Gay (homosexualité)

Un gay (ou gai au Québec) est un homme homosexuel, c'est-à-dire qui a une attirance amoureuse ou sexuelle exclusivement pour des hommes, du point de vue du sexe ou du genre[1],[2].

Pour les articles homonymes, voir Gay et Gai.

Couple gay à Berlin en 2013.

On utilise parfois au Québec l'écriture francisée gai[1]. En anglais et bien plus rarement en français, le terme gay (ou au Québec sa variante gaie[3]) peut également être employé pour désigner une personne homosexuelle en général, voire précisément une lesbienne.

Histoire

Origine

Dessin de Punch Magazine (1857), illustrant l'utilisation de « gay » comme un euphémisme pour « prostituée ». Une femme a dit à l'autre : « How long have you been gay? » (« Depuis combien de temps es-tu gay ? »). L'affiche sur le mur annonce La traviata, opéra de Giuseppe Verdi inspiré de La Dame aux camélias d'Alexandre Dumas, évoquant la vie d'une célèbre courtisane.

Le mot « gay » est utilisé en anglais à partir du XIIe siècle, venant du vieux français « gai », très probablement dérivant d'une origine germanique[4]. Pour l'essentiel, le sens premier du mot est « joyeux », « sans souci », et le mot est très couramment utilisé en ce sens dans les discours et la littérature. Par exemple, l'optimisme des années 1890 est encore souvent dénommé, en anglais, « Gay Nineties ». Le titre d'un ballet français, la Gaîté parisienne (1938) de Manuel Rosenthal sur des thèmes d'Offenbach, illustre également cette connotation. Dès le XVIIe siècle, le terme gay est employé pour désigner ce qui a trait aux distractions et plaisirs immoraux, avant d'être associé au XIXe siècle à la prostitution[5].

Dans le monde anglophone

À son origine jusqu'au milieu du XXe siècle, gay est essentiellement utilisé en référence au fait d'être « insouciant », « heureux » ou « lumineux et voyant ». L'historien George Chauncey suggère que c'est cette idée d'ostensibilité et de flamboyance qui conduisit les « tantes » (fairies) à adopter ce terme dès les années 1920 aux États-Unis, tout comme sa polysémie qui en permettait un usage codé, utilisable en présence de personnes « normales » (hétérosexuelles). Dans les sous-cultures urbaines d'hommes efféminés, le mot gay était alors employé pour désigner les bars et les rues où les membres de ces communautés se retrouvaient, sans désigner les homosexuels pour autant.

Le terme a commencé à être utilisé en référence aux relations entre personnes de même sexe en 1947, avec un usage qui remonte peut-être à 1868[4], au moment où le terme médical, homosexualité, a été inventé. Mais son usage populaire en ce sens n'existe que depuis les années 1950[4].

Progressivement, « gay » en est venu à être utilisé comme adjectif et parfois comme nom, en rapport aux personnes, aux pratiques et à la culture associées à ladite l'homosexualité. Cette signification apparaît aux États-Unis dans les années 1970, suite aux émeutes de 1969 à New York, à travers les premières tenues de Gay Pride (la première fut Christopher Street Liberation Parade en 1970, coordonnée par Brenda Howard), qui visaient une pleine acceptation des homosexuels et non pas une tolérance mêlée d'hypocrisie. Une étymologie non avérée postule que les initiales GAY du slogan « We are Good As You ! » sont à l'origine du mot, mais il s'agit en réalité d'un rétroacronyme[réf. souhaitée].

À la fin du XXe siècle, le mot « gay » est d'usage courant en anglais pour désigner ce qui a trait aux personnes attirées par des personnes de même sexe et à l'univers qui s'y rattache (sexuel, social, culturel)[6],[7]. Le langage familier le distingue de « straight », un adjectif qui possède d'autres sens en anglais (conventionnel, franc, direct), qui lui confèrent donc un caractère plus normatif que son équivalent francophone, « hétéro ».

Dans un tout autre sens, un usage argotique à caractère péjoratif du mot apparaît dans certains pays anglo-saxons dans le courant des années 2000. Au Royaume-Uni, aux États-Unis et en Australie, gay peut ainsi revêtir une connotation moqueuse, non sexuelle, équivalente à « nul » ou « stupide » (par exemple : That's so gay!)[8],[9].

Sexualisation

Il ne semble pas jusqu'au XXe siècle que le mot soit utilisé pour désigner spécifiquement les homosexuels, mais il avait précédemment acquis des connotations sexuelles[4].

Le mot semble être associé à l'immoralité à partir de 1637[4] et est utilisé à la fin du XVIIe siècle avec le sens de « dépendance aux plaisirs et à la débauche »[10], et cela, par extension de la première signification du terme : « sans souci », impliquant « sans complexe au regard des contraintes morales ». Une femme « gay » est une prostituée, un homme « gay » est un homme à femmes et une maison « gay », un lupanar[4].

L'utilisation par la langue anglaise de « gay » dans le sens d'« homosexuel » est, à l'origine, une simple extension de la connotation sexualisée du mot, en « insouciance et désinvolture », qui implique une volonté d'ignorer les mœurs sexuelles respectables ou conventionnelles.

Cette utilisation serait documentée dès les années 1920 et il y a des indications pour une utilisation avant le XXe siècle[4], même si elle a d'abord été plus couramment utilisé pour définir des modes de vie hétérosexuelle sans contrainte, comme dans l'expression : « gay Lothario »[11] ou dans le titre du livre (et du film) The Gay Falcon (1941), qui concerne un détective, homme à femmes, dont le prénom est Gay. Au milieu du XXe siècle, un célibataire d'âge moyen peut être décrit comme « gay », sans aucune implication de l'homosexualité.

Cet usage peut s'appliquer aux femmes également. La bande dessinée britannique Jane est publié pour la première fois dans les années 1930 et décrit les aventures de Jane Gay. Loin de l'homosexualité, il fait référence à un style de vie libre avec beaucoup d'amants.

Alternative à « homosexuel »

En 1929, la comédie musicale Bitter Sweet de Noël Coward contient une autre utilisation du mot dans un contexte qui implique fortement l'homosexualité. Dans la chanson Green Carnation (« L'Œillet vert »), dont le titre fait référence au célèbre œillet d'Oscar Wilde dont l'homosexualité avait défrayé la chronique, quatre dandys des années 1890 déclarent :

Pretty boys, witty boys,
You may sneer
At our disintegration.
Haughty boys, naughty boys,
Dear, dear, dear!
Swooning with affectation…
And as we are the reason
For the “Nineties” being gay,
We all wear a green carnation.

 Noël Coward, Bitter Sweet (1929)

« Garçons jolis, garçons futés
Vous pouvez ricaner
De notre délitement
Garçons hautains, garçons vilains,
Ouh là là !
Se pâmant avec affectation…
Et comme nous sommes la raison
Pour laquelle ces années 90 sont gays
Nous portons tous un œillet vert. »

 Bitter Sweet (1929)

D'autres usages, à cette date, ont la même ambiguïté. L'Impossible Monsieur Bébé (1938) est considéré comme le premier film à utiliser le mot « gay » en référence à l'homosexualité : dans une scène où les vêtements de Cary Grant ont été envoyés au nettoyage, il doit porter une robe de chambre féminine garnie de plumes. Quand un autre personnage s'enquiert du pourquoi de cette tenue, il répond : « Parce que je deviens gay tout d'un coup[12] ! » Cependant, étant donné que l'utilisation du mot pour désigner l'homosexualité est encore peu répandue à cette époque chez la plupart des spectateurs, la réplique peut aussi être interprétée comme signifiant « J'ai décidé de faire quelque chose de futile ». Il y a débat sur la signification de cette improvisation de Grant, la phrase ne figurant pas dans le script, notamment en raison des rumeurs concernant sa vie privée.

Le mot continue de fait à être utilisé avec le sens dominant d'« insouciance », comme en témoigne The Gay Divorcee (La Joyeuse Divorcée), un film musical de 1934 sur un couple hétérosexuel. Le film portait à l'origine le titre The Gay Divorce Le Joyeux Divorce »), comme la pièce de théâtre dont il est tiré – et, détail amusant, dont l'auteur, Cole Porter, bien que marié était connu pour ses liaisons homosexuelles – mais le Code Hays avait estimé que si toute femme divorcée pouvait être « gay », il serait inconvenant qu'un divorce apparaisse ainsi.

En Grande-Bretagne, où l'homosexualité masculine était illégale jusqu'au Sexual Offences Act de 1967, l'accusation publique d'une personne comme « homosexuelle » était considérée comme outrageante et synonyme d'activités criminelles graves. En outre, aucun des mots décrivant les aspects de l'homosexualité n'est jugé approprié pour la bonne société. En conséquence, un certain nombre d'euphémismes ironiques est utilisé comme allusion à une homosexualité présumée.

Si la signification originelle du mot continue à être utilisée dans la culture populaire, notamment la chanson thème de la série télévisée d'animation des années 1960 Les Pierrafeu, où les spectateurs sont assurés d'« avoir un vieux temps gai », have a gay old time ou en 1966, la chanson des Herman's Hermits, No Milk Today (Top 10 au Royaume-Uni et Top 40 aux États-Unis), qui proclame « No milk today, it wasn't always so / The company was gay, we'd turn night into day »[13], le nouveau sens du mot « gay » est néanmoins suffisamment bien connu pour être utilisé en 1963 par Albert Ellis, dans son livre The Intelligent Woman's Guide to Man-Hunting. Dans la chanson I Feel Pretty de West Side Story (1961), Maria chante : « I feel pretty and witty and gay » ; l'évolution du sens de l'expression dans le langage courant a conduit, dans certaines versions, à modifier le texte en remplaçant « gay » par « bright »…

Dans le monde francophone

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Le sens « homosexuel » est donc vraisemblablement un développement du sens traditionnel du mot selon l'étymologie populaire décrite ci-dessus. La connotation de tenues frivoles et exubérantes (« vêtement gay ») a conduit à l'association avec « cabotin » et « efféminé ». Cette association a, sans aucun doute, contribué à la réduction progressive du champ d'application de l'expression à son sens courant dominant, qui a d'abord été limitée aux sous-cultures, de préférence à d'autres, comme queer, qui possède une signification péjorative (ce terme est cependant aujourd'hui revendiqué par une frange militante de la communauté LGBT) ou « homosexuel » perçu comme clinique (l'homosexualité étant, jusqu'au milieu du XXe siècle associée à un diagnostic de maladie mentale dans le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM))[pas clair]. Le mot « altersexuel » apparu dans les années 2000 constitue une alternative.

Variation sémantique

Premier mariage homosexuel à être célébré au Québec en 2004.

L'orientation sexuelle, le comportement et l'identification personnelle ne sont pas forcément aussi tranchées d'un individu à l'autre. Les termes gay et homosexuel sont synonymes[1]. Toutefois, certains considèrent que le terme gay est une question d'identité personnelle, alors que le terme homosexuel fait référence à l'orientation sexuelle[réf. souhaitée].

L'activiste britannique Peter Tatchell fait valoir que le terme gay est simplement une expression culturelle qui reflète l'état actuel de l'homosexualité dans une société donnée et indique que « queer, gay, homosexuel… dans une vision à long terme, sont tous des identités temporaires. Un jour, nous n'aurons plus besoin d'eux »[14].

Des personnes attirés par le même sexe, ayant des rapports sexuels avec des partenaires de même sexe, ou n'en ayant pas (asexualité), peuvent ne pas s'identifier comme gays[réf. souhaitée]. Inversement, une personne peut s'identifier en tant que gay, sans avoir de tels rapports[réf. souhaitée].

Usage péjoratif dans le monde anglophone

Dans la langue anglaise, lorsqu'il est utilisé avec une attitude moqueuse, le terme « gay » peut être considéré péjoratif. Tout en conservant ses autres sens, il est également d'une « large utilisation courante » chez les jeunes, comme un terme général de dénigrement[15],[16], ce qui est encore assimilé par certains à de l'homophobie, même s'il perd tout caractère sexuel. Cette utilisation péjorative a ses origines à la fin des années 1970.

En 2006, un auditeur porte plainte auprès du Board of Governors de la BBC après l'utilisation du mot dans ce sens par Chris Moyles dans son émission sur Radio 1 : parlant d'une sonnerie de téléphone qu'il déteste, il précise « I don't want that one, it's gay ». Le Conseil, indique que « le mot « gay », en plus d'être utilisé pour signifier « homosexuel » ou « sans souci », est aujourd'hui souvent utilisé pour signifier « pourri » ou « nul ». Il s'agit de la généralisation d'un usage courant chez les jeunes. Le Conseil lui-même « comprend le sens de ce mot dans ce contexte. […] S'adressant à une cible jeune, on attend de Moyles qu'il utilise les mêmes expressions et mots que ses auditeurs. […] Cela n'avait aucun caractère homophobe. » Le Conseil recommande néanmoins « la prudence quant à l'utilisation » du terme, celle-ci « pouvant être offensante pour certains auditeurs »[17].

Les dirigeants de la BBC ont été fortement critiqués par le ministre de la Jeunesse, Kevin Brennan, qui a déclaré en réponse que « l'usage occasionnel d'un langage homophobe par les grands DJ de radio » est « trop souvent considéré comme d'inoffensives plaisanteries au lieu de l'insulte offensante que cela représente. […] Ignorer ce problème, c'est s'associer à eux. Fermer les yeux sur cette appellation occasionnelle, regarder ailleurs parce que c'est une option facile, est tout simplement intolérable[18]. »

Peu de temps après l'incident Moyles, une campagne contre l'homophobie est lancée en Grande-Bretagne, avec le slogan « l'homophobie est gay », en jouant sur le double sens du mot « gay » dans la culture des jeunes[19].

Notes et références

  1. « Homosexuel », Le Grand Dictionnaire terminologique, Office québécois de la langue française, 2003.
  2. Chambre de commerce gaie du Québec, « Lexique LGBT sur la diversité sexuelle et de genre en milieu de travail » [PDF], sur ccgq.ca, .
  3. « Homosexuelle », Le Grand Dictionnaire terminologique, Office québécois de la langue française, 2003.
  4. (en) « Online Etymology Dictionary ».
  5. (en) George Chauncey, Gay New York : 1890-1940, Fayard, (ISBN 9782213601229, OCLC 55235624).
  6. (en) « AP, New York Times & Washington Post Style », sur glaad.org (consulté le ).
  7. (en) « APA Style Guide: Avoiding Heterosexual Bias in Language », sur apastyle.org.
  8. (en) « BBC Ruling on Use of the Word « Gay » ».
  9. (en) « Anti-gay Abuse Seen to Pervade U.S. Schools », sur gay.com, .
  10. (en) « Gay », dans Oxford English Dictionary
  11. (en) « Bartleby Dictionary », sur bartleby.com.
  12. (en) « Bringing Up Baby », sur xroads.virginia.edu.
  13. « Pas de lait aujourd'hui, il n'en a pas toujours ainsi / La société était gaie, nous transformions la nuit en jour. »(en) « The Lyrics Library - Herman's Hermits - No Milk Today », sur mathematik.uni-ulm.de.
  14. (en) Peter Tatchell, « Just a Phase », sur The Guardian, .
  15. (en) The Times, 6 juin 2006, p. 3.
  16. (en) Denise Winterman, « How 'Gay' Became Children's Insult of Choice », BBC News, BBC, (lire en ligne, consulté le ).
  17. (en) « Gay Means Rubbish, Says BBC », sur Times Newspaper Online.
  18. (en) « BBC's Attitude to Homophobic Language 'Damages Children' », Pink News.co.uk, (consulté le ).
  19. (en) « Young Liberal Democrats launch 'homophobia is gay' campaign », sur Pink News, .

Voir aussi

Bibliographie

  • Donald Webster Cory, The Homosexual in America: A Subjective Approach, Greenberg, , p. 107. Chapter 9 ("Take My Word For It")
  • William Leap, Beyond the Lavender Lexicon: Authenticity, Imagination, and Appropriation in Lesbian and Gay Language, Taylor & Francis, (ISBN 978-2-88449-181-5, lire en ligne), p. 360
  • Mathé, Anthony. « Sémiologie de l’icône gay. Les paradoxes du genre », Communication & langages, vol. 177, no 3, 2013, p. 93-109. Lire en ligne
  • Giraud, Colin. « Chapitre 2. La construction des images du quartier gay », Quartiers gays. Presses Universitaires de France, 2014, p. 53-87.
  • Sébastien Roux, « « On m'a expliqué que je suis "gay" » », Autrepart, vol. 49, no 1, , p. 31 (ISSN 1278-3986 et 2109-9561, DOI 10.3917/autr.049.0031, lire en ligne, consulté le )
  • Revenin, Régis. Hommes et masculinités de 1789 à nos jours. Autrement, 2007. Lire en ligne
  • Bourseul, Vincent. « Genre gay et souffrance identitaire : le phénomène slam », Nouvelle revue de psychosociologie, vol. 17, no 1, 2014, p. 109-120. Lire en ligne

Articles connexes

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