Gaspard de Fieubet

Gaspard de Fieubet, né en 1622 et mort le 8 novembre 1686 au château de Caumont, est un magistrat français, président du Parlement de Toulouse de 1653 à 1686, issu d'une grande famille de robe. Membre de la branche toulousaine de sa famille, qui comporte également une branche parisienne, il est un des instruments de la politique de Louis XIV dans le sud de la France, en particulier contre les protestants. Il cherche aussi à promouvoir à Toulouse les sciences et les arts.

Pour les autres membres de la famille, voir Famille de Fieubet.

Ne pas confondre avec Gaspard III de Fieubet, son cousin issu de germain.

Biographie

La branche toulousaine d'une famille de financiers et de parlementaires

Gaspard de Fieubet est le fils de Guillaume de Fieubet, président à mortier au Parlement de Toulouse, premier président du Parlement de Provence, et de son épouse Marguerite de Saint-Pol, fille de Jacques de Saint-Pol, maître des requêtes.

Il est le fils aîné et a un frère cadet et des soeurs :

Gaspard de Fieubet se marie deux fois :

  1. le 3 mars 1648 avec Marguerite de Gameville (morte le 30 janvier 1671), fille de Philippe de Gameville seigneur de Montpapou et d'Anne de Paulo ;
  2. le 5 mars 1680 avec Gabrielle-Éléonore de Nogaret de La Valette (morte le 2 décembre 1708), fille de Jean de Nogaret de La Valette, général des troupes vénétiennes, et de Gabrielle d'Aimar[1]. Mariage sans enfant.

Gaspard de Fieubet appartient à la branche restée à Toulouse de la famille, dont l'autre branche s'est installée à Paris. Il est le cousin germain du père de Gaspard III de Fieubet, qui fait rénover l'hôtel Fieubet à Paris. Au XVIIe siècle, par leurs alliances avec la famille Ardier et la famille Blondeau, les Fieubet de Paris sont directement liés avec le milieu de la ferme des gabelles, tenue par la compagnie de Thomas Bonneau. Ces réseaux familiaux sont à la fois des serviteurs de l'État et les bailleurs de fonds de la monarchie, qui a constamment besoin d'argent[4]. A partir de la seconde moitié du XVIIe siècle, la famille de Fieubet fait également partie d'un dense réseau de familles alliées cumulant des charges au Parlement de Paris[5], dont la famille de Claude Le Peletier[6] et la dynastie ministérielle des Phélypeaux de Pontchartrain constituent des maillons importants[7].

Le relais de la politique royale dans le Midi

Au Parlement de Toulouse, Gaspard de Fieubet est président aux requêtes en novembre 1643 et procureur général le 26 avril 1645, premier président le 21 juin 1653[1]. Il est nommé à cette charge par le roi[8]. A l'époque où Fieubet en est le premier président, le Parlement de Toulouse est une cour importante, qui comporte plus d'une centaine d'officiers, dont une douzaine de présidents et une centaine de conseillers[9]. Ce nombre est élevé parce que la monarchie crée beaucoup d'offices pour les vendre. En conséquence, le Parlement pèse particulièrement dans la ville : les parlementaires, leurs familles et leurs domestiques représentent environ 4 000 personnes, soit plus de 13 % de la population intra-muros[10].

Dès l'année 1654, par deux arrêts, Gaspard de Fieubet conteste la compétence du Parlement de Paris, qui condamne à mort par contumace François-Jacques d'Amboise d'Aubijoux, parce qu'il a participé à un duel, interdit, où son lieutenant a été tué. Aubijoux est totalement pardonné en 1656[11]. Premier président du Parlement de Toulouse pendant plus de trente ans, Fieubet fait respecter l'autorité royale dans le Languedoc et, si nécessaire, tempère les velléités d'indépendance de son parlement. Du point de vue du roi, c'est un homme sûr[8]. On le voit veiller à faire nommer aux différents postes des « personnes zélées pour le service du roy », comme il le dit lui-même[12]. En 1659, il a l'occasion de recevoir le roi en personne, au nom du Parlement, lors de la visite royale à Toulouse[13]. Louis XIV manifeste des regrets quand il apprend sa mort[2].

Pendant que Fieubet est premier président du Parlement de Toulouse, son beau-frère, Jean de Tourreil, en est le procureur général. Ils sont à eux deux les hommes du roi, qui appliquent sa politique, en particulier sa politique anti-protestante, avant même la révocation de l'Édit de Nantes. Ainsi, pendant l'hiver 1666-1667, Fieubet préside les Grands jours de Nîmes, pendant lesquels sont décidées nombre de mesures contre les protestants. Il s'agit par exemple de rendre muettes les communautés réformées, en leur interdisant l'usage des cloches, alors qu'il est prévu par l'Édit de Nantes. Fieubet justifie ces interdictions en invoquant des abus commis par les protestants et un droit exclusif des catholiques de sonner les cloches lors des processions. Le but est évidemment de réduire la visibilité publique des protestants[3]. En 1679, en application d'un édit royal, la Chambre mi-partie (composée de catholiques et de protestants) de Castres est supprimée et ses magistrats sont intégrés dans le Parlement de Toulouse. Parmi eux, les réformés doivent ensuite, en application de la révocation de l'Édit de Nantes en 1685, abandonner leurs charges ou abjurer[14].

En 1685, deux arrêts du Parlement de Toulouse condamnent un groupe de marchands portugais, accusés d'être des juifs cachés, à être brûlés vifs en place publique. Ils ne sont en fait brûlés qu'en effigie, le but du procès étant, pour le Trésor royal, de confisquer leurs biens[15].

La richesse, la culture et la maladie

Le premier président du Parlement de Toulouse touche annuellement un peu plus de 800 livres de traitement (pas toujours régulièrement payé[12]), 3 000 livres de pension royale et des épices, dont le montant ne dépasse pas 2 500 livres. Ces revenus sont importants, mais ne permettent pas de couvrir les dépenses nécessaires pour tenir son rang. De fait, si les parlementaires toulousains sont riches, c'est parce que c'est nécessaire pour tenir leur charge et non l'inverse[8], les présidents du Parlement étant en moyenne deux fois plus riches que les conseillers, parce que leur office vaut beaucoup plus[9]. Vers 1653, Gaspard de Fieubet achète l'hôtel d'Ulmo, construit un siècle auparavant dans la rue NInau, où habitent les grandes familles parlementaires de Toulouse. À sa mort, cet hôtel particulier passera à sa fille Catherine de Fieubet et au mari de celle-ci, Pierre-Paul de Lombrail[16].

A partir de la fin du XVIe siècle, les parlementaires toulousains prennent le dessus sur la municipalité (les capitouls) pour le contrôle de la vie culturelle toulousaine[17]. Le premier président du Parlement de Toulouse Gaspard de Fieubet s'inscrit dans ce modèle et, à l'instar de son cousin parisien Gaspard III de Fieubet qui s'entoure d'hommes de lettres, il organise des débats religieux et scientifiques souvent animés par le théologien et physicien Emmanuel Maignan, dont il est le protecteur. C'est Maignan qui initie Fieubet à l'astronomie et à l'usage du microscope[18]. Son hôtel particulier de la rue Ninau est parfois qualifié de foyer de jansénisme[19].

Par un arrêt du Parlement de Toulouse qu'il signe lui-même en 1663, Gaspard de Fieubet protège l’institut des Filles de l’Enfance, fondé en 1662 à Toulouse par Madame de Mondonville et l’abbé de Ciron, qui sont liés au milieu parlementaire toulousain. Les jeunes filles qui entrent dans cette congrégation sont issues de familles parlementaires. Réputé proche des jansénistes, cet institut est démantelé par ordre de Louis XIV en 1686[19]. En 1680, Fieubet fait mettre à disposition par la ville un appartement, situé dans une maison près de la place du Pont-Neuf, pour que l'académie toulousaine naissante, appelée l'académie des Lanternistes, puisse y tenir des réunions, animées par l'abbé Maury[20]. Fieubet soutient l'historiographe toulousain Germain de Lafaille, qui dédie à sa mémoire ses Annales de la ville de Toulouse, parues juste après la mort de Fieubet en 1687[21], et en consacre les quinze premières pages à l'éloge des Fieubet[22]. Il est aussi l'instigateur de fameuse galerie des illustres du Capitole de Toulouse. Comme il a de graves différends avec le célèbre mathématicien Fermat, la représentation de ce dernier est longtemps absente de cette galerie[18].

Comme Fieubet est atteint de la goutte, il obtient en 1657 de l'archevêque de Toulouse que ce dernier lui cède son propre coussin pour s'agenouiller dans le chœur de la cathédrale, position qui le fait souffrir. Cet usage sera contesté quarante ans plus tard en conseil d'État[23]. Cette maladie le poursuit une grande partie de sa vie puisque plus de vingt ans après, en mars 1681, il se plaint dans une lettre de « la goutte qui m'accable depuis un mois »[24].

Descendance

Gaspard de Fieubet et Marguerite de Gameville ont sept enfants, six filles et un garçon :

  • Marie-Marguerite de Fieubet, épouse de Jean-Guy de Maniban, président à mortier au Parlement de Toulouse. Leur fils est Joseph-Gaspard de Maniban, premier président du Parlement de Toulouse.
  • Gabrielle de Fieubet, épouse de M. de Mauriac, conseiller au Parlement de Toulouse ;
  • Marguerite de Fieubet, épouse de François, marquis d'Ossun ;
  • Jeanne de Fieubet, épouse le 7 août 1678 Octavin de Cassaigneau de Saint-Félix (1650-1740) ;
  • Catherine de Fieubet, épouse le 14 septembre 1690 Pierre-Paul de Lombrail, seigneur de Rochemontès et de Dauz, conseiller au Parlement de Toulouse ;
  • Paule-Thérèse de Fieubet, née le 23 mai 1669, religieuse à la Visitation ;
  • Gaspard de Fieubet, conseiller au Parlement de Toulouse, doyen des requêtes en 1709, mort en 1711 sans postérité. Avec lui se termine cette branche de la famille Fieubet[1].

Héraldique

Blasonnement :
D'azur au chevron d'or accompagné en chef de deux croissants d'argent et en pointe d'une montagne isolée de même[25]

Références

  1. Jules Villain, La France moderne. Dictionnaire généalogique, historique et biographique, t. III : Haute-Garonne et Ariège, deuxième partie, Montpellier, Firmin et Montane, (lire en ligne), p. 1578-1580
  2. Jean-Joseph-Louis-Frédéric de Carrière, Les officiers des États de la province de Languedoc, Paris, Aubry, (lire en ligne), p. 141
  3. Jack Thomas, « Rendre ceux de la RPR invisibles et muets : le parlement de Toulouse, les grands jours de Nîmes et les protestants (1656-1682) », Actes des congrès nationaux des sociétés historiques et scientifiques, vol. 126, no 1, , p. 105–122 (lire en ligne, consulté le )
  4. Daniel Dessert, L'argent du sel. Le sel de l'argent, Paris, Fayard, , 301 p. (ISBN 978-2-213-66276-3)
  5. François Bluche, Les magistrats du Parlement de Paris au XVIIIe siècle, Paris, Economica, (1re éd. 1960), 481 p. (ISBN 2-7178-0988-0)
  6. Mathieu Stoll, Servir le Roi-Soleil. Claude Le Peletier (1631-1711) ministre de Louis XIV, Rennes, Presses universitaires de Rennes, coll. « Histoire », , 416 p. (ISBN 978-2-7535-1705-9)
  7. Charles Frostin, Les Pontchartrain, ministres de Louis XIV : Alliances et réseau d'influence sous l'Ancien Régime, Rennes, Presses universitaires de Rennes, coll. « Histoire », (ISBN 978-2-7535-3211-3, lire en ligne)
  8. Jean-Claude Paulhet, « Les parlementaires toulousains à la fin du dix-septième siècle », Annales du Midi, vol. 76, no 67, , p. 189–204 (DOI 10.3406/anami.1964.4526, lire en ligne, consulté le )
  9. Maurice Virieux, « Une enquête sur le Parlement de Toulouse en 1718 », Annales du Midi, vol. 87, no 121, , p. 37–65 (ISSN 0003-4398, DOI 10.3406/anami.1975.1587, lire en ligne, consulté le )
  10. Jack Thomas, « Gens de justice à Toulouse au temps de Louis XIV », dans Bernadette Suau, Jean-Pierre Amalric et Jean-Marc Olivier (dir.)., Toulouse, une métropole méridionale : Vingt siècles de vie urbaine. Actes du 58e Congrès de la Fédération historique de Midi-Pyrénées, Toulouse, Presses universitaires du Midi, coll. « Méridiennes », , 1094 p. (ISBN 978-2-8107-0950-2, DOI 10.4000/books.pumi.33936, lire en ligne), p. 163–186
  11. Philippe Mauran, « Le Ballet des Incompatibles (Montpellier-1655) ou l'état du Languedoc en 1655 », Dix-septième siècle, , p. 691-707 (lire en ligne)
  12. Gaspard de Fieubet, « Lettre de Gaspard de Fieubet (premier président du parlement de Toulouse) à Jean-Baptiste Colbert (ministre d'Etat) datée du 17 octobre 1663, à Toulouse », Collections numériques de la Sorbonne, vol. 1, no 1, , p. 125–126 (lire en ligne, consulté le )
  13. Eugène Lapierre, « Le Parlement de Toulouse. Suite et fin », Revue de législation ancienne & moderne française et étrangère, vol. 4, , p. 573–627 (ISSN 0995-8908, lire en ligne, consulté le )
  14. Stéphane Capot, Justice et religion en Languedoc au temps de l'Édit de Nantes. La Chambre de l'Édit de Castres (1579-1679), Paris, École des Chartes, coll. « Mémoires et documents de l'École des Chartes » (no 52), , 427 p. (ISBN 2-900791-22-7), p. 95-97
  15. Rose-Blanche Escoupérié-Merle, « Sur quelques « marchands portugais » établis à Toulouse à la fin du XVIIe siècle », Annales du Midi, vol. 106, no 205, , p. 57–71 (DOI 10.3406/anami.1994.2398, lire en ligne, consulté le )
  16. Jules Chalande, « Histoire des rues de Toulouse (suite) », Mémoires de l'Académie des sciences, inscriptions et belles-lettres de Toulouse, 12e série, vol. 3, , p. 285-348 (lire en ligne)
  17. Isabelle Luciani, « D’où « parle » Toulouse ? Le corps urbain entre unanimité municipale et inspiration monarchique, XVIe-XVIIe siècle », dans Gabriel Audisio (dir.)., Prendre une ville au XVIe siècle., Aix-en-Provence, Presses universitaires de Provence, (ISBN 978-2-85399-581-8, DOI 10.4000/books.pup.5690., lire en ligne), p. 229–245
  18. Pascal Julien, « Anamorphoses et visions miraculeuses du père Maignan (1602-1676) », Mélanges de l'école française de Rome, vol. 117, no 1, , p. 45–71 (DOI 10.3406/mefr.2005.10170, lire en ligne, consulté le )
  19. Sandra La Rocca, « L’institut des Filles de l’Enfance : le Port-Royal toulousain ? », dans Bernadette Suau, Jean-Pierre Amalric et Jean-Marc Olivier (dir.)., Toulouse, une métropole méridionale : Vingt siècles de vie urbaine. Actes du 58e Congrès de la Fédération historique de Midi-Pyrénées, Toulouse, Presses universitaires du Midi, coll. « Méridiennes », , 1094 p. (ISBN 978-2-8107-0950-2, DOI 10.4000/books.pumi.33936, lire en ligne), p. 613–623
  20. Emile Lapierre, « Histoire de l'académie. Les lanternistes », Mémoires de l'académie des sciences, inscriptions et belles-lettres de Toulouse, vol. 5, , p. 51-81 (lire en ligne)
  21. Clarisse Coulomb, « Écrits et prestige des gens de justice sous l'Ancien Régime », Histoire de la justice, vol. 20, , p. 43-56 (lire en ligne)
  22. Germain de La Faille, Annales de la ville de Toulouse depuis la réünion de la comté de Toulouse à la Couronne, avec un abrégé de l'ancienne histoire de cette ville et un recueil de divers titres et actes pour servir de preuves ou d'éclaircissement à ces Annales.... 1 / ,, Toulouse, (lire en ligne)
  23. Pascal Julien, « Droit au chœur : conflits de préséance entre archevêques et parlements à Aix-en-Provence et Toulouse au XVIIe siècle », Rives méditerranéennes, no 6, , p. 41–56 (ISSN 2103-4001, DOI 10.4000/rives.62, lire en ligne, consulté le )
  24. Mélanges de correspondance d'Etienne Baluze (lire en ligne)
  25. Elise Herbeaux, « Armoiries de Gaspard de Fieubet (Paris, Bibliothèque Mazarine, 2910, f. 049) », sur Bibale (consulté le )

Voir aussi

Bibliographie

  • Jean-Joseph-Louis-Frédéric de Carrière, Les officiers des États de la province de Languedoc, Paris, Aubry, (lire en ligne)
  • Pascal Julien, « Anamorphoses et visions miraculeuses du père Maignan (1602-1676) », Mélanges de l'école française de Rome, vol. 117, no 1, , p. 45–71 (DOI 10.3406/mefr.2005.10170, lire en ligne, consulté le )
  • Jean-Claude Paulhet, « Les parlementaires toulousains à la fin du dix-septième siècle », Annales du Midi, vol. 76, no 67, , p. 189–204 (DOI 10.3406/anami.1964.4526, lire en ligne, consulté le )
  • Jack Thomas, « Rendre ceux de la RPR invisibles et muets : le parlement de Toulouse, les grands jours de Nîmes et les protestants (1656-1682) », Actes des congrès nationaux des sociétés historiques et scientifiques, vol. 126, no 1, , p. 105–122 (lire en ligne, consulté le )
  • Jules Villain, La France moderne. Dictionnaire généalogique, historique et biographique, t. III : Haute-Garonne et Ariège, deuxième partie, Montpellier, Firmin et Montane, (lire en ligne), p. 1578-1580

Articles connexes

  • Portail du XVIIe siècle
  • Portail de la France du Grand Siècle
  • Portail de Toulouse
  • Portail du royaume de France
Cet article est issu de Wikipedia. Le texte est sous licence Creative Commons - Attribution - Partage dans les Mêmes. Des conditions supplémentaires peuvent s'appliquer aux fichiers multimédias.