Faillite frauduleuse

Une faillite est dite « frauduleuse » quand le « failli » se déclare en faillite tout en dissimulant à son profit et/ou au profit d’autres personnes une partie de l'actif, ou s'il est reconnu débiteur de sommes qu'il ne devait pas.

Le failli peut être une personne morale de droit privé ou une entité commerciale, tel qu'un groupe d’artisan, un gérant, un dirigeant, un liquidateur, responsable(s) de coopérative agricole, un cabinet, un groupe industriel voire une entreprise multinationale ou l'une de ses filiales, etc.

Aspects juridiques

Juridiquement, on ne peut parler de banqueroute qu’à partir du moment où une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire a été préalablement ouverte[1].

La faillite frauduleuse peut être accompagnée d’autres escroqueries (escroquerie à l’assurance par exemple) ou d'un délit d’initié.

Sanctions

La faillite frauduleuse est punie par la loi. Elle justifie :

  • des amendes pouvant atteindre en France des dizaines de milliers d’euros ;
  • des peines de prisons pouvant être de plusieurs années ;
  • d’éventuelles peines complémentaires incluant l'interdiction d'exercer d'une profession commerciale ou industrielle ou de gérer une entreprise commerciale.

Les salariés et les créanciers peuvent se prévaloir des préjudices qui leur ont ainsi été faits et poursuive le responsable ou les responsables en justice.

En France, la jurisprudence a confirmé qu'en vertu de l'article L652-1, « Avoir poursuivi abusivement, dans un intérêt personnel, une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements de la personne morale » est l'une des fautes qui peuvent - « au cours d'une procédure de liquidation judiciaire » permettre au tribunal de « décider de mettre à la charge de l'un des dirigeants de droit ou de fait d'une personne morale la totalité ou une partie des dettes de cette dernière » lorsqu'il est établi, à l'encontre de ce dirigeant, que cette faute a « contribué à la cessation des paiements »[2].
L'article L650-1 du Code de commerce précise que « Les créanciers ne peuvent être tenus pour responsables des préjudices subis du fait des concours consentis, sauf les cas de fraude, d'immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou si les garanties prises en contrepartie de ces concours sont disproportionnées à ceux-ci. Pour le cas où la responsabilité d'un créancier est reconnue, les garanties prises en contrepartie de ses concours sont nulles »[3].

Le tort causé aux dirigeants d'une entreprise illégalement mise en faillite par un tiers peut être important. Par exemple en France, « lorsque la résolution d'un plan de sauvegarde ou de redressement judiciaire ou la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que les dettes de la personne morale seront supportées, en tout ou partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait ou par certains d'entre eux, ayant contribué à la faute de gestion. En cas de pluralité de dirigeants, le tribunal peut, par décision motivée, les déclarer solidairement responsables »[4]. Au Luxembourg, l'article 448 du code de commerce et la jurisprudence (Cour , 4, 136.) stipule que « Tous actes ou paiements faits en fraude des créanciers (après la cessation de paiement) sont nuls, quelle que soit la date à laquelle ils ont eu lieu »[5].

Détection, évaluation

Sous l'égide de lois et normes et d'autorités liées aux pays (Autorité des marchés financiers ou AMF en France ; Securities and Exchange Commission ou « SEC » aux États-Unis), c'est généralement un tribunal qui confirme la réalité ou le caractère frauduleux d'une faillite.

Pour cela, et en complément des métiers classiquement déjà dédiés à l'enquête judiciaire dans le domaine des malversations financières ou commerciales, il peut faire appel (en Amérique du Nord surtout, où ce métier est en pleine expansion) à un nouveau métier apparu pour prévenir, détecter ou évaluer divers types de malversations comptables : le juricomptable.

Les enquêteurs et tribunaux peuvent s'appuyer sur les données de services fiscaux ou douaniers, sur les comptes de l'entreprise et parfois sur des alertes ou dénonciations (venant de créanciers lésés par exemple) ou sur divers indices comptables ou de comportements anormaux (un acteur potentiellement avantagé par la faillite cherchant visiblement à faire échouer une procédure de conciliation après cessation des paiements, par exemple). Pour procéder à une liquidation judiciaire, un tribunal peut intervenir sur à la demande de l'entreprise, sur la base d'une plainte, ou d'une requête du ministère public. Dans certains pays dont la France il peut aussi se saisir d'office du dossier[6] et le « comité d'entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel peuvent communiquer au président du tribunal ou au ministère public tout fait révélant la cessation des paiements du débiteur »[7].

Mesures anticipatoires et de précaution

Certaines règlementations cherchent à mieux protéger les investisseurs de ce type de risque financier (risque financier systémique en période de crise), dont en Europe la Directive concernant les marchés d'instruments financiers.

Dans certains secteurs de l’économie (domaine minier notamment, via les codes miniers, la loi prévoit parfois (selon les pays) que les entreprises doivent faire des provisions, qui seront utilisées si elles n’honorent pas leurs engagements. Cela est notamment destiné à éviter les faillites frauduleuses ou tardivement justifiées par l'appauvrissement d’un gisement, un changement de conditions économiques d’exploitation (moindre rentabilité). Les exploitants sont ainsi - dans certains pays - contraints de constituer durant leur activité, sur un compte bloqué contrôlé par l'État, la « provision financière » nécessaire au financement de cette réhabilitation[8], et des bio-indicateurs peuvent être imposés ou proposés pour l'évaluation de l'efficacité d'une réhabilitation environnementale en cours ou terminée[8].

Le cas des multinationales et de leurs filiales

Même en présence d'une comptabilité analytique, le caractère frauduleux d'une faillite peut être difficile à prouver dans le cas de filiales de certaines multinationales dont les stratégies ne sont pas transparentes, et chez lesquelles les participations, les fusions-acquisitions, l'utilisation de comptes offshore dans des « paradis fiscaux et juridiques » peut beaucoup complexifier les recherches de responsabilité.

Afin d'échapper à l'obligation de remboursement de leurs dettes commerciales, fiscales, sociales…, des dirigeants ou gestionnaires indélicats pourraient par exemple se détacher juridiquement d'une filiale, puis lui affecter (directement ou indirectement) :

  • la gestion impossible d'emprunts toxiques ;
  • une dette écologique dont les couts seront insupportable pour la filiale. Il peut par exemple s'agir d'un patrimoine foncier que l'on sait gravement dégradé (par ex. : sols pollués et séquelles de pollution sur une nappe phréatique) impliquant des coûts élevés d'évaluation des risques, d'entretien et de protection des sites, puis de traitement (dépollution) et de restauration écologique, voire de dédommagement pour les riverains, etc.) ;
  • des commandes impossibles à honorer, éventuellement dans le contexte d'un marché qu'ils manipuleraient de manière à créer des « anomalies de marché » (par exemple en augmentant artificiellement les prix de la matière première, ce qui est possible si la multinationale est en position hégémonique ou dominante sur le marché ou agit dans le cadre d'un « cartel » ou d'entente sur les prix). Ils pourraient aussi et au contraire faire en sorte de priver cette filiale de commande, de manière à ensuite la présenter comme économiquement non-rentable et entamer un cercle-vicieux conduisant à la faillite ; un tel cycle peut être amorcé en affectant d'importantes commandes à d'autres usines ou sociétés, concurrente ou liée à la même multinationale ;
  • priver cette filiale de ressources secondaires nécessaires, afin de provoquer une faillite qui leur permet de se défausser de leurs responsabilités sociales (reclassement, etc.) et financières (remboursement de dettes).

Dans tous ces cas, la filiale peut être sacrifiée avec regret, ou être une filiale dont on voulait déjà se débarrasser ; ce qui devient possible dès les conditions sont en place pour que cette filiale soit conduite malgré elle à une situation cessation des paiements, avec un redressement qui apparaîtrait comme manifestement impossible, aboutissant à une liquidation judiciaire. Ce type d'agissements considéré comme non-éthique par de nombreuses chartes ou codes de bonnes pratiques est juridiquement illégal dans de nombreux pays mais il est facilité par certains contextes peu transparent, et quand des dirigeants ou administrateurs majoritaires impliqués sont à la tête de nombreuses entreprises d'un même groupe, voire d'entreprises concurrentes ou qu'ils y occupent une position influente dans le conseil d'administration en tant qu'actionnaire ou en tant que membre « indépendant » (c'est une des situations possibles de conflit d'intérêt dans une entreprise).

Notes et références

  1. la banqueroute, Droit, finance, comment ça marche ?
  2. lexinter.net, Recherche juridique, Code de commerce
  3. Article L650-1 du Code de commerce
  4. Article L651-2 du Code de commerce
  5. Code de commerce du Luxembourg, LIVRE III ; Des faillites, banqueroutes et sursis
  6. Article L640-5 du Code de commerce / Liquidation judiciaire
  7. Article L640-6 du Code de commerce / Liquidation judiciaire
  8. <Andersen, AN (11993). « Ants as indicators of restoration success at a urnanium mine in tropical Australia. » Restoration Ecology 3/156-167.

Voir aussi

Articles connexes

Textes juridiques français

  • Loi no 67-563 du sur le règlement judiciaire, la liquidation des biens, la faillite personnelle et les banqueroutes
  • Loi no 85-98 du relative au redressement et à la liquidation judiciaires des entreprises

Bibliographie

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