Floire et Blancheflor

Floire et Blancheflor est un conte populaire en vers attribué à Robert d'Orbigny (ou d'Orléans)[1] qui s'inspire de Neema et Noam (l'un des contes des Mille et Une Nuits)[2] et qui était raconté au Moyen Âge dans de nombreuses langues vernaculaires et versions[3]. Cette histoire apparaît d'abord en Europe vers 1160 en français « aristocratique » et a été extrêmement populaire de 1200 à 1350 environ. Elle s'inscrit dans le courant de la découverte d'un espace de circulation méditerranéen médiéval traditionnel mais risqué[4].

Histoire de Floire et Blancheflor

L'histoire de Floire et Blancheflor connaît des variantes.

Version en ancien français

Début de Floire et Blancheflor dans le manuscrit 375 français de la BnF.

Voici le sommaire de la version « aristocratique » originale en ancien français du XIIe siècle.

Lors d'une de ses opérations en Galice, dans le nord-ouest de l'Espagne, Felix, roi d'Al-Andalus, attaque une troupe de pèlerins en route pour Saint-Jacques-de-Compostelle, célèbre lieu de pèlerinage médiéval. Parmi les pèlerins, il y a un chevalier français et sa fille, veuve depuis peu, qui a choisi de consacrer le reste de sa vie au sanctuaire. Le chevalier est tué, et sa fille est emmenée prisonnière à Naples, où elle devient dame de compagnie de l'épouse de Felix. Les deux femmes sont enceintes, et leur enfant nait le même jour, le dimanche des Rameaux : Floire, fils de la reine musulmane ; et Blancheflor, fille de la dame de compagnie.

Floire (« qui appartient à la fleur ») et Blancheflor (« fleur blanche ») sont élevés ensemble à la cour et se rapprochent. Le roi Felix craint que son fils désire épouser la « païenne » et décide la mort de la jeune fille. Il n'arrive toutefois pas à l'exécuter lui-même, envoie plutôt Floire à l'école, puis vend Blancheflor à des marchands qui s'en vont à Babylone, où elle est vendue à l'émir. Felix construit un tombeau élaboré pour Blancheflor et dit à Floire qu'elle est morte. La réaction de ce dernier est si grave que le roi lui dit la vérité. Désemparé mais encouragé par la nouvelle qu'elle est toujours vivante, Floire entreprend de la retrouver.

Floire finit par arriver à l'extérieur de Babylone, où il rencontre le gardien de pont, Daire, qui lui parle de la tour des Vierges. Tous les ans, l'émir y choisit une nouvelle épouse et tue l'ancienne. Le bruit court que Blancheflor sera bientôt la prochaine élue. Pour avoir accès à la tour, Daire conseille à Floire de jouer aux échecs avec la sentinelle de la tour et de rendre tous ses gains à cet homme jusqu'à ce qu'il soit forcé de lui rendre la faveur en le laissant entrer dans la tour. Floire l'emporte sur la sentinelle aux échecs et, suivant le plan, pénètre clandestinement dans la tour dans un panier de fleurs, mais il est placé par erreur dans la chambre de l'amie de Blancheflor, Claris. Celle-ci organise une rencontre entre les deux jeunes gens, mais ils sont découverts deux semaines plus tard par l'émir.

L'émir diffère de les tuer sur-le-champ pour tenir un conseil. Ses conseillers sont si impressionnés par la volonté que les jeunes amants ont de mourir l'un pour l'autre qu'ils persuadent l'émir d'épargner leur vie. Floire est alors fait chevalier, Blancheflor et lui se marient, et Claris épouse l'émir (qui lui promet qu'elle sera sa dernière et seule femme à jamais). Peu après, Babylone apprend la mort de Felix. Floire et Blancheflor rentrent dans leur patrie, où ils héritent du royaume, embrassent le christianisme et y convertissent leurs sujets.

Version en moyen anglais

Adaptation d'Eleanor Fortescue-Brickdale, 1922

La version du poème en moyen anglais, Floris and Blancheflour s'inspire de la version « aristocratique » en ancien français, mais diffère quelque peu dans le détail. Elle ne traite pas de la façon dont les deux protagonistes sont nés. La version originale, qui date de 1250 environ, était intitulée Floris and Blanchefleur.

Le poème raconte les problèmes des deux amants éponymes. Blancheflour est une princesse chrétienne enlevée par les Sarrasins et élevée avec le prince païen Floris (« de la fleur »). Les deux tombent amoureux l'un de l'autre, mais sont séparés. Blancheflour donne à Floris une bague qui reflète l'état de la princesse et qui ternira donc si Blancheflour est en danger.

Blancheflour se trouve dans un califat différent de celui de Floris, y est accusée faussement et est envoyée comme esclave à la tour des Jeunes Filles. L'émir possède dans son jardin un « arbre d'amour » qui lui choisit une nouvelle épouse tous les ans. Sa fleur tombe sur la jeune élue du harem, mais l'émir peut aussi manipuler l'arbre par magie pour que la fleur tombe sur une favorite. Il décide de la faire tomber sur Blancheflour, car elle est la vierge la plus aimable du harem. Sachant qu'elle est sur le point d'être choisie pour femme par l'émir, Floris vient la sauver. Le matin suivant, l'émir trouve les deux amoureux au lit (réunis toutefois de façon chaste). Après avoir entendu toute leur histoire d'amour chaste et de vieilles promesses mutuelles, il exige une preuve de la virginité de Blancheflour en lui faisant mettre les mains dans une eau qui se tâchera si la jeune fille n'est pas vierge. Elle s'avère vierge, l'émir pardonne aux deux amoureux, et tout finit bien.

Analyse

L'histoire contient des éléments des sagas héroïques et des romans de chevalerie antérieurs. Contrairement aux romans de chevalerie habituellement sanglants et guerriers précédents de l'époque (p. ex., Havelok le Danois), ce roman de chevalerie est romantique. La version « aristocratique » originale ne contient pas de combats de chevalerie, mais la version française « populaire », postérieure, contient bien quelques éléments de cette nature. L'histoire parle du conflit entre le paganisme et le christianisme. De plus, contrairement aux autres romans de chevalerie, chaque section de l'histoire dépend strictement de la précédente, de sorte que ce poème est un récit linéaire. Le poème souligne aussi la supériorité de l'amour romantique (plutôt que de l'amour courtois ou de la faveur divine) sur la force des armes pour préserver la vie et assurer une issue favorable.

L'histoire présente des analogies avec la littérature indienne, et notamment les Jātakas du début du Ve siècle. Nombre de détails, tels la tour des Vierges (c.-à-d. le harem), les gardiens eunuques et les odalisques, sont inspirés de matériel arrivé à l'ouest grâce aux Mille et Une Nuits.

Le conte a été un sujet populaire dans des récits postérieurs ; le poète suédois Oskar Levertin (en) traite du sujet dans la ballade romantique « Flores och Blanzeflor » du recueil Legender och visor (légendes et chants) en 1891.

Versions vernaculaires

Parmi les versions vernaculaires, on trouve :

La persistance de sa popularité est démontrée par une allusion à ce conte dans le lai de chevalerie Emaré (en), où Floris et Blancheflour sont l'un des couples d'amoureux brodés sur une robe, avec Tristan et Iseut ainsi qu'Amadas et Idoine[5].

Adenet Le Roi attribuera aussi la filiation de Berthe au Grand Pied à un couple royal de Hongrie nommé Floire et Blancheflor dans son roman Li roumans de Berte aus grans piés écrit au XIIIe siècle[6].

La Bibliothèque nationale de France mentionne également une liste d'ouvrages de référence sur ce sujet[7].

Notes

  1. (notice BnF no FRBNF12008381)
  2. « Floire et Blancheflor », sur Larousse.
  3. Hibbard 1963, p. 184
  4. Gilles Bertrand, « Le voyage et les usages de l’espace méditerranéen à l’époque du Grand Tour », ILCEA, Revue de l’Institut des langues et cultures d'Europe, Amérique, Afrique, Asie et Australie, vol. 28, , p. 7 (ISSN 2101-0609, lire en ligne, consulté le ).
  5. Hibbard 1963, p. 187-188
  6. « Li roumans de Berte aus grans piés / par Adenés li Rois ; poème publié... par M. Aug. Scheler,... », sur Gallica, (consulté le ).
  7. http://data.bnf.fr/12008381/floire_et_blancheflor/fr.pdf

Bibliographie

  • (en) Laura A. Hibbard, Medieval Romance in England, New York, Burt Franklin, .
  • (en) Floris and Blancheflour de la National Library of Scotland.
  • Floire et Blanceflor : poèmes du XIIIe siècle, Paris, P. Jannet, , 572 p. (lire en ligne).
  • (en) Floris and Blancheflour, traduction moderne de la version anglaise.
  • (en) Frances L. Decker, « Floris », Dictionary of the Middle Ages, vol. 5, (ISBN 0-684-18161-4) — Cet ouvrage contient une bibliographie plus complète pour les nombreuses versions vernaculaires.
  • R. Runte, « Leclanche (Jean-Luc). Le Conte de Floire et Blanchefleur, roman pré-courtois traduit en français moderne. », Revue belge de Philologie et d'Histoire, vol. 65, no 3, , p. 694-696 (lire en ligne, consulté le ), traduction critique.
  • Lucien Lécureux, « Floire et Blancheflor. Étude de littérature comparée, par J. Reinhold (thèse de doctorat d'Université), 1906 », Romania, no 146, , p. 310-313 (lire en ligne, consulté le ), Rapport de la première version française avec les remaniements germaniques.
  • Chantal Connochie-Bourgne, Mondes marins du Moyen Âge, Presses universitaires de Provence, , 429 p. (lire en ligne), Tradition maritime.
  • Gédéon Huet, « Sur l'origine de Floire et Blanchefleur », Romania, vol. 111, , p. 348-359 (lire en ligne, consulté le ), Origine byzantine.
  • Gédéon Huet, « Encore Floire et Blanchefleur », Romania, no 137, , p. 95-100 (lire en ligne, consulté le )

Articles connexes

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