Ernst Hanfstaengl

Ernst Franz Sedgwick (« Putzi ») Hanfstaengl (né le à Munich - mort le à Munich) a été le soutien financier d'Hitler aux débuts du NSDAP, avant de devenir le chef du département de la presse étrangère jusqu'en 1937.

Jeunesse

Ernst Hanfstaengl, surnommé ironiquement « Putzi » (petit homme) alors qu'il mesurait près de deux mètres, est né à Munich, fils d'Edgar Hanfstaengl (en), photographe de la cour royale de Bavière et riche commerçant en reproductions d'œuvres d'art, et de son épouse Katharine, née Sedgwick-Heine.

En 1909, Ernst passe une année dans la Garde royale à pied de Bavière.

Il se rend peu après (1911) aux États-Unis, où il étudie à l'université Harvard. Resté aux États-Unis jusqu'en 1921, il ne participe pas à la guerre de 1914-1918. Deux de ses frères y perdent la vie.

Ayant épousé aux États-Unis le Hélène Elise Adelheid Niemeyer, fille unique d'un homme d'affaires de Brême émigré aux États-Unis, ils auront un fils, Egon, dont Adolf Hitler sera le parrain, et une fille, Hertha, qui mourut à l'âge de 5 ans.

Premières années dans l'entourage d'Hitler

Hanfstaengl rentre à Munich en juillet 1921. Un an après son retour et par l'entremise d'un ami de Harvard, Hanfstaengl accepte d'héberger temporairement chez lui Truman-Smith, un attaché militaire américain. Ce-dernier avait été dépêché à Munich pour suivre de près l'agitation politique qui sévissait en Bavière à cette époque. Au cours de son séjour à Munich, Truman-Smith demandera à Hanfstaegl de l'aider dans sa tâche en assistant en tant qu'observateur à une réunion du NSDAP et de lui communiquer ses impressions. Ernst Hanfstaengl accepte : c'est ainsi qu'il fit la connaissance du futur dictateur allemand.

Enthousiasmé par les discours d'Hitler, Hanfstaengl s'introduit auprès de lui et l'invite à sa demeure. Hitler accepte et les deux hommes finissent par se lier. C'est ainsi qu'en 1922, Hanfstaengl rejoint l'entourage nazi sans pourtant devenir un parteigenosse (il ne deviendra membre du parti qu'en 1931). C'est probablement pour cette raison qu'il ne reçoit pas à sa charge une fonction définie, même si le rôle qu'il joue dans le jeune NSDAP est de la première importance : issu d'un milieu aisé, Hanfstaengl parvient à introduire Hitler dans la haute société bavaroise et permet ainsi la récolte de fonds pour financer le parti. Hanfstaengl contribuera également personnellement : début 1923, il accorde au NSDAP un prêt sans intérêts de 1 500 USD, une véritable fortune à cette époque de crise, pour l'achat de deux presses rotatives. C'est grâce à cette contribution que le journal hebdomadaire du parti, le Völkischer Beobachter, parvient à devenir un quotidien en août 1923.

Hanfstaengl ne partage toutefois pas les vues du rédacteur en chef du journal, le philosophe mystique Alfred Rosenberg, célèbre pour son racisme, son anticléricalisme et son antisémitisme virulent. Hanfstaengl le juge inculte et dangereux, ainsi que la plupart des acolytes de Hitler à cette époque, comme Hermann Esser ou Christian Weber. Dans ses mémoires[1], Hanfstaengl n'hésite pas à qualifier la nomenclature nazie de « chauffeureska », désignant par là les qualités modestes de l'entourage de Hitler. Il se lie toutefois d'amitié avec Hermann Goering et Dietrich Eckart, qu'il juge davantage ouvert à la finesse et la culture.

En plus de ses nombreuses relations, Hanfstaengl est fort apprécié par Hitler pour ses talents de pianiste. Au cours des années qui mèneront le NSDAP au pouvoir, Hitler aurait fait appel à lui pour interpréter notamment des morceaux de Wagner et de Liszt. Hanfstaengl composera d'ailleurs plusieurs marches pour le parti, ainsi que la musique du film de Franz Wenzler intitulé « L'histoire de Hans Westmar », écrit par Hanns Heinz Ewers s'inspirant de la vie de Horst Wessel, .

Si Hanfstaengl a vite été conquis par la rhétorique de Hitler, il avait tout de même quelques sérieuses réserves à l'égard de ses opinions concernant la politique étrangère. Durant toute la période où il fut proche du Führer, il s'employa à le convaincre de l'importance d'une alliance avec les États-Unis. Aux yeux de Hanfstaengl, c'est grâce au rôle déterminant joué par l'Amérique dans la Première Guerre mondiale que la balance avait fini par pencher en faveur des Alliés. Il s'acharna donc à persuader le Führer d'œuvrer pour un rapprochement diplomatique avec les États-Unis, mais celui-ci continua à faire la sourde oreille et conserva sa vision géopolitique strictement continentale inspirée par la pensée de l'ex-Kaiser et de Clausewitz.

Le putsch de la brasserie

Le 8 novembre 1923, Hanfstaengl participe au putsch de la brasserie. Hitler compte sur sa maîtrise de la langue anglaise pour tenir la presse étrangère informée des événements. Le lendemain matin, en se rendant aux bureaux du Völkischer Beobachter, Hanfstaengl est informé de l'échec cuisant du putsch, provoqué entre autres par la désertion du triumvirat bavarois (von Kahr, von Lossow et von Seisser) durant la nuit. Hanfstaengl décide alors de quitter le pays et de rejoindre l'Autriche. Il ne participe donc pas à la fusillade de la Feldherrnhalle. Aidé par une de ses vieilles connaissances, l'amiral Hintze, Hanfstaengl parvient à Kufstein, au-delà la frontière autrichienne, dans la nuit du 9 novembre.

Hitler, dont l'épaule s'était déboîtée dans la fusillade, se réfugie dans la maison de campagne des Hanfstaengl, à Uffing, non loin de Munich. La femme d'Ernst Hanfstaengl, Hélène, s'occupe de soigner Hitler qui, traumatisé par l'échec du putsch, entreprend de rédiger son testament politique. Hanfstaengl va même jusqu'à affirmer dans ses mémoires que Hélène aurait empêché Hitler de mettre fin à ses jours[2]. Le , les forces de l'ordre viennent arrêter Hitler.

L'incarcération de Hitler à Landsberg am Lech permet à Rudolf Hess et à Alfred Rosenberg, tous deux fort peu appréciés par Hanfstaengl, d'agrandir leur influence sur l'ambitieux Autrichien. Au cours de cette période Hanfstaengl sera moins impliqué dans le mouvement nazi. Il reprend ses activités professionnelles et ne sera plus actif dans la gestion quotidienne du parti. Ce n'est qu'en 1932 que Hanfstaengl remonte sur le devant de la scène, aux côtés d'Hitler, pour participer en tant que chef du département de la presse étrangère aux élections législatives de la République de Weimar.

L'arrivée au pouvoir

Ernst Hanfstaengl avec Hitler et Göring, en 1932.

La crise économique de 1929 a pour conséquence de relancer le succès populaire du NDSAP. À la demande du Führer, Hanfstaengl, devenu membre du parti en 1931, accepte le poste officiel de chef du département de la presse étrangère. Il reçoit des bureaux au troisième étage de la Maison brune, à côté du département de Heinrich Himmler. Afin d'amener Hitler à s'intéresser davantage à la politique étrangère, il tente d'organiser une rencontre entre Hitler et Winston Churchill, ce dernier étant de passage à Munich. Cette rencontre n'a cependant pas lieu par suite d'un caprice d'Hitler. Plus tard, en février 1934, Hanfstaengl profite d'un voyage visant à obtenir la diffusion du film L'histoire de Hans Westmar en Italie, pour rencontrer Mussolini. Sa véritable ambition, partagée par Konstantin von Neurath, est de régler une rencontre entre le chef fasciste et Hitler afin d'améliorer les relations entre l'Allemagne et l'Italie. Le Duce souscrit à la proposition de Hanfstaengl et projette d'inviter Hitler au palais Vendramin Calergi, l'endroit où Wagner avait rendu l'âme. Mais Hitler ne donne pas suite à l'invitation de Mussolini, prétextant un agenda intérieur trop chargé.

Le voyage aux États-Unis que Hanfstaengl effectue en juin 1934 sonnera l'heure de sa disgrâce au sein du NSDAP. Alors qu'il part simplement à la vingt-cinquième réunion de la promotion de Harvard, son voyage suscite une vive critique et il est accueilli à New York par une manifestation de gauche désirant son expulsion immédiate. Il parvient toutefois à gagner l'université et participe aux festivités. Au cours de celles-ci, Hanfstaengl se fait photographier en serrant la main à Max Pinansky, ancien étudiant de Harvard, ignorant qu'il s'agissait d'un juif. Cette photographie paraît ensuite dans tous les journaux des États-Unis, ce qui provoque chez Hitler une rancœur profonde à l'égard de Hanfstaengl.

La rupture avec le parti

De retour à Berlin, Hanfstaengl critique vivement ce qui s'est déroulé lors de son absence, à savoir la nuit des Longs Couteaux. Il mène sa propre enquête auprès du général Walter von Reichenau et de Sepp Dietrich afin de savoir ce qui s'est réellement passé, mais sans succès. Ces investigations et ses tentatives répétées visant à modérer les convictions politiques du Führer finissent par lui mettre à dos l'ensemble des chefs du parti. Hanfstaengl fait également usage de son influence pour éviter certaines exécutions, comme celle d'Ernst Reuter, l'ancien maire socialiste de Magdebourg, ce qui ne plaît pas à l'aile radicale du parti représentée par Rudolf Hess et Joseph Goebbels. Une profonde inimitié naît d'ailleurs entre ce dernier et Hanfstaengl, car Goebbels désire, en tant que chef de la propagande, s'octroyer tout ce qui a trait à la presse étrangère.

En février 1937, Hitler et Goebbels élaborent un mauvais tour à Hanfstaengl afin de faire cesser son comportement jugé trop critique. Ils font mine de vouloir l'envoyer en Espagne, alors en pleine guerre civile, avec pour mission de coordonner les services de presse allemands. Dans l'avion toutefois, le pilote informe Hanfstaengl qu'il a reçu l'ordre de le parachuter au-delà des lignes communistes. Tout cela n'est cependant qu'un coup monté, l'avion ne faisant rien d'autre que quelques tours au-dessus de l'Allemagne. Hanfstaengl est néanmoins pris de panique et, après avoir atterri à Leipzig, il quitte immédiatement le territoire allemand pour se réfugier à Zurich.

Hanfstaengl, agent de Roosevelt

Après avoir réussi à faire sortir son fils Egon d'Allemagne, Hanfstaengl se réfugie en Angleterre. Une fois qu'éclate la Seconde Guerre mondiale, il est interné dans différents camps anglais, avant d'être transféré au Canada. Le , Hanfstaengl est transféré à Bush Hill, une petite localité près de Washington, afin d'opérer comme conseiller présidentiel en politique et psychologie pour la guerre contre le Troisième Reich. Il tente en vain de faire comprendre que l'exigence de la capitulation sans conditions de l'Allemagne permettra à Hitler de se battre jusqu'au bout. En septembre 1944, lorsque la victoire alliée est assurée, Hanfstaengl est renvoyé dans un camp en Angleterre, sur l'île de Man. La guerre finie, il passe encore six mois dans le camp de Recklinghausen en Allemagne, avant d'être libéré en fin 1946. Il publie Hitler: The Missing Years en 1957 et meurt en 1975. Il est enterré au cimetière de Bogenhausen.

Dans la fiction

Putzi, roman de Thomas Snégaroff, paru en 2020 chez Gallimard, (ISBN 978 2 07 290414 1). Cette fiction suit assez fidèlement une partie de la vie de Hanftstaengl et donne une version romanesque de ses rapports avec Hitler.

Notes et références

  1. (de) Ernst Hanfstaengl, Zwischen Weißem und Braunem Haus : Memoiren eines politischen Außenseiters, Munich, Piper Verlag, , 402 p. (ISBN 3-492-01833-5)
  2. « Als meine Frau mit fliegender Hast die Treppe zu Hitlers Bodenkammer emporstürmte, trat ihr dieser im Vorraum seines Schlupfwinkels mit gezücktem Revolver entgegen. ‚Das ist das Ende‘, schrie er, ‚Mich von diesen Schweinen verhaften lassen - niemals! Lieber tot!‘ Doch bevor er seinen Worten noch die Tat folgen lassen konnte, hatte meine Frau bereits den wirksamen Jiu-Jitsu-Griff des Polizeimannes aus Boston praktiziert und in hohem Bogen flog der Revolver in ein entfernt stehendes Faß, rasch begraben von einem darin befindlichen Hamstervorrat an Mehl. », Ernst Hanfstaengl, op. cit., p. 6

Les informations contenues dans cet article proviennent de :

  • Ernst Hanfstaengl (trad. Claude Noel), Hitler : les années obscures, Paris, Éditions de Trévise, , 354 p., rééd. 2018, Perrin.
  • M. AYCARD et P. VALLAUD, Encyclopédie du Troisième Reich, Paris, Éditions Perrin, 2008

Voir aussi

Bibliographie

  • (en) Ernst Hanfstaengl, Hitler : The Missing Years, New York, Eyre & Spottiswoode, , 308 p. (ISBN 978-1-55970-278-2 et 978-1-559-70272-0, OCLC 231637938, lire en ligne)
  • Ernst Hanfstaengl (trad. Claude Noël), Hitler : les années obscures, Paris, Éditions de Trévise, , 354 p.
  • (de) Ernst Hanfstaengl, Zwischen Weißem und Braunem Haus : Memoiren eines politischen Außenseiters, Munich, Piper Verlag, , 402 p. (ISBN 3-492-01833-5)
  • (en) Ernst Hanfstaengl, The Unknown Hitler : Notes from the Young Nazi Party, Londres, Gibson Square Books, , 449 p. (ISBN 1-903933-24-2)
  • (en) Peter Conradi, Hitler's Piano Player : The Rise and Fall of Ernst Hanfstaengl, Confidant of Hitler, Ally of FDR, New York, Carroll & Graf, , 352 p. (ISBN 0-7867-1283-X)

Articles connexes

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