Jumeaux divins

Les jumeaux divins sont un thème mythique et légendaire important de la tradition indo-européenne, en lien avec les forces célestes[1]. De nombreux peuples comptent un ou plusieurs jumeaux divins, dont les grecs (Dioscures), les hindous (Ashvins), les lituaniens (Ašvieniai), les lettons (Dieva dēli), les siciliens (Paliques[2]), les romains (Romulus et Rémus)...

Naissance des Ashvins. Folio d'un Harivaṃśa

Origine

À l'origine de cette conception mythologique repose l'attitude des sociétés anciennes face à la gémellité humaine : le phénomène a pu être interprété comme une intervention surnaturelle, l'un des jumeaux étant censé être le fils d'un père humain, le second, fils d'un dieu ou d'un esprit. Considérés comme « puissants » magiquement, les jumeaux humains sont réputés bénéfiques, les jumeaux divins aussi[3]. Ils peuvent également être considérés comme dangereux d'où de multiples légendes narrant l'expulsion des jumeaux et de leur mère hors de la communauté[3].

Le lien des Jumeaux divins avec le cheval est probablement très ancien. Venceslas Kruta observe que dans la séquence iconographique établie pour l'âge du bronze nordique, le cheval porte l'astre à son zénith[4].

Typologie

Paire de statuettes romaines (IIIe siècle av. J.-C.) représentant les Dioscures en cavaliers.

Il existe dans la mythologie et les légendes héroïques des peuples indo-européens trois types principaux de Jumeaux masculins :

  • Les « Jumeaux divins » proprement dits, qui sont à la fois fils et petits-fils du Ciel diurne par sa fille l'Aurore. Comme tels, ils relèvent de la mythologie du cycle annuel. Leur mythe principal est le retour de l'Aurore et de la belle saison. Ils pratiquent également la médecine. Leurs principaux représentants sont les Ashvins védiques et les Fils de Dieu lettons. Peuvent leur être associés les jumeaux Alcis de la Germanie que leur nom associe à l'élan, donc une période antérieure à la domestication du cheval[3], alors que les autres sont associés au cheval. Ce groupe remonterait à la période la plus ancienne de la tradition indo-européenne[5].
  • Les Jumeaux mixtes dont le modèle sont les Dioscures dont l'un est fils du Ciel du jour et l'autre fils d'un mortel.
  • Enfin, les Jumeaux humains bien représentés dans les légendes héroïques germaniques : Ibor et Aio, Ambri et Assi, Raos et Raptos, Vinill et Vandill, Hengist et Horsa « étalon » et « cheval », dont les noms rappellent le lien entre les Jumeaux et le cheval. Leur légende comporte essentiellement une migration en compagnie de leur mère et d'une bande, qui peut être un Männerbund, et la fondation d'une nouvelle communauté. Il existe aussi des Jumeaux médecins comme Podalire et Machaon dans l'Iliade et, dans la Légende dorée, Côme et Damien[5].

Ils sont eux aussi très anciens, car leurs légendes reposent sur la pratique de l'expulsion des jumeaux et de leur mère, inconnue de l'ensemble du monde indo-européen aux temps historiques. Les Jumeaux divins et humains présentent deux sous-types : les Jumeaux amis et les Jumeaux ennemis (Ahura Mazda et Ahra Manyu, Étéocle et Polynice)[5].

Il arrive que le jumeau ne soit représenté que par l'un deux, le Lug irlandais en face des Lugoves gaulois, ou par un père et son fils Njörd et Freyr[5].

Attributions

Relief romain de la cathédrale de Maria Saal montrant Romulus et Remus avec la louve

La gémellité a été perçue comme un signe d'abondance, de vitalité et de fécondité. Ainsi, dans les rituels védiques, les Ashvins, grâce à cette réserve de force vitale dont témoigne leur dualité, distribuent les bienfaits : ils rajeunissent les vieillards, guérissent les hommes et les animaux malades, réparent les mutilés, enrichissent, sauvent des dangers, donnent des vaches et des chevaux, font jaillir le lait et l'hydromel...[6].

Représentations dans l'art

Dans le monde celtique, les « têtes jumelées » apparaissent dans la seconde moitié du Ve siècle av. J.-C. Le thème se retrouve sur de très nombreux objets : poignards, fibules, garnitures et à partir du IIIe siècle dans l'art monétaire[4].

Bibliographie

  • Georges Dumézil, Le roman des jumeaux, édité par Joël Grisward, Paris, Gallimard, 1994
  • Daniel Gricourt et Dominique Hollard, Les Jumeaux Divins Dans le Festiaire Celtique, Terre Promesse, 2017, (ISBN 978-2954162584)
  • (en) Donald Ward, The Divine Twins, Berkeley and Los Angeles: University of California Press, 1968

Notes et références

  1. Jean Haudry, Grammaire comparée des langues indo-européennes dans Livret 7, Librairie Droz, (ISBN 2600053158 et 9782600053150), p. 197-199
  2. Meurant 1998
  3. Jean Haudry, Les Jumeaux divins indo-européens, Os Celtas da Europa Atlântica. Actas do III congresso internacional sobre cultura celta, 15, 16, 17 avril 2011 NARON PAZO DA CULTURA , 2011
  4. Venceslas Kruta, « Têtes jumelées» et jumeaux divins : essai d’iconographie celtique, Études celtiques, Année 2016, 42, pp. 33-57
  5. Jean Haudry, Mars et les Maruts, Revue des études latines, 91, 2014, 47-66, 2014
  6. Georges Dumézil, La religion romaine archaïque, 2e édition revue et corrigée, Paris : éditions Payot, 1987, p. 262 et suiv.

Annexes

  • Alain Meurant, Les Paliques, dieux jumeaux siciliens, vol. 96, Louvain-la-Neuve, Peeters Publishers, , 123 p. (ISBN 90-429-0235-3 et 9789042902350, lire en ligne)
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