Fra Bartolomeo

Baccio della Porta, plus connu sous le nom monastique de Fra Bartolomeo (né le à Florence – mort le à Pian' di Mugnone) est un peintre italien qui devint religieux Dominicain. Sa vie est intimement liée à sa ville, Florence, et son œuvre, à la période de la Première Renaissance. Son style caractérise le début du cinquecento florentin, une culture qui hésite entre le classicisme de Raphaël et le premier Maniérisme. Le thème de ses œuvres est constant : la méditation religieuse.

Il est connu aussi sous le nom de Fra Bartolomeo di San Marco.

Biographie

Bartolomeo nait à Soffignano, près de Florence, en 1475. Sa formation artistique débute en 1484, quand il entre dans l'atelier de Cosimo Rosselli, peintre fortement influencé par Ghirlandajo. Mariotto Albertinelli, l'un des autres apprentis de l'atelier, qui va très vite travailler avec Baccio. La première œuvre de Baccio est sans doute une Annonciation (dôme de Volterra) ; elle est terminée par Albertinelli. En 1490, quand Baccio quitte Cosimo pour ouvrir son propre atelier, Albertinelli le suit : les deux amis vont former un partenariat qui se prolongera jusqu'à l'entrée de Baccio chez les dominicains.

Bartolomeo a déjà obtenu de grands succès dans son art lorsqu'il fait la connaissance de Savonarole alors qu'il travaille au couvent San Marco à Florence. Le prédicateur, qui dénonce les mœurs délétères de la Renaissance, acquiert rapidement une grande influence sur Bartolomeo qui jette au bucher des œuvres séculaire ou mythologiques[1]. Sa peinture se fait didactique, son style grandiloquent est au service de la glorification des personnages bibliques. Il quitte le pinceau, peu après l'exécution de Savonarole en 1498, pour se faire religieux. Il prend en 1500 l'habit des dominicains dans le couvent San Marco, et il ne consacre plus son talent qu'à des sujets religieux aidé en cela par son ami Fra Ambrogio della Robbia[2]. Saint Marc et son Saint Sébastien figurent parmi ses œuvres les plus remarquables. Sur l'ordre de son supérieur, il quitte le monastère.

Son Jugement dernier[3] attire l'attention de Raphaël qui est son cadet de huit ans. Le contact avec Raphaël et le court séjour qu'il fait à Venise en 1508, modifient son style. Du jeune artiste, il apprend les règles de la perspective ; en retour, c'est à son contact que Raphaël améliore son sens de la couleur et des drapés. Après son séjour à Venise, sa palette devient plus délicate et son art plus velouté[4]. Raphaël, Michel-Ange et Leonard de Vinci ont tous quitté Florence avant la fin de la première décennie du siècle. Durant la seconde décennie, Fra Bartolomeo n'a plus d'autre rival que Andrea del Sarto. Le Mariage de sainte Catherine[5], peint en 1512, marque l'apogée de sa recherche et de son association avec Albertinelli : simplification des masses et adoucissement des contours par un usage du clair-obscur. Il excelle dans le coloris et le relief, et dans l'art du drapé. Il est le premier qui fait usage du mannequin à ressort. Découragé par les difficultés de l'art, Albertinelli, qui a du talent et du charme, l'abandonne pour devenir aubergiste. Un moine, Fra Paolino le remplace auprès de Fra Bartolomeo. Il est malheureusement médiocre et l'atelier sombre dans l'insignifiance[4].

Raphaël est à Rome quand Fra Bartolomeo s'y rend en 1514 ou 1515 ; Rome e alors supplanté Florence dans le rôle de centre artistique[4].

En 1517, à la suite d'une paralysie partielle[6], il se rend aux bains de San Filippo. Grand amateur de fruits, désœuvré, c'est là qu'il consomme des figues qui lui seront fatales : après avoir consommé une grande quantité de figues fraîches[7], il est pris de fièvre et en meurt le .

Évolutions artistiques

Mariage mystique de St Catherine de Sienne, musée du Louvre.

La carrière de Fra Bartolomeo, dont la thématique religieuse est constante, peut être divisée en trois périodes : celle de l'élève de Piero di Cosimo, devenu maître à son tour et qui, dans l'esprit de Savonarole, peint dans le style de Fra Angelico, également inspiré des œuvres de Masaccio et de Filippino Lippi, période durant laquelle il travaille au couvent San Marco ; celle qui, après sa rencontre de Raphaël, est nourrie des voyages à Rome et à Venise lors desquels il découvre les œuvres de ses contemporains les plus remarquables, sa peinture étant alors enrichie des enseignements de Bellini et de Titien qui mettent en œuvre une coloration plus vive, mais également de Michel-Ange qui ouvre les portes du maniérisme ; enfin celle de son retour à Florence, à partir de laquelle il se consacre entièrement à sa tâche de peintre de l'ordre dominicain.

Fra Bartolomeo a développé un style personnel marqué par la profondeur de l'analyse du sentiment religieux, par la dignité qui convient aux sujets sacrés. Il a su donner un nouveau souffle à la peinture religieuse, utilisant les techniques les plus novatrices, la perspective, la caractérisation de des sujets, la composition, le rythme et le mouvement. Il influence Paolino da Pistoia, Plautilla Nelli et Eufrasia Burlamacchi.

Exprimant une sérénité issue du Pérugin, son art a un fort accent de religion sentimentale et une généralisation étudiée des formes, des traits, des drapés, des gestes et des poses, dédiés aux objectifs didactiques de l'art ecclésiastique[4].

Il rejette le mélange de l'intemporel et du contemporain, et recherche toujours, parfois avec une insensibilité agressive, une interprétation conventionnelle très éloignée de l'idéalisation de la nature qui inspira Léonard de Vinci. Le meilleur de Fra Bartolomeo parvient à la noblesse dans la sobriété, la tendresse et la douceur. Ses compositions sont simples, symétriques ou pyramidales. Toutefois, l'émotion de ses grands retables est souvent exagérée, la piété didactique trop ardente, les personnages trop conscients de leur rôle, les sentiments et les gestes forcés, les drapés tournoyants et le contrapposto implacable artificiels et mécaniques[4].

L'étiquette « École San Marco  » désigne un vaste mouvement de la peinture toscane qui se voulait l'incarnation des idéaux et du style de Fra Bartolomeo[8].

Portrait de Savonarole
v. 1495, Musée de San Marco
Pala Ferry Carondelet
1511-1512, Cathédrale de Besançon
Nativité, galerie Borghese, Rome

Œuvres

1495-1508
1508-1515
Fresques du Couvent San Marco, Florence
  • Le Christ chez Emmaüs, fresque, v. 1506
  • Ecce Homo avec les saints Madeleine, Antoine, Jean Baptiste, Catherine de Sienne, Catherine d'Alexandrie, Thomas d'Aquin et Dominique, avec collaborateurs, 1508-1511
  • Deux Madones, fresque, 1514
  • Les Saints Dominique, Thomas, Vincent Ferrer et Ambroise Sansedoni, fresque, 1514
1515-1518
non datés

Hommage en littérature

Fra Bartolomeo est cité par Honoré de Balzac sous le nom de Bartolomeo Della Porta dans les œuvres d'art qui font partie des trésors de la collection du Cousin Pons[15], [16].

Charles Swann, le personnage d' À l'ombre des jeunes filles en fleurs de Marcel Proust, compare Mme Blatin au Savonarole peint par Fra Bartolomeo.

Notes et références

  1. d'après Vasari
  2. Padre Marchese, Memorie, &c., lib. in. chap. II, p. 246.
  3. peint avec son ami Mariotto Albertinelli.
  4. Linda Murray, La Haute Renaissance et le maniérisme, Paris, Editions Thames & Hudson, , 287 p. (ISBN 2-87811-098-6), p. 14-18
  5. Peint pour l'autel de sainte Catherine de Sienne au couvent de San Marco à Florence, le tableau est aujourd'hui au « Musée du Louvre ».
  6. Elle serait due, selon Vasari, à une mauvaise position adoptée pour peindre près d'une fenêtre
  7. l'intoxication aux figues fraîches, qui a pour symptômes une forte fièvre et se termine par des vomissements et une diarrhée, est due aux microorganismes agglomérés à la matière sucrée et collante qui recouvre la peau du fruit. Passer les fruits à l'eau eût suffi pour éviter cette intoxication.
  8. (it) « Opere scuola san Marco », sur Trammentiarte.it
  9. Carlo Falciani et Pierre Curie (dir.), La Collection Alana : Chefs-d'œuvre de la peinture italienne, Bruxelles, Fonds Mercator, , 216 p. (ISBN 978-94-6230-154-2)
    Ouvrage publié à l'occasion de l'exposition au musée Jacquemart-André du 13 septembre 2019 au 20 janvier 2020, notice de Carlo Falciani p. 158.
  10. Mina Gregori (trad. de l'italien), Le Musée des Offices et le Palais Pitti : La Peinture à Florence, Paris, Editions Place des Victoires, , 181 p. (ISBN 2-84459-006-3), p. 180
  11. Vincent Pomarède, 1001 peintures au Louvre : De l’Antiquité au XIXe siècle, Musée du Louvre Editions, , 589 p. (ISBN 2-35031-032-9), p.301
  12. Madone, St Petersbourg
  13. Christ et quatre Evangelistes, Palais Pitti
  14. (en) Nicola Spinosa, The National Museum of Capodimonte, Electa Napoli, , 303 p. (ISBN 88-435-5600-2), p.55
  15. Index des personnes réelles de La Comédie humaine, 1991, t. XII, p. 1622 (ISBN 2070108775)
  16. Le Cousin Pons, La Pléiade, 1976, t. VII, p. 612

Articles annexes

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