Gunnar Ekelöf
Biographie[1]
Grand prix de littérature du Conseil nordique, membre de l'Académie suédoise, Gunnar Ekelöf (Suède 1907-1968) représente un tournant décisif dans la poésie moderne suédoise, mais également un lien avec une longue tradition qui, au-delà des romantiques suédois et de Swedenborg, plonge ses racines dans une tradition classique et orientale dépassant les limites de la Suède. Dans sa jeunesse, il étudie les langues, la philosophie et la poésie mystique du Moyen-Orient. En 1929, à Paris, il découvre le surréalisme et traduit en suédois les poètes français, notamment Baudelaire, Rimbaud, Apollinaire et Desnos. C'est ensuite la période des voyages dans les pays qui bordent la Méditerranée. Après un séjour en Turquie (1965), il achève une œuvre, patiemment tissée et sans cesse reprise, par la trilogie "Dīwān" qui marque l'un des sommets de la poésie contemporaine. Certains de ses poèmes ont été mis en musique par Lars Edlund.
Chronologie:
: Naissance de Gunnar Ekelöf à Stockholm (Suède). Ses parents, Valborg von Hedenberg et le banquier Gerhard Ekelöf, viennent de milieux très différents. La mère est issue de la noblesse, alors que les ancêtres de son père sont des paysans ou de simples soldats. La petite enfance de Gunnar Ekelöf est marquée par deux choses ; l’aisance économique de la famille et les tiraillements entre les parents.
1914 : Début de la scolarité.
1915 : Son père étant syphilitique, sa mère demande le divorce.
1916 : Mort du père.
1920 : Voyage en France de plusieurs mois avec sa mère.
1921 : Sa mère se remarie avec Gunnar Hahr. Gunnar Ekelöf a du mal à supporter son beau-père, un sentiment qui s’est amplifié avec les années. Au lycée Ekelöf a des intérêts multiples, surtout dans les domaines de la musique et de la littérature. Il s’intéresse également au mysticisme Hindou.
1926 : Baccalauréat. Notes moyennes. .La rente découlant du fonds d’investissement de son père lui procure un salaire annuel confortable ce qui lui permet d’aller à Londres et de s’inscrire à la School of Oriental Studies pour apprendre l’hindoustani, le bengali et le perse, son but étant de séjourner longuement en Inde. Mais l’école le déçoit et au cours de l’année, il part en Écosse avant de rentrer en Suède pour poursuivre ses études orientales à l’université d’Uppsala.
1927-1928 : Sa vie estudiantine est solitaire. Premiers poèmes. Ulcère à l’estomac. Période de maladie et de convalescence. À sa majorité, il touche une partie de l’héritage de son père, soit 100.000 couronnes (environ 500.000 € de nos jours). Il décide de rejoindre un ami de sa mère, (le baron Carl Sebastian Tamm), au Kenya, là où celui-ci dirige une importante plantation de café. Il se rend en France, à Menton, pour le rencontrer mais le projet avorte. Lecture de Cocteau, Cendrars et Apollinaire.
1929 : De retour en Suède, Ekelöf s’achète une Bugatti cabriolet ! Il se consacre à la musique. Il travaille le piano 10 à 12 heures par jour. Puis il part à Paris étudier la musique. Par un compatriote, il est introduit dans un groupe d’artistes, ‘’Art Concret’’. Il se remet en question et écrit des poèmes façon Cendrars et Apollinaire.
1930 : Il fréquente régulièrement le milieu artistique parisien avant de partir pour la Norvège et de retourner en Suède où il rencontre une jeune fille, Gunnel Bergström.
1931 : Gunnar Ekelöf et Gunnel Bergström se fiancent. Participation au magazine littéraire d’avant-garde Spectrum. Publication des premiers poèmes. Il introduit le surréalisme français en Suède et décide de faire une psychanalyse. Conséquence du krach boursier, il devient pauvre, vend sa voiture et se déplace à bicyclette.
1932 : Publication du premier recueil de poésie de Gunnar Ekelöf Sent på jorden (Tard sur la terre). Il vend sa bicyclette et se marie avec Gunnel Bergström. Gunnel Ekelöf quitte son mari pour vivre avec la poétesse Karin Boye. Il est désespéré.
1932-1933 : Ekelöf traduit Les Faux-monnayeurs de Gide, des nouvelles de Proust, des poèmes de Robert Desnos, de Rimbaud, de Cendrars et d’Eluard. Ekelöf passe l’automne 1933 à Berlin avec une nouvelle amie, Irma.
1934 : Retour à Stockholm. Penchant pour l’alcool. Il fréquente les boites de nuit avec ses amis, les salons littéraires et la maison des écrivains. Il prend part à des soirées de lecture. (Il aime à l’époque porter parfois un monocle.) Irma le quitte pour un de ses collègues. Tristesse. Septembre. Parution du nouveau recueil : Dedikation. Bonnes critiques.
1935 : Édition de son anthologie 100 ans de poésie moderne française Rencontre Maj, une jolie fille blonde et timide de 25 ans. Voyage à Prague financé par une subvention culturelle de l’État.
1936 : Publication de son recueil de poésies Sorgen och stjärnan.
1937 : Collaboration comme critique d’art dans diverses revues. Traduction en suédois de l’œuvre complète de Rimbaud. Il décide de rompre sa relation avec Maj tout en lui gardant son amitié. (Elle meurt de tuberculose en 1944).
1938 : Ekelöf part en Carélie (Finlande) sur les traces de la poétesse Edith Södergran qu’il admire.
1939 : Parution du recueil Köp den blindes sång. Critique élogieuse. Traduction de L'Espoir de Malraux Voyage d’été à Paris avec sa mère et son demi-frère (17 ans), puis seul en Bretagne pendant un mois à Plestin-les-Grèves. Retour à Paris et départ en train vers la Suède. Images d'une Europe qui se prépare à la guerre.
1940 : Chroniques sur les arts dans des magazines suédois. Traduction de la poésie chinoise et de celle d'Apollinaire. Écriture d'un recueil en prose : Promenader.
1941 : Färjesång. Il considère ce recueil comme le véritable point de départ de sa poésie. Le poème Samothrace peut être considéré comme un texte exprimant la foi en la victoire sur les forces du mal nazi.
1942 : En Mölna-Elegi. Rencontre avec Gunhild (Nun) Flodquist, une kinésithérapeute, de 37 ans.
1943 : Mariage avec Nun
1944 : Traduction d’un roman de Paul Vialar
1945 : Parution de Non Serviam
1946 : Ekelöf fait la critique de nombreux livres. Un de ses rêves, celui d’avoir un petit voilier, avec une cabine et un moteur, se réalise.
1947 : Recueil de poèmes : Om hösten (En automne), et de textes en prose « Utflykter ». Les époux Ekelöf ont l’idée de s’installer en France.
1948 : Voyage à Paris, Rome, Menton, Albi (pour le projet d’un livre sur Toulouse-Lautrec). l’idée de demeurer en France est abandonnée et Nun et Gunnar s’installent à Erikslund, à cinquante kilomètres au sud de Stockholm.
1949 : Nouvelle édition de ses poèmes en trois volumes.
1950 : Voyage à Paris et en Dordogne pour voir les peintures rupestres de Lascaux. Achat d’un terrain à Trosa (près d’Erikslund) dans le but d’y construire une maison. Ekelöf fréquente aussi Ingrid, la sœur de Nun.
1951 : En accord avec les deux sœurs, Ekelöf quitte Nun pour Ingrid (39 ans).
1952 : Édition illustrée par Tor Bjurström pour bibliophiles de Sent pa jorden. 216 exemplaires sont imprimés à Paris. Divorce avec Nun, mariage avec Ingrid. Mai et juin : Voyage de noces. Route en voiture : Danemark, Hollande, France (Paris, Lascaux, Albi). À Saint-Tropez visite à Paul Eluard. Retour en Suède à la Saint-Jean. Fin août, naissance de leur fille, Suzanne. Ekelöf a la grippe.
1953 : La santé d’Ekelöf empire. Problèmes d’estomac. Opération en mars. Héritage par un parent éloigné d’une rente de 10.000 couronnes par an (ce qui, correspond au salaire annuel d’un petit cadre).
1954 : La famille Ekelöf décide de partir en voiture pour l’Italie. Location d’un appartement à Positano. Visite de Cumae, au nord de Naples et de Pompéi, puis séjour en Toscane. Au cours d’une soirée, Ekelöf perd l’équilibre et se casse une jambe. Comme il ne peut pas conduire, c’est Ingrid qui doit ramener la voiture en Suède avec son mari comme passager.
1955 : Édition du recueil Strountes.
1956 : Ekelöf parle de son enfance dans Une photographie. Déménagement à Sigtuna (60 kilomètres au nord de Stockholm)
1957 : Série d’articles pour le Dagens Nyheter (1er quotidien suédois) Livre de proses réalisé à partir, entre autres, de ces articles. Départ en voiture (Peugeot 403) pour la Grèce. Bateau jusqu’à Trieste, puis Gênes, Venise, Split, Dubrovnik, Athènes, Nauplie (deux mois à l’hôtel Amfytrion), Epidaure, l’Olympe et Mycènes, Delphes. Location (3 mois) de la Villa Kleopatra à 10 kilomètres au nord d’Athènes. Despina (Nena) est engagée pour garder Suzanne. Elle retournera avec les Ekelöf en Suède et y restera.
1958 : Ekelöf entre à l’Académie suédoise. Opération d’un ulcère au duodénum.
1959 : Parution du recueil Opus incertum.
1960 : Parution de Valfrändskaper. Novembre. Voyage en voiture en Grèce. Crise d’asthme, alcoolisation, hallucinations. Soins à la Croix Rouge d’Athènes, puis rapatriement en avion pour l’hôpital d’Uppsala. Une semaine avant Noël, il peut regagner sa maison de Sigtuna.
1961 : Ekelöf reprend l’avion pour chercher sa voiture restée à l’ambassade de Suède en Grèce. Crise de solitude à Athènes, il demande à sa femme de le rejoindre expressément. Très fatigué après le voyage, il doit se faire hospitaliser une semaine. Parution du recueil En natt i Otocac, Otocac étant le nom du village côtier en Yougoslavie, là où la famille avait passé une nuit.
1962 : Parution de Sent på jorden augmenté de APPENDIX 1962 et de En natt vid horisonten (Une nuit à l’horizon).
1963 : Ekelöf qui ne cesse de rêver à la maison idéale termine l’aménagement de la maison de Sigtuna. Il achète aussi une caravane qu'il équipe minutieusement. Elle deviendra son bureau de campagne. Pendant ce temps, son intérêt pour la culture byzantine ne faiblit pas. Espoir d’un prochain voyage.
1964 : Grand prix de l’Académie danoise. Voyage en Sicile et à Naples.
1965 : Il chute dans la maison et se casse des côtes. Hospitalisation. Voyage à Byzance (Istanbul), et à Izmir. Les mosaïques qu’il contemple dans l’église du monastère entraînent une vague d’inspiration puissante qui le submerge. Dès son arrivée à la maison, Ekelöf commence à regrouper ses écrits. Diwan över fursten av Emgion (Diwan sur le prince d’Emgion) parait fin octobre. Grand prix de littérature du Conseil nordique.
1966 : Ekelöf est fatigué et a besoin de repos, car depuis le mois d’, il a, presque sans interruption, été pris par son écriture. Il part au mois d’avril, avec sa femme, pour Athènes et la Crète. Au mois d’octobre, comme il considère, depuis les années 1920, la France comme sa seconde patrie, il décide d’y retourner encore une fois. (Il aime aussi la cuisine française, boire du vin français et fumer des Gauloises.) Il va à Paris puis sur la Côte d'Azur, là où le climat doit être bénéfique pour sa santé.
Il reçoit le Grand prix annuel de littérature d'une valeur de 48 000 frs, décerné par le conseil nordique pour ses traductions de Beaudelaire et d'André Breton[2].
1967 : Voyage en Tunisie. Visite des ruines de Carthage. Au retour en Suède, il travaille jusqu’à l’épuisement sur le cycle des « Diwan »
1968 : La maladie gagne du terrain et le , un cancer de l’œsophage l’emporte. Ses cendres sont répandues dans le fleuve Pactole, à côté du temple d'Artémis de Sardes.
.…les belles vagues éclatent en sanglots contre les pierres aveugles de la grève…
Œuvres
- En version française
- Dīwān : poèmes, trad. de C.G. Bjurström et André Mathieu, Paris, Gallimard, coll. « Du monde entier », 1973-1979
- I : Dīwān sur le prince d'Emgion, 1973
- II : Guide pour les enfers…, 1979
- III : La Légende de Fatumeh, 1979
- Tard sur la terre, suivi de Une nuit à l'horizon : poèmes, trad. de Sent Pā Jorden, Paris, Gallimard, coll. « Du monde entier », 1988 [nouv. éd. rev. et augm.]
Notes et références
- (sv) « Gunnar Ekelöf » sur la Nationalencyklopedin, 2004.
- Flashes, in Les Lettres françaises no 1118 du 10 au 16 février 1966, p. 2
Liens externes
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