Gustave Le Gray

Gustave Le Gray[1], né le à Villiers-le-Bel, mort le au Caire, est un photographe français, auteur notamment de la première photographie officielle d’un chef de l’État français, Louis-Napoléon Bonaparte, avant de devenir le photographe officiel de la famille impériale.

Inventeur et artiste, il se distinguait par sa maîtrise de la technique photographique, au niveau de la composition comme au niveau de la lumière. Il introduisit en France l’usage des plaques au collodion humide, permettant des temps de pose rapides.

« J’émets le vœu que la photographie
au lieu de tomber dans le domaine de l’industrie, du commerce,
rentre dans celui de l’art. »

Biographie

Formation et premières années

D’abord destiné à devenir clerc de notaire, Gustave Le Gray réussit à convaincre sa famille, des commerçants aisés, que son avenir est dans la peinture. En 1842, il suit l’enseignement de Paul Delaroche à l’École des beaux-arts, il y rencontre ses amis Henri Le Secq, Charles Nègre et Jean-Léon Gérôme. En 1843, Paul Delaroche est contraint de fermer son atelier, sa décision de partir en Italie influence ses élèves. Le Gray, puis Gérôme et Le Secq s’y retrouvent.

Le Gray est d'abord peintre (il expose au salon libre de 1848), mais ses tableaux sont difficile à tracer. C’est en effet dans la photographie que sa réputation s’établit et qu’il reçoit ses premières commandes.

En 1848, alors qu'il réalise des daguerréotypes, il découvre incidemment le procédé négatif sur papier ciré, puis en 1850, il met au point le négatif sur verre au collodion humide (qui sera perfectionné par Frederick Scott Archer), enfin, l’année suivante, le négatif sur papier ciré sec.

Le photographe Bisontin, Jean Marie Viane, fut un ancien élève de Le Gray. Avant de s'installer à Besançon, il sera l'un des assistants de Jean Nicolas Truchelut, inventeur du panotype, un procédé photographique issue de la découverte du négatif sur verre au collodion humide.

Mission héliographique

L’année 1851 est une date charnière pour la photographie et pour Gustave Le Gray. Il est membre fondateur de la Société héliographique (qui deviendra ensuite la Société française de photographie). Il est parallèlement un des cinq photographes sélectionnés par la commission des monuments historiques, pour accomplir ce qui sera nommée la Mission héliographique (Le Gray, Edouard Baldus, Mestral, Henri Le Secq, Hippolyte Bayard). Cette mission qui a pour but le recensement des monuments du territoire national lui offre l’occasion d’expérimenter à grande échelle ses nouveaux procédés et de prouver sa virtuosité en prenant jusqu’à 30 clichés en un seul jour[2]. Le Gray, Mestral et Le Secq utiliseront le négatif papier ciré, Baldus le négatif papier gélatine et Bayard le négatif verre albuminé. Le Gray et Mestral, élève de ce dernier, effectueront d’ailleurs le voyage ensemble.

Le photographe officiel du Second Empire (1852-1860)

Portrait de l’impératrice Eugénie - 1856.

Au début des années 1850, Gustave Le Gray photographiait couramment les apparitions publiques du prince-président. Portraitiste reconnu, auteur du cliché officiel de Louis Napoléon, diffusé après le coup d'État du 2 décembre 1851, il photographie durant l’année 1852 toutes les étapes de la marche vers l’Empire. Pour Napoléon III, la photographie devient un moyen rapide de diffuser l’image d’un souverain moderne[3]. Gustave Le Gray est notamment invité au camp de Châlons-sur-Marne dont il tire un reportage[4] dans lequel il parvient à concilier son sujet à une composition travaillée.

Les premières années du Second Empire sont prospères pour Le Gray, devenu progressivement le photographe officiel de la famille impériale et le destinataire des commandes les plus prestigieuses, notamment en 1856 et 1857, lors de la naissance du prince impérial ou du déplacement de la cour en Bretagne et en Normandie.

Marines

La Grande Vague, Sète, une marine de Gustave Le Gray.
Brick au clair de lune, une marine de Gustave Le Gray, 1856-1857.

Ses œuvres les plus célèbres datent de 1856 à 1858. Sur les côtes normande, méditerranéenne et bretonne, il réalise une série de Marines d’une grande beauté[5],[6],[7]. Il utilise la technique des ciels rapportés pour donner au paysage l’intensité dramatique qu’il souhaite[8]. À cette époque, il était difficile, à cause des différences de luminosité, de reproduire simultanément ciel et paysage. Le Gray contourne ce problème en réalisant des tirages en deux temps, à l’aide de deux négatifs (l’un pour le paysage, l’autre ensuite pour le ciel, d’où le terme de ciel rapporté).

Le voyage en Orient

Ruines de Palerme - 1860.

Mais la disparition de son principal commanditaire modifie la situation et les enfants du marquis de Brigge, nouveaux créanciers de Le Gray s’impatientent des retombées financières attendues de ses succès et celui-ci doit fermer son atelier fin 1859.
C’est le moment que choisit Alexandre Dumas pour réaliser son rêve de voyage en Orient. Gustave Le Gray est invité par l’écrivain. À peine le voyage commencé, la prise de Palerme par Giuseppe Garibaldi décide Dumas à rejoindre les révolutionnaires et offre à Le Gray l’occasion d’illustrer les désastres provoqués par les bombardements de l’armée sicilienne. Les photos montrent une ville sans vie, devenue silencieuse[9]. La photo de Garibaldi en révolutionnaire romantique fera rapidement le tour de l’Europe[10].

A Malte, un différent provoque la séparation avec Dumas et Le Gray et deux compagnons doivent quitter son navire. Sans revenus, le photographe propose ses services au Monde illustré qui l'envoie en Syrie pour suivre un détachement de l’armée française, il devient reporter de guerre en 1860.

Le Gray, blessé sur la route de Damas, installer un atelier dans les ruines de Baalbeck.

En 1861, il rejoint Alexandrie (photographies d’Henri d’Artois ainsi que du futur Édouard VII du Royaume-Uni) d’où il écrit à Nadar et envoie encore des photos mais à Paris, ce sont surtout ses créanciers et une femme dont il est bien content d’être éloigné[pourquoi ?] qui entretiennent son souvenir.

Soldat et chameau militaire, Le Caire - 1866.

En 1864, il quitte un peu plus l’Europe en s’installant au Caire où il vit de cours de dessins et de la protection d’Ismaïl Pacha. Au cours des vingt dernières années de sa vie, il continue à photographier[11]. En 1867, à l’occasion de l’Exposition universelle, il envoie des photographies dans l’indifférence générale. Il meurt le au Caire, quelques mois après avoir pris sa retraite[12]. Deux semaines plus tard, sa mort – sous le nom de Legray – fait l'objet d'un simple entrefilet dans la presse française[13],[14]. Ses œuvres sont dispersées par son fils ; de nombreuses photos n’ont pas encore été retrouvées.

Influences

Gustave Le Gray a eu une grande influence sur l’évolution de la photographie vers un sixième art. Alexandre Dumas disait de lui : « J’ai compris que le photographe comme Le Gray est à la fois un artiste et un savant[15] ».

  • En publiant des traités en 1850, 1851, 1852 et 1854 (ce dernier étant une synthèse de ses trois précédents manuels) dans lesquels il explique ses inventions techniques : le négatif sur verre (en 1851, qui sera perfectionné par Scott Archer), le négatif sur papier ciré sec (en 1852) et de nouvelles méthodes de fixage des tirages positifs (en 1852).
Nu debout, 1855, Clark Art Institute.

Il maintient la tradition de l’atelier d’artiste en faisant de ses ateliers, rue de Richelieu puis boulevard des Capucines, à Paris, des lieux d’apprentissage pour les élèves mais aussi des salons ouverts au milieu artistique, dans lesquels se succéderont de nombreux élèves et visiteurs. Citons : Léon de Laborde et Maxime du Camp, Nieuwerkerke (surintendant des Beaux-Arts), Alexandre Dumas, Victor Cousin, Henri Le Secq, Charles Nègre, Auguste Mestral, Eugène Le Dien, Eugène Piot, Victor Place, Olympe Aguado, Édouard et Benjamin Delessert, John B. Greene, Félix Avril, Emmanuel Peccarère, Léon Méhédin, le peintre Lodoïsch Crette Romet, Adrien Tournachon et son frère Nadar. C’est la première fois qu’un enseignement de la photographie de cette ampleur a lieu.

Œuvres et cote

La valeur des œuvres de cet artiste se situe à ce jour (2011) à des niveaux de prix extrêmement élevés, notamment en ce qui concerne sa production des années 1856-1858. L’un des 10 albums de photographies réalisés en 1857 a été vendu 696 730 euros en 2007[16] et une vente en 2011 à Vendôme par le commissaire-priseur Aymeric Rouillac avec l'expert Yves Di Maria atteint même le prix record de 917 000 euros pour une marine de 1856-1857 (Bateaux quittant le port du Havre)[17], ce qui est ce jour (2016) la photo du XIXe siècle la plus chère jamais vendue aux enchères.

Notes et références

  1. Parfois orthographié de façon erronée Legray.
  2. « Gustave Le Gray - Feuilletoirs - Paysages - Mission héliographique », sur expositions.bnf.fr
  3. « Gustave Le Gray - La photographie officielle », sur expositions.bnf.fr
  4. « Gustave Le Gray - Feuilletoirs - Reportages - Camp de Châlons », sur expositions.bnf.fr
  5. « Gustave Le Gray - Feuilletoirs - Marines », sur expositions.bnf.fr
  6. « Gustave Le Gray - Feuilletoirs - Marines de Méditerranée », sur expositions.bnf.fr
  7. « Gustave Le Gray - Feuilletoirs - Marines - Brest et Cherbourg », sur expositions.bnf.fr
  8. « La Méditerranée à Sète, de l'album du capitaine Frederick Stevenson - Le Gray, Gustave », sur Collections | MNBAQ (consulté le )
  9. « Gustave Le Gray - Feuilletoirs - Reportages - Palerme », sur expositions.bnf.fr
  10. « Gustave Le Gray », sur expositions.bnf.fr
  11. « Gustave Le Gray - Feuilletoirs - Orient », sur expositions.bnf.fr
  12. « Nécrologie. M. Legray (sic) », sur Gallica, L'Intransigeant, (consulté le ), p. 3
  13. « Nécrologie », sur RetroNews - Le site de presse de la BnF, La Gazette, (consulté le ), p. 4
  14. « Échos et petites nouvelles », sur Gallica, La Charente, (consulté le ), p. 2
  15. Causerie Le Monte Cristo no 38 du 5 janvier 1860, p. 594.
  16. Réponses Photo, no 190S, janvier 2008.
  17. « Une marine du photographe Le Gray vendue au prix record de 917 000 euros », sur Le Monde.fr

Voir aussi

Bibliographie

  • Sylvie Aubenas, Gustave Le Gray (Phaidon, no 55)
  • Sylvie Aubenas, Le Gray, l’œil d’or de la photographie. (Découvertes Gallimard. Hors série)
  • Sylvie Aubenas (dir.), Gustave Le Gray. 1820-1884 (Catalogue de l’exposition « Gustave Le Gray, 1820-1884 », du au ), Paris, coédition BNF / Gallimard, 2002, 450 p.
  • Martin Becka, Le Gray en inventeur de la photographie. Sur les pas de ses découvertes (ISBN 2951823908)
  • A. de Mondenard, La Mission héliographique. Cinq photographes parcourent la France en 1851 : Baldus, Bayard, Le Gray, Le Secq, Mestral (ISBN 2858226903)
  • Gustave Le Gray, Photographie. Traité nouveau théorique et pratique des procédés et manipulations sur papier sec, humide et sur verre au collodion, à l'albumine, 1854 (Lire en ligne)

Liens externes

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