Horloge de Shortt

L'Horloge de Shortt ou horloge synchronome à balancier libre est un instrument de mesure du temps, mis au point en 1921 par William Hamilton Shortt (en), ingénieur britannique, qui fut pendant plus de vingt ans la méthode de mesure du temps la plus précise disponible.

Exemplaire conservée dans un musée américain : National Institute of Standards and Technology Gaithersburg, Maryland. Bâti sous vide à gauche

Principe de fonctionnement

Shortt n'a pas inventé un nouvel organe régulateur : il a poussé à la perfection l'organe régulateur le plus ancien de l'horlogerie, le pendule. L'horloge comprend deux pendules. Un pendule primaire qui constitue la référence de mesure du temps, et un pendule secondaire qui actionne effectivement le mécanisme d'horlogerie, tout en étant asservi au premier[1].

Balancier sous vide

L'air qui enveloppe le balancier d'une horloge à pendule influe son fonctionnement par deux mécanismes distincts. D'un part, la poussée d'Archimède exercée par l'air sur le balancier réduit son poids apparent, sans pour autant changer son inertie. Cela se traduite par une un ralentissement du mouvement du pendule[2]. D'autre part, la traînée aérodynamique ralentit le balancier, notamment lorsqu'il passe par la position neutre (vitesse maximale). Ces effets sont dépendants des conditions atmosphériques (pression, température et humidité) et induisent une erreur. Il existe différentes procédures de compensation pour les réduire[3].

Le pendule primaire de l'horloge de Shortt est placé dans un bâti étanche en cuivre. Une pompe manuelle permet de créer un vide relativement poussé qui annule pratiquement ces effets.

Dilatation thermique

Une autre cause d'erreur sur une horloge à balancier est la dilatation thermique du bras du balancier. Celle ci modifie la longueur l entre le pivot et le pendule, et donc la période d'oscillation. Dans l'exemple d'un bras en acier, avec un coefficient de dilatation thermique , chaque kelvin de variation de température modifie la fréquence du pendule de ppm, soit une demi-seconde d'erreur par jour. Plusieurs méthodes ont été utilisées dès le XVIIIe siècle pour réduire cette dépendance à la température. L'une des méthodes est le pendule à mercure : le pendule contient un thermomètre à mercure, et la montée du mercure dans le tube avec la température, déplaçant le centre de gravité du pendule, compense l'allongement du bras. Une autre solution est d'utiliser un bras prenant la forme d'une grille, qui fait travailler les coefficients de dilation de deux métaux en sens opposés pour les compenser[4].

Pour construire le bras du pendule principal, Shortt utilise l'invar, un alliage fer-nickel dont la dilatation thermique est extrêmement faible, nettement inférieure à , un ordre de grandeur en-dessous de tous les métaux usuels[5].

Asservissement

Le pendule primaire est totalement libre, il n'actionne aucun mécanisme d'échappement. La mesure et l'entretien de son mouvement sont électromagnétiques. Chacun des deux balanciers est dimensionné pour battre la seconde, ce qui correspond a une longueur très légèrement inférieure à un mètre - le balancier secondaire est néanmoins conçu pour être infinitésimalement plus lent que le primaire. Ils sont suffisamment éloignés, ou placés dans des plans orthogonaux, pour éviter tout couplage entre eux.

Toutes les 30 secondes (à chaque rotation de la roue d'échappement liée au balancier secondaire), le balancier primaire reçoit appoint d'impulsion grâce à des électroaimants pour entretenir son mouvement. Cet appoint est minime, car il perd très peu d'énergie : son facteur de qualité est de 110000[6]. Ensuite, le pendule secondaire est, à son tour, relancé. Ici, intervient l'asservissement sur la balancier principal : au plus il est en retard sur le balancier primaire, au plus il est relancé fortement, ce qui réduit la durée de cette oscillation. Ce système peut être considéré comme une forme électromécanique de boucle à phase asservie.

Utilisation

L'horloge de Shortt était un instrument scientifique coûteux et complexe à entretenir, elle ne fut jamais produite en grand nombre. Elle servit d'horloge de référence pour réseaux nationaux de synchronisation, disséminant une heure précise (via les services d'horloge parlante par exemple).

Des horloges de Shortt furent installées dans les observatoires. Auparavant, la référence absolue de mesure du temps était la rotation de la Terre. L'horloge de Shortt, pour la première fois, est plus précise que la rotation de la terre, elle permet de prouver que celle-ci accélère ou ralentit très légèrement au cours de l'année, sous l'effet de la marée solide[7].

L'expérience gravimétrique de 1928

La fréquence d'un pendule simple est proportionnelle à , g étant la valeur de l'accélération de la gravité. Ainsi, mesurer la dérive d'une horloge à pendule est un moyen indirect de mesurer l'accélération de la gravité. Cela nécessite bien sur de pouvoir comparer la marche de l'horloge à une référence qui n'est pas influencée par la gravité (et pour cela ne fonctionne pas avec un pendule). C'est cette méthode (avec un pointage astral comme référence) qui a permis, en 1972, en mesurant la différence de gravité entre Paris et Cayenne, de prouver que la terre n'était pas parfaitement sphérique[8].

L'accélération de la gravité varie (au septième chiffre significatif[6]) selon la position apparente de la Lune et du Soleil, ce qui cause les marées. En 1928, le géophysicien britannique Harold Jeffreys calcule l'influence que chacun des termes de marées peut avoir sur une horloge à pendule[8]. L'horloge de Shortt est si précise qu'elle a permi de mettre en évidence cette variation. La première mesure fructueuse de ce genre fut obtenue en 1929, en comparant une horloge de Shortt avec un oscillateur à quartz. [8].

Expertise en 1984

En 1984, une horloge de Shortt conservée dans un musée américain fut soumise à un test, en l'opposant à une horloge atomique. Il en ressort que la dérive de l'ancienne horloge est de l'ordre d'une seconde tous les douze ans[8].

Galerie d'images

horloge de Shortt conservée à l'Observatoire de Poznań
Tête du pendule primaire
Tête du pendule primaire 
Pendule primaire 
Pendule secondaire 

Notes et références

  1. Brevet GB187814A 
  2. « Contents of MC-7  Simple Pendulum », sur badger.physics.wisc.edu (consulté le ).
  3. Douglas S. Drumheller, « Barometric Compensation of a Pendulum », Journal of Applied Mechanics, vol. 79, no 061009, (ISSN 0021-8936, DOI 10.1115/1.4006766, lire en ligne, consulté le )
  4. (en) Efstratios Kapotis et Chrysoleon Symeonides, « Learning from a Museum Exhibit: The Case of the 19th-Century Compensation Gridiron Pendulum », The Physics Teacher, vol. 57, no 4, , p. 222–223 (ISSN 0031-921X, DOI 10.1119/1.5095374, lire en ligne, consulté le ).
  5. (en-US) « Invar Iron-Nickel Low expansion alloy properties and uses », sur Heanjia Super Metals Co. Ltd., (consulté le )
  6. Robert J. Matthys, Accurate clock pendulums, Oxford University Press, (ISBN 0-19-852971-6, 978-0-19-852971-2 et 978-0-19-151368-8, OCLC 314217582, lire en ligne)
  7. JACKSON, J. Clocks, Shortt, and the earth's rotation. Monthly Notices of the Royal Astronomical Society, 1929, vol. 89, p. 239-250.
  8. (en) Duncan C. Agnew, « Time and tide: pendulum clocks and gravity tides », History of Geo- and Space Sciences, vol. 11, no 2, , p. 215–224 (ISSN 2190-5029, DOI 10.5194/hgss-11-215-2020, lire en ligne, consulté le )
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