Horst Wessel
Horst Wessel est un militant nazi allemand, membre de la SA, né le à Bielefeld et mort assassiné le à Berlin.
Pour les articles homonymes, voir Horst Wessel (homonymie).
Horst Wessel | |
Horst Wessel en uniforme de Sturmführer de la SA (1929). | |
Nom de naissance | Horst Ludwig Georg Erich Wessel |
---|---|
Naissance | Bielefeld (Empire allemand) |
Décès | Berlin (république de Weimar) |
Origine | Empire allemand |
Allégeance | Sturmabteilung |
Type de militance | Action directe violente |
Cause défendue | NSDAP |
Années de service | – |
Membre de la SA (Sturmabteilung, organisation paramilitaire liée au parti nazi, il atteint finalement le grade de Sturmführer, qui a été considéré comme l'équivalent de sous-lieutenant
Abattu dans son appartement par un militant communiste, il fut érigé en héros et martyr par les nationaux-socialistes. Divers hommages lui furent rendus par le parti nazi, puis par le Troisième Reich à partir de 1933. Notamment, un chant, le Horst-Wessel-Lied, dont il avait écrit le texte, est devenu une sorte de second hymne national, officieux mais très joué entre 1933 et 1945. Un bateau appartenant à la Kriegsmarine, 5 unités de la la Luftwaffe et la 18e division SS Horst Wessel ont porté son nom.
Jeunesse et carrière
Horst Wessel est l'aîné de trois enfants (dont sa sœur Ingeborg et son frère Werner) du pasteur évangélique luthérien Wilhelm Ludwig Georg Wessel (de) (1879-1922) originaire de la Hesse qui officia de 1906 à 1908 au temple Saint-Paul de Bielefeld puis à l'église Saint-Pierre de Mühlheim (dans la Ruhr) de 1908 à 1913, et de Luise Margarete Wessel. À partir de 1913, le père exerce son ministère au sein du temple Saint-Nicolas de Berlin, le plus ancien de la ville. Sa mère Luise Margarete Wessel, née Richter, est également issue d'une famille de pasteurs luthériens de la région de Hamelin. Installés à Berlin, ils résident au numéro 51/52 de la Judenstrasse (de) dans le quartier juif de Scheunenviertel. Pendant la Première Guerre mondiale, le père de Horst Wessel est enrôlé comme aumônier évangélique luthérien de l'état-major du maréchal von Hindenburg sur le front russe[1]. Après la révolution de novembre 1918, le père de Wessel, qui est toujours resté fidèle à l'Empire, s'engage politiquement dans les rangs de la droite conservatrice.
Horst Wessel suit les cours du lycée de Kölln (Köllnisches Gymnasium) à Berlin de 1914 à 1922, puis rejoint pour quelques mois le lycée de Königsstadt (Königstädtisches Gymnasium) situé sur l'Alexanderplatz de Berlin, où il aurait été camarade d'école de Sebastian Haffner[2]. Il finit ses études secondaires au lycée de Luisenstadt (Luisenstädtisches Gymnasium) où il obtient son baccalauréat (Abitur) en février 1926. Il entre à l'université Frédéric-Guillaume de Berlin (devenue depuis lors l'université Humboldt) le pour suivre le semestre d'été de la faculté de droit. Il y poursuit ses études durant sept semestres successifs jusqu'au mois d'octobre 1929, date à laquelle il quitte définitivement l'université, sans avoir obtenu de titre universitaire et il se consacre à plein temps aux activités de la SA et du parti nazi (NSDAP créé en 1920). Au cours de ses études universitaires, il a été membre des corporations d'étudiants Normannia Berlin (de) et Alemannia Wien zu Linz (de)[3].
Après l'abandon de ses études, il travaille comme chauffeur de taxi et comme ouvrier dans la construction du métro de Berlin. Il s'efforce alors de se rapprocher du monde des travailleurs où il tente de convertir les partisans communistes aux idées du parti national-socialiste[4].
Activisme politique
D'une manière générale, Horst Wessel apparaît comme un individu fortement politisé à l'image de beaucoup de jeunes hommes de sa génération qui ont été confrontés dans leur enfance aux affres de la défaite de l'Allemagne et des tentatives de conseils ouvriers issues de la Première Guerre mondiale[5]. Ainsi Daniel Siemens explique dans son livre[5] qu'il avait dès 21 ans une très haute opinion de lui-même. Il a ainsi écrit au cours de l'été 1929 un manuscrit d'environ soixante-dix pages qui était une profession de foi politique assise sur une biographie inachevée et illustrée de nombreuses photos personnelles intitulée Politika. Il est également l'auteur d'un journal de voyage, Von Land und Leuten. Meine Fahrten und Reisen. Ces deux manuscrits rachetés par le Reich à sa famille en 1938 furent entreposés au Couvent cistercien de Grüssau (aujourd'hui Krzeszów en Pologne) avec de nombreux autres œuvres du troisième Reich qui tombèrent aux mains du gouvernement de Pologne après la guerre. Ces manuscrits aujourd'hui entreposés à Cracovie auraient, selon Daniel Siemens, été longtemps négligés dans l'étude de la vie de Horst Wessel, mais sont riches d'informations sur l'intéressé, sur sa vie, sa vision de la politique et son interprétation de sa place dans le jeu politique de l'époque, à l'instar de très nombreux jeunes hommes de sa génération.
Les débuts dans les mouvements patriotes de droite
L'activisme politique de Horst Wessel commence dès l'adolescence. En 1922, à l'âge de 15 ans, il s'enrôle dans les Bismarckjugend (de) (les jeunesses bismarckiennes) l'organisation de jeunesse du parti conservateur « Deutschnationale Volkspartei » (DNVP). Il est tout d'abord rattaché au groupe local numéro 47 (Ortsgruppe 47) avant d'être transféré au groupe local « Kronprinzessin » (Ortsgruppe Kronprinzessin) en 1924. Durant cette période, il crée un groupe d'autodéfense (Selbstschutzgruppe) qui participe au service d'ordre et à l'encadrement des réunions politiques du parti. C'est au cours de cette période qu'il commence à participer aux bagarres et combats de rues contre les organisations de jeunesses socialistes ou communistes de Berlin notamment au sein du Rollkommando Friedrichshain (qui pourrait être le nom de son groupe d'auto-défense [réf. nécessaire]).
En , sans avoir quitté les Bismarckjugend, il rejoint le Bund Wiking, organisation née à la suite de la dissolution de l'organisation Consul (elle-même née de la dissolution du Corps franc brigade Ehrhardt) ainsi que le Sportverein Olympia (association sportive « Olympia », héritière du corps franc Reinhard (de))[6]. Au printemps 1924, il suit une formation de plusieurs semaines au sein de la Reichswehr noire. Horst Wessel considère dès cette époque qu'une organisation politique activiste est destinée à atteindre des objectifs concrets et qu'elle perd de son intérêt en abandonnant ces derniers. C'est pour ces raisons qu'il quittera ces deux organisations respectivement en et à l'automne 1926. De ce passage dans ces formations il conservera et développera des qualités de commandement, d'organisateur et d'orateur qui seront mises à profit dans ses futures fonctions au sein du parti nazi et des SA.
Activités au sein du NSDAP et des SA
Horst Wessel entre au Parti national-socialiste des travailleurs allemands (le NSDAP) le avec le numéro de matricule 48434[7]. Il rejoint en même temps la Sturmabteilung (la SA) au sein du « Sturm 2 » subordonné à la « SA-Standarte I » (régiment SA no I) dans le quartier berlinois de Bötzow (aujourd'hui situé dans le district de Pankow-Prenzlauer Berg). Ses premières activités s'apparentent à celles qu'il menait auparavant, à savoir assurer le service (notamment le service d'ordre, mais pas seulement) au cours des manifestations et réunions organisés par le parti nazi. De 1926 à 1928, Horst Wessel évolue progressivement au sein des unités locales de la SA agissant essentiellement dans les quartiers centraux de Berlin de Friedrichshain, Prenzlauer Berg et Mitte. Au cours de cette période, il impressionne suffisamment les cadres du parti nazi par sa motivation et son engagement pour attirer l'attention de Joseph Goebbels qui avait été nommé par le NSDAP responsable de la « conquête » de Berlin (la ville était une ville majoritairement social-démocrate et communiste, dans laquelle le NSDAP avait du mal à s'implanter)[8]. Goebbels et Wessel se rencontreront à plusieurs reprises par la suite dans le cadre notamment des activités de propagande de la SA dans les quartiers ouvriers de Berlin. Cette raison semble avoir justifié son envoi à Vienne de janvier à pour suivre une formation sur les Hitlerjugend ainsi que sur les méthodes tactiques et l'organisation du parti nazi, alors qu'à Berlin, les groupes en uniforme avec armes ou sans étaient interdits par le gouvernement de la république de Weimar, après la tentative de putsch à Munich par Hitler en 1923, dans une vaine tentative de réduire les violences et les combats de rues entre les groupements nazis et les groupuscules socialistes et communistes. Cette interdiction fut toutefois abolie à compter de 1926.
À la suite de la levée de cette interdiction, les SA de Berlin connurent une réorganisation qui vit la réaffectation de Horst Wessel au « Sturm 1 - Alexanderplatz » de la « SA-Standarte IV », responsable du nord et du centre de Berlin. Le , Horst Wessel est nommé chef du « SA-Trupp 34 » (groupe 34) responsable du quartier ouvrier de Friedrichshain où il réside. Ce groupe reprit le l'appellation « SA-Trupp 5 » (qui venait d'être dissous) lequel obtient dès le sa transformation en « SA-Sturm 5 » compte tenu des succès de recrutement de Wessel entre les deux dates (passés de 30 à plus de 80 en quinze jours, les effectifs de cette unité s'élèveront à 250 à la date de sa mort[6]. Le SA-Sturm 5 avait la réputation, chez les groupes socialistes et communistes, d'être d'une bande de matraqueurs particulièrement brutale. Il évoluait dans un quartier particulièrement hostile où les communistes étaient majoritaires. Ainsi lorsque l'unité de Wessel organisait des marches dans le quartier, elles étaient encadrées par la police pour éviter les affrontements.
Dans le but de développer son mouvement et pour contrer les groupes d'action communistes dans le quartier, Horst Wessel prit une initiative unique mais payante[9] : jouant lui-même du chalumeau (instrument de musique ancêtre de la clarinette), il créa, en , un petit orchestre pour animer les manifestations du parti nazi dans le quartier, alors même que l'usage de cet instrument était interdit par le NSDAP car il était d'usage très courant au sein des mouvements et des manifestations communistes[1]. C'est au début de l'année 1929 que Horst Wessel aurait écrit le poème portant initialement le titre Die Fahne hoch, die Reihen dicht geschlossen, qui fut publié le dans un supplément du journal nazi der Angriff sous la houlette de Joseph Goebbels. C'est ce poème qui, mis en musique sur l'air d'un ancien chant populaire de marins, deviendra le Horst-Wessel-Lied qui, après la mort de son auteur, sera adopté comme hymne officiel du parti nazi.
À cette époque, l'Alexanderplatz était le centre de la vie nocturne berlinoise et faisait partie du territoire de l'unité de Wessel. Le quartier était une forteresse du Parti Communiste Allemand (Kommunistische Partei Deutschlands-KPD) et du Roter Frontkämpferbund-RFB (Fédération des combattants du front rouge)[8], organisation interdite, mais toujours active dans les quartiers tenus par les communistes. Le quartier était également un haut lieu de la criminalité et de la prostitution de Berlin. Finalement, ce quartier représentait typiquement ce que les nazis souhaitaient combattre à Berlin. Horst Wessel, avec ses qualités de propagandiste et de recruteur à succès, était donc tout à fait indiqué pour répondre aux attentes du parti nazi. C'est pour ces raisons que Wessel se faisait un devoir d'écumer les bars et cafés de la place et du Scheunenviertel adjacent pour y tenir des débats dans l'espoir de recruter de nouveaux partisans. Il y connut un certain succès notamment en retournant un certain nombre de jeunes communistes, bâtissant ainsi sa réputation auprès des groupes d'activistes communistes du quartier.
Le meurtre
Contexte et prémices
C'est au cours d'une tournée de propagande dans l'un de ces bars, le Mexico, qu'il rencontre une jeune prostituée occasionnelle de 24 ans nommée Erna Jänicke (également écrit Jaenicke, voire Jäniche ou Jaeniche)[6] au mois de . Cette idylle ne plaisant pas à sa mère, Horst Wessel quitte cette dernière pour s'installer provisoirement chez Erna dans la Palisadenstrasse, avant de sous-louer une chambre dans l'appartement d'une dénommée Elisabeth Salm situé au numéro 62 de la Großen Frankfurter Straße (devenue aujourd'hui Karl-Marx-Allee) à partir du . Elizabeth Salm prend des vacances en Rhénanie à l'automne de cette année. Wessel ayant payé un an de loyer en avance, sa logeuse lui laisse tout l'appartement à sa disposition pendant son absence. Wessel en profite pour demander à Erna Jänicke de le rejoindre dans l'appartement. C'est ce dernier événement qui provoque le différend entre Wessel et Salm au sujet notamment du loyer de l'appartement. Wessel y tient par ailleurs des réunions politiques avec certains de ses camarades de la SA.
D'une manière générale, l'arrivée d'Erna Jänicke a un effet non négligeable sur les activités de Horst Wessel[1]. En effet, c'est en octobre qu'il abandonne ses études à l'université. C'est également à cette époque qu'il commence à travailler comme chauffeur de taxi et comme ouvrier du bâtiment dans la construction du métro. La légende propagée par les nazis à la suite de sa mort voudra que ces changements visaient à se rapprocher de ses camarades travailleurs. Les raisons de ces évolutions seraient beaucoup plus triviales selon Heinz Knobloch : ayant quitté sa mère en mauvais termes (probablement à cause d'Erna), Wessel n'était plus entretenu et dut se mettre à travailler pour subvenir à ses besoins et à ceux d'Erna[9] de sorte qu'elle n'ait plus à se prostituer.
La mort de son frère le , au cours d'un séjour aux sports d'hiver dans le Riesengebirge à la frontière tchécoslovaque[4], auquel Horst Wessel lui avait lui-même conseillé de s'inscrire[10] l'a incité à retourner provisoirement chez sa mère entre fin et début . Au cours de cette période, Elisabeth Salm, revenue de son séjour rhénan, commence à remettre en cause la sous-location de Horst Wessel. Les activités de ce dernier au sein du parti nazi mais également les désaccords liés au loyer compte tenu de l'arrivée d'Erna Jänicke sont à l'origine de la démarche d'Elizabeth Salm, laquelle était la veuve d'un membre du parti communiste (également membre du Rotfrontkämpferbund) et, ce faisant, elle connaissait certains responsables et hommes de main du parti nazi dans le quartier de Friedrichshain et autour de l'Alexanderplatz.
Circonstances et déroulement
Au soir du , vers 21 h, Elizabeth Salm qui ne parvenait pas à expulser Horst Wessel de son appartement, se rendit au Café Bär situé Dragonerstraße 48 (actuelle Max-Beer-Straße (de)[10]), quartier général du 2e groupe de garde (2.Bereitschaft) des Sections d'assaut communistes (celles-ci remplaçaient le Rotfrontkämpferbund interdit depuis l'année précédente) du quartier de Mitte. Elle espérait y trouver plusieurs camarades de son mari qui fut lui-même membre du RFB avant sa mort, comme mentionné plus haut. Selon les déclarations de Hermann Kupferstein, chef des Sections d'assaut communistes du quartier au moment des faits, elle exposa ses problèmes privés sans que cela intéresse grand monde jusqu'à ce qu'elle évoque le nom de Horst Wessel lequel était déjà très connu par les communistes du quartier. Il fut alors décidé par les personnes présentes d'aider la veuve et de donner une « correction prolétarienne » au jeune national-socialiste.
Tel que l'a établi le procès du mois de , le groupe principal qui a quitté le Café Bär comprenait les frères Max Jambrowski, Walter Jambrowski et Willi Jambrowski, l'ouvrière Else Cohn ainsi qu'un nombre indéterminé d'individus, tous membres ou sympathisants du KPD[6],[10]. La présence d'une arme chez Wessel ayant été évoquée par Elizabeth Salm, Max envoya un dénommé Walter Junek, au Café Galsk au coin de la Mulackstraße et de la Gormannstraße, quartier général du 3e groupe de garde (3.Bereitschaft), pour rallier Erwin Rückert et Albrecht Höhler, respectivement chef et adjoint de ce groupe de garde, tous deux connus pour être des possesseurs d'arme, sans autorisation . Tous se rendirent en groupes dispersés au 62 de la Große Frankfurter Straße qui se trouve à une vingtaine de minutes à pied et où se trouvait Horst Wessel en compagnie d'Erna Jänicke et de l'une de ses amies, Klara Rehfeld. Pendant que les autres faisaient le guet, Cohn, Rückert, Höhler et Walter Jambrowski entrèrent dans l'appartement d'Elizabeth Salm et se rendirent dans la cuisine où ils furent rapidement rejoints par Joseph Kandulski.
Après avoir chargé leurs armes, Rückert et Höhler accompagnés de Kandulski[9] se placèrent devant la chambre de Wessel et frappèrent à la porte. Wessel, qui attendait la visite de l'un de ses camarades SA, ouvrit. Immédiatement après lui avoir crié de mettre les mains en l'air, Albrecht Höhler fit feu directement dans le visage de Wessel qu'il atteignit à la mâchoire. Selon les déclarations de Höhler lors du procès, Wessel aurait immédiatement compris la situation à l'ouverture de la porte et aurait, toujours d'après Höhler, tenté de saisir quelque chose dans sa poche. C'est pourquoi Höhler aurait alors saisi son pistolet dans sa poche, ce geste ayant entraîné l'effacement involontaire de la sûreté de l'arme. Le coup serait alors parti par inadvertance. Il ajoute même qu'il n'a pas pu viser comme le confirme l'autopsie qui explique que l'angle du tir est incliné du bas vers le haut et non horizontal[11]. Le groupe fit ensuite irruption dans la chambre pour la fouiller à la recherche de documents de propagande et de l'arme de Wessel qu'ils trouvèrent rapidement dans une armoire. En repartant, Höhler aurait donné un coup à sa victime en lui disant « tu sais bien pourquoi[6],[1] », puis se serait enfui.
Il semble que ce soit Elizabeth Salm qui s'occupa du blessé tandis qu'Erna et Klara alertaient le parti nazi par téléphone. Les événements suivants, jusqu'à l'arrivée de la police et l'évacuation du blessé, restent confus. En effet, Richard Fiedler, qui est arrivé entre-temps, aurait procédé à un nettoyage en règle de l'appartement afin d'en faire disparaître des éléments compromettants de propagande nazie[12]. Erna Jäniche affirmera que la légende selon laquelle Wessel aurait refusé les premiers soins du Dr Max Selo, le médecin de famille juif d'Elisabeth Salm, ne correspond en rien à la vérité. Compte tenu de l'état du blessé, il apparaît plus vraisemblable que ce soit Richard Fiedler qui ait refusé ces premiers soins, peut-être de manière à terminer son travail de nettoyage. Heinz Knobloch affirme cependant que ce serait bien Horst Wessel lui-même, s'adressant à Elisabeth Salm qu'il ne voulait pas d'un médecin juif[9]. Quoi qu'il en soit, Horst Wessel ne sera évacué vers le service des urgences de l'hôpital Saint-Joseph de Friedrichshain (aujourd'hui dénommé Vivantes Klinikum im Friedrichshain (de)[13]) que vers 22 h 50. Il y subit une opération d'urgence jusqu'à 0 h 45. La police criminelle notera cependant dès le , que « l’état de l'intéressé serait sans espoir » et l'hôpital confirmera le même jour que l'intéressé n'est pas en mesure d'être entendu. Horst Wessel sera soigné pendant cinq semaines. Vers le milieu du mois de février, son état se dégradera cependant compte tenu de son état de faiblesse. Horst Wessel succombera finalement le des suites d'une infection du sang.
La question des responsabilités
Dès le lendemain des faits, le KPD vit le danger que cette affaire pouvait représenter pour son image dans le contexte socio-politique de l'époque. Il rejeta immédiatement toute responsabilité dans les événements. Max Jamborwski dès le soir même rassembla les participants de l'expédition dans l'arrière salle du Café Bär, pour menacer chacun d'une balle dans la tête, s'il parlait de l'affaire. Les cadres du KPD eurent tôt fait de se rendre compte que les événements pourraient difficilement être présentés sous l'angle de la légitime défense et ne souhaitaient pas que le KPD soit mis en relation avec cette affaire.
Le KPD s'efforça d'emblée de dépeindre les événements comme un règlement de comptes entre souteneurs initié par un différend entre une logeuse et son locataire. Ainsi Elisabeth Salm fut elle convoquée quelques jours après les événements au Karl-Liebknecht-Haus (de) siège du KPD situé sur la Bülowplatz, pour lui demander de soutenir cette thèse devant la police, ce dont elle s'abstint finalement[6]. Le KPD fit également paraître dans son organe officiel Die Rote Fahne un article intitulé « Un chef SA abattu par jalousie » laissant entendre que Wessel avait été tué par un autre souteneur pour lui avoir pris l'une de ses filles, à savoir Erna Jänicke. Höhler affirmera enfin devant le tribunal que les membres du KPK ont insisté pour qu'il décrive les faits en les présentant comme la vengeance spontanée d'un souteneur qui se serait fait voler sa fiancée et non comme une action politique. Le fait que Wessel fut également un souteneur fut également démenti lors du procès par Elisabeth Salm.
À l'inverse, les journaux de droite ainsi que l'organe officiel du parti nazi, Der Angriff mirent immédiatement l'accent sur le caractère politique du meurtre et sur la responsabilité du KPD comme commanditaire de l'opération[14]. Cette action visiblement improvisée par des membres de base du parti sans implication des instances de direction met en lumière une des difficultés de l'époque du KPD qui connaissait régulièrement des problèmes pour maîtriser les improvisations parfois hasardeuses de sa base militante.
Cette attaque pour improvisée qu'elle fût, présentait cependant une caractéristique unique qui fut habilement exploitée par les nazis. En effet, même si à l'époque la violence politique – au travers de bagarres de rues ou d'autres actions entraînant parfois des décès – éclatait fréquemment, celle-ci s'exerçait avant tout dans des locaux ou des lieux publics, en marge des manifestations. Elle ne se produisait jamais dans les espaces privés, d'autant que les adversaires vivaient parfois sur le même palier.
La police criminelle de Berlin, de son côté, ne tarda pas à identifier les auteurs et dès le elle émit un avis de recherche assorti d'une récompense de 500 Reichsmark pour toute information d'intérêt à l'encontre d'Allbretcht Höhler. Il avait en effet été rapidement identifié par Erna Jänicke. Il ne fut jamais clairement établi comment tous deux se connaissaient. Après avoir été caché un temps par ses camarades du parti communiste allemand et de l'ex-RFB à Berlin puis ayant fui un temps à Prague, Albrecht Höhler fut finalement arrêté par la police à Berlin.
Le procès
Le procès débute le devant la cour pénale du district de Moabit à Berlin. Il connut dès son ouverture ce que l'on nommerait aujourd'hui un fort intérêt médiatique[9]. Le grand nombre des prévenus, la présence de femmes, la forte politisation de l'affaire, tous ces éléments contribuèrent à cet intérêt public. Compte tenu des troubles attendus en provenance des communistes ou du parti nazi, le tribunal fit l'objet de mesure de protection particulières de la part de la police.
Le nombre des accusés s'élève à 17 personnes : Albrecht Höhler, Erwin Rückert et Joseph Kandulski comparaissent pour homicide volontaire. Tous trois étaient en détention provisoire. Elisabeth Salm, Max Jambrowski, Willi Jambrowski, Walter Jamborwski, Else Cohn et Walter Junek, à savoir tous ceux qui se trouvaient dans l'appartement ou devant le bâtiment au moment des faits comparaissent pour complicité d'homicide volontaire. Les huit autres prévenus comparaissent pour complicité dans le cadre de l'aide fournie à Höhler après les faits. Tous faisaient partie de la Rote Hilfe.
Les accusés furent défendus par cinq avocats mandatés par le KPD qui paya leurs honoraires. Alfred Apfel (de), ténor du barreau berlinois fut seul chargé de défense de Höhler. Les autres prévenus furent représentés par Fritz Löwenthal (de), James Broh (en), Hilde Benjamin et un dénommé Fuchs[6].
Les débats durèrent cinq jours oscillant entre l'argumentaire sur le crime politique et la théorie du règlement de comptes par jalousie. Ils se conclurent par le prononcé des condamnations suivantes :
- Höhler et Rückerts furent condamnés à six ans de pénitencier plus un mois pour port d'arme illégal. Rückerts fut condamné à la même peine en raison de son casier judiciaire plus lourd que celui de Höhler ;
- Kandulski n'ayant pas d'antécédents judiciaires obtint la peine minimale pour complicité de meurtre soit cinq ans de pénitencier, et un mois supplémentaire pour le vol du révolver de Wessel ;
- Max Jambrovski considéré comme le meneur de l'expédition fut condamné à deux ans de prison ;
- Walter et Willi Jambrovski de même qu'Elisabeth Salm écopèrent d'un an et six mois de prison ;
- Walter Junek et Else Cohn furent chacun condamnés à un an de prison ;
- Hermann Kupferstein, Theodor Will, Wilhelm Sander, Viktor Drewnitzki eurent droit à une peine de quatre mois de prison.
L'une des phrases figurant à la fin du verdict est essentielle et stipule que « il est attesté pour tous les prévenus condamnés, qu'ils ont agi par conviction politique », évacuant ainsi définitivement le mobile de la jalousie et de la rixe entre proxénètes[9].
Hommages
La chanson dont il avait écrit le texte en 1927, le Horst-Wessel-Lied (Die Fahne hoch) devint à sa mort l'hymne du parti nazi, ainsi que l'hymne national allemand officieux de 1933 à 1945. Un film de propagande, Hans Westmar, fut réalisé en s'inspirant de son histoire.
La Kriegsmarine lança un trois-mâts barque au nom de Horst Wessel qui fut capturé par les États-Unis et renommé Eagle.
En , la 18e SS Freiwilligen Panzergrenadier également appelée division Horst Wessel fut créée en son honneur.
L'ancienne « Bulöwplatz », dans le quartier de Berlin-Mitte, fut rebaptisée en 1933 « Horst-Wessel-Platz » (de même que la station de métro homonyme). Elle a ensuite été rebaptisée « Liebknechtplatz » en 1945 par les autorités d'occupation soviétique et porte aujourd'hui le nom de Rosa-Luxemburg-Platz, nom attribué à l'époque de la RDA[15].
Du au , « Horst Wessel » a également été le nom de baptême de plusieurs unités de la Luftwaffe, ce de manière successive :
Nom | Début | Fin |
---|---|---|
Jagdgeschwader 134 | ||
Jagdgeschwader 142 | ||
Zerstörergeschwader 142 | ||
Zerstörergeschwader 26 | ||
Jagdgeschwader 6 | ||
- Régiment SA "Horst Wessel" en 1933 à Berlin, avec l'étendard portant son nom.
- Un Messerschmitt Bf 110 de l'escadrille Horst-Wessel au ravitaillement d'essence (France, , à l'époque de la bataille d'Angleterre, essentiellement aérienne).
Notes et références
- Baird 1992, p. à préciser.
- Jacques Schuster, « Anmerkungen zu Haffner », Die Welt, (lire en ligne, consulté le ).
- Kösener Corpslisten (de) (liste des corporations de Kösen) 1930, 7, 461a; 131, 187
- Literature and Film in the Third Reich", de Karl-Heinz Schoeps.
- Siemens 2009, p. 33.
- Siemens 2009, p. à préciser.
- .
- Uwe Klussmann (29 novembre 2012), The Ruthless Rise of the Nazis in Berlin Der Spiegel
- Knobloch 1993, p. à préciser.
- .
- Knobloch 1993, p. 45-46.
- .
- .
- Lemmons 1994, p. à préciser.
- Horst-Wessel-Platz.
Annexes
Bibliographie
- (en) Jay W. Baird, To die for Germany : Heroes in the Nazi Pantheon, Indiana University Press, , 329 p. (ISBN 978-0-253-20757-9, lire en ligne).
- (de) Hanns Heinz Ewers, Horst Wessel-Ein deutsches Schicksal, Cotta, .
- Hanns Heinz Evers (trad. de l'allemand), Horst Wessel : tragique destinée en Allemagne, Paris, éditions de l'Homme libre, , 379 p. (ISBN 978-2-912104-77-9).
- (de) Heinz Knobloch, Der arme Epstein : Wie der Tod zu Horst Wessel kam, Berlin, Ch. Links Verlag, , 224 p. (ISBN 978-3-86153-048-0, lire en ligne).
- (de) Imre Lazar, Der Fall Horst Wessel, Stuttgart, Belser Chr., , 200 p. (ISBN 3-7630-1194-3).
- (de) Russel Lemmons, Goebbels und der Angriff, Lexington, The University Press of Kentucky, , 172 p. (ISBN 0-8131-1848-4).
- (de) Thomas Oertel, Horst Wessel – Untersuchung einer Legende, Cologne, Böhlau Verl., , 202 p. (ISBN 3-412-06487-4).
- (de) Daniel Siemens, Horst Wessel. Tod und Verklärung eines Nationalsozialisten, Munich, Siedler, , 351 p. (ISBN 978-3-88680-926-4).
- (en) Daniel Siemens (trad. de l'allemand), The Making of Nazi Hero. The murder and myth of Horst Wessel, London/New York, I.B.Tauris & Co. Ltd, , 316 p. (ISBN 978-1-78076-077-3).
- (de) Ingeborg Wessel, Horst Wessel Im bild, Munich, Franz Eher Nachfolger, .
Liens externes
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