Exercice du pouvoir politique par les femmes

L’exercice du pouvoir politique par les femmes a trait à la façon dont les femmes ont eu à exercer le pouvoir, en particulier depuis le XXe siècle, où leur émancipation politique s’est peu à peu ancrée dans la loi. Toutefois, certaines ont eu, en tant que monarques ou de spécificités propres à chaque civilisation, à exercer le pouvoir politique dans de nombreux pays depuis plusieurs millénaires, bien que cela soit souvent resté au stade d’exceptions.

Histoire

Au XXe siècle, parmi les 1941 dirigeants de pays indépendants, on ne compte que 27 femmes. Environ la moitié est arrivée au pouvoir comme veuve ou fille d'un homme dirigeant[1].

Selon la Banque africaine de développement, sur 42 pays où les statistiques sont disponibles, la féminisation de la chambre basse des Parlements africains est passée de 8 % à 22 % entre 1995 et 2015, avec même un pic à 64 % au Rwanda[2].

Une spécificité dans le mode de gouvernance ?

Dans son livre The Better Angels of Our Nature, Steven Pinker, psychologue à l'université Harvard, estime que si la violence humaine a progressivement baissé au niveau mondial, elle reste encore très présente. Il estime par ailleurs que « tout au long de l'histoire, les femmes ont été et continueront d'être des forces pacificatrices. La guerre traditionnelle est un jeu d'hommes : les femmes de tribus ne se réunissent jamais en bande pour attaquer les villages voisins » ou encore que « si les femmes avaient le dernier mot dans les décisions militaires, les nations mèneraient moins de guerres idiotes – c'est-à-dire qu'elles renonceraient aux interventions menées par la vengeance, liées au code de l'honneur ou encore militaire ». Cette analyse est toutefois critiquée, « une conception simpliste de la guerre et de l'implication des sociétés dans les grands conflits » estime la géopolitologue Barbara Loyer, en témoigne l'adhésion de nombreuses femmes au Parti nazi, de nos jours à des formations d'extrême droite en Europe ou islamistes en Tunisie ou en Iran, ou les exemples de femmes d'État qui n'ont pas hésité à conduire des guerres[1],[3]. Ainsi :

« Je constate que les femmes qui ont exercé le pouvoir dans le monde n’ont pas été douces : Margaret Thatcher en Grande-Bretagne, Benazir Bhutto au Pakistan, Indira Gandhi en Inde et Golda Meir en Israël. Êtes-vous sûre qu’elles ont apporté des valeurs plus pacifiantes et moins viriles ? »

 Le président français François Mitterrand à la ministre des Droits des femmes Yvette Roudy, pendant un conseil des ministres[4].

De même, le Pakistan compte historiquement un certain nombre de femmes dans les hautes sphères de l'État, sans que cela ne gêne la reproduction dans le pays d'un mode de pouvoir familial, avec des femmes politiques issues de grandes lignées. Dans son livre Des mères contre les hommes, l'ethnologue Camille Lacoste-Dujardin explique aussi le rôle des femmes dans la perpétuation de systèmes de domination, notamment par rapport aux relations amoureuses de leurs enfants, sans compter le fait qu'en France, les statistiques montrent que la moitié des mauvais traitements sur les enfants sont le fait des mères. Barbara Loyer note ainsi : « L'accession des femmes au pouvoir ne transforme la société que si elle est aussi la conséquence de profonds changements », citant en exemple les États-Unis, pays pourtant pionnier dans le combat féministe mais qui a vu la victoire de Donald Trump en 2016, ce qui serait la marque de la persistance d'un système de domination masculine[3].

Il demeure que les femmes dirigeantes sont parvenues au pouvoir dans des mondes politiques essentiellement masculins, selon des règles politiques établies par des hommes, donc en ayant du les utiliser aussi. La question de savoir si le genre revêt une importance dans l'exercice du pouvoir est dès lors débattue, notamment en ce qui concerne l'existence d'une propension particulière chez les femmes dirigeantes à la collaboration plutôt qu'à la rudesse[1]. Le fait que la majorité des criminels soit des hommes peut ainsi conduire à penser la violence comme avant tout masculine, certains chercheurs défendant par exemple l'existence de cellules dans les cerveaux féminins qui favorisaient l’empathie, quand d'autres relativisent les différences biologiques entre les sexes[3].

Cas de l'Inde
Indira Gandhi.

Dans une étude menée en 2007 sur la spécificité des femmes politiques indiennes par rapport aux hommes, la chercheuse Stéphanie Tawa Lama-Rewal écarte d'emblée toute vision angélique, citant l'autoritarisme d'Indira Gandhi quand elle était Première ministre. Plusieurs femmes politiques ont par ailleurs été impliquées dans des affaires de corruption, certaines usant d'un discours populiste, quand d'autres comme Mamata Banerjee n'hésitent pas à faire acte de violence physique à l'égard d'opposants. Si la chercheuse ne distingue donc pas de « spécificité féminine », elle identifie cependant chez ces femmes des stratégies de communication particulières. Elle note qu'en Inde, la féminité n'est pas seulement associée comme ailleurs à la maternité mais aussi au pouvoir, ce qui rend moins problématique que des femmes s'affirment sur la scène politique. Ainsi, Indira Gahndi se présentait comme une mère mais en insérant dans cette représentation sociale l'idée d'un « devoir maternel » vis-à-vis de la population, prétextant le service des autres pour justifier son autorité. Après la guerre indo-pakistanaise de 1971, elle mobilise par exemple dans sa communication la Dourga, déesse martiale et maternelle à la fois. Pour sa part, Jayalalithaa déclare après une victoire électorale en 2002 : « Le peuple du Tamil Nadu me considère comme sa mère, donc je pense que cette victoire est appropriée. Seule une mère sait ce que son enfant désire, et je vais prouver que je suis une bonne mère ». Il ne faut cependant pas occulter que la principale source de légitimité politique initiale de ces deux femmes est familiale (fille de Premier ministre pour la première et compagne d'un acteur et leader politique pour l'autre[5].

Stéphanie Tawa Lama-Rewal ajoute que les femmes politiques indiennes n'ont pas, en général, de programme politique spécialement destiné aux femmes. Ainsi, Indira Gandhi ne compta jamais de femmes ministres dans son cabinet ; certes, elle mobilisait parfois la cause des femmes, mais parmi d'autres thèmes et ne se présentait pas comme féministe. C'est surtout son fils Rajiv Gandhi qui mena une politique affirmée en ce sens, qualifiée de « féminisme d'État ». Au début des années 2000, les États indiens dirigés par des femmes ne comptent pas plus de femmes que d'hommes ministres, voire moins, et ses dirigeantes investissent peu les sujets typiquement féminins. Cependant, depuis la fin des années 1990, à la faveur d'un projet de loi prévoyant un quota de femmes au Parlement, plusieurs femmes politiques s'affirment pour la première fois comme des « championnes des femmes » en investissant publiquement ce thème[5].

Cas du Royaume-Uni

Dans un article portant sur la vie de trois suffragettes des années 1900-1910 devenues fascistes dans les années 1930 (Mary Sophia Allen, Norah Elam et Mary Richardson), l'historienne Myriam Boussahba-Bravard réfute l'idée fausse et pourtant courante selon laquelle les femmes seraient par « nature » inoffensives. Selon elle, cette considération « amène souvent à s'interroger sur le fait que des femmes aient été fascistes, nazies ou aient travaillé dans des camps de concentration. Une telle croyance a pour résultat de transformer ces femmes en monstres plus facilement que si elles avaient été des hommes ». À ce titre, elle rappelle que le premier groupe fasciste britannique fut fondé en 1923 par une femme, Rotha Lintorn-Orman[6].

Articles connexes

Références

  1. Joseph S. Nye, « Le "style féminin" et l'exercice du pouvoir », Le Figaro, 11-12 février 2012, p. 21.
  2. Amandine Réaux, « En Afrique, la féminisation de la politique est en marche », lemonde.fr, (consulté le )
  3. Barbara Loyer, « Les femmes au pouvoir. Une gouvernance sensiblement différente ? », hors série Le Monde-La Vie, n°19, « L'atlas des utopies », 2017, pp. 150-151.
  4. Christophe Deloire et Christophe Dubois, Sexus Politicus, éditions Albin Michel, 2006 [rééd. 2008], page 365.
  5. Stéphanie Tawa Lama-Rewal, « Les femmes et le pouvoir exécutif en Inde », Histoire @ Politique, 2007/1 (n° 1), Presses de Sciences Po.
  6. Myriam Boussahba-Bravard, « Les suffragettes de l’époque édouardienne et l’idéologie d’extrême droite dans l’entre-deux-guerres », in Philippe Vervaecke, À droite de la droite : Droites radicales en France et en Grande-Bretagne au XXe siècle, Presses universitaires du Septentrion, 2012.
  • Portail de la politique
  • Portail des femmes et du féminisme
Cet article est issu de Wikipedia. Le texte est sous licence Creative Commons - Attribution - Partage dans les Mêmes. Des conditions supplémentaires peuvent s'appliquer aux fichiers multimédias.