Hengist et Horsa

Hengist (ou Hengest en vieil anglais) et Horsa sont deux frères originaires du Jutland (Danemark) qui, selon la tradition, auraient mené leur peuple durant l'invasion de la (Grande-)Bretagne et fondé le premier royaume anglo-saxon sur l'île : le royaume de Kent, dans le sud-est de l'Angleterre. Ces deux rois sont considérés comme semi-légendaires. En vieil anglais, hengest signifie « étalon », tandis que hors (auj. horse), au sens de « cheval », en est un synonyme. La mythème des deux chefs frères des Grandes Invasions est typiquement germanique et continue celle des Jumeaux divins indo-européens (Alcis, Dioscures, Ashvins).

Représentation imaginaire d'Hengist
John Speed, Saxon Heptarchy, .

Hengist

Les premières sources

Plusieurs sources anciennes mentionnent un certain « Hengist ». La première source précise est Bède le Vénérable, qui, dans l’Historia ecclesiastica gentis Anglorum (rédigée vers 730), affirme qu'Hengist se rendit en Bretagne comme mercenaire, pour combattre les Pictes à la demande de Vortigern[1],[2]. La chronologie du récit de Bède situerait ces évènements entre 449 et 455, ce qui n'a rien de certain. Comme de nombreuses garnisons proches du Mur d'Hadrien étaient composées de Frisons (à Cuneus Frisiorum Vinoviensium (IIIe siècle), à Cuneus Frisiorum Vercoviciensium (début du IIIe siècle), à Cohors I Frisiavonum (Frixagorum) (IIIe et IVe siècle)), on a pu croire qu'Hengist était un guerrier d'origine frisonne[3]. Toutefois, Bède précise qu'Hengist était un Jute, et que les Jutes s'étaient établis dans le Kent et l'île de Wight, les Saxons et les Angles s'étant respectivement installés dans le sud et l'est de l'Angleterre. La Chronique anglo-saxonne donne une version similaire, visiblement inspirée de Bède, cette partie de la chronique ayant probablement été rédigée à la fin du IXe siècle[4]. L'Historia Brittonum (écrite vers 830) donne une généalogie complète d'Hengist, présenté comme un descendant de Finn, roi légendaire des Frisons[5].

Les sources poétiques

Il existe également un personnage nommé Hengist qui apparaît dans deux poèmes anglo-saxons : Le Combat de Finnesburg et Beowulf. De ces deux poèmes, il ressort qu'Hengist était un membre de l'entourage du roi danois Hnæf (en) qui, à la mort de ce dernier, prit la tête de l'armée danoise contre le roi des Frisons Finn[6].

Les hypothèses

Il n'y a aucune raison de conclure qu'Hengist était Danois sous prétexte qu'il faisait partie de l'armée d'Hnaef. On trouve aussi parmi les compagnons d'Hnaef un prince de Secgan, et Hengist donne l'impression d'avoir été une personnalité importante en soi. Il est présenté comme un exilé et il est très possible qu'il s'agisse d'un mercenaire jute au service d'Hnaef. Alan Bliss pense même qu'il pourrait s'agir d'un Angle[7]. Cependant, le personnage mis en scène dans Beowulf et le Finnesburg n'est pas nécessairement le même que le mercenaire présenté par Bède, bien qu'une telle hypothèse existe[6].

Peter Hunter Blair, spécialiste de cette période de l'histoire anglo-saxonne, se demande si Hengist et sa légende ne reflètent pas la progression d'un chef danois parti du Danemark pour aller vers la Frise, puis le sud de l'Angleterre, dans la première moitié du Ve siècle[6].

D'autres historiens pensent qu'Hengist est une figure purement mythique, même si les découvertes archéologiques prouvent que les premiers établissements germaniques du Kent datent de l'époque où Hengist est censé arriver sur l'île de Bretagne. La distinction que Bède établit entre les Jutes, les Angles et les Saxons est également confirmée par les faits, les artefacts recueillis dans le Kent étant nettement différents de ceux trouvés dans les autres régions, ce qui implique que les établissements du Kent possèdent une autre origine ethnique[1].

À la suite de ses victoires contre les Pictes, Hengist aurait incité d'autres immigrants germaniques à s'installer en (Grande-)Bretagne, puis se serait révolté contre Vortigern parce que les Bretons refusaient de lui verser une somme convenue, avant de s'auto-proclamer roi de Kent. Hengist et Horsa sont tous les deux présentés comme des Jutes, fils d'un chef jute nommé Wihtgils.

La réalité historique d'Hengist et d'Horsa est très controversée et de nombreux historiens parlent de jumeaux divins ou de héros fondateurs comparables à Romulus et Rémus. Il est plus probable que :

  • Hengist, signifiant étalon dans la langue anglo-saxonne (étalon se traduit encore Hengst en allemand et en néerlandais et Hingst dans les langues scandinaves), était un nom honorifique ou le surnom d'un officier (voir l'expression familière un bel étalon pour décrire un homme fort et viril. L'équivalent allemand d'« étalon » pour décrire un homme viril est actuellement Hengst).
  • Le personnage de Horsa se serait greffé plus tardivement sur la légende de Hengist.

Les sources tardives

Les sources plus tardives telles que la Chronique anglo-saxonne, l’Historia Brittonum, l’Historia regum Britanniae de Geoffroy de Monmouth et le Roman de Brut de Wace fournissent des détails supplémentaires, empruntés à la tradition et à la légende, sur la carrière d'Hengist. L'épisode le plus célèbre est celui où sa fille, la belle Ronwen, séduit Vortigern. La Chronique anglo-saxonne mentionne sa mort en 488, mais n'en donne pas la cause. Geoffroy de Monmouth raconte qu'Hengist fut capturé lors d'une bataille par Eldol, duc de Gloucester, et ensuite décapité sur l'ordre d'Eldadus, évêque de Gloucester et frère d'Eldol.

Horsa

Horsa, selon la tradition, était le frère d'Hengist. Son nom d’Horsa (Horsan au génitif) ressemble à la forme hypocoristique d'un nom composé dont la première racine serait Hors-.

La Chronique anglo-saxonne donne ces informations pour l'année 455 : « Her Hengest ⁊ Horsa fuhton wiþ Wyrtgeorne þam cyninge, in þære stowe þe is gecueden Agælesþrep, ⁊ his broþur Horsan man ofslog; ⁊ æfter þam Hengest feng to rice ⁊ Æsc his sunu. » (« Au cours de cette année, Hengist et Horsa combattent le roi Vortigern en un lieu nommé Aylesford, et son frère Horsa est tué, après cela, Hengist et son fils Æsc s'emparent du royaume. »)[8].

Il est dit qu'un monument a été érigé à sa mémoire (la tradition assimile ce monument à White Horse Stone (en) près de Maidstone), mais les frères jumeaux sont monnaie courante dans le folklore, et parce que Bède, notre source la plus ancienne sur le personnage de Horsa, signale l'existence d'un mégalithe qui portait ce nom, des universitaires modernes ont pensé que le nom venait peut-être d'une inscription romaine, dont seule une partie du mot latin cohors (au génitif cohortis) serait restée lisible. Cette pierre pourrait être la pierre tombale supposée d'Horsa.

Postérité

Hengist est un personnage du récit du Combat à Finnsbourg mentionné dans les Fragments de Finnsbourg et dans le poème Beowulf. Dans ces textes, Hengist est présenté comme un guerrier danois qui prend le commandement des armées danoises à la mort du prince Hnæf et tue le chef frison Finn pour venger la mort de son seigneur. Les événements racontés dans ces récits ont une base historique et, selon les historiens, se seraient déroulés vers 450. Ils seraient donc contemporains des premières invasions de l'Angleterre par les Anglo-Saxons. Le lien entre le personnage des chroniques et celui des poèmes n'est pas établi. Cependant, certains ont avancé l'hypothèse que les deux Hengist étaient une seule et même personne. Le fait qu'Hengist soit présenté comme un Jute par Bède et un Danois dans les poèmes semble infirmer cette théorie, même si la contradiction n'est pas un obstacle absolu, les distinctions entre groupes voisins (les Jutes et les Danois vivaient tous deux au Danemark) étant parfois floues chez les auteurs anciens.

Hengist est le héros d'une pièce de Thomas Middleton, Hengist, roi de Kent, ou le maire de Quinborough, créée en 1620. Il apparaît aussi dans une nouvelle de Rosemary Sutcliff, Les Porteurs de Lanterne. Les écrivaines Marion Zimmer Bradley et Diana L Paxton font également intervenir les deux frères dans leurs œuvres de fantasy-historique, Le Secret d'Avalon (la première phase de l'invasion saxonne de la Grande-Bretagne) et La Maîtresse des Corbeaux, où l'on retrouve un Hengist de près de 80 ans, devenu un roi sage et réfléchi. Il est à noter que dans cette version, Oesc est le nom de son petit-fils.

Enfin, le drapeau du Kent tirerait son origine de celui de Horsa[9]

Pignons à tête de cheval

Dans les fermes de Basse-Saxe et du Schleswig-Holstein, les pignons à tête de cheval étaient appelés « Hengst und Hors » jusqu'en 1875 environ. Rudolf Simek note que ces pignons à tête de cheval sont encore visibles aujourd'hui, et dit les pignons à tête de cheval confirment que Hengist et Horsa étaient à l'origine considérés comme des êtres mythologiques ayant des formes chevalines. Martin Litchfield West fait remarquer que les têtes de chevaux peuvent être des vestiges de pratiques religieuses païennes dans la région.

Notes et références

  1. Richard Fletcher, Who' Who in Roman Britain..., page 16-7.
  2. Bede, Historia ecclesiastica ..., Livre I, ch. XV
  3. W. F. Skene, Onthe early Frisian Settlements in Scotland, , p. 169-181.
  4. John Campbell, Eric John & Patrick Wormald The Anglo-Saxons, p. 111.
  5. Nennius Hist. Brit. III, 31.
  6. Peter Hunter Blair, An Introduction to Anglo-Saxon England, p. 15.
  7. John Ronald Reuel Tolkien, Finn and Hengest : The Fragment and the Episode, Ed. Alan Bliss, .
  8. Voir bataille d'Aylesford (dans le Kent).
  9. Le Flag Institute (en) note, dans la description du drapeau, dans le registre des drapeaux du Royaume-Uni, que :
    (en) This is the traditional flag of Kent, supposedly based on that of Horsa, the Jute [Ceci est le drapeau traditionnel du Kent, considéré comme étant basé sur celui de Horsa, le Jute.] Horsa was the brother of Hengest, who founded the Kingdom of Kent in 449. The first recorded reference is in 1605.

Annexes

Sources primaires

Sources secondaires

  • (en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Hengest » (voir la liste des auteurs).
    • (en) Richard Fletcher, Who's Who in Roman Britain and Anglo-Saxon England, London, Shepheard-Walwyn, , 245 p. (ISBN 0-85683-089-5), p. 16-17.
    • (en) John Campbell, Eric John & Patrick Wormald, The Anglo-Saxons, London/New York/Victoria etc, Penguin Books, , 272 p. (ISBN 0-14-014395-5), p. 111.
    • Peter Hunter Blair, An Introduction to Anglo-Saxon England, Cambridge University Press, .

Voir aussi

  • Portail des Anglo-Saxons
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