Georges Yver

Georges Yver (1870-1961) est un historien français. Ancien élève de l'École française de Rome, il se consacre d'abord à l'histoire économique de l'Italie médiévale et publie sa thèse en 1903.

Pour les articles homonymes, voir Yver.

Georges Yver
Biographie
Naissance
Caen
Décès (à 90 ans)
Caen
Nationalité française
Thématique
Formation

École normale supérieure

École française de Rome
Titres Professeur des universités
Profession Historien
Travaux
  • Correspondance du capitaine Daumas, consul à Mascara (1837-1839), 1912.
  • Correspondance du général Damrémont, gouverneur général (1837), 1928.
  • L'Afrique du Nord française dans l'histoire, 1937 et 1955.
  • Correspondance du maréchal Valée, gouverneur général, 1949.
Approche

Histoire économique de l'Italie médiévale

Histoire de l'Algérie coloniale
Données clés
Le passage des Portes de Fer en 1839 (détail)

À la suite de son installation à Alger, en 1903, il se tourne vers l'étude de la conquête coloniale de l'Algérie et l'histoire de l'Afrique du Nord française. Il fait partie des universitaires auxquels la faculté des lettres d'Alger doit son rayonnement[1],[alpha 1].

Biographie

Origines

Georges Octave Théodore Yver est né le à Caen, dans le Calvados[2],[3]. Fils aîné de Louis Georges Yver et de Louise Le Corsu, il passe son enfance à Caen, au no 30 de la rue des Carmes[4],[alpha 2]. Son oncle maternel, Octave Victor Le Corsu[5], était éditeur maritime[6].

Études

Rome, palais Farnèse, vers 1900.

Le jeune Georges Yver est admis à l'École normale supérieure en 1890[7]. Mais il effectue d'abord son service militaire. Engagé pour trois ans le 16 , il passe une année, jusqu'au , au 5e régiment d'infanterie alors en garnison à Caen[7].

Le , il obtient sa licence ès lettres[7] et deux ans plus tard, il est reçu à l'agrégation d'histoire (1894)[8]. Il est ensuite pensionnaire de l'École française de Rome de 1894 à 1896[9] ; celle-ci occupait le deuxième étage du palais Farnèse.

Le , il soutient ses deux thèses en Sorbonne[10] : thèse latine : De Guadagniis (les Gadagne), mercatoribus Florentinis Lugduni, XVIe. P. CHRN. sæculo, commorantibus[alpha 3],[11] ; thèse française : Le commerce et les marchands dans l'Italie méridionale aux treizième et quatorzième siècles.

Une carrière de professeur

De retour en France, il est nommé professeur dans différents lycées : à Tours[12] d' à  ; puis à Bourges de à [7]. À cette date, il est envoyé au lycée Carnot de Tunis et y reste cinq ans[7].

Georges Yver est arrivé à Alger au début de l'automne 1903[7]. Il se marie le , au Mans, avec Alice Berthe Lucie Guillet[3].

Pendant la Première Guerre mondiale, il appartient au 3e bataillon territorial de Zouaves et est affecté au dépôt des prisonniers de guerre à Tizi-Ouzou, de à [7].

Alger, rue Michelet.

Après avoir été chargé de cours à l'École supérieure des lettres d'Alger (1903-1904), il occupe la chaire d'histoire moderne de l'Afrique dans cette même faculté, de 1904 à la fin des années 1930. Il habite d'abord au no 21 de la rue Clauzel (1903-1909) puis au no 8 de la rue Monge (1909-1914), et enfin à partir de 1914 au no 23 de la rue Michelet[7],[13], proche de la faculté où il enseigne. Il quitte cette ville au moment de la Seconde Guerre mondiale, pour s'installer à Nice puis à Paris[1].

Georges Yver était membre de la Société historique algérienne[14], il en a même été un moment secrétaire général[15] ; et membre de la Société de géographie d'Alger et d'Afrique du Nord[16].

Il est mort le , à Caen[3].

Collège de France.
Cité universitaire.
École normale, rue d'Ulm, vers 1900.

Apport à l'histoire : commerces et marchands de l'Italie méridionale

Avec sa thèse sur Le commerce et les marchands dans l'Italie méridionale au XIIIe et au XIVe siècle, Georges Yver est devenu, selon Fernand Braudel, le «premier des historiens économistes de son temps»[1].

Ce ne fut pas le jugement de certains de ses pairs à l'époque, rapporte Maurice Prou, professeur à l'École des chartes : «La tentative faite par M. Georges Yver de tracer le tableau de la vie économique dans l'Italie méridionale aux XIIIe et XIVe siècles, a paru à quelques-uns prématurée. Un savant professeur en Sorbonne a même prétendu, si nous avons bien compris sa pensée, qu'une pareille entreprise était condamnée à l'avortement, car l'établissement d'une série de statistiques serait nécessaire pour faire l'histoire économique»[17].

Palerme, palais des rois de Sicile.

« Mais l'on peut se demander si l'histoire économique repose toute sur la statistique. (...) L'histoire économique est plus compréhensive. La faire, c'est reconstituer les manifestations de la vie matérielle d'un groupe social en ses phases successives, le mode d'exploitation de la terre, la mise en valeur et la consommation des richesses, et aussi les mesures prises par les gouvernements à l'égard de l'industrie et du commerce. Autant de points qu'on peut éclairer sans recourir à la statistique. (...)

Aussi bien, M. Yver n'a pas intitulé son livre Histoire économique du royaume de Sicile. Puisque c'est presque uniquement des registres de la chancellerie de Charles Ier, de Charles II et de Robert qu'il a recueilli la plupart des documents qu'il a mis en œuvre, il ne pouvait guère prétendre qu'à examiner les questions sur lesquelles ces registres fournissent des renseignements, et tout d'abord la "politique économique des Angevins". À dire vrai, c'est là le titre qui eût le mieux convenu à son livre. Cette politique ressort clairement de la lecture des mandements royaux insérés dans les registres de la chancellerie et des comptes des trésoriers. Nous n'avons qu'un choix d'actes royaux, mais qui suffisent à déterminer la ligne de conduite suivie par les princes angevins en Italie[17]. »

Apport à l'histoire : l'Afrique du Nord

Université d'Alger, années 1920.

À la suite de ses nominations au lycée Carnot de Tunis en 1898, puis à Alger en 1903, Georges Yver a modifié le cours de ses recherches.

Son arrivée en Afrique du Nord «l'avait amené dans un pays qu'il allait passionnément aimer, mais elle l'avait aussi détourné de sa vraie vocation et jeté en pleine histoire corrosive, celle de la conquête de l'Algérie par les Français, où tout était à élaborer et d'abord la trame des événements, le rôle des individus, la place des institutions»[1].

Georges Yver y contribue par la publication de nombreux articles, par des livres de synthèse (en 1927 et en 1937), mais surtout par l'édition scientifique de correspondances de grandes figures militaires : le capitaine Daumas, le général Damrémont et le maréchal Valée.

Histoire de la conquête et histoire de la société musulmane

Notables musulmans, Guelma, 1856-1857.

Selon l'historien Alain Messaoudi[18], la désignation de Georges Yver à la chaire d'histoire moderne de l'Afrique, vacante depuis la mort d'Édouard Cat en 1903, a donné lieu à une controverse :

« À Georges Yver, un jeune historien ancien élève de l'École normale supérieure, René Basset aurait préféré Edmond Doutté, bien que ce dernier n'ait pas encore soutenu ses thèses. En effet selon lui : "(...) l'histoire moderne de l'Algérie ne doit pas être uniquement le récit de la conquête du pays, mais elle doit avoir aussi pour but l'étude de la société musulmane, de son passé, de son avenir, de sa civilisation : or cette étude n'est possible que pour quiconque connaît l'arabe et a vécu parmi les indigènes". Mais Yver, docteur, soutenu par le "parti normalien", l'emporte : l'enseignement de l'histoire contemporaine de l'Algérie reste jusqu'après la décolonisation confié à des professeurs qui ne connaissent pas l'arabe ni le berbère - ce qui conduit à une étude de la conquête coloniale qui fait la plus grande part aux Européens[19]. »

Notables musulmans, Oran, 1856-1857.

Correspondances de chefs militaires

Le , le gouverneur général de l'Algérie institue une commission[alpha 4] pour assurer la publication d'une collection de documents inédits sur l'histoire du pays conquis depuis 1830[20]. La commission décide qu'il y aurait deux sortes de publications ; la correspondance générale des commandants en chef de l'armée d'Afrique et des gouverneurs généraux : des documents se rapportant à des sujets divers comme les négociations ou les épisodes de la conquête.

Correspondance du maréchal Valée, 1837-1840

Statue du maréchal Valée, Constantine.

Cette édition compte cinq volumes : d' à , de juin à , 1839, de janvier à , de à . Le maréchal Valée a été gouverneur général de l'Algérie d' à . Le travail de Georges Yver conduit à revaloriser la politique et les idées de Valée contre celles de Bugeaud.

Dans la Revue historique, Henri Brunschwig rend compte de ces ouvrages qui fournissent une masse d'informations sur la conquête de l'Algérie à la fin des années 1830[21].

Georges Yver a consacré plusieurs années à la correspondance de Valée. Les derniers ouvrages paraissent de 1954 à 1957. C'est toujours Henri Brunschwig qui commente ce travail :

Passage des Portes de Fer, octobre 1839.

Publications

Auteur

Méditerranée, Afrique du Nord.
  • Esquisse d'une histoire du bassin de la Méditerranée, conférences faites à l'Hôtel des Sociétés françaises à Tunis, Impr. française, Sousse, 1900[alpha 5].
  • Le commerce et les marchands dans l'Italie méridionale au XIIIe et au XIVe siècle, Bibliothèque des Écoles françaises d'Athènes et de Rome, Fontemoing, Paris, 1903.
  • La Commission d'Afrique (-), éd. Fontana, Alger, 1905.
  • Documents relatifs au traité de la Tafna, 1837, éd. J. Carbonel, Alger, 1924.
  • Histoire d'Algérie, avec Stéphane Gsell et Georges Marçais, éd. Boivin, Paris, 1927 et 1929.
  • Eugène Albertini, Georges Marçais et Georges Yver, L'Afrique du Nord française dans l'histoire, Paris, Archat, .

Éditeur scientifique

  • Correspondance du capitaine Daumas, consul à Mascara (1837-1839), Impr. de A. Jourdan, Alger, 1912. en ligne
  • Correspondance du général Damrémont, gouverneur général des possessions françaises dans le nord de l'Afrique (1837), H. Champion, Paris, 1928.
  • Correspondance du maréchal Valée, gouverneur général des possessions françaises dans le Nord de l'Afrique, 5 vol., éd. Larose, Paris, 1949-1957.

Annales de géographie

Société de géographie d'Alger

Société de géographie d'Alger, 1925.
Revue africaine, 1913.

Revue africaine

Questions nord-africaines

Annales E. S. C.

Encyclopédie de l'Islam

  • articles «Alger» et «Algérie».

Bibliographie

Notes et références

Notes

  1. Dans la nécrologie qu'il lui consacre, Fernand Braudel écrit : «Avec Georges Yver se clôt pour la Faculté des Lettres d'Alger, que j'ai admirée au temps de ma jeunesse, aussi belle, sinon aussi vantée, que celle de Strasbourg, le cortège de tous ceux que nous y avons connus ou aimés : Eugène Albertini, Émile-Félix Gautier, Louis Leschi, Louis Gernet, Jean Alazard, Pierre Martino...»
  2. Le recensement de 1881 fait apparaître que la famille était composée, outre son père et sa mère, de la grand-mère paternelle (Marie Yver) et de ses frères et sœurs : Gabrielle, Léon, Hélène et Louis.
  3. Les Gadagne, marchands florentins à Lyon au XVIe siècle.
  4. La commission était composée de : Jean-Dominique Luciani, directeur des Affaires indigènes ; René Basset, doyen de la faculté des lettres d'Alger ; Georges Yver et Stéphane Gsell, professeurs à la même faculté ; Léon Paysant, président de la Société historique algérienne ; Gabriel Esquer, archiviste du Gouvernement général.
  5. Fernand Braudel raconte qu'il doit à Georges Yver son orientation vers l'étude de la Méditerranée : «Avant que Lucien Febvre n'intervienne dans ma vie, il a été le meilleur de mes conseillers et de mes maîtres. C'est grâce à lui, en premier lieu, qu'un beau jour je me suis décidé à saisir pour elle-même, et non de biais, la vie entière de la Méditerranée. J'hésitais devant son immensité. Il eut l'audace qui me manquait» ; cf. nécrologie de Georges Yver.

Références

  1. Fernand Braudel, «Georges Yver (1870-1961), nécrologie», Annales, 1963, no 2, p. 407-408.
  2. École française de Rome, Annuaire des membres, 1873-2011, 2010.
  3. Archives départementales du Calvados, état civil numérisé de la ville de Caen, 1870.
  4. Archives départementales du Calvados, recensement numérisé de la ville de Caen, 1881.
  5. Généalogie d'Octave Victor Le Corsu, frère de la mère de Georges Yver.
  6. Annuaire-almanach du commerce, de l'industrie, de la magistrature et de l'administration, 1898, p. 941.
  7. Archives départementales du Calvados, registre matricule numérisé.
  8. Les agrégés de l'enseignement secondaire. Répertoire 1809-1950.
  9. Liste des membres de l'École française de Rome depuis sa fondation, Mélanges de l'école française de Rome, 1920, no 38, p. 325.
  10. Journal officiel de la République française, 21 février 1903, p. 1090.
  11. Victor-Louis Bourrilly, compte rendu, Revue d'histoire moderne et contemporaine, tome 4 no 9, 1902. p. 623-624.
  12. Georges Yver, «L'émigration italienne», Annales de Géographie, t. 6, no 26, 1897, p. 123-132.
  13. Revue africaine : journal des travaux de la Société historique algérienne, 1927, p. 12.
  14. Bureau de la Société historique pour 1906, Revue africaine : journal des travaux de la Société historique algérienne, 1906.
  15. Revue africaine : journal des travaux de la Société historique algérienne, 1922, p. 5.
  16. Bulletin de la Société de géographie d'Alger et de l'Afrique du Nord , 1908, p. LXXIV.
  17. Maurice Prou, compte rendu, Le Moyen âge : bulletin mensuel d'histoire et de philologie , 1904, p. 215-220.
  18. Alain Messaoudi, maître de conférences à l'université de Nantes.
  19. Alain Messaoudi, Les arabisants et la France coloniale, 1780-1930, éd. ENS Lyon, 2015, p. 457.
  20. Comité de l'Afrique française, L'Afrique française : bulletin mensuel du Comité de l'Afrique française et du Comité du Maroc, janvier 1913, p. 176.
  21. Henri Brunschwig, «Histoire de la colonisation (1945-1951)», Revue historique, 1952, p. 281-284.

Liens externes

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