Glissando
Un glissando (du français « glisser ») est un terme musical générique d'origine italienne qui désigne soit un glissement continu d'une note à une autre, soit le passage d'une note à l'autre par un groupe de notes intermédiaires.
Il consiste dans l'élévation ou l'abaissement constant et progressif de la hauteur d'un son, obtenu de diverses manières selon les instruments.
Le glissando proprement dit est celui que peut produire la voix humaine, un instrument à cordes frottées comme le violon en faisant traîner le doigt sur une corde ou le trombone à coulisse ; dans ce cas on ne perçoit pas le passage entre les notes parce que la transition se fait sans discontinuité. On parle alors de portamento, ou plus familièrement de « dégueulando[1] ».
Le terme s'applique également à des effets avoisinants comme ceux réalisables par les instruments à clavier, la majeure partie des cuivres, la harpe et les instruments à cordes pincées.
Les instruments de musique pouvant produire des notes continues, comme le trombone, sont capables d'effectuer des glissandos d'une grande amplitude[2].
Exécution
Voix humaine
Le glissando, dans le sens d'une transition continue entre deux ou plusieurs notes, est facilement réalisable par la voix humaine et particulièrement utilisé dans le portamento, effet que l'on retrouve souvent en art lyrique, dans la musique et le chant musique populaire et parfois dans le blues, le jazz, plus occasionnellement dans la musique pop.
Instruments à vent
- Pour les cuivres, glissato indique souvent l'exécution de la série des harmoniques exécutables sans changer de position ; l'effet obtenu est une rapide succession des sons harmoniques.
- Le trombone, grâce à sa partie mobile (la coulisse), peut effectuer aisément un véritable glissato, sans avoir à utiliser la série des harmoniques. Une des difficultés majeures de l'art des trombonistes est justement d'éviter les glissati entre les notes. L'effet est maximal dans l'intervalle de quinte diminuée qui sépare la première de la septième position.
- Le cor peut obtenir un effet de glissato efficace grâce à l'action combinée de la main et des lèvres.
- Chez les bois, l'exécution instrumentale de la musique du XXe siècle a exploré la possibilité du glissando sur pratiquement tous les instruments de la famille.
- Sur les instruments les plus petits, (hautbois, clarinette), le fait que l'instrumentiste utilise directement la pulpe des doigts pour boucher les trous rend possible le véritable glissato, obtenu en découvrant graduellement et successivement la superficie de chaque trou ; pour la flûte de concert, c'est également possible pour les modèles dont les clés sont percées.
- Avec le saxophone, dont les trous sont ouverts et fermés en actionnant des leviers, il est toutefois possible de « glisser » sur l'intervalle qui sépare deux notes en modifiant la position des lèvres, ce qui, combiné avec l'action des mains, permet d'obtenir un effet très semblable au véritable glissato. Certains saxophonistes parviennent toutefois à s'affranchir de cette difficulté technique en "glissant" sur plus de notes par une technique combinée des doigts, des lèvres et de la gorge comme Nobuya Sugawa par exemple[3]
Instruments à cordes
- Pour les cordes frottées comme le violon, l'alto, le violoncelle et la contrebasse, le glissato est facilement réalisable en parcourant les cordes avec le bout des doigts pendant le mouvement de l'archet qui produit le son ; c'est l'effet recherché lorsque l'on veut obtenir avec l'instrument l'imitation du langage expressif de la voix humaine.
- Pour les cordes pincées, comme la guitare, le luth, la viole de gambe, la viole d'amour, la basse électrique, etc. l'effet s'obtient de la même manière, en faisant glisser le bout des doigts le long des cordes que l'on pince dans le même temps ; l'usage en est moins fréquent du fait de l'emploi essentiellement polyphonique de ces instruments et pour la faiblesse du son ainsi obtenu mais surtout à cause de la présence des frettes qui provoquent de brèves mais audibles interruptions du glissato.
- Il existe une variante de basse électrique, instrument utilisé pour la mélodie, construit avec un manche sans frette, dans le but précis de reproduire la sonorité et les effets de glissando de la contrebasse.
- La guitare électrique, dont le son amplifié dépasse les limites des instruments acoustiques, a adopté durablement parmi ses techniques d'exécution deux effets de glissato qui s'obtiennent soit en pressant et en poussant verticalement la corde avec le bout du doigt (en anglais : bend), ce qui donne un glissando ascendant, soit en agissant pesamment sur le levier du vibrato dont sont pourvus certains modèles. Le bend peut correspondre à un intervalle d'un ton indiqué par full dans la tablature ou à d'autres distances, mesurées par fractions de ton (1/2 pour le demi-ton, 3/4 pour 3/4 de ton, et ainsi de suite). Release indique à l'inverse l'effet de glissando obtenu par le relâchement de la corde précédemment tirée. Enfin, le pre-bend consiste à tirer la corde sans glissando ascendant ; le pre-bend est normalement suivi du release.
- Pour les instruments à clavier on appelle glissando l'échelle diatonique ou chromatique obtenue en faisant traîner la main rapidement sur les touches diatoniques ou chromatiques.
- Pour la harpe l'effet de glissando, extrêmement utilisé, est obtenu en passant rapidement la main sur les cordes dans le sens ascendant ou descendant, après préparation préalable de l'instrument au travers des pédales dédiées. Le harpiste peut également obtenir un glissando sur une hauteur d'un ton en actionnant une pédale entre la position de repos et celle de tension maximale ; cet effet est beaucoup moins utilisé que le précédent à cause du volume sonore moindre.
- Les instruments polyphoniques, donc tous les instruments à clavier, mais également la harpe, les guitares et les cordes frottées peuvent exécuter des glissandos multiples, constitués de glissati simultanés de plusieurs notes.
Autres instruments
Parmi les percussions idiophones le glissato est couramment utilisé par les instruments à clavier (célesta, glockenspiel, xylophone, vibraphone, marimba et autres) en faisant traîner la main ou les baguettes le long du clavier.
Il est possible d'obtenir un glissato audible et expressif des timbales, en actionnant les pédales de réglage de la hauteur aussitôt après avoir frappé la peau de la timbale sans en atténuer le son. De la même manière, on peut tirer des effets de glissando en tournant le rototom.
Dans les tambours, un effet similaire au glissando peut être obtenu en pressant (avec la main, le coude, une autre partie du corps ou encore avec l'une des baguettes) puis en relâchant, après l'avoir frappée, la peau du tambour. Il existe une multitude d'autres effets similaires que l'on obtient différemment selon la nature des percussions (tôles infléchies après avoir été percutées, disques métalliques tournés rapidement, etc). Naturellement, dans ces cas l'étendue de l'effet est approximative ou complètement indéterminée.
Le glissando est constamment inclus dans les instruments électroniques du siècle précédent comme les Ondes Martenot, le Theremin, le Telharmonium, le Moog, dans l'optique de donner une touche d'humanité à des sonorités perçues comme artificielles. Les effets de glissando sont normalement présents dans les synthétiseurs et dans les claviers électroniques modernes et sont souvent actionnables par l'intermédiaire de commandes dites pitch bending constituées par des boutons ou des leviers situés sur l'un des côtés du clavier. Dans ce cas, le choix de l'introduction de cet effet (parmi les nombreux autres dont ces instruments sont normalement dotés) ne dépend plus des caractéristiques physiques de l'émission du son (qui est entièrement synthétisé) mais d'un choix délibéré du producteur.
Notation
On indique le glissando en faisant suivre la note initiale par une ligne, parfois ondulée, dans la direction voulue, souvent accompagnée de l'abréviation gliss.. Dans la notation pour la voix, était initialement utilisée une liaison semblable à une liaison de phrase mais limitée à deux notes adjacentes de hauteurs différentes.
Utilisation
Le glissando est utilisé dans la musique vocale à des fins d'expressivité, pour imiter les inflexions que la voix émet naturellement (pleurs, lamentations, rire, etc). Il prend souvent une valeur parodique par l'emphase comique et distanciée donnée à des expressions codifiées différemment.
Dans la musique instrumentale il a été particuliètrement utilisé au cours des deux siècles précédents comme alternative à la notation fortement quantifiée des instruments de l'orchestre européen. Son usage parodique est souvent clairement lié à l'imitation de la musique populaire (du Bolero de Ravel à la banda de Goran Bregović ou à la musique klezmer) ou de la musique vocale (toutes les variantes du jazz et du blues).
Au piano ou sur les instruments à clavier en général (tel que l'orgue électrique par exemple), il est fréquemment utilisé dans des styles comme le rock 'n' roll ou le boogie-woogie (le chanteur Jerry Lee Lewis, par exemple, l'utilise parfois abusivement), ou encore le funk. Le glissando sera ici employé pour donner de l'énergie, du dynamisme au morceau.
Exemples d'utilisation dans la musique classique
- 1830 : Hector Berlioz, Symphonie fantastique cinquième mouvement, mesures 8-11 et 17-21 (flûte, hautbois, clarinette ; puis cor).
- 1900 : Gustav Mahler, Symphonie n° 4, troisième mouvement (violon, violoncelles, alto).
- 1910 : Igor Stravinsky, L'Oiseau de feu (trombone).
- 1913 : Claude Debussy, Préludes, livre II, n° 12 Feux d'artifice, mesure 17 (piano, touches noires), mesure 87 (touches blanches et noires simultanément).
- 1918 : Giacomo Puccini, Suor Angelica, scène finale du miracle (voce).
- 1920 : Igor Stravinsky, Pulcinella, numéro de partition 170 (trombone).
- 1924 : George Gershwin, Rhapsody in Blue, incipit (clarinette)[4]
- 1924 : Ottorino Respighi, Pini di Roma, premier mouvement I pini di Villa Borghese (harpe).
- 1928 : Maurice Ravel, Boléro, conclusion (trombones).
- 1931 : Maurice Ravel, Concerto en sol, introduction (piano).
Annexes
Bibliographie
Définitions
- (it) Ottó Károly, La grammatica della musica, Einaudi, Torino 2000 - (ISBN 8806154443)
- (en) Theodore Karp, Dictionary of Music, Northwestern University Press, Evanston 1983, p. 159 - (ISBN 0810106590)
- (en) Don Michael Randel, The New Harvard Dictionary of Music, Harvard University Press, Cambridge 1986 - (ISBN 0674615255)
Sur le piano
- (en) Malwine Brée, The Leschetizky Method. A Guide to Fine and Correct Piano Playing, Courier Dover, New York, 1997, (ISBN 0486295966)
Sur le violon
- (it)Alfredo Casella, Virgilio Mortari, La tecnica dell'orchestra contemporanea, Ricordi, Milano 1950, rist. 1993, pp. 160-1
- (en) Leopold Auer, Violin Playing, as I Teach it, Dover, New York 1980, p. 24 - (ISBN 0486239179)
- (en) Carl Flesch, Art of Violin Playing, Carl Fisher LLC, New York 2000, p. 27 - (ISBN 0825828228)
Sur l'alto
- (it)Alfredo Casella, Virgilio Mortari, La tecnica dell'orchestra contemporanea, Ricordi, Milano 1950, rist. 1993, pp. 173-4
Sur le violoncelle
- (it)Alfredo Casella, Virgilio Mortari, La tecnica dell'orchestra contemporanea, Ricordi, Milano 1950, rist. 1993, pp. 183-5
Sur la contrebasse
- (it)Alfredo Casella, Virgilio Mortari, La tecnica dell'orchestra contemporanea, Ricordi, Milano 1950, rist. 1993, p. 197
Sur le cor
- (it)Alfredo Casella, Virgilio Mortari, La tecnica dell'orchestra contemporanea, Ricordi, Milano 1950, rist. 1993, p. 77
Sulla tromba
- (it)Alfredo Casella, Virgilio Mortari, La tecnica dell'orchestra contemporanea, Ricordi, Milano 1950, rist. 1993, p. 84
Sul corno
- (it)Alfredo Casella, Virgilio Mortari, La tecnica dell'orchestra contemporanea, Ricordi, Milano 1950, rist. 1993, p. 94
Sull'arpa
- (it)Alfredo Casella, Virgilio Mortari, La tecnica dell'orchestra contemporanea, Ricordi, Milano 1950, rist. 1993, p. 135
- (it)Nikolai Rimski-Korsakov, Principi di orchestrazione, 1891, trad. it. a cura di Luca Ripanti, Rugginenti, Milano 1992, p. 35
Notes et références
- Voir ce terme sur le site choeurlimours.com
- Thierry Bernardeau et Marcel Pineau, La Musique [« 45 »], Nathan, coll. « Repères pratiques », , 159 p. (ISBN 978-2-09-182441-3), p. 49
- Introduction et coda de la Rhapsody in Blue de George Gershwin dans son album Exhibition of Saxophone (EMI classics - 2003)
- Un fameux exemple de glissando pour clarinette ouvre la Rhapsody in Blue de George Gershwin. L'arrangeur avec lequel Gershwin a collaboré pour l'occasion, Ferde Grofè, lui a fait adapter cette ouverture pour Russ Gorman, première clarinette de l'orchestre de Paul Whiteman qui exécuta la création de la Rhapsodie (voir la note sur Gershwin sur le site classicalnotes.net (en).
Sources
- (it) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en italien intitulé « Glissando » (voir la liste des auteurs).
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