendant la guerre franco-prussienne de 1870 où Marcel Dieulafoy est mobilisé comme capitaine du génie dans l’armée de la Loire. Habillée en franc-tireur, elle participe à toutes les opérations.

Cheveux courts et habits d’homme lui permettront également de se déplacer aisément en pays musulman sans risquer sa vie en tant que femme européenne a fortiori dévoilée. Parmi les différentes anecdotes et railleries sur cette habitude, elle rapporte elle-même qu'un riche marchand du bazar d'Ispahan félicite Marcel Dieulafoy sur la ressemblance de « son fils » avec lui (en fait il s'agit de Jane).

Jane Dieulafoy fréquente le salon de la comtesse Diane de Beausacq et tient elle-même, dans la résidence du couple à Passy, 12 rue Chardin (Paris), un salon renommé[7].

La complicité intellectuelle avec son mari renvoie à celle du couple d'archéologues Ena et Alfred Foucher[9].

Reconnaissance

  • Le , le président Sadi Carnot l’honore de la croix de la Légion d’honneur, qu'elle reçoit au titre de sa contribution aux travaux de Suse[10],[9].

Son œuvre

Œuvres archéologiques et sociologiques

  • La Perse, la Chaldée, la Susiane, Paris, Hachette,
  • À Suse, journal des fouilles 1884-1886, Paris, Hachette, (lire en ligne)
  • Conférence sur les fouilles de Suse, Rouen, Léon Gy,
  • Une amazone en Orient  : Du Caucase à Persépolis, 1881-1882, Paris, Phébus, , 400 p. (ISBN 978-2-7529-0448-5, lire en ligne)
  • L'Orient sous le voile. De Chiraz à Bagdad 1881-1882, Paris, Phébus, sd (réimpr. 1990, 2011), 356 p.
  • À Suse  : journal des fouilles, 1884-1885, Paris, Hachette, , 366 p. (lire en ligne)
  • Madame Jane Dieulafoy, Aragon & Valence, Hachette et Cie, Paris, 1901.
  • Le Portugal héroïque, conférence faite à la Sorbonne le .

Œuvres littéraires

  • Parysatis, Paris, Lemerre,
  • Volontaire 1792-1793, Paris, Colin, (lire en ligne)
  • Rose d'Hatra et l'Oracle, Paris, Colin,
  • Frère Pélage, Paris, Lemerre,
  • Déchéance, Paris, Lemerre,
  • Aragon et Valence, Parysatis : drame lyrique en 3 actes et 1 prologue, Béziers, Théâtre des Arènes,
  • Castille et Andalousie, Paris, Hachette,
  • L'Œuvre littéraire de Madame Barratin, Paris, Lemerre,
  • Isabelle la Grande, Paris, Hachette,
  • Luis de León (trad. Jane Dieulafoy), L'Épouse parfaite, Paris, Bloud, - prix Langlois de l’Académie française en 1907.

Bibliographie

  • Hubert Delobette, Aventuriers extraordinaires du Sud, Villeveyrac, Le Papillon Rouge Éditeur, , 288 p. (ISBN 978-2-917875-00-1)
  • Ève Gran-Aymerich, Les chercheurs de passé, 1789-1945 : naissance de l’archéologie moderne, dictionnaire biographique d’archéologie, Paris, CNRS éditions, , 741 p. (ISBN 978-2-271-06538-4)
  • Ève Gran-Aymerich (dir.) et Gran-Aymerich Jean (dir.), Women in Archaeology. The Classical World and the Near East, University of California Press, , « Jane Dieulafoy, exploratrice et archéologue en Orient »
  • Gran-Aymerich Ève et Gran-Aymerich Jean, Jane Dieulafoy, une vie d'homme, Paris, Perrin, , 324 p. (ISBN 978-2-262-00875-8, lire en ligne)
  • Gran-Aymerich Ève et Gran-Aymerich Jean, « Jane Dieulafoy », Archéologia, vol. 189, , p. 77-81.
  • Françoise Lapeyre, Le roman des voyageuses françaises, Paris, Payot, , 292 p. (ISBN 978-2-228-91572-4)
  • Audrey Marty, Le destin fabuleux de Jane Dieulafoy : de Toulouse à Persepolis, l'aventure au féminin, Paris, Le Papillon Rouge Editeur, , 264 p. (ISBN 978-2-490379-14-9, lire en ligne)
  • « Dieulafoy, Jane (née Magre) », sur Site personnel de Nelly Sanchez, sd (consulté le )

Notes et références

  1. « Cote LH/776/38 », base Léonore, ministère français de la Culture
  2. Nicole Chevalier, « Dieulafoy, Jane et Marcel », sur Institut national d'histoire de l'art, (consulté le )
  3. Raul Sanchez Vivo et Arnaud Déroche, journalistes, « Jane Dieulafoy, l'exploratrice travestie », Histoire & Civilsations, , p. 10
  4. Jane Dieulafoy, Une amazone en Orient  : Du Caucase à Persépolis, 1881-1882, Paris, Phébus, , 400 p. (ISBN 978-2-7529-0448-5)
  5. Collectif, « Figures du Louvre : Jane et Marcel Dieulafoy. Documentaire sonore », sur Musée du Louvre, sd (consulté le )
  6. Audrey Marty, Le destin fabuleux de Jane Dieulafoy, de Toulouse à Persépolis, l'aventure au féminin, Villevayrac, Papillon Rouge Editeur, , 299 p. (ISBN 978 2 490379 14 9), p 189
  7. Ève Gran-Aymerich, Les chercheurs de passé, 1789-1945 : naissance de l’archéologie moderne, dictionnaire biographique d’archéologie, Paris, CNRS éditions, , 741 p. (ISBN 978-2-271-06538-4), p. 225.
  8. Christine Bard, « Le « DB58 » aux Archives de la Préfecture de Police », Clio : Femmes, genre, Histoire, vol. 10, (lire en ligne)
  9. Annick Fenet, « De la Sorbonne à l’Asie. Routes orientalistes d'Ena Bazin-Foucher (1889-1952) », sur Genre & Histoire 9, (consulté le ).
  10. Eve Gran-Aymerich, « Jane Dieulafoy (1851-1916) », sur Bibliothèque nationale de France, sd (consulté le )

Liens externes

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