Federico Tarragoni

Federico Tarragoni, né le à Rome (Italie), est un sociologue italien, Maître de conférences HDR et Directeur du Centre de recherches interdisciplinaires sur le politique (CRIPOLIS) à l'Université de Paris.

Biographie

Reçu premier à l'agrégation de Sciences économiques et sociales en 2009[1], Federico Tarragoni travaille actuellement à l'Institut Humanités, Sciences et Sociétés de l'Université de Paris. Il y enseigne l'épistémologie des sciences sociales, la sociologie du conflit, la sociologie de l'individu et la sociologie de l'art.

Sa thèse de doctorat, soutenue en 2012 sous la direction de Patrick Cingolani, proposait une analyse des néo-populismes latino-américains (gouvernements d'Hugo Chavez au Venezuela et d'Evo Morales en Bolivie) à l'aide d'une perspective "par le bas", centrée sur les modes de politisation populaire dans les barrios[2],[3]. Elle a contribué à renouveler la littérature sociologique sur le populisme, à l'aide d'un nouvel éclairage sur sa tradition latino-américaine, et le champ de recherches sur les processus révolutionnaires, en y introduisant une analyse à l'échelle individuelle et biographique. Cette contribution a été récompensée par le Prix Schneider/Aguirre-Basualdo en "Lettres et sciences humaines" de la Chancellerie des Universités de Paris[4] et par le "Prix du jeune sociologue" de l'Association internationale des sociologues de langue française (AISLF)[5].

Membre du Laboratoire du changement social et politique (LCSP) qu'il co-dirige avec Guillaume Le Blanc depuis octobre 2020, Federico Tarragoni a été, entre 2015 et 2018, Délégué du Secteur Lettres, Langues et Sciences Humaines et Sociales à la Présidence de l'Université Paris Diderot.

Il a fondé en 2019 le Centre de recherches interdisciplinaires sur le politique (CRIPOLIS) auprès de l'Institut Humanités, Sciences et Sociétés de l'Université Paris Diderot - Université de Paris.

Il est membre des comités de rédaction des revues Tracés, Participations. Revue de sciences sociales sur la démocratie et la citoyenneté, Écrire l'histoire et Tumultes.

Travaux

Ses travaux s'inscrivent dans la perspective globale d'une sociologie du politique, et portent sur les mouvements sociaux entre l'Europe et l'Amérique latine, l'histoire du populisme et les processus de subjectivation politique des groupes subalternes. Sa réflexion est nourrie par la sociologie de Max Weber[6] et l'histoire "from below" d'Edward P. Thompson[7], ainsi que par les œuvres de Walter Benjamin, Antonio Gramsci, Giorgio Agamben, Jacques Rancière et Étienne Tassin.

Se positionnant en référence à Ernesto Laclau et Chantal Mouffe, deux auteurs post-marxistes qui soutiennent que le populisme ouvre une voie vers un renouveau de la démocratie qui rend sa légitimité au conflit, Federico Tarragoni veut inscrire son analyse du populisme dans une perspective nuancée et critique[8]. À l'aide d'une approche socio-historique qu'il a introduite dans les études sur le populisme, il montre que celui-ci désigne une idéologie à part entière, dont les origines remontent au socialisme utopique du XIXe siècle[9], et qui mobilise une plèbe socialement hétérogène contre des élites accusées d'avoir confisqué la démocratie, ou d'en défendre une définition restrictive et excluante[10]. Une telle idéologie, ancrée à gauche depuis les narodniki russes, en passant par le People's Party états-unien et les régimes nationaux-populaires latino-américains[11], prône la (re)fondation ou la radicalisation de la démocratie, notamment à partir d'un élargissement des droits civiques, socio-économiques et culturels. Elle n'entretient aucune affinité élective avec les mouvements qu'on désigne aujourd'hui abusivement comme populismes de droite, que Federico Tarragoni situe dans le prolongement et l'actualisation du nationalisme ethnique et du nativisme, ainsi que des expériences fascistes du XXe siècle[12]. Par contre, elle trouve une postérité dans les populismes de gauche du début du XXIe siècle en Amérique latine, et dans les renouvellements de la gauche socialiste post-marxiste en Europe et aux États-Unis à la suite de la crise des subprimes. Une telle analyse conduit Federico Tarragoni à critiquer à la fois les travaux mainstream sur le populisme, qui insistent sur le caractère fondamentalement anti-démocratique du phénomène, et pour lesquels il a introduit en 2013 le néologisme de "populologie"[13], et les recherches hétérodoxes dans la veine de Laclau et Mouffe, qui se basent sur l'idée que le populisme serait une dynamique commune à l'extrême gauche et à l'extrême droite. En lien avec l'actualité européenne, Federico Tarragoni souligne les raisons qui rendent difficile la construction d'une synthèse dans les mouvements populistes, au rang desquels il situe Nuit debout et les Gilets jaunes et réexamine la position du leader dans de tels mouvements[14],[15].

Ouvrages

  • L’Énigme révolutionnaire, Paris, Les Prairies ordinaires, coll. « L’histoire rejouée », 2015, 320 p.
  • Sociologies de l’individu, Paris, La Découverte, coll. « Repères », 2018, 124 p.
  • L’esprit démocratique du populisme. Une nouvelle analyse sociologique, Paris, La Découverte, coll. « L’horizon des possibles », 2019, 372 p.
  • Émancipation, Paris, Anamosa, coll. « Le mot est faible », 2021, 102 p.

Directions de numéros de revue

Notes et références

  1. « page personnelle sur le site du LCSP », sur LCSP, (consulté le )
  2. Federico Tarragoni, Il faut faire le peuple ! Sociologie d’un populisme "par le bas" dans les conseils de barrio en Amérique latine contemporaine (Venezuela et Bolivie), Université Paris Ouest Nanterre, , 2 vol., 973 p. ([http://www.theses.fr/2012PA100185 http://www.sudoc.fr/175637946 lire en ligne])
  3. Federico Tarragoni, « Du populisme "par le haut" au populisme "par le bas". Les apports d’une enquête de terrain à la redéfinition d’un concept flou », Ideas. Idées d’Amériques, (lire en ligne)
  4. « Federico Tarragoni - La Vie des idées », sur laviedesidees.fr (consulté le )
  5. « XXIe congrès de l'AISLF :: Tunis - 6-10 juillet 2020 », sur congres2021.aislf.org (consulté le )
  6. Federico Tarragoni, « La révolution contre la "fin de l'histoire". Réflexions sur une sociologie possibiliste à partir de Max Weber », Écrire l'histoire, , p. 45-52 (lire en ligne)
  7. Federico Tarragoni, « La méthode d’Edward P. Thompson », Politix, , p. 183-205 (lire en ligne)
  8. Federico Tarragoni, « Le peuple selon Ernesto Laclau », La vie des idées, (lire en ligne)
  9. Federico Tarragoni, « Le peuple et son oracle. Une analyse du populisme savant à partir de Michelet », Romantisme, , p. 113-126 (lire en ligne)
  10. Federico Tarragoni, « Propositions pour une sociologie historique du populisme », Revue européenne des sciences sociales, , p. 55-75 (lire en ligne)
  11. (es) Federico Tarragoni, « La cuestión populista. Una nueva historia conceptual », Revista de la Facultad de Derecho de México, , p. 1129-1164 (lire en ligne)
  12. Federico Tarragoni et Cécile Leconte, « 5 questions à Federico Tarragoni », sur http://www.citephilo.org/, (consulté le )
  13. Federico Tarragoni, « La science du populisme au crible de la critique sociologique : retour sur l’archéologie d’un mépris savant du peuple », Actuel Marx, , p. 56-70 (lire en ligne)
  14. Ballast, « BALLAST | Federico Tarragoni : « Le populisme a une dimension démocratique radicale » », sur BALLAST, (consulté le )
  15. Federico Tarragoni, « Chercher une définition sociologique de l’élite et du peuple dans les nouveaux mouvements sociaux revient à trahir le populisme qui leur est commun. Entretien avec Jean-Paul Gaudillière », Mouvements, , p. 43-54 (lire en ligne)
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