Abdullah Frères

Les Abdullah Frères (en turc : Abdullah Biraderler)  un groupe de trois frères, formé de Vichen (1820-1902), Hovsep (1830-1908) et Kevork Abdullahian (1839-1918)  sont des photographes arméniens ottomans ayant acquis une renommée internationale durant la période de fin de l'Empire ottoman[1]. Ils prenaient des photos de vues panoramiques et d'individus célèbres, dont notamment des sultans ottomans. La plupart de leurs photographies sont de style orientaliste et ont été prises dans l'Empire ottoman.

Origine du nom

Arméniens, les frères Abdullah ne sont pas des chrétiens convertis à l'islam. Leur nom de famille remonterait à leur aïeul qui, invité à se convertir, aurait décliné l'offre en disant : « Mon nom est Astvatzadour, "donné par Dieu", et dorénavant vous m'appellerez Abdullah, "serviteur de Dieu" »[2].

Carrière

Vichen a commencé sa carrière photographique en retouchant des photos pour Rabach, un photographe allemand qui a ouvert son studio de photographie en 1856 dans le quartier de Beyazid à Constantinople.

En 1858, quand le frère cadet de Vichen, Kevork, revient de ses études menées à l'Académie arménienne de Mourad Raphaelian à Venise, ils décident avec leur autre frère Hovsep de reprendre le studio photographique de Rabach et d'ouvrir le leur, sous le nom des Abdullah Frères[1]. Ils se sont rendus à Paris pour s'informer sur les dernières innovations dans le domaine auprès du photographe Olympe Aguado[2].

En 1863, par l'intermédiaire du grand vizir Fouad Pacha, les frères Abdullah sont présentés au sultan Abdulaziz qui les nomme photographes officiels de la cour et les déclare meilleurs artistes de la ville, une épithète qu'ils ont utilisée jusqu'à la fermeture de leur studio en 1899[1],[3]. En 1867, ils vendent leur studio de Beyazid et déménagent vers un emplacement plus favorable à Péra[3]. La même année, les Abdullah Frères sont représentés à l'Exposition universelle de Paris où ils gagnent une renommée internationale et deviennent les photographes les plus célèbres de l'Empire ottoman[3]. Leur titre honorifique attire l'entourage du Palais et une riche clientèle, locale et étrangère – dont notamment le prince de Galles Albert Édouard de Saxe-Cobourg-Gotha et l'impératrice Eugénie de Montijo[4].

La carrière des frères Abdullah est marquée par la série d'événements qui survient durant le règne d'Abdülhamid II (1876-1909), comprenant la défaite de l'Empire ottoman face à l'Empire russe, la question arménienne et la politique de l'image mise en œuvre par le sultan. En 1877, Kevork, sous le pseudonyme de « Baron d'Esta », publie en français, L'Arménie et les Arméniens, destiné à sensibiliser le monde politique européen « sur le sort de chrétiens oubliés au fond de l'Asie mineure ». En , le sultan leur retire leur titre de photographe officiel de la cour et l'attribue à Vassilaki Kargopoulo, l'un de leurs proches concurrents avec Pascal Sébah, à cause de photographies prises par Kevork de hauts gradés russes logés à proximité de Constantinople[4].

En 1886, à la demande du khédive d'Égypte, Kevork ouvre une succursale au Caire, en Égypte ; cette dernière fermera en 1895[1]. En 1889, Vichen parvient à être réhabilité en tant que photographe officiel. Les cinquante-et-un albums regroupant plus de mille huit-cents photographies de l'Empire ottoman envoyées par Abdülhamid II à la Bibliothèque du Congrès à Washington, puis au British Museum à Londres sont pour près des trois-quarts signées Abdullah Frères[4].

Fin des frères

Le déclin du studio commence lorsque le titre de photographe officiel cesse d'être le privilège d'un seul atelier et du fait que le sultan préfère désormais s'entourer de photographes issus des rangs de l'armée. Ils sont par ailleurs touchés par le succès des cartes postales et des innombrables contrefaçons, ajouté à cela une comptabilité mal tenue, le studio ferme ses portes en 1899. Il est racheté la même année avec son matériel et ses archives par le principal concurrent de Vichen, Sébah & Joaillier, pour un montant de 1 200 livres d'or[4].

La faillite de l'atelier affecte particulièrement Vichen, qui se convertit, avec sa femme et ses trois fils, à l'islam, s'appelant dorénavant Abdullah Şükrü Efendi. Il meurt peu après, en 1902, à l'âge de 82 ans. Hovsep décède en 1908, et Kevork dix ans plus tard en . En 1919 parait son pamphlet posthume écrit en français, Le Kaiser rouge, publié au profit de l'hôpital arménien de Yedikule et signé Grégoire Abdullah[4].

Au cours de leur longue carrière, les Abdullah Frères ont photographié de nombreux sultans ottomans, hommes d'État ottomans tels que Ibrahim Edhem Pacha et Osman Nuri Pacha, des figures internationales comme Mark Twain, des vues panoramiques, et plus encore.

Galerie

Références

  1. (en) John Hannavy, Encyclopedia of nineteenth-century photography, vol. 1, New York, Taylor & Francis, , 827 p. (ISBN 9780415972352, lire en ligne), p. 1.
  2. François Pouillon, Dictionnaire des orientalistes de langue française : Nouvelle édition revue et augmentée, Éditions Karthala, coll. « Lettres du Sud », , 1073 p. (ISBN 978-2811107901), p. 5.
  3. (en) Wendy M. K. Shaw, Possessors and possessed : Museums, archaeology, and the visualization of history in the late Ottoman Empire, Berkeley, Californie, University of California Press, , 280 p. (ISBN 9780520233355, lire en ligne), p. 141.
  4. François Pouillon, Dictionnaire des orientalistes de langue française : Nouvelle édition revue et augmentée, Éditions Karthala, coll. « Lettres du Sud », , 1073 p. (ISBN 978-2811107901), p. 6.

Voir aussi

Bibliographie

  • (en) John Hannavy, Encyclopedia of Nineteenth-Century Photography, Routledge, , 1736 p. (ISBN 9781135873264, lire en ligne), p. 1
  • Gilbert Beaugé, « Les photographes turcs : jalons pour une histoire de la photographie en Turquie », Cahiers d'études sur la Méditerranée orientale et le monde turco-iranien, no 14 « L'émergence du monde turco-persan », , p. 113-132 (DOI 10.3406/cemot.1992.1024, lire en ligne)
  • Irini Apostolou, « Photographes français et locaux en Orient méditerranéen au XIXe siècle », Bulletin du Centre de recherche français à Jérusalem, no 24, (lire en ligne)
  • Catherine Pinguet, Une histoire arménienne : La photographique dans l'Empire ottoman, ELYTIS, coll. « Pierre de Gigord », , 192 p. (ISBN 978-2356392640)

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